La NRA versus Chasse et Pêche
C’est un autre monde que l’on découvre si l’on s’intéresse de plus près au débat qui fait rage aux États-Unis concernant la vente libre des armes à feu. C’est aussi une histoire complexe et des entrelacements entre les différentes sphères qui régissent cette société, car c’est un débat politique, économique et financier, mais aussi sociétal. Le but n’étant pas ici de le résumer, de l’expliquer, ou de prendre parti, il est tout de même intéressant de constater les différences culturelles et communicationnelles entre la France et les États-Unis concernant l’univers des armes à feu.
Le 14 décembre dernier, la fusillade de Newtown a relancé le très vieux débat sur la vente libre et le port des armes à feu aux USA. Ou plutôt, ce tragique événement (le 25e en cinq ans) a multiplié sa visibilité à l’international, comme on peut le voir notamment dans les médias français. Des pétitions de part et d’autres du conflit fusent pour ou contre le « Ban guns », et le président Obama se voit obligé d’intervenir.
Mais si le puissant lobby américain des armes, la NRA (National Riffle Association) reste plutôt silencieux après la tuerie de Newtown, malgré une proposition de poster un policier armé devant chaque école, ce sont les partisans du second amendement qui font entendre leur voix. Les dernières vidéos sur la chaîne Youtube de la NRA datent en effet de la dernière élection présidentielle américaine ou de plus de huit mois . C’est en fait sur les réseaux sociaux que tout se passe. Des associations « pro guns » postent quotidiennement des vidéos et images qui parlent d’elles-mêmes. Ainsi pour exhorter les américains à les rejoindre, ces dernières proposent, comme National Association for Gun Rights (640 000 likes), de gagner 600 dollars d’ « Ammo » (munitions) en s’inscrivant (non gratuitement) à NAGR, ou de recevoir des cadeaux tels que des autocollants d’armes, des « flashlights » à insérer sur une arme et autres gadgets spécifiques. C’est une communication que nous n’avons pas l’occasion de voir en France. Et cette communication porte ses fruits puisqu’une autre association, I love my Gun Rights, créée le 28 décembre dernier, compte aujourd’hui plus de 165 000 fans et partisans de la pétition en faveur du second amendement de la constitution américaine. On y trouve des publications telles que « Click « like » if you love your gun! » ou encore « We don’t blame cars for drunk drivers, why do we blame guns for violent criminals? ».
Les militants ne se cantonnent pas à Facebook ou Twitter, mais, et c’est encore plus parlant, on peut voir sur le site américain The Atlantic Wire une compilation de clichés pour la plupart d’Instagram, prises pendant les fêtes de Noël, du cadeau reçu sous le sapin, avec des commentaires tel que « N’essayez pas d’entrer dans cette maison ». Des jeunes et moins jeunes Américains ont posé avec leur nouvelle arme devant le sapin de Noël. Ces photos ont fait l’objet de nombreux articles sur la toile commentés par des internautes français « choqués ». Ces photos révèlent en effet à quel point les armes à feu sont banalisées aux États-Unis, et font partie d’un quotidien loin du nôtre.
Si l’on devient curieux et qu’on visite le site officiel de la NRA, on est servi. Sans être naïf, le dépaysement est quand même conséquent. Les services proposés balayent tous les besoins d’un « porteur d’arme ». Un projet concernant une école intégrée à la NRA est en cours The National School Shield proposant un « Education And Training Emergency Response Program » (un programme d’éducation et d’entraînement en réponse à une urgence). Mais la NRA organise aussi des compétitions, des événements, des réunions de clubs, des packs séjours dans des hôtels dédiés au tir, des interventions de la mascotte NRA dans les écoles…
Et si l’on ne fait plus tout à fait attention aux bandes de publicités défilantes sur Internet, celles que l’on peut voir sur les sites américains, ou dans les journaux, sautent aux yeux d’un Français. C’est en effet assez atypique de voir un Père-Noël offrant des réductions sur toute arme achetée dans un magasin (notons que cette publicité en question se trouvait sur la page traitant de la fusillade de Newtown dans le journal Rock Hill Herald, qui a présenté ses excuses par la suite).
C’est aussi étonnant de voir, sur le côté de notre page internet, des publicités pour bouchons d’oreilles préservant l’audition de tout tireur.
Les lois françaises sur le port d’armes sont tellement réglementées et restrictives qu’elles ne sont pas connues de tous. Divisées en huit catégories d’armes, seules quelques unes sont autorisées à la vente, et encore, sous contrôles psychologique, judiciaire et pour une durée de détention déterminée. Mais les lois françaises sur la publicité pour les armes à feu sont encore plus restrictives que cela. Car les armes à feux de catégorie autorisée, « ne peuvent être proposées à la vente ou faire l’objet de publicité sur des catalogues, prospectus, publications périodiques ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image que lorsque l’objet, le titre et l’essentiel du contenu de ces supports ont trait à la chasse, à la pêche ou au tir sportif » selon la Loi n° 85-706 du 12 juillet 1985 relative à la publicité en faveur des armes à feu et de leurs munitions. Mais en plus de cela, ces publicités ne peuvent être envoyées ou distribuées qu’aux personnes qui en font la demande.
Voilà un secteur économique très profitable pour les États-Unis, et presque absent sur le sol français. Comme il est difficile pour les Américains de se départir de cet amendement datant de 1787, il serait tout autant ardu pour les Français de voir leur paysage publicitaire devenir un champ de bataille. L’arme fait peur, mais son image grand public presque plus. Enfin, pas à tous.
Pour en savoir plus sur la surmédiatisation de la tuerie de Newtown, rendez-vous demain avec Clémentine Malgras pour Irrévérences.
Marie-Hortense Vincent
Sources :
Didoune.fr
Le site de la NRA
Legifrance.gouv.fr
Bloomberg
Meltybuzz
La page Facebook de la NRA…
… et celle de la pétition anti-Ban Gun
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