Société

Déballé, remballé, posté sur eBay

La période des fêtes touche à sa fin et bientôt nous regretterons les illuminations, les marrons ou le vin chaud dans les rues, les marchés de Noël et patinoires des centres ville, songeant presque à décembre prochain et toute cette merveilleuse « ambiance de Noël » chargée de féérie et accompagnée de son pic de consommation annuel. Si nous avons passé des heures à fouiner dans les boutiques à la recherche DU cadeau pour nos proches, celui-ci a une probabilité de plus en plus grande d’être revendu à peine déballé.

Penchons-nous sur ce phénomène qui se banalise de plus en plus au sein de ce rituel.

Une tendance numérique qui bouleverse nos sociétés ?

Ce nouveau rapport aux cadeaux est apparu avec le moyen lui permettant d’exister : internet. Martyne Perrot, dans Le Cadeau de Noël. Histoire d’une invention montre que l’apparition récente du web modifie peu à peu le rapport au présent. Ainsi cette année, eBay France a atteint pas moins de 800 000 nouvelles annonces entre le 25 et le 26 décembre soit 13% de plus qu’en 2017. Cela montre l’effritement d’une norme : les fêtes sont habituellement le théâtre du traditionnel échange de cadeaux au pied du sapin. Cette cérémonie totalement ritualisée est pour le sociologue Théodore Caplow si importante qu’elle pourrait être centrale dans l’étude de notre société. Ses propos se fondent pour partie sur l’étude du sociologue Marcel Mauss, qui dans son Essai sur le don montre les systèmes d’échange de présents comme un des « rocs humains sur lesquels sont bâtis nos sociétés », et qui présentent trois dimensions : l’obligation de donner, de recevoir et de rendre.

Ces trois actions sont à la fois volontaires et obligatoires, les refuser serait sortir du système et ne pas se lier à l’autre.

Avec le phénomène de revente en hausse, nous observons que cette pratique n’est plus un tabou et que c’est la norme d’acceptation des cadeaux qui est largement remise en cause.

La revente de plus en plus massive est peut-être le fruit d’une consommation accrue et qui ne cesse de croître d’année en année. Le don appelant le contre-don (sous peine d’être redevable ou soumis socialement) génère un cycle de consommation devenu courant et ainsi l’émergence des wishlists de Noël sur YouTube, ou des swaps, ou les Secret Santa avec des personnes qui n’appartiennent pas toujours au cercle familial, auquel étaient habituellement réservés  les cadeaux de Noël.

 

La revente, une conséquence logique

La surenchère du cadeau de Noël a été un facteur déterminant dans l’émergence de nouvelles pratiques commerciales. On voit apparaître alors, dès le XIXème siècle, différentes innovations qui perdurent encore de nos jours : les catalogues qui soulignent les tendances du moment, les affiches publicitaires avec les premiers personnages incarnant Noël, l’empaquetage systématique du présent avec du papier cadeau, ou encore l’instauration des premières vitrines animées des grands magasins. Cette revente en est peut-être l’un des symptômes ou une des conséquences, puisque les français sondés indiquent « refiler » pour augmenter leur pouvoir d’achat ou simplement acheter un autre bien.

Le rituel d’échange des cadeaux de Noël a toujours une place centrale dans la société. Créateur de lien, et conçu comme un réel moyen de communication porteur de sens entre individus, son rôle social n’est plus à démontrer. Toutefois les évolutions de sa réception dévoilent l’évolution du rapport que nous entretenons avec celui-ci, preuve d’une société plus individualiste.

Sources:

Stéphane Courant, « Martyne Perrot, Le cadeau de Noël, Histoire d’une invention », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, 2013, mis en ligne le 28 octobre 2013, consulté le 27 décembre 2018.

Marcel Mauss, Essai sur le don, 1925

https://www.ouest-france.fr/societe/fetes/noel/revendre-ses-cadeaux-de-noel-sur-internet-devient-monnaie-courante-6149718

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