Politique

« Welcome war criminals »

« Welcome war criminals ! » Tels étaient les mots peints sur le torse des Femen afin d’accueillir les chefs d’Etat et lancer la cérémonie de commémoration du 11 novembre et du centenaire de la paix à Paris. Celles-ci se sont introduites sous l’Arc de triomphe le 10 novembre et l’une d’elles a également fait une apparition le jour J portant le mot « hypocrisy » peint sur sa poitrine sous le regard des caméras et du monde entier. Entre invités scandaleux et récupération politique, l’hypocrisie semblait en effet être de mise lors de ces commémorations.

« Fake peacemakers, real dictators »

« La France célèbre la paix avec cette cérémonie mais la moitié des chefs d’Etats invités sont responsables de la plupart des conflits dans le monde », a déclaré à l’AFP Constance Lefèbvre, militante Femen. Donald Trump, Vladimir Poutine, Recep Tayyip Erdoğan, Mohammed ben Salmane , autant d’acteurs d’un spectacle qui ne divertit qu’eux-mêmes. Leur seule présence suffisait au scandale.
Leur responsabilité n’est plus à prouver dans les conflits actuels, ignorés de tous.
Le fait d’inviter ces chefs d’Etat, additionné à la volonté d’Emmanuel Macron de créer un forum de la paix qui se tiendrait chaque année revient à nier ces conflits eux-mêmes, à les occulter de nos mémoires alors même qu’ils ont toujours lieu.
Joseph Zime, directeur général de la mission du centenaire de la Première Guerre mondiale, résume la situation en déclarant que le monde, cent ans plus tard, est toujours aussi instable et divisé. Nos mémoires ne peuvent pas exclure cette vérité : le souvenir est essentiel, mais rien ne peut être oublié, ni la boucherie qu’a été cette guerre, ni la suivante, ni tous les conflits qui persistent aujourd’hui et que l’on tait.
Les populations civiles, qui en sont les premières victimes (qu’elles soient au Yémen, en Afghanistan ou en Ukraine), aspirent à une réelle paix, et doivent donc elles aussi entrer dans nos mémoires pour y parvenir.

« Souvenons-nous… »

En tant que Président du pays d’accueil de ces commémorations et à travers la rhétorique utilisée lors de son discours, Emmanuel Macron se place comme le garant de la paix et des valeurs françaises.
« J’ai arpenté les terres de France », affirme-t-il notamment. En employant la première personne dans différents passages, le président s’implique directement et intimement dans l’histoire française tout autant que dans le devoir de mémoire. L’anaphore « j’ai vu » le place ainsi comme acteur de ces mémoires, proche des populations et des territoires, victime lui-même des désastres de la guerre et, dès lors, soutien de la paix.
L’injonction à la mémoire présente dans ce même discours porte davantage sur une mémoire des valeurs françaises que des soldats, de la boucherie de la guerre ou de la construction de la paix. En effet, le discours prend une teinte bien plus politique incriminant le nationalisme, le plaçant comme ennemi premier du patriotisme, dénoncé comme « trahison ».
Ce discours qui devait célébrer la paix est en réalité devenu un champ de bataille politique dirigé à l’encontre de certains invités, notamment Donald Trump.
Cette attaque n’a pas été sans suite : le locataire de la Maison Blanche y a répondu de manière virulente depuis son compte Twitter quelques jours plus tard, parachevant son attaque directe par un « ……MAKE FRANCE GREAT AGAIN! » en lettres capitales.

Une opération de communication visuelle ?

« Le président des Etats-Unis, s’il s’est retourné dans sa voiture, a pu voir une femme avec les seins nus […]. Ça n’est pas une arme de destruction massive, sauf peut-être pour Adam et Eve », a relativisé le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, ajoutant que cette militante ne représentait aucune menace pour le cortège car désarmée. Pourtant, d’une certaine manière, elle l’était. « Nos seins sont nos armes, ils sont notre étendard », avait déclarée une militante Femen en 2013. Etendards qui clament leurs couleurs dirigées contre le patriarcat et l’oppression politique et portent leurs idées résumées en slogans choc.
En utilisant leur corps comme média et comme objet de lutte, les Femen cherchent à se l’approprier en l’exhibant dans une société où la nudité est prohibée, ce qui participe à la forte médiatisation de leur message. Dès lors, cet acte de  « communication visuelle », comme le nomme Christophe Castaner avec la charge péjorative de cette formulation, leur aura permis d’atteindre un public (physique, télévisuel, sur Internet etc.) énorme en direct et aura eu de nombreuses retombées dans la presse.

Les commémorations : un triste spectacle qui « ne divertit que les criminels qui y ont participé ».

Le message principal des Femen tient dans ces simples mots, qui dénoncent la présence des chefs d’Etat ainsi que la dimension spectaculaire des commémorations qui ne consistent qu’en une récupération politique d’un événement national. La notion de « société du spectacle » théorisée par Guy Debord dans toute la dimension de domination qu’elle porte, est ici applicable au domaine du politique et de la mémoire. Les commémorations ne représenteraient alors qu’une scène où se confrontent les enjeux politiques, et les questions de domination entre les nations.

Source :
https://twitter.com/realDonaldTrump
https://www.marianne.net/monde/mort-d-ouvriers-manifestation-reprimee-l-aeroport-de-la-honte-d-erdogan
https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/tensions-entre-l-arabie-saoudite-et-l-iran/complots-purges-guerre-mohammed-ben-salmane-l-itineraire-d-un-prince-a-la-main-de-fer_2991881.html
https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/centenaire-de-larmistice-au-forum-pour-la-paix-macron-et-merkel-mettent-en-garde-le
https://www.liberation.fr/france/2018/11/11/centenaire-de-l-armistice-trois-femen-forcent-la-securite-au-passage-du-cortege-de-trump_1691379
https://www.rtbf.be/info/societe/detail_le-chat-que-representent-les-militantes-femen-en-belgique?id=7980793
https://www.courrierinternational.com/article/diplomatie-11-novembre-le-symbole-des-nouvelles-divisions
https://www.courrierinternational.com/article/vu-des-etats-unis-entre-macron-et-trump-la-bromance-fait-pschitt

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