Dans le port d'Amsterdam, il n'y a pas que les marins qui dansent.
Si Amsterdam est aussi connue et visitée par les touristes du monde entier, c’est en partie pour son Quartier rouge, ou Red Light District (qui a même inspiré un dialogue culte de Pulp Fiction sur le « Royal with Cheese »). Quartier historique d’Amsterdam, la législation des Pays-Bas concernant le cannabis et la prostitution a fait de ses coffee shops et de ses vitrines, de véritables attractions touristiques. Le Red Light District attire donc de nombreux visiteurs, clients de ces établissements atypiques ou simple curieux trouvant, dans ces vitrines où l’on expose l’interdit, le dépaysement, l’étrange, l’insolite.
Parmi les 8000 prostituées que compte la ville, 3000 travaillent dans les vitrines aux néons rouges qui ont inspiré le nom du Quartier Rouge. Si s’exposer en petite tenue derrière la vitre constitue un appât pour les clients potentiels, cela attire également des masses de touristes intrigués. Malheureusement, l’étrangeté de la pratique aux yeux des curieux fait souvent oublier la réalité qui se trouve derrière. Dans cette étendue de coffee shops, de smart shops et de « live sex show », où tout semble autorisé, on s’imagine que chacun fait ce qu’il veut, en oubliant que trop de femmes dans le quartier n’ont pas voulu ce qu’elles font. La vitrine, en agissant comme un écran, donne aux travailleuses du sexe un statut de comédiennes, et conforte le passant dans un rôle de spectateur passif.
L’association Stop the Traffik a donc choisi d’utiliser la « scène » que sont les vitrines du Quartier Rouge pour exposer son message de la meilleure façon possible. Imaginez le Red Light District et ses touristes. Soudain dans une vitrine, les prostituées se mettent à danser, créant le spectacle. Amusés par le show, les curieux commencent à se rassembler autour du bâtiment, à applaudir avec entrain… Jusqu’à ce que s’affiche un message, la raison d’être de cette opération : « Chaque année, des milliers de femmes sont promises à une carrière de danseuse en Europe de l’Ouest. Malheureusement, elles se retrouvent ici. ». Les comportements changent alors brutalement. Les passants sont soudainement arrachés à leur passivité, et mis face à l’histoire de filles qu’ils observaient uniquement à travers le prisme de la vitrine, et des apparences de liberté totale du Quartier Rouge.
Cette opération de street marketing, signée par l’agence belge Duval Guillaume, utilise plus qu’efficacement l’effet de surprise et le retournement de situation, pour lutter contre l’exploitation sexuelle des femmes. Elle souligne le fossé qui existe entre la légalisation de la prostitution, et le libre choix de la part des femmes de se prostituer. En effet, une majorité de prostituées indique encore être dans ce milieu sous la contrainte. Les touristes touchés par l’opération sont ainsi pris en faute, de même que les internautes regardant la vidéo intitulée « Girls going wild in red light district » sans connaître le message que la fin dévoilera, et la soudaineté de la prise de conscience en accentue la portée. Un flagrant délit relayé sur Youtube, et qui fait un outil de communication sûrement plus efficace pour atteindre les consciences qu’une distribution de tracts dans les ruelles du Quartier Rouge.
Esther Pamart
Crédits :
* Agence Duval Guillaume
* http://nuwave-marketing.com
One thought
Absolument géniale cette campagne, et ce que je trouve le plus marquant dans la vidéo c'est l'expression du public à la fin… En la voyant, on se dit 1) Haha ils se sont fait avoir, 2) Mais en fait j'aurais été comme eux…
Je suis totalement d'accord, c'est bien plus efficace qu'une distribution de tracts!