MORGAN IS THE NEW CHIC
Avec l’hiver et la nouvelle année, il n’y a pas que nous qui prenons des (fausses) bonnes résolutions ; les marques profitent de cette période d’empathie et de bienveillance pour jouer la carte du relooking. Cette année, c’est Morgan qui s’y colle. En effet, la grande marque emblématique des années 90, créée par les sœurs Bismuth et rachetée par Beaumanoir suite à son dépôt de bilan en 2008, a entrepris de faire peau neuve et de renouveler son image de marque.
Souvent associée au monde de l’ « adulescence », cette période impalpable entre adolescence et âge mur, la marque Morgan se reconnaissait facilement grâce à son slogan « Morgan de toi » orné d’ un cœur rouge qui rappelle la sensibilité de l’adulescente ainsi que son désir de plaire et d’être sexy en toutes circonstances.
Alors que jusqu’à présent, la marque se contentait de « campagnes modestes, dans le simple but d’assurer une présence » selon les mots du directeur de marque Hervé Bailly, Morgan veut aujourd’hui frapper fort et propose une campagne « énergique et positive », qui renouvelle l’identité de la marque tout en revenant aux fondamentaux. « L’idée, c’est de finir de positionner Morgan quelque part entre les chaînes que sont H&M ou Zara et les marques que sont Maje ou Sandro, précise le directeur de marque. Mais nous voulons nous démarquer d’une forme de conformisme qui règne, dans l’offre et surtout dans l’environnement publicitaire. Chacun utilise les mêmes codes, du noir et blanc, des expressions identiques, jusqu’à rendre les campagnes interchangeables. Morgan ne doit surtout pas être passe-partout », conclut-il.
Ainsi, non seulement Morgan se propose d’incarner une mode spontanée et décomplexée, mais elle se veut aussi le chantre d’une nouvelle forme de publicité aux accents singuliers, en rupture avec les codes visuels habituels. C’est donc une triple rupture : à la fois dans l’utilisation des codes couleurs (adieu le sempiternel noir et blanc, Morgan fait exploser la couleur, aussi bien dans les décors de fond que dans les vêtements eux-mêmes), au niveau graphique avec un slogan qui devient l’élément principal de la publicité, en gros caractères, mais enfin et surtout au niveau symbolique avec un message clair qui n’est plus un simple faire-valoir mais un élément indispensable du message publicitaire : « Happy is the new chic ». Il ne s’agit donc plus de jouer sur la sensualité de la femme mais bien sur son bien-être psychologique : un vêtement n’est plus proposé pour l’image attrayante qu’il est censé renvoyer mais parce qu’il correspond à l’état d’esprit de la femme qui le porte. Morgan invite les femmes à rechercher l’épanouissement personnel dans la mode plutôt que la volonté de plaire et de paraître à tout prix. Un message qui fait effectivement tâche dans l’univers consensuel et superficiel de la mode.
La femme émancipée du XXIème siècle doit donc se reconnaître chez Morgan : une mode abordable mais exigeante, décomplexée mais tendance, spontanée mais séductrice. Le modèle, qui n’est autre que Hailey Clauson (égérie de Jill Stuart, Dsquared2 et Gucci et qui a défilé pour les plus grands – Calvin Klein, Louis Vuitton, Hermès, Dior, Miu Miu …) nous invite par son attitude pleine de fraîcheur et de spontanéité, au jeu et à la légèreté. La femme du XXIème siècle, c’est bien connu, n’aime pas se prendre la tête : la mode, en plus d’être un nouveau moyen d’expression et d’épanouissement est aussi un jeu à part entière, et en ceci elle n’est ni fixe ni conventionnelle. Un sentiment qui se retrouve quand on regarde le spot publicitaire de la marque, qui est à l’opposé d’une campagne haut de gamme comme celle de Prada (Fall/Winter 2012) qui met en scène des mannequins très figés.
Le spot MORGAN :
Le spot PRADA :
La campagne, signée Kids Love Jetlag, nouvelle branche de l’agence de publicité Fred & Farid, consacrée aux réseaux sociaux, a beaucoup fait parler d’elle, notamment de part sa ressemblance avec l’esthétique d’une campagne pour une autre marque qui a marqué les esprits, mais de manière moins positive. Il s’agit de la campagne publicitaire de Kookaï qui l’année dernière, utilisait déjà les mêmes codes (« X is chic », formule inconditionnelle de la presse féminine), la dimension polémique en plus.
Une campagne réussie pour Morgan, qui révèle un certain anticonformisme face aux diktats de la mode. Pour autant, je ne serai pas aussi catégorique : la marchandisation du bonheur commence par l’appropriation de ce sentiment proprement intime par l’univers de la publicité et plus largement par celui de la mode. Sans prendre le message au premier degré, on peut tout de même s’interroger sur les codes et préjugés véhiculés par le message : y’a-t-il encore seulement un « chic » en 2012, à l’instar du mantra popularisé par Vogue, « X is the new black » ? Le bonheur passe-t-il forcément par le vêtement ?
Cette campagne Morgan, qui surfe sur une nouvelle dynamique déjà initiée par Kookaï l’an dernier, n’est pas si révolutionnaire que cela dans l’image qu’elle propose de la femme et de son rapport au vêtement. Cependant, on attend toujours la campagne qui mettra d’accord les féministes et les puristes.
Laura Garnier
Sources :
Stratégie de marque #3 : Morgan, la résurrection ? sur Sémiozine
« Happy is the new chic » : la nouvelle campagne de pub de Morgan sur Made In Retail
MORGAN présente sa nouvelle campagne « Happy Is The New Chic » sur Générationnelles
One thought
Très bel article!