Le street art, colporteur de messages
Vous connaissez évidemment Banksy et son lanceur de fleurs ou encore M.Chat et ses innombrables dessins de chat jaune souriant. Mais connaissez-vous le but ultime de ces œuvres urbaines ? Le street art se veut accessible aux yeux de tous et utilise cette visibilité pour véhiculer bien plus que du divertissement. En se jouant de l’espace public, le street art choisit de décrocher les yeux des passants, rivés sur leur téléphone, dans le but de leur ouvrir l’esprit sur certaines problématiques sociétales.
Depuis son invention, le street art s’engage et milite pour dénoncer les méfaits de notre société et leurs conséquences sur notre quotidien. Tout comme de nombreuses ONG, l’art urbain tente de sensibiliser les citoyens du monde ; ici, les artistes brusquent les promeneurs avec une simple image.
Le street art a-t-il donc le pouvoir d’être un moyen alternatif qui donne accès aux informations sérieuses telles que des problèmes politiques, économiques, environnementaux, etc. ?
Le street art, la « tribune libre des artistes contemporains »
« Le street art est l’art développé sous une multitude de formes dans des endroits publics ou dans la rue » selon le site web de Banksy Art. Cette définition permet de différencier l’art et les graffitis issus d’actes de vandalisme qui n’ont aucune valeur artistique.
Né dans les années 1960 et développé dans les années 1970, le street art regroupe de nombreuses formes d’arts que l’on retrouve exclusivement dans les espaces publics et les rues. On y retrouve le graffiti, le pochoir, la mosaïque, les autocollants et bien d’autres. En somme, toute œuvre d’art qui se retrouve sur les murs et les sols de nos rues peut être considérée sous le terme général de street art.
L’objectif est principalement d’être accessible à tous par son support et son espace. Ainsi, les artistes peuvent s’exprimer librement sur des thématiques sociétales, telles que la politique, l’économie ou encore l’environnement. Cet art étant souvent éphémère par sa facilité à être recouverte par d’autres œuvres, le message des street artists est principalement une critique de la société dans laquelle nous sommes.
En conséquence, plusieurs pays tentent de réduire au silence les messages qu’il porte au moyen de puissantes législations, interdisant le street art. Par exemple, Thomas Vuille, alias M. Chat a été poursuivi en justice par la RATP pour avoir tagué ses célèbres chats jaunes et joviaux dans les couloirs du métro parisien à Châtelet, à ce moment-là en rénovation. Condamné à payer 1800€, l’artiste a refusé car « il ne considérait pas ses « chats » comme une dégradation de bien mais comme un embellissement de ces couloirs gris et triste en attente de rénovation ». Parfois menacés par des peines d’emprisonnement, les street artists ne sont pas aussi libres qu’il ne paraît.
Une panoplie d’artistes et de revendications
Dans un environnement de plus en plus urbain, l’environnement naturel, lui, se meurt. Pour alerter le large public sur les enjeux concernant le climat, la déforestation et autre, de nombreux street artists utilisent les hauts immeubles gris de nos villes pour peindre leur affolement.
Blu, peintre italien, est connu pour ses graffitis dénonçant le « lavage de cerveau des masses populaires par les capitalistes ». Au travers de ses œuvres, il critique également les choix faits par les populations au détriment de la nature, et nous offre une vision d’un futur bien chaotique. On y voit un sablier où la fonte des glaciers remplace le sable et où le socle submergé représente nos villes, nos terres, nous. Le message y est fort : plus le temps passe, plus la fonte des glaces s’accroit, et bientôt, ce réchauffement climatique nous fera plonger.
Certains événements historiques sont sources d’inspiration pour les street artists qui souhaitent rétablir ce qu’ils considèrent être une « vérité cachée » et mettre à nu les conséquences de ces événements.
En parfait exemple, Cranio, de son nom d’artiste, vient de Sao Paulo et choisit de donner une voix aux peuples amazoniens, persécutés par le gouvernement du Brésil. Il met alors en scène ses personnages bleus représentants les autochtones brésiliens, avec humour et sarcasme. Bien que drôle et plaisant à voir, Cranio dénonce leur martyr face au consumérisme, notamment durant la Coupe du Monde 2014 au Brésil.
Dans le même registre, l’artiste Paulo Ilto a décoré l’entrée d’une école de Sao Paulo pour dénoncer les dépenses économiques du pays pour l’événement sportif, au détriment de ses populations.
L’un des sujets les plus inspirants pour les street artists est la paix. Dans un monde où la guerre fait rage dans certains pays du Moyen-Orient, des artistes nous dévoilent des faits bien souvent ignorés.
Cake$ est un street artist anonyme qui s’inspire de Banksy pour dévoiler, à sa manière, la triste réalité des événements en Palestine. Sur le mur de Bethléem principalement, la barrière de séparation israélienne, Cake$ utilise des pochoirs pour peindre la condition des enfants israéliens. On y voit des enfants jouer avec des fils barbelés, des armes, ou encore des bombes.
« J’ai pour intention de renvoyer les gens vers leur enfance, et de repenser à comment cette période de leur vie les a influencés, eux et leur vie. […] Pensez une minute aux enfants palestiniens. Ils jouent à côté du mur, à côté des soldats armés, des barbelés et des tours de garde. Ce n’est pas un environnement facile pour grandir. »
Pour offrir sa vision au monde entier tout en restant dans l’anonymat, le jeune artiste a décidé de publier ses œuvres sur un compte Instagram. Ainsi, il espère toucher un public de masse et le faire réagir.
Un moyen de communication original pour des questions sociétales.
De nombreuses grandes ONG, telles que GreenPeace, WWF, Unicef ou Amnesty International militent et communiquent sur les dangers et injustices de notre monde. Au travers de campagnes de communication, elles cherchent à alerter les populations, à les faire agir et à changer leurs habitudes pour un futur meilleur. Ces objectifs sont similaires à ceux de nos streets artists et leurs méthodes ont également une visée artistique.
Comprenant que l’art urbain paraît plus original que les flyers et les affiches aux yeux de leurs cibles, l’ONG Greenpeace a choisi de faire du street art son allié. Pour promouvoir ses idées et faire passer son message, l’organisme choisit d’utiliser le média décalé de l’art et de travailler avec les street artists.
En 2002, Banksy s’associe donc à GreenPeace dans la campagne « Save or Delete » (« Sauve ou Supprime ») dans laquelle il crée et met en vente des stickers pour financer les projets de l’ONG. Le modèle représente des personnages Disney liés à la nature (Mowgli, Dumbo, Baloo, Shere Khan (le tigre) et le Roi Louie), les yeux bandés et le corps attaché, devant une scène de déforestation et un bûcheron, cagoulé comme un bourreau. Le message veut atteindre un public très large, qui connaît tous ces personnages depuis son enfance : détruisez les forêts et vous mettrez à mort les animaux y vivant.
Pour Noël 2017, l’ONG Amnesty International a frappé fort à Berlin, en Allemagne. L’association qui lutte pour les droits humains dans le monde entier a également collaboré avec un street artist pour dénoncer l’horreur commise au Yémen. Igor Dobrowolski est un artiste polonais qui a déménagé en Allemagne peu de temps avant la campagne de l’organisme. Son travail s’inspire de vies très différentes des nôtres et les met en scène pour « rappeler que nos problèmes ne valent rien en comparaison avec les tragédies non-dites d’ailleurs ». Intitulé « Christmas in Yémen » (« Noël au Yémen »), l’artiste a confectionné une série d’affiches en utilisant des images prises au Yémen durant la guerre et en y incorporant des photographies de cadeaux, de sapin, de décoration de Noël pour cacher les atrocités. Les images choquantes tentent d’attirer l’attention sur la guerre du Yémen et sur le génocide qui y est commis.
Le street art a donc un impact communicationnel fort lorsqu’il s’agit de s’engager pour des causes humanitaires. Le choc est tel que nous retrouvons ces œuvres partout sur internet et elles continuent de faire parler d’elles.
En plus d’avoir une valeur artistique, le street art choisit souvent de s’engager dans des causes sociétales. Ces œuvres, exposées à la vue de tous dans la rue, ont un plus grand impact sur le public visé. En effet, il n’est pas fréquent dans nos rues d’être interpellé par des œuvres colorées et presque vivantes (on pensera à l’art 3D). C’est donc naturellement que les messages portés par les street artists concernent les grands problèmes de nos sociétés. Et c’est tout aussi naturellement que le message passe car, comme le dit le proverbe de Confucius : « une image vaut mille mots ».
Sources :
MANSRI Adlan, « À la découverte de Cake$, le Banksy de Bethleem », Konbini, 4 janvier 2019
« Street Art et militantisme humaniste », Open Minded, 22 novembre 2016
WAKIM Sami, « Christmas in Yemen by Igor Dobrowolski », Street Art United States, 21 décembre 2018
« Brésil : Graffiti anti-Coupe du Monde et anti FIFA », Spion.com
« Qu’est-ce que le Street Art ? », site internet de Banksy
Page web de Blu
Page Wikipedia sur l’Art Urbain
« Le Street Art et la loi »
One thought
J’adore ce que font les graffeurs de rue : https://ohmondieu.ovh/ce-graffeur-de-rue-recouvre-les-mauvais-tags-avec-un-graffiti-de-nourriture/