Politique

Le divorce des Républicains et d’Alain Juppé, que reste-t-il de la droite de Chirac ?

Alain Juppé, maire de Bordeaux et ancien premier ministre de Jacques Chirac, a désormais mis fin à quarante-deux années d’adhésion au parti de droite. Il avait affirmé à plusieurs reprises ne « plus être en accord avec la ligne de l’actuel président des Républicains, Laurent Wauquiez », soit une « droite qui s’assume ». Si son départ n’est donc pas surprenant, il relance la polémique du virage des Républicains vers une droite de plus en plus clivée.

Le départ de l’ancien premier ministre s’explique par deux grands faits. D’une part, la vision et la personnalité de Laurent Wauquiez, avec qui Alain Juppé n’aura jamais trouvé d’atomes crochus. D’autre part, la fin du gaullisme historique des Républicains au profit d’un certain populisme ainsi que le désaccord quant à la question européenne. FastNCurious vous donne des éléments d’explication sur ce sujet qui fait débat sur la scène médiatique.

Un parti originel, une personnalité : où est le débat ?

Jean-François Copé le mentionnait l’été dernier, Les Républicains n’est plus un parti où règne le débat. Selon lui, la droite doit être ferme sur le plan régalien mais libérale et sociale sur le plan économique. Une vocation qu’on ne retrouve pas en la personne de Laurent Wauquiez qui se montre, dans ses prises de parole, surtout très ambigu. Figure très raide de la droite, l’actuel président des Républicains ne percute pas dans l’opinion, ni dans les sondages. Flirtant avec l’extrémisme et la droite radicale, il n’est pas rare de lire des commentaires négatifs sur lui : l’insincérité et l’opportunisme étant les plus fréquents.

Dans tous les cas, nous ne pouvons pas nier le manque d’échange au sein du parti, qui souffre depuis 2016 de changements de positionnement qui n’ont de cesse de cliver les grandes personnalités politiques de la droite. Il s’agit là, sans doute, des causes de l’échec cuisant essuyé par le parti aux présidentielles de 2017. Nous nous retrouvons à écouter Laurent Wauquiez qui est capable de dire tout et son contraire. Si Les Républicains ne se ressaisissent pas avant les européennes de 2019, Laurent Wauquiez pourrait très bien écoper d’un nouvel échec. Toujours est-il que les Français devront choisir s’ils votent pour un parti originel ou pour la personnalité qui représentera le parti. C’est sûrement sur ce point que l’enjeu communicationnel influera.

L’euroscepticisme et la droite politique

Au-delà de la personnalité de Laurent Wauquiez, c’est une autre dialectique qui relance le débat : celle d’une campagne « anti-élite, anti-migrants et anti-Bruxelles », selon les propos d’Alain Juppé. La communication des Républicains ne semble d’ailleurs pas prétendre le contraire puisqu’il est possible de lire sur le site officiel que les membres du parti jugent la construction européenne « mortelle » et qu’ils refusent tout nouvel élargissement de l’Union Européenne et de l’Espace Schengen.

Cette volonté de renforcer les frontières et de contrôler massivement l’immigration rejoint une forte communication des Républicains autour d’une critique du gouvernement et de sa position quant à la question. Un éloignement définitif des Républicains vis-à-vis de leur branche centriste.

Dans le discours du parti c’est donc un euroscepticisme qui semble s’installer et questionner une certaine dérive « ultra-droitière », tel que le dénonce Alain Juppé. À l’époque de l’UMP, le parti se reconnaissait en la personne d’Angela Merkel. Aujourd’hui, Les Républicains semblent plutôt prendre pour référence Matteo Salvini, le premier ministre italien.

L’avenir de l’Europe ne se situerait plus dans la droite politique. Et pour cause, Alain Juppé s’est rapproché des idées d’Emmanuel Macron, qui vont dans la « bonne direction » pour la puissance européenne, selon lui. Cette déclaration laisserait-elle entrevoir une future alliance ?

Toujours est-il que la droite et Laurent Wauquiez sont aujourd’hui coincés entre les pro-européens du parti (qui sont prêts à l’abandonner) et les eurosceptiques, plutôt séduits par Nicolas Dupont-Aignan (président de Debout La France) ou même par l’extrême droite.

Pour un grand mouvement central, l’enjeu des européennes de 2019

Le départ d’Alain Juppé marque la fin d’une époque où le tandem Chirac-Juppé défendait l’Europe au sein du parti. Maintenant rangé du côté d’Emmanuel Macron et de La République En Marche, Alain Juppé approuve la majorité. Cette tendance questionne aussi une nouvelle fois le positionnement du Président de la République sur l’échiquier politique : la droite originelle se serait-elle déplacée vers le centre ?

Quoi qu’il en soit, pour l’Europe, il y a une véritable urgence à rassembler les pro-européens pour lutter contre l’extrémisme et la montée des populismes déjà bien engagée en Europe. Si l’Europe est vitale, c’est aux européennes de 2019 que cela sera prouvé. Nous pourrions observer deux phénomènes : d’une part une éventuelle alliance entre LREM, Modem et quelques affiliés pro-européens de droite. D’autre part une recomposition complète de la droite car l’ « euroscepticisme n’est pas l’ADN des Républicains » selon Jean-François Copé.

Vincent Muller.

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