S'éclairer au nucléaire
Pétitions, polémiques, peurs. Trois P associés au nucléaire dans sa représentation médiatique. Mais plus on creuse sa réalité, plus on constate que cette méconnaissance craintive est particulièrement la conséquence d’une mauvaise communication. A défaut d’un décryptage par l’aval, expliquons par l’amont : lumières sur le nucléaire.
Fukushima : l’espace du risque plaide coupable
Une centrale nucléaire produit de l’électricité à partir de vapeur d’eau qui entraîne des turbines et un alternateur. La production de vapeur est assurée par la réaction en chaîne de fission nucléaire, que l’on peut modérer par adjonction d’acide borique à l’eau du circuit primaire ou par abaissement de barres de contrôle dans la cuve.
Ces barres de contrôle ont été automatiquement abaissées lors du séisme survenu à Fukushima, en 2011. Les réacteurs à l’arrêt devaient cependant être refroidis mais le tsunami a détruit les moteurs en contre bas qui assuraient ce refroidissement grâce à de l’eau puisée et rejetée – eau non-contaminée – dans la Mer grâce à un passage dans un échangeur thermique. Le problème : sans refroidissement, l’eau du circuit primaire se vaporise dans la cuve. Par conséquent, les crayons combustibles contenant les pastilles d’uranium radioactif qui doivent être immergées dans l’eau afin de contenir la réaction en chaîne ne le sont plus. Les crayons, constitués d’un alliage de zirconium, réagissent alors avec cette vapeur d’eau en formant de l’hydrogène, gaz explosif. La température anormalement élevée suffit à enflammer le mélange gazeux, entraînant la destruction de la cuve et de son enceinte de confinement en béton, libérant ainsi dans l’atmosphère un panache de radioéléments. Les crayons fondent ensuite en un magma – corium – qui s’accumule et perce le fond de la cuve.
On constate l’inefficience de l’espace du risque des moteurs d’urgence car on a mal anticipé le risque de tsunami qui les immergerait : la catastrophe est bien d’origine structurelle. Pour une prévention en aval, malgré les qualités indéniables du zirconium, la recherche travaille pour concevoir une matière plus infaillible. De plus, en récupérant l’eau radioactive du circuit primaire en attente de décontamination on fait face à l’absence de station de traitement d’eau radioactive. Des centaines de barils d’eau contaminée s’entassent : l’état liquide contient la radioactivité à l’inverse de l’état gazeux qui permettrait à la radioactivité de s’échapper au gré du vent. Pour éviter l’infiltration de l’eau radioactive, le sol est gelé en attente de solution. Areva avait pour projet une station de décontamination, mais trop coûteuse, celui-ci a été avorté.
Trois piliers essentiels
Une grille de lecture face aux articles qui circulent.
- Distinguer EXPOSITION et CONTAMINATION
L’exposition : la source radioactive est externe au corps qui subit ces rayons ionisants (gamma, X, UV). D’où l’importance du dosimètre pour les salariés : cela permet de mesurer, contrôler et ainsi limiter l’exposition.
La contamination peut être externe, plus aisément remédiable (particules radioactives en contact avec le corps) qu’une contamination interne (ingestion des particules).
Le problème étant que lors d’une dense exposition et surtout lors d’une contamination, les éléments radioactifs modifient la formule sanguine et le corps produit ainsi des anticorps contre lui-même, ce qui peut-être mortel (exemple de Marie Curie).
Solution en aval lors d’une contamination ? Face au rejet massif d’iode radioactif lors d’un accident nucléaire, la thyroïde peut s’en imbiber. Or, une prise d’iode stable en amont sature la thyroïde permettant d’éviter cela. Cependant, les autres organes n’en sont pas plus épargnés. Radioprotection en amont est donc maître mot.
- La DUREE DE VIE d’une centrale
C’est la durée de vie de la cuve où se situe le combustible nucléaire qui impose celle du réacteur car la paroi s’abîme sous le coup de l’ionisation permanente et elle est irremplaçable. En 2014, l’Autorité de Sûreté Nucléaire a mené 381 inspections dans les centrales, dont 28 % de façon inopinée. Contrairement à ce qu’on peut lire, la transparence des contrôles est constatable à travers ses rapports disponibles en ligne. Tous les dix ans a lieu une visite décennale qui permet ou non d’accorder l’exploitation du réacteur une décennie supplémentaire.
Solution ? Les nouveaux réacteurs de type EPR ont une durée de vie théorique de 70 ans et, bien que coûteux sur le court terme, restent avantageux sur le long terme. De plus, les EPR, contrairement aux réacteurs français actuels, peuvent fonctionner avec 100% de MOX (déchets radioactifs recyclés en pastilles de combustible nucléaire) et sont conçus afin que le corium ne puisse pas, en cas d’accident, percer la cuve.
- La gestion des DECHETS radioactifs
Véritable source d’inquiétude : si 96% des déchets nucléaires sont recyclables (MOX), 4% ne le sont pas et sont parmi les plus dangereux. Chaque année, une partie du combustible nucléaire des réacteurs est renouvelée. Le combustible usé est plongé dans l’eau 15 ans en moyenne (La Hague site d’Areva) durant lesquels il va se refroidir puisque la réaction en chaîne se perpétue. Ils sont ensuite conditionnés puis enterrés (confinement de Bure) jusqu’à ce qu’ils deviennent stables, soit n’émettent plus de rayonnements radioactifs, et pour certains cela durera des milliers d’années.
Le problème étant les fuites à cause de la déficience des matières choisies permettant le confinement. C’est un objet de recherche aujourd’hui.
Médecine nucléaire : un mariage qui vous veut du bien
Sans la radioactivité, la médecine perdrait un grand pouvoir d’action. De la radiologie au traceur radioactif, ou encore de la radiothérapie à la radio-immunologie elle est essentielle. La curithérapie par exemple (branche de la radiothérapie) est représentative puisqu’elle permet de soigner le cancer du col de l’utérus, de la prostate, ou du sein grâce à un positionnement précis du rayonnement qui permet de réduire le champ d’exposition en épargnant les tissus sains alentours.
Et si vous avez la banane, il est bon de savoir que la radioactivité n’est pas un danger en elle-même mais un processus de transformation : la banane contient du potassium radioactif qui, en se désintégrant dans notre corps, devient de l’argon (gaz) ou du calcium !
Et vous, pensez-vous que c’est le doxique qui est toxique dans tout ça ?
Allison LEROUX
Sources :
Site de la Sfen – Durée de vie d’une centrale : http://www.sfen.org/fr/le-blog-des-energies/40-ans-et-au-dela-cest-possible
Site de la Sfen – Les autres utilisations du nucléaire : http://www.sfen.org/fr/lenergie-nucleaire/les-autres-applications-du-nucleaire
Site de l’ASN – Effets des rayonnements ionisants : http://www.asn.fr/Informer/Dossiers/Les-effets-des-rayonnements-ionisants
Site de l’ASN – Gestion des déchets radioactifs : http://www.asn.fr/Informer/Dossiers/La-gestion-des-dechets-radioactifs
Fiche de l’ASN PDF – Les principes de la radioprotection : http://www.asn.fr/Informer/Publications/Fiches-d-information-du-public/Les-principes-de-radioprotection
Fiche de l’ASN PDF – Les situations d’urgence nucléaire : http://www.asn.fr/Informer/Publications/Fiches-d-information-du-public/Les-situations-d-urgence-nucleaire
Fiche de l’ASN PDF – 6 réflexes pour bien réagir : http://www.asn.fr/Informer/Publications/Fiches-d-information-du-public/Brochure-d-information-Les-6-reflexes-pour-bien-reagir
Site de l’IRSN – Qu’est-ce que la radiothérapie ? http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Sante/applications-medicales/radiotherapie/radiotherapie-generalites/Pages/sommaire.aspx
Site de l’IRSN – Prise d’iode stable – Mettre fin aux idées reçues : http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Sante/radioprotection/situation-urgence/Pages/idees-recues-iode-stable.aspx
Site de l’IRSN – Les leçons tirées par la France de l’accident nucléaire à Fukushima : http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/accident-fukushima-2011/fukushima-2016/Pages/7_lecon-France-fukushima-2016.aspx?dId=a4c10d10-3eb2-4f22-abe4-f2e1390f8278&dwId=e54a8fba-14b7-402c-b39c-a81eec4df160
Site de l’IRSN – Information sur le nucléaire, entre secret et transparence : http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Nucleaire_et_societe/expertise-pluraliste/debats/Pages/3-nucleaire-secret-transparence.aspx
Site de l’IRSN – Faut-il encourager les chercheurs à vulgariser ? http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Nucleaire_et_societe/expertise-pluraliste/debats/Pages/20-vulgarisation-scientifique.aspx
Site de l’IRSN – Regards croisés : société civile et expert : http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Nucleaire_et_societe/expertise-pluraliste/debats/Pages/7-debat-societe-civile.aspx?dId=b2ac4afe-ab25-4376-a1ec-e633d8cee49f&dwId=e1445010-b6d4-4b73-91ad-122400d00e3c
Site de l’IRSN – Comment répondre aux français face au risque nucléaire ? http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Nucleaire_et_societe/expertise-pluraliste/debats/Pages/14-preoccupations-Francais-risque-nucleaire.aspx
Site de l’ASN – Des dossiers pour s’informer et aller plus loin : http://www.asn.fr/Informer/Dossiers
Site de la Sfen – Le combustible nucléaire : http://www.sfen.org/fr/lenergie-nucleaire/le-combustible-nucleaire
Rapport de sûreté nucléaire : Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2014, p. 148
Crédit images :
De Panafieu et Revenu, Nucléaire, pour quoi faire ? Gulf stream éditeur, et toc !
Physagreg.fr
Ledacademy.fr
IRSN.FR