Les mains invisibles de la communication
Au printemps, un vent de fraîcheur agite les campagnes de com. Il est humain d’avoir un regain d’énergie lorsque le soleil caresse à nouveau les panneaux publicitaires, et dévoile leurs trésors d’inventivité aux yeux des passants… ou pas.
Qui n’a jamais eu envie d’exprimer son exaspération face à ce genre de campagnes, qui, au lieu de stimuler l’imagination, de faire rire d’un bon mot, somme toute de remplir leur rôle de séduction, se contentent de renouveler péniblement les clichés du genre ? Vous avez sans doute en tête un bon nombre d’exemples : ces flyers aux couleurs douteuses, ces logos qui semblent ne receler aucune signification, ces messages publicitaires mal photoshoppés.
Qui se cache derrière ces travaux douteux, cette communication de mauvaise qualité ?
Non, il n’est pas ici question d’une chasse aux sorcières. Ne tapez pas sur les petites mains.
Les stagiaires, une aubaine pour le secteur de la communication
Il y a deux ans, le Ministère de l’Education pointait du doigt le secteur de la communication, de la publicité et des médias. Selon son estimation, en agence de publicité, les effectifs se composent de 10 à 15% de stagiaires. Avancer des chiffres semblables est comme enfoncer des portes ouvertes ; cela semble définitivement inscrit sous la formule magique « C’est ça, l’entreprise. ». Il est déplorable que le stagiaire soit piégé de cette façon, entre l’enclume de l’obligation du stage (vanté comme étant le sésame de l’emploi) et le marteau de la rentabilité – cette fois tenu par l’entreprise elle-même, qui envisage rarement le stagiaire autrement que comme une source de profits fort bienvenue. Parfois enrobé d’un esprit « corporate » de bon aloi qui fait passer la pilule, souvent sur un mode décontracté grâce aux open-spaces aérés et au tutoiement, le travail accompli par le stagiaire s’échelonne la plupart du temps sur du 39h, et une rémunération minimale.
Qu’on se le dise, le stagiaire n’a pas le choix. Il est fort courant, dans le domaine de la com de tomber sur des offres de stage qui demandent un diplôme complet, plusieurs années d’expérience et si possible, une faible estime de soi. Alors quand une entreprise daigne tendre la main vers des jeunes étudiants pleins de bonne volonté, elle estime ne pas avoir beaucoup de comptes à rendre.
C’est ainsi que l’on se retrouve avec des stagiaires livrés à eux-mêmes, confectionnant des flyers pour des garages à l’écart du reste de l’équipe, ou encore rédigeant des rapports interminables sur les zones urbaines. Cela ne ressemble pas à un stage en communication ?
Mais on peut faire dire ce que l’on veut à ce mot, et les employeurs l’ont parfaitement compris. La communication peut, au sens large, correspondre à tout un tas de petites tâches ingrates. Certes, elles doivent être accomplies, mais de là à toutes les confier au stagiaire, il n’y a qu’un pas, franchi sans vergogne.
En outre, l’imprécision des missions de communication ouvre une brèche bien pratique pour l’employeur, qui peut ainsi demander à son stagiaire d’effectuer des tâches qui devraient être sous la responsabilité d’un professionnel.
Un professionnel, faut-il le préciser, dûment rémunéré pour ses 39 heures hebdomadaires.
La communication souffre de sa jeunesse….
…et ses jeunes aspirants en sont les premières victimes.
Il n’est pas rare d’entendre que le community management fait partie du job, sous prétexte que les réseaux sociaux seraient tout naturellement maîtrisés par la nouvelle génération. Oui, mais entre utiliser la toile comme client et passer de l’autre côté du miroir pour en comprendre les aspects techniques, il y a tout de même une marge.
Ces propos flirtent avec un certain mépris pour le métier de communiquant, assimilé peu ou prou à du charlatanisme et à des compétences limitées, relevant du pur bon sens.
Le manager, parfois de toute bonne foi, peut ainsi exiger de son stagiaire qu’il accomplisse des miracles, invente une notoriété à une marque. Seul et sans budget.
La communication est une science jeune, et à ce titre, elle est exploitée comme une excuse bien pratique. Le stagiaire en communication remplace le graphiste – après tout, il s’agit bien de communication visuelle ? Mais il est aussi community manager, il s’occupe des newsletters internes ; il organise des réunions ; il doit gérer des relations presse ; il se charge des événements…Et il est prié de le faire bien et vite, car une fois les idées sorties du chapeau, elles paraissent soudain relever de l’évidence.
Or, quelle est la première leçon qu’apprend un élève en communication ? Celle-ci ne résout pas tout.
Ce qu’on peut traduire ici par : le stagiaire en communication n’ayant pas achevé sa formation ne remplacera jamais un service entier.
L’encadrement est souvent dérisoire, et l’étudiant se retrouve dans la situation où c’est lui qui apporte à l’entreprise, sans rien en retour, courant après la carotte qu’on lui tend – souvent la réputation de l’entreprise, et l’inévitable course au remplissage du CV.
Le stagiaire s’aperçoit rapidement, en se jurant qu’on ne l’y reprendra plus, que la mention « doit être autonome » figurant dans l’offre de stage signifiait en réalité « capable de travailler comme un salarié sans en avoir les prétentions ».
Il serait temps d’adopter une vision plus progressiste du stage en communication : il s’agit d’un domaine où le sang neuf est primordial pour que l’entreprise soit « habitée » par sa génération, mais encore faudrait-il offrir à ces futurs -grands!- communicants l’opportunité d’apprendre des générations passées. On ne communique pas ex-nihilo, et, si la communication n’est pas une science dure, elle se nourrit pourtant d’expériences. C’est ce que le stage est supposé offrir à l’étudiant, qui, en retour, sous la tutelle d’un référent, accomplira ses premiers pas professionnels.
Marguerite Imbert
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