Le Triduum pascal de Sarkozy
Sarkozy a-t-il envie de revenir ou le fera-t-il par devoir ? Sera-t-il le dernier recours pour redresser la France, ou finira-t-il de l’achever ? Les convictions de chacun répondront à ces questions et l’histoire jugera ces réponses. Mais quelque soit l’avenir ou le non-avenir politique de Nicolas Sarkozy, il est intéressant d’observer la manière dont le récit de son retour se met en place… Un récit quasi « christique » si on en croit la dernière Une de Charlie Hebdo. Une caricature qui fait écho à l’entrée des chrétiens dans le « Triduum pascal » dès ce jeudi. Risquons-nous à pousser l’analogie de Charlie Hebdo jusqu’au bout, et regardons d’un peu plus près le « Triduum » de Nicolas Sarkozy.
Jour 1 : le dernier repas ou le discours de la mutualité
Pour les chrétiens, le premier jour du Triduum pascal est la célébration de “l’ultime repas du Christ avec ses disciples, où il leur annonce le don qu’il va faire de sa vie, librement et par amour.”[1] Jésus, lors de son dernier repas, lave les pieds de ses disciples et nous montre par ce geste l’image d’un Dieu au service de son peuple [2]. Nous pouvons donc distinguer trois messages-clés de ce passage de la vie du Christ : le don de soi, le service des autres et l’amour.
Le discours de Nicolas Sarkozy le soir de sa défaite se construit lui aussi autour de ces trois axes majeurs. D’abord le don de soi : « je me suis engagé totalement, pleinement. » [3] Ensuite le service : « cela fait dix ans que chaque seconde, je vis pour les responsabilités gouvernementales au plus haut niveau. » Et à ce moment, il redevient un « français parmi les français. » Enfin, l’amour. L’amour pour la France : « j’ai l’amour de notre pays inscrit au plus profond de mon cœur. » et l’amour pour les français : « vous êtes la France éternelle, je vous aime ! »
Concernant son avenir politique, il nous livre un mystérieux message : « Une autre époque s’ouvre. Dans cette nouvelle époque, je resterais l’un des votre. […] Mais ma place ne pourra plus être la même. » Alors que Jésus, en son temps, expliquait à son apôtre Pierre : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. » (Jean, 13).
Ainsi, en 10 minutes de discours, Nicolas Sarkozy a posé les bases sur lesquelles pourront s’appuyer le récit de son retour…
Jour 2 : la passion du Christ ou l’acharnement politico-mediatico-judiciaire
Le deuxième jour est celui de la passion du Christ… L’humiliation publique et la souffrance physique de Dieu fait homme, jusqu’au sacrifice ultime : la crucifixion. « Dans ce geste radical d’humilité, qui renverse la vision païenne d’un dieu dominateur, les chrétiens reçoivent la révélation d’un Dieu qui n’est qu’amour. » [4]
Nicolas Sarkozy renverse aussi son image. Avant sa défaite, et de plus en plus aujourd’hui, il se présentait comme une « victime » : « Et puis, regardez comment j’ai été traité ! » [5] Victime de l’acharnement de ses adversaires politiques qui ont surfé sur la vague du « tout sauf Sarko ». Victime de l’acharnement médiatique « sans précédent » pour un président de la République. Victime aujourd’hui d’un acharnement judiciaire à travers sa mise en examen, une « accusation infamante, insultante » [6] selon Henri Guaino. Nicolas Sarkozy déclare lui-même qu’il fait « face à l’épreuve d’une mise en examen injuste et infondée. » [7]
L’analogie entre le récit christique et le récit sarkozien se poursuit. Jésus a été crucifié alors que son juge Ponce Pilate ne voyait lui-même aucun élément justifiant une quelconque condamnation. Il n’y a alors qu’un pas à franchir pour expliquer que la seule motivation du peuple de France à choisir François Hollande était le rejet de Nicolas Sarkozy, de la même manière que la foule a préféré libérer Barabas à la place de Jésus. Non par sympathie pour ce criminel, mais par rejet de Jésus. Nombreux sont les supporters de Nicolas Sarkozy et les analystes politiques qui ont déjà franchi ce pas [8] et qui décrivent l’accession de François Hollande comme un « accident de l’histoire ».
Jour 3 : la résurrection d’entre les morts ou la reconquête
Le dernier jour du Triduum pascal « est un jour de silence et de recueillement, un jour d’attente », juste avant la célébration de Pâques : « la résurrection de Jésus, son « passage » de la mort à la vie. » [9]
Nicolas Sarkozy entretient méthodiquement la présence médiatique de son absence et s’attache à conforter le récit christique de sa reconquête : le nouveau président accueilli comme un Roi en 2007 (l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem) ; le rejet virulent d’un homme jusqu’à l’humiliation publique (la passion du Christ) ; ses amis qui, soit le renieront (plus de trois fois), soit témoigneront de ses bienfaits jusqu’au bout (les apôtres)…
La partie la plus importante de cette histoire reste à écrire : celle de la reconquête, celle de la victoire de la vie sur la mort, l’histoire de la résurrection, de l’homme descendu au plus bas pour remonter au plus haut et promettre la vie éternelle à chacun. Une histoire qui passionne déjà les journalistes qui sont impatients d’en écrire la fin. Mais l’élément le plus central de l’histoire du Christ est surement l’élément que Nicolas Sarkozy aura le plus de mal à obtenir : la Foi. Les français, au moment venu, auront-il encore foi en lui ?
Pierre-François Jan
[1] : http://www.croire.com/Definitions/Fetes-religieuses/Semaine-sainte/Qu-est-ce-que-le-Triduum-pascal
[2] : http://viechretienne.catholique.org/meditation/10077-le-lavement-des-pieds
[3] : Discours de Nicolas Sarkozy à la Mutualité – 6 mai 2012
[4] : http://www.croire.com/Definitions/Fetes-religieuses/Semaine-sainte/Qu-est-ce-que-le-Triduum-pascal
[5] : http://www.atlantico.fr/rdvpresse/sarkozy-dans-valeurs-actuelles-qu-dit-exactement-marcela-iacub-au-tribunal-nouvel-obs-accusee-levez-revelations-mag-liaison-avec-659669.html#hCKEG3pyZWvrk6pP.99
[6] : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/03/25/01016-20130325ARTFIG00460-henri-guaino-le-juge-gentil-salit-la-france.php
[7] : Communiqué de Nicolas Sarkozy sur sa page Facebook, le 25 mars 2013
[8] : “Cette dimension de vote de «rejet» est sensible, 55 % des électeurs de François Hollande disent qu’ils sont allés voter en sa faveur pour «barrer la route à Nicolas Sarkozy»”
[9] : http://www.croire.com/Definitions/Fetes-religieuses/Semaine-sainte/Qu-est-ce-que-le-Triduum-pascal
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