Culture

La déprime à l’affiche

Faites le test : parlez de la 1ère Nuit de la déprime à quelqu’un et vérifiez qu’il répond bien : «ah oui, j’ai vu ça dans le métro, mais c’est quoi en fait ? ». Alors c’est quoi en fait cette Nuit de la déprime ?

Si nous sommes nombreux à avoir remarqué ces affiches c’est 1. Parce qu’il y en a dans presque toutes les stations de métro parisiennes, 2. Parce qu’elle n’est pas comme les autres publicités qu’on a l’habitude de voir.
Un dessin, voire un gribouillis, des couleurs gris-noir, trop de texte étalé partout: cette affiche ressemble à s’y méprendre au dessin d’un enfant. Mention spéciale au canapé et au chat, dont les traits grossiers auraient pu être réalisés lors d’une partie de Pictionnary. Et pourtant, c’est bien cette médiocrité assumée qui attire l’œil et l’attention. Dans un univers publicitaire où règne la perfection, le souci du détail et l’esthétique, une telle affiche ne peut que se démarquer. Elle n’est pas sans rappeler les pubs cinéma des assureurs militants Maïf qui, en représentant monsieur et madame tout le monde en bonhomme bâtons, souhaitent s’adresser au plus grand nombre. C’est le message que fait passer l’affiche : on a tous le droit de déprimer, hommes ou femmes, petits et grands. C’est mieux d’être triste à plusieurs, rassemblés autour d’un même évènement.

Et si on assumait de déprimer ?

Si on ne comprend pas tout de suite de quoi il s’agit, c’est 1. Parce que la profusion de textes noirs sur l’affiche rend l’information moins visible, 2. Parce qu’un tel évènement est peu courant,
« A quoi sert de courir après le bonheur alors que la déprime est à portée de main ? ». Drôle de paraphe encore une fois pour promouvoir un évènement  Proposée par Raphaël Mezrahi, cette soirée aux Folies Bergères a pour but de servir de « pieds-de-nez à la morosité ambiante », comme il l’explique lui-même. Contrairement aux nombreux magazines féminins ou à Lorie, l’humoriste ne nous propose pas d’adopter la « positive attitude », mais bien de se complaire dans un état de déprime et de partager ce moment. Et si c’était le moment de philosopher sur cette « morosité ambiante » ? La question est de savoir si nous subissons bien la société individualiste dans laquelle nous évoluons, et la perte de sens qui s’en suit, à laquelle croient nombre de philosophes, notamment Jean Baudrillard. Maintenant il faut choisir : être triste et déprimé du monde dans lequel nous vivons, ou rire (même jaune) de la situation et ne pas se prendre au sérieux, comme le propose Raphaël Mezrahi.

Au-delà de la question sociétale (oui rien que ça !) que soulève cette affiche, on ne peut que saluer un coup de com’ évènementiel bien maîtrisé. Associer à l’évènement des marques notoires, telles que Kleenex et Nutella, ou Ben&Jerry’s pour le côté Bridget Jones, est un pari réussi et surprenant. Ces marques ont accepté d’être les symboles des moments de déprime. Plutôt que de subir une réputation construite dans les films, elles assument leur rôle de remontants et se montrent présentes dans les moments difficiles de notre vie. Elles sont de plus bien mises en valeur, en couleurs sur une affiche à dominante noir et blanc. Bref, c’est le combo gagnant ! Et ce qui est vrai pour les marques l’est aussi pour les artistes participants à l’évènement, parmi lesquels Véronique Sanson, Catherine Lara, Thomas Dutronc, Alain Chamfort et Enrico Macias. En effet, c’est la crème de la chanson française qui sera présente pour nous chanter leurs chansons tristes. Car les musiques déprimantes font un peu partie de notre patrimoine national. Si Barbara et Brassens pouvaient interpréter « Dis, quand reviendras-tu » ou « Il n’y a pas d’amours heureux », la fête battrait son plein !

Alors rendez-vous le 18 Février pour une triste soirée !

 
Agathe Laurent
Sources :
Les Folies Bergères
Sortir à Paris

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