H&M dans le viseur des internautes
L’année 2018 n’aura pas attendu longtemps pour nous offrir un premier bad buzz. Et la première victime n’est autre qu’H&M, épinglée par les internautes après avoir publié des photos de sa nouvelle collection. Les réseaux sociaux ont une nouvelle fois montré l’ampleur de leur puissance pour faire plier un géant du prêt-à-porter. Du côté d’H&M, difficile de croire que l’enseigne s’en sortira s’en y laisser des plumes.
Cet article n’a pas vocation à justifier le comportement de la marque, ni à juger, aussi bien H&M que les réactions des internautes. Il se veut neutre et cherche simplement à mettre en lumière un type de dérapage de plus en plus fréquents et les conséquences que ceux-ci peuvent avoir pour les marques.
H&M au cœur de la tourmente
Difficile de se réveiller lundi 8 janvier 2018 en passant à côté de l’information. L’image a fait le tour des réseaux sociaux, et les réactions ont été pour le moins virulentes. L’image en question ? Un jeune enfant noir portant un pull sur lequel on pouvait lire : « Coolest monkey in the jungle », comprenez, « Le singe le plus cool de la jungle ». En parallèle, on peut trouver un autre visuel, mettant en scène cette fois un jeune garçon blanc, dont le pull nous dit : « Survival expert », soit, « expert en survie », toujours en référence à la jungle. Ces deux visuels ne sont pas des images anodines mais bien des photos du shooting de la nouvelle collection d’H&M.
La mannequin Stephanie Yeboah est la première à réagir sur Twitter : «Qui a eu l’idée chez H&M de faire porter à un petit garçon noir un sweat-shirt où il est écrit «le singe le plus cool de la jungle»?». Il n’en a pas fallu plus pour enflammer la toile, les internautes ont immédiatement accusé la marque de racisme et appelé au boycott. Un magasin de l’enseigne a même été détruit en Afrique du Sud par des internautes en réaction à ce bad buzz.
Rapidement, plusieurs personnalités afro-américaines ont réagi pour dénoncer le visuel d’H&M : LeBron James, Romelu Lukaku ou encore P. Diddy. Le rappeur ira même jusqu’à proposer un million de dollars au jeune mannequin noir pour que celui-ci pose pour sa marque. Terri Mango, la mère du mannequin a refusé la proposition et s’est également exprimée sur les réseaux sociaux en demandant aux internautes d’ « arrêter de crier aux loups ». Terri Mango défend la marque de prêt-à-porter, attestant de sa présence lors de chacun des shootings et affirmant qu’il n’y avait aucune volonté de se montrer raciste, qu’il s’agissait uniquement d’une photo parmi les tant d’autres qui ont été prises. Loin d’apaiser les tensions, cette prise de parole lui a valu de nombreuses insultes de la part des internautes.
En réaction au scandale grandissant, H&M a retiré la photo de tous ses supports, a rappelé tous les pulls en question et a présenté ses excuses.
L’ère du vraisemblable
« Sur les réseaux sociaux, ce n’est pas ce qui est vrai qui est important, mais ce qui est vraisemblable », affirme Nicolas Vanderbiest, chercheur et spécialiste des crises 2.0. H&M est-elle une marque raciste ? Peut-être. Ou bien cette photo n’est-elle que le fruit d’une maladresse ? Possible. Mais ce qui compte ici, ce n’est pas tant la vérité que le fait que la marque semble rabaisser la communauté noire volontairement et se positionne sur un discours raciste provocant pour « faire le buzz ». Les internautes se chargent de faire le procès de l’enseigne et de délivrer leur jugement.
Des égéries noires d’H&M telles que Jesse Williams, G-Eazy ou encore The Weeknd ont immédiatement annoncé avoir mis fin à tous leurs contrats avec la marque de prêt-à-porter. Non pas parce que la marque a pu se montrer raciste envers eux lors de leurs collaboration, mais parce qu’il est vraisemblable que la marque porte des valeurs racistes. Pas besoin de plus que la vraisemblance pour pousser des célébrités à se désengager immédiatement et protéger, par extension, leur propre image.
Vers une exemplarité des marques ?
A l’ère des réseaux sociaux et du politiquement correct, les marques sont scrutées et ne peuvent se permettre de faire un pas de travers sans en payer les conséquences. Fast’N’Curious publiait il y a peu un article analysant le phénomène de « censure citoyenne » et s’interrogeait sur ses effets, aussi bien bénéfiques que pervers. Les marques, peu importe leur puissance, sont de plus en plus vulnérables face à des consommateurs qui attendent d’elles des comportements plus éthiques. Certains s’en féliciteront, d’autres regretteront la puissance de ce qu’ils appellent la « police de pensée ». Nous vous laissons en juger.
Beaucoup s’accordent à dire que la publicité est le reflet ou le miroir de la société dans laquelle elle s’inscrit. Or, cette société qui est la nôtre évolue, les attentes changent et certains discours ne sont plus acceptés comme ils pouvaient l’être auparavant. On a pu voir, fin 2017, à quel point l’Affaire Weinstein a cristallisé l’attention sur tous les actes discriminant les femmes, y compris dans le discours publicitaire. Pour autant, la publicité peut profiter de son influence pour accompagner le changement de la société et l’évolution des mentalités.
Certaines marques s’y attellent déjà en prônant la diversité dans leurs visuels, à l’image de Benetton qui, dans sa dernière campagne, met en scène des enfants de 13 nationalités différentes. Ou encore Nike, dont on ne compte pourtant plus les procès liés à l’éthique, qui a commercialisé le premier Hijab de sport à l’intention des femmes sportives de confession musulmane. Bien sûr, on pourra toujours reprocher aux marques de ne faire cela que pour soigner leur image et augmenter leur gain, il n’empêche que cela banalise (au sens mélioratif du terme) les différences au lieu de pointer du doigt des minorités.
Nicolas Morteau
photo 1 : Unilad
Crédit photo 2 : Huffington Post
Sources:
Bertel, Emeline, Huffington Post : H&M fait porter un pull à message à un enfant noir et les internautes s’enflamment, publié le 8 janvier 2018, consulté le 20 janvier 2018
V. J., 20 Minutes, The Weeknd stoppe sa collaboration avec H&M après la polémique raciste, publié le 9 janvier 2018, consulté le 20 janvier 2018
RTBF, « Coolest Monkey in the jungle » : H&M présente ses excuses pour une photo polémique, publié le 8 janvier 2018, consulté le 20 janvier 2018
P.P., Le Parisien, L’enseigne H&M contrainte de retirer une photo jugée raciste, publié le 8 janvier 2018, consulté le 20 janvier 2018
Le Point, H&M : polémique autour d’une photo jugée raciste, publié le 8 janvier 2018, consulté le 20 janvier 2018
One thought
Des Egéries noires d’H&M telles que « G-Eazy »… Alors il faudra surement revoir le terme noir.