Le règne de la « petite phrase »
Le 28 Novembre dernier, lors d’un discours dans une université burkinabée, le président Emmanuel Macron crée la polémique en tenant des propos maladroits au président du Burkina Faso, Roch M.C. Kaboré. Simple erreur de communication ou humiliation volontaire, la question a depuis agité l’opinion.
« Pourquoi il s’en va ? Reste là ! »
En visite au Burkina Faso, le président Macron s’est en effet rendu dans une université aux côtés du président Kaboré pour y rencontrer les étudiants, et leur présenter la ligne politique de la France vis-à-vis de l’Afrique pour la suite de son mandat présidentiel. Un jeu de questions-réponses s’installe alors avec les jeunes Burkinabés, jeu au sein duquel Macron se prête aisément en s’adonnant à des petites blagues. Mais au bout d’une dizaine de minutes de discours, une question quant au rôle de la France face au problème de l’électricité dans les infrastructures du pays est adressée au chef de l’État. Emmanuel Macron y répond alors de la manière suivante : « Interrogez vous sur le sous-jacent psychologique qu’il y a derrière votre interprétation et l’enthousiasme que ça a créé. Vous me parlez comme si j’étais toujours une puissance coloniale. Mais moi je ne veux pas m’occuper de l’électricité dans les universités au Burkina Faso. C’est le travail du président ». Sourire aux lèvres, attitude enjouée face aux applaudissements et au brouhaha émanant de la salle, le président français ne semble pas se rendre compte du poids des mots qu’il vient d’employer. Au même moment, le président burkinabè se lève et sort de la salle. Mais Emmanuel Macron surenchérit et interpelle son congénère « Pourquoi il s’en va ? Reste là ! (rires) Du coup il est parti réparer la climatisation ».
Une sortie de route parmi d’autres
S’agit-il là d’un incident diplomatique ? La question a fait amplement débat auprès des médias et des opposants au président français. Considéré par certains comme hautement méprisant à l’égard du président Kaboré, Nicolas Dupont Aignan le qualifie dès lors « d’une arrogance et d’une violence à l’égard des autorités du Burkina Faso » lors d’une interview donnée le 29 Novembre à l’antenne d’Europe 1. Cependant, selon les autorités françaises, les journalistes sur place et les conseillers du président Burkinabé, le départ du président Kaboré lors du discours n’aurait rien eu à voir avec les propos tenus par Macron. Roch M. C. Kaboré se serait simplement éclipsé hors de la salle pour se rendre aux toilettes, escorté de son personnel de sécurité. Les différentes instances ont ainsi démenti en chœur le qualificatif « d’incident diplomatique » délivré par quelques médias.
Mais quand bien même Emmanuel Macron n’aurait pas volontairement humilié son condisciple africain, ce n’est pas la première fois depuis son arrivée au pouvoir – en tant que ministre puis président – qu’il nous offre une sortie fracassante de la sorte. Son impulsivité l’avait déjà mené à plusieurs reprises à ce genre de discour condescendant. On se rappelle notamment de l’affaire du « costard », à Lunel dans l’Hérault au mois de Mai 2016, ou encore celle des « illettrés de chez GAD » qui remonte à l’année 2014. Autre sortie de route à Athènes le 7 Septembre dernier, cette fois-ci en tant que chef de l’État, lors d’un discours concernant la réforme du travail dans lequel Macron avait annoncé qu’il serait « d’une détermination absolue, je ne céderai rien, ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes ».
Une communication présidentielle à revoir ?
Ce n’est donc pas la première fois que Macron se heurte aux conséquences du phénomène de la « petite phrase ». Cette formule empruntée à Frédéric Pommier dans son ouvrage Paroles, paroles. Formules de nos politiques, nous renvoie à ces petites phrases prononcées malencontreusement par nos politiques ayant un impact immédiat auprès du public. Le « Casse toi pauvre con » de Nicolas Sarkozy ou la réplique « Pour se payer un costard il faut travailler » d’Emmanuel Macron participent donc de ces petites phrases qui se muent en formules « choc », lesquelles collent au politique durant l’intégralité de sa carrière.
La multiplication des répliques condescendantes de Macron au fil des années pourrait dès lors lui porter préjudice pour la suite de son mandat. Il serait ainsi préférable qu’il prête davantage attention à ne pas paraître méprisant et méprisable aux yeux des français, en réitérant ce genre de sorties de route. Par ailleurs, son élitisme est déjà fortement critiqué avec tout ce mythe du président Jupitérien qu’il monte de toute pièce depuis son arrivée à l’Élysée. Face à cette succession de couacs et de critiques ainsi qu’à une forte chute dans les sondages, la communication présidentielle ne serait-elle pas à revoir ? Il semblerait que le président et ses équipes travaillent déjà sur la question depuis la rentrée Septembre, avec notamment la nomination du journaliste Bruno Roger-Petit comme porte parole du gouvernement, véritable signe de remaniement de la communication du président.
Pauline Gosalbez
Crédits photos :
Photo 1 : Emmanuel Macron le 28 Novembre 2017 à Ouagadougou. Ó Le Point
Photo 2 : Emmanuel Macron, le 7 septembre 2017 à Athènes. Ó Photo Ludovic Marin. AFP
Sources :
http://www.leparisien.fr/politique/emmanuel-macron-remanie-sa-communication-30-08-2017-7222515.php
http://www.dailymotion.com/video/x6arj55
Frédéric Pommier, Paroles, paroles : Formules de nos politiques, Paris, Éditions du Seuil, 16 février 2012, 208 p. ISBN 978-2-02-105660-0.
One thought
Cet article est un peu vide de contenu et est très convenu avec de nombreux raccourcis, on avait était habitué à mieux !