Politique

L’art de la propagande

 

Nouveau chef, nouveau style. Officiellement au pouvoir depuis avril 2012, Kim Jong-Un compte aujourd’hui asseoir la Corée du Nord dans un monde où ce pays n’existe quasiment pas, en montrant à la communauté internationale qu’elle a affaire à un vrai chef de guerre. Et c’est principalement en déployant l’arsenal militaire du pays qu’il le laisse entendre. Arsenal militaire, mais pas seulement. En bonne dictature communiste, tout ce qui ressort de la Corée du Nord est parfaitement intégré à une stratégie de communication bien ficelée.

Une propagande 2.0

La Corée du Nord est experte dans l’art de la propagande. Elle se déploie assez largement sur le net, où une agence de presse officielle y diffuse des communiqués en anglais, appuyés par Uriminzokkiri, le site de propagande du gouvernement. Mais Pyongyang a également mis en place une com’ 2.0 assez importante : un compte Twitter (suivi par plus de 10 000 personnes !), une chaîne Youtube diffusant plus de 2 400 vidéos de propagande, et même un compte Flickr, où la beauté des paysages, la grandeur du dirigeant et le bonheur au travail dans les usines, sont mis en valeur. On peut en effet parler d’une propagande très moderne, avec une présence numérique forte. Une communication assez développée, mais qui marque un paradoxe puisque le pays est quasiment entièrement coupé d’internet : le web y est plutôt utilisé pour toucher l’extérieur du pays.

Kim Jong-Un, une figure atypique

L’arrivée de Kim Jong-Un sur le devant de la scène nord-coréenne a imposé le nouveau style plus « people » (toutes proportions gardées…) d’un chef d’État posant devant les médias avec sa femme, jeune élégante qui apporte une touche de modernité à l’image du pays. Un style d’ailleurs assez paradoxal : pour la première fois dans l’histoire du pays, un spectacle de Disney, pourtant représentant du grand ennemi américain ô combien honni, a eu lieu sur le sol nord-coréen. Un nouveau souffle ? En apparence. La technique de diffusion de la bonne parole nord-coréenne reste la même ; son leader est dressé au rang de héros, de chef de guerre intrépide, capable d’exploits incroyables. Ce Bob Morane des temps modernes est magnifié dans un documentaire diffusé à la télévision nord-coréenne en janvier 2012 :

Son arrivée au pouvoir a donc été nettement marquée par une rhétorique belliqueuse. Depuis quelques jours, il promet un « combat total », une « guerre nucléaire » ou encore une « mer de flammes » à ses ennemis américain et sud-coréen. En quinze jours, l’armistice de 1953 est annulé, les exercices militaires sont multipliés et les unités d’artillerie placées en position de combat. Symbole suprême de ce message belliqueux, la coupure du téléphone rouge avec la Corée du Sud, qui permettait aux deux pays de discuter la gestion du parc industriel de Kaesong, l’un de leurs rares projets de collaboration.

La belligérance, un état permanent

Cette opération de communication vise également les Nord-Coréens eux-mêmes, en cherchant à maintenir le pays dans un état de menace permanent, afin de renforcer le sentiment nationaliste, et convaincre la population que la prospérité n’existe pas au delà des frontières. Par ailleurs, le renforcement de l’image de puissance du pays contribue à construire la figure de leader de Kim Jong-Un. L’atout nucléaire apparaît comme un moyen supplémentaire d’asseoir sa puissance, et d’exercer une pression sur la communauté internationale en se donnant un pouvoir de négociation.
Entre petites ouvertures à la civilisation occidentale et renforcement de l’hostilité envers l’extérieur, les décisions de Kim Jong-Un paraissent assez paradoxales. Ses intentions réelles font débat entre les experts, mais tous s’accordent à dire que la finalité de cette agitation est le renforcement de sa figure de chef dur et intrépide. Certains, plus rares, ajoutent à cela l’hypothèse que tout ceci ne serait qu’une communication du dirigeant à l’encontre des têtes pensantes du régime, afin de se légitimer à leurs yeux et d’affirmer son leadership, dans le but à long terme d’emmener son pays dans une voie plus moderne, à laquelle il a pu prendre goût durant ses études en Suisse.

Quelles que soient ses intentions, Kim Jong-Un peut se vanter d’avoir suscité l’inquiétude dans la communauté internationale. Inquiétude, mais aussi réactions : la communication du régime a été tout récemment malmenée par le groupe Anonymous. Celui-ci, dans la veine de l’opération #OpFreeKorea, a pris le contrôle de ses comptes Twitter et Flickr et s’est emparé des mots de passe de 15 000 utilisateurs de uriminzokkiri.com.
Avant la guerre nucléaire, le régime doit d’abord s’attaquer à la guerre de communication.

 
Bénédicte Mano
Sources :
Francetvinfo.fr
HuffingtonPost
Lefigaro.Fr

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