Culture

Traditionnel VS contemporain : une confrontation légitime ?

La récente annonce de la fermeture du Ringling Bros, considéré comme « le plus grand spectacle au monde », est révélatrice de l’accablante concurrence qui s’opère au sein du microcosme des arts du cirque. Le cirque traditionnel peine aujourd’hui à se frayer un chemin face à l’effervescence du « nouveau cirque » qui a su capter un nouveau public et actualiser sa communication en conséquence. Les dispositifs utilisés et les imaginaires invoqués dans les deux grands genres du cirque méritent certes d’être confrontés. Néanmoins, plutôt que de les opposer, ne devrait-on pas les envisager comme complémentaires ?
Différentes techniques d’approche
S’il existe un point sur lequel cirques traditionnel et contemporain se distinguent profondément, c’est bien leur communication externe.
Le cirque traditionnel use d’un marketing direct reconnaissable. En effet, l’arrivée du chapiteau est marquée par la déambulation d’un camion, dans lequel le directeur du cirque klaxonne et scande des appels au mégaphone. S’ajoute à cela la célèbre parade des animaux et artistes dont la forme nous invite à parler de ville-média. La ville est un espace à la fois vécu, en tant que point de rencontre, et investi, comme dispositif de teasing.

Le cirque contemporain livre quant à lui un charme beaucoup plus subtil. Il utilise notamment les réseaux sociaux pour communiquer et garder une relation privilégiée avec son public.

Les compagnies contemporaines profitent également de la publicité des organismes partenaires. À Paris par exemple, La Villette permet chaque année à des compagnies ou des écoles de proposer leur création.

Les campagnes d’affichage sont utilisées par les deux formes de cirque mais expriment des valeurs différentes.

Sur l’affiche du cirque traditionnel Pinder, les couleurs sont voyantes et percutantes, elles laissent apparaitre dans une police excessivement ornée le nom du cirque. Au premier plan, sont visibles les animaux, véritables stars du spectacle. Nous apercevons derrière le dompteur ainsi que les clowns, pièces maîtresses du cirque traditionnel. Les autres artistes tels que les trapézistes se situent au dernier plan et paraissent accessoires. En comparaison, l’affiche CirkaCuba, dernière création du cirque Phénix, conserve des couleurs gaies, mais la police reste sobre et le nom du cirque discret. Le schéma de lecture est inversé puisqu’ici, seul l’artiste est mis en avant. De plus, si l’on retire le titre de l’affiche, le visuel n’est pas spontanément compréhensible. En effet, il incite davantage à un voyage exotique qu’à un spectacle de cirque. C’est pourquoi le titre a un rôle fondamental puisqu’en tant que « message linguistique », il vient prendre, selon l’expression de Roland Barthes, la fonction de « relais ». Autrement dit, il ne vient pas seulement compléter le sens que l’image laisse transparaître (comme le ferait la fonction d’« ancrage »), il ajoute une information nécessaire à la compréhension de l’affiche.

Ces deux formes prennent néanmoins racine dans un même héritage de valeurs. Effectivement, elles cherchent à développer les notions de partage et de découverte, et n’hésitent pas pour cela à valoriser rencontres et festivals. C’est le cas du Festival International du cirque de Monte-Carlo et du Festival Mondial du Cirque de Demain.
L’imaginaire développé
Le cirque traditionnel se caractérise par une construction séquentielle de ses numéros avec, pour chaque artiste, une spécialité. Les prouesses spectaculaires de l’acrobate alternent avec le clou du spectacle, les animaux sauvages.

Au contraire, dans le cirque contemporain, c’est une œuvre totale, vectrice d’une véritable histoire, qui est donnée au public. La création des Étoiles du Cirque de Pékin, Le Petit Dragon, suit en effet une trame narrative. Toute la représentation repose sur le personnage principal, d’où la nécessité de la polyvalence des artistes. Le registre du spectacle est ainsi différent. Si d’un côté l’exploit technique et la prise de risque sont valorisés, de l’autre, on préfère la multidisciplinarité et le renouvellement fréquent des spectacles.

Le « nouveau cirque » encourage largement l’éclectisme artistique et c’est d’ailleurs pour cela que l’on parle aujourd’hui d’« arts du cirque ». La compagnie des 7 doigts de la main en est une belle illustration. Dans leur spectacle Traces, se chevauchent sur une base de cirque traditionnel, théâtre, danse, skateboard et même basketball. Le cirque se trouve alors à la portée de tous, ce n’est plus nécessaire d’avoir grandi sous un chapiteau. Cette démocratisation se traduit notamment par l’ouverture d’écoles de cirque partout dans le monde depuis les années 1970.

L’adaptabilité au public : une exigence
Dans L’Esprit du temps (1962), le sociologue et philosophe Edgar Morin livre une interprétation de la culture de masse que nous pourrions adapter au cirque. Ce dernier est en effet caractérisé par une tension permanente entre innovation et standardisation.
Les conventions circassiennes sont remises en question à tel point que les cirques traditionnels cherchent à assimiler certains codes contemporains, tant au niveau du fond que de la forme. Alexis Gruss construit notamment son spectacle Empreintes en deux parties. La première est destinée aux traditionnels numéros équestres tandis que la seconde est consacrée à une forme nouvelle plus théâtrale et tournée vers le music hall. Arlette Gruss a de son côté pris l’initiative de créer un compte Instagram pour augmenter sa visibilité. Deux questions se posent : est-ce efficace ? Cette communication est-elle en adéquation avec l’image du cirque traditionnel ?

Le public désormais averti, ses attentes sont plus exigeantes et cela concerne notamment le débat sur la présence ou non des animaux sauvages dans les cirques traditionnels. Suite aux plaintes des associations telles que People for the Ethical Treatment of Animals (PETA), certains cirques les ont retirés de leur spectacle. C’est le cas du fameux Ringling Bros il y a deux ans. Un problème est à souligner : même si les fauves ou les éléphants sont source de polémique et tranchent l’opinion publique, c’est une des grandes différenciations dont le cirque traditionnel peut se vanter. Est -ce alors la bonne solution de supprimer les animaux des cirques traditionnels et se rapprocher ainsi de l’esprit contemporain ? Dans ce dernier, la concurrence est déjà rude, le cirque traditionnel doit certes innover mais pour cela, il serait plus ingénieux qu’il trouve son propre positionnement sans calquer celui du cirque traditionnel.
Cirque du Soleil : une machine du marketing
Le Cirque du soleil peut être considéré comme le summum du cirque contemporain. Pour de nombreux professionnels du marketing, c’est un cas d’école dans la mesure où il est parvenu à créer les codes de son marché grâce à une stratégie fondée sur l’innovation de rupture : « l’océan bleu ». Le Cirque du soleil a eu la brillante idée de tout miser sur la différenciation de son offre. Le nombre incalculable de spectacles, dont le thème diffère à chaque fois, et ce dans le monde entier, en font sa particularité. Il produit 18 spectacles dans 60 pays différents et emploient 1200 artistes dans le monde entier. De plus, l’entreprise de divertissement n’hésite pas à collaborer avec d’autres marques telles que Lipton pour la machine à thé T.O lancée par le groupe Unilever.

La mort du cirque traditionnel ?
La popularité du cirque contemporain ne signe pas la mort du cirque traditionnel puisque ce dernier s’inscrit dans un héritage de valeurs et de pratiques qui sont encore appréciées du public. Le « nouveau cirque » peut être envisagé comme un moyen de susciter l’intérêt porté au cirque en général et ainsi une façon d’engendrer de la curiosité envers les valeurs authentiques du cirque.
Pauline Baron
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Sources:
Huffington Post, « Le cirque américain Barnum, qui a inspiré une expression de la langue française, ferme ses portes », 15/01/17, consulté le 04/02/17
ARNOUX Patrick, « Alain Pacherie et David Dickens, Cirque Phénix : « Le nouveau cirque doit étonner, surprendre, séduire, émouvoir“», Le Nouvel Économiste, 14/11/16, consulté le 1/02/17
BRUN Raphaël, « Quel avenir pour le cirque ? », L’Observateur de Monaco, 23/01/14, consulté le   08/02/17
ARNAUD Jean-François, « Le Cirque du Soleil multiplie les talents », 23/01/14, consulté le 02/02/17,
RICO Freddy, « La stratégie Océan Bleu : Comment créer une différenciation ? », 25/01/17, consulté le 11/01/17
MUSNIK Isabelle, « Le Cirque du Soleil fait danser T.O by Lipton », Influencia, 01/11/15, consulté le 07/02/17
Crédits photo :
Blog Le Figaro, K. El Dib,  « Le théâtral art de la piste de la famille Gruss », 27/12/11, http://blog.lefigaro.fr/theatre/2011/12/le-theatral-art-de-la-piste-de.html
EJuggle, International Jugglers’ Association, « Juggling in fashion – the changing attire of performers and juggling festival attendees », 12/01/16, http://ezine.juggle.org/2016/01/12/juggling-in-fashion-the-changing-attire-of-performers-and-juggling-festival-attendees-2/
Ouest France, « Evénement à Quimper. Le cirque Medrano est arrivé », 13/04/15, http://www.ouest-france.fr/bretagne/quimper-29000/evenement-quimper-le-grand-cirque-medrano-est-arrive-photos-3331038
Cirque Pinder, http://cirquepinder.com/programmes/17006-programme-pinder-2015.html
France Net Infos, « CirkaCuba du Cirque Phénix à Paris et en tournée 2017 », 03/12/16, http://www.francenetinfos.com/cirkacuba-cirque-phenix-154308/
Like Monaco, « Le 41e Festival International du Cirque de Monte-Carlo », 25/01/17, http://likemonaco.com/41e-festival-international-cirque-de-monte-carlo-2/
Sortir à Paris, « Le Festival Mondial du Cirque de Demain 2017 », 08,01/16, https://www.sortiraparis.com/scenes/spectacle/articles/47896-le-festival-mondial-du-cirque-de-demain-2017
Chaîne Youtube Cirque d’Hiver Bouglione de Paris, « Surprise, clip officiel au Cirque d’Hiver Bouglione », 18/10/16, https://www.youtube.com/watch?v=1gW36_OD6r4
Chaîne Youtube Cirque Phénix, « Le Petit Dragon – Teaser – Spectacle 2015 », 12/12/14, https://www.youtube.com/watch?v=BiSpoe3Z9GE
Chaîne Youtube Regent Theatre Dunedin, « Traces – Les 7 Doigts de la Main », 09/06/16, https://www.youtube.com/watch?v=0trzAVA_KO8
Chaîne YouTube Cirque du Soleil, “TORUK – The First Flight by Cirque du Soleil – Trailer”, 19/12/2016, https://www.youtube.com/watch?v=0c3mnVPkwhM
Capture d’écran Facebook Akoreacro
Capture d’écran Instagram La Villette
Capture d’écran Instagram cirquearlettegrussofficiel

Culture

Stars, musique et investiture : ce que la politique doit à la musique

C’est le 20 janvier dernier que le nouveau Président élu a été introduit à la fonction suprême, au cours de l’une des cérémonies les plus codifiées de la tradition américaine. L’usage veut en effet que la prestation de serment soit suivie d’une série de chants et de concerts à la gloire de l’Amérique et de son nouveau leader.
MUSIQUE & INVESTITURE
La musique tient une place importante dans cette très longue cérémonie, où un/une artiste de premier plan vient célébrer l’union du pays. Une nouveauté cette année : venir chanter à l’intronisation du président des États-Unis est devenu un acte politique. En effet, de grandes chanteuses classiques telles que Marian Anderson ou encore Jessye Norman s’étaient produites aux inaugurations de présidents aux idées radicalement opposées (Eisenhower et Kennedy pour la première, Reagan et Clinton pour la seconde). Même Ray Charles, démocrate convaincu, était prêt à venir chanter pour Reagan, et le fit par ailleurs pour une convention du parti républicain.
C’est depuis Roosevelt en 1941 que showbiz et politique se sont liés pour faire de cet acte solennel un évènement marquant de l’Histoire. Parler sur l’esplanade du Capitole n’était alors pas un acte de soutien au nouveau dirigeant, mais une preuve d’engagement pour la nation. À l’époque, ce sont les paroles d’Ethel Barrymore ou encore celles de Charlie Chaplin reprenant un monologue de son film The Great Dictator, qui ont résonné devant le Capitole. Une liste des plus grandes icônes de la culture américaine du XXème siècle a suivi : de Frank Sinatra à Fleetwood Mac en passant par Bob Dylan, Aretha Franklin, Stevie Wonder ou encore Beyonce.
Jusqu’à l’ère Obama, être invité à chanter dans le cadre d’une investiture était un honneur, une consécration pour l’artiste et son œuvre, entrant au panthéon des grandes voix de l’Amérique. Inviter des artistes est aussi le moyen pour le nouveau président élu de faire une synthèse historique de l’Amérique des Arts et de celle du pouvoir, pour produire le symbole fort d’un pays rassemblé sous le même drapeau, le temps de son mandat du moins.

TRUMP MUSIC
Aux prémices de la nouvelle ère Trump, se produire à l’investiture n’est plus un acte patriote, mais est vu comme un service rendu à un homme sans foi ni loi. Jennifer Holliday, icône gay et un temps annoncée, s’est finalement retirée n’ayant « pas pris en compte le fait que [sa] participation serait vue comme un acte politique allant à l’encontre de [ses] propres croyances et serait considérée à tort comme [son] soutien à Donald Trump et Mike Pence ».
Son impopularité sans précédent et ses prises de position protectionnistes, misogynes ou anti-islamistes ont fait de lui un ennemi face auquel la culture s’est rassemblée. Les rumeurs de refus de grandes stars telles que Céline Dion ou Justin Timberlake se sont rapidement répandues dans les médias. Certains artistes ont refusé publiquement la proposition de l’équipe de Trump comme Moby, publiant même sur Spotify une playlist de ce qu’il aurait joué comme DJ à sa soirée d’investiture (American Idiot de Green Day ou encore Strange Fruit de Billie Holiday en font partie).
D’autres ont paru hésiter quelques temps avant de refuser à leur tour. C’est le cas du ténor italien Andréa Boccelli, dont le candidat élu était visiblement très fan. Ce dernier aurait finalement lui-même conseillé au chanteur de ne pas se produire à sa propre cérémonie « à cause des réactions que cela pourrait provoquer ».
Certains autres ont rompu les rangs du rassemblement, souhaitant chanter « contre le racisme », comme Rebecca Fergusson ou encore Azealia Banks. Ce ne sont évidemment pas celles qui auront été retenues. Au programme s’alignaient Jackie Evancho, finaliste malheureuse de America’s got talent, Toby Keith, chanteur country aux paroles plutôt patriotes, The Rockettes, troupe de danseuses new-yorkaises se produisant chaque Noël au Radio City Music-Hall, entre autres.
Cette pauvreté en termes de programmation a rapidement suscité les sourires, et le symbole d’un Président entouré de si peu de représentants de la culture populaire a renforcé l’image d’un leader isolé du peuple qu’il s’apprête à diriger. L’invitation de célébrités, censée sous Roosevelt être un vecteur de popularité et de confiance, s’est révélée être un échec cuisant sur le plan de la communication de Donald Trump. Tom Barrack, grand organisateur de cette cérémonie d’investiture, relativisera finalement ces désistements en assurant : « Nous avons la chance d’avoir la plus grande célébrité du monde, qui est le président élu […] Donc ce que nous allons faire, au lieu de mettre autour de lui des gens illustres, c’est l’entourer de la douce sensualité des lieux. Il s’agira davantage d’un mouvement poétique que d’une cérémonie de couronnement façon grand cirque. »

CONTRE-CONCERT ET PROTESTATION, LA MUSIQUE EN MARCHE
Dès le lendemain de l’investiture, les rues de Washington se sont remplies de 500 000 opposants au nouveau Président. : la Women’s March rassemblait des mécontents parmi lesquels des célébrités du cinéma et des stars de la musique. Scarlett Johansson, Alicia Keys, Madonna, Katy Perry, Janelle Monae étaient au micro de la scène montée pour l’occasion, pour exprimer leur colère et l’espoir d’un pays qui respecte ses femmes.
Quelques jours plus tôt, lors de la fête de départ du couple Obama, une liste impressionnante d’artistes conviés, des plus anciens aux plus jeunes, de Stevie Wonder à Chance The Rapper. Des concerts étaient aussi organisés à la Maison Blanche, Barack Obama ayant par ailleurs fait l’honneur aux employés d’inviter Bruce Springsteen pour un concert privé.
La musique et l’art en général, ont donc fait entendre leurs voix pour choisir leur camp, et ce contraste frappant entre un pot de départ avec autant de stars et une cérémonie officielle dépourvue de têtes connues, a tôt fait d’alimenter les shows télévisés. Donald Trump, pour la première fois, est apparu officiellement comme un Président qui n’a pas su rassembler de grands acteurs du rayonnement international de son pays, et a même suscité l’hostilité du milieu de la musique, l’un des plus puissants soft powers américains…ayant un jour donné à l’Amérique sa grandeur.
César Wogue
Crédits photo :

REUTERS/Yuri Gripas
Hahn Lionel/ABACA USA,
Paul Morigi, Getty Images
Mikaëla Samuel, Investiture de Donald Trump: comment les stars américaines lui ont tourné le dos
Sarah Larson, TRUMP AND CELEBRITY APPROVAL: YOU CAN’T ALWAYS GET WHAT YOU WANT

Sources :

24.01.17, Investiture de Donald Trump: comment les stars américaines lui ont tourné le dos, consulté le 6/02/17
Jess Fee, Music Monday: Inauguration Artists Over the Years, 22.01.13, http://mashable.com/2013/01/21/, consulté le 5/02/17
09.01.17, Trump and Celebrity Approval: You Can’t Always Get What You Want, The New Yorker, consulté le 5/02/17
FACT, We reviewed all the really great, not sad acts playing Donald Trump’s inauguration, 20.01.17, consulté le 5/02/17
Sylvain Siclier, Un accueil musical cinglant pour Donald Trump, Le Monde abonnés, 20.01.17, consulté le 5/02/17
Pierre Bouvier, L’investiture de Donald Trump, un spectacle codifié, Le Monde abonnés, 20.01.17, consulté le 6/02/17
Le Monde, Donald Trump a peiné à trouver des artistes pour son investiture, 20.01.17, consulté le 6/02/17
Stephanie Merry, Inauguration performances weren’t always so contentious: Highlights from the last 75 years, The Washington Post, 12.01.17

Culture

Superbowl 2017, quand la politique s'invite au stade

Le Superbowl est un des évènements sportifs les plus importants de la planète qui a réuni cette année, plus de cent millions de téléspectateurs. Ï les annonceurs, c’est l’occasion de réaliser le coup marketing de l’année. Afin de capter l’attention des téléspectateurs, de plus en plus las des formats classiques, la publicité devient un spectacle à part entière.
Mais puisque pertinence publicitaire rime souvent avec actualité médiatique, certaines marques n’ont pas hésité à profiter de la couverture médiatique pour exprimer leur positionnement anti-Trump. Ce qui — ne le nions pas — leur offre à leur tour, un rayonnement international. Parmi les sujets très controversés sont revenus le projet de construction d’un mur à la frontière mexicaine, mais aussi le « muslim ban », décret interdisant l’entrée sur le territoire de ressortissants de certains pays arabes. Si celui-ci a été rejeté par la justice, il en dit long sur la couleur que Trump donnera à son mandat. Le traditionnel show de mi-temps, assuré par Lady Gaga, s’avère après analyse, beaucoup plus politisé qu’il n’en a l’air.
Des publicités aux messages forts
La publicité de 84 Lumbard, fabricant de bois de construction, a certainement délivré le message le plus limpide. Une mère et sa fille traversent le Mexique pour se retrouver face à un mur infranchissable en arrivant à la frontière des États-Unis. Elles trouvent finalement une porte leur permettant d’entrer. Puis, « la volonté de réussir est toujours la bienvenue ici » s’affiche à l’écran. La référence à la construction du mur est si évidente que Fox News, la chaîne diffusant le match et ayant ouvertement soutenu Trump durant la campagne, a demandé à l’annonceur de supprimer la fin du film comprenant le mur. Une censure en partie détournée par l’invitation à voir la suite de la publicité sur leur site internet, qui a rapidement saturé.

84 Lumbard s’est défendu d’encourager l’immigration illégale. Rob Shapiro de la Direction client de Brunner, l’agence à la tête de cette campagne déclare à ce sujet : « il n’était pas possible d’ignorer ce mur et les débats sur l’immigration qui se tiennent dans les médias et dans tous les foyers américains. Alors que tous les autres tentent d’éviter la polémique, n’est-il pas temps pour les marques de défendre ce en quoi elles croient ? ».
Airbnb, Expedia ou encore Budweiser ont eux aussi diffusé des spots attaquant directement la politique anti-immigration de Trump et ventant les bénéfices de celle-ci sur l’économie et la société.

La publicité politisée s’appuie sur le discours d’information objectivé par les pratiques journalistiques de la société. En l’occurrence, l’opposition à la politique controversée de Trump est largement relayée dans les journaux du monde entier. Défendre « ce en quoi les marques croient » correspond à une stratégie de communication qui reflète l’état d’esprit d’une partie de la société. Pour Patrick Charaudeau, professeur à l’Université Paris XIII et chercheur au CNRS, tous ces savoirs qui constituent la source des références faites dans la publicité, correspondent à une « représentation rationalisée sur l’existence des êtres et des phénomènes sensibles du monde ». Ce type de discours s’apparente aussi à un discours politique dans la promesse d’un bien-être prochain, l’idée d’une cause commune, où le pouvoir d’achat remplace le vote. Il rompt en outre, avec la vision d’un discours publicitaire déconnecté de la société.
Le show de Lady Gaga, une référence cachée aux scandales de Trump père?

Le spectacle de Lady Gaga avait tout ce qu’on attendait de la mi-temps du Superbowl. La scène montée en un temps record donnait l’impression d’être en plein milieu d’un de ses concerts. La chanteuse a toujours revendiqué son soutien à la communauté LGBT et son opposition à Donald Trump. Ainsi, beaucoup espéraient quelques mots à ce sujet durant son spectacle. Mais, comme elle l’avait annoncé, aucune allusion directe au Président n’a été faite, à part peut-être le jet de micro à la fin du concert, rappelant celui de Barack Obama lors de son dernier discours.
Cependant au début du spectacle, la chanteuse a entonné This is your land de Woody Guthrie. Cette chanson de protestation est extrêmement connue aux États-Unis, elle a été chantée par Bruce Springsteen à la cérémonie d’investiture de Barack Oabama. Mais ce que peu savent, c’est que l’auteur lui-même était un opposant à Trump … père.
Écrite dans les années 30, This is your land ne paraît qu’en 1951. Elle a été raccourcie et les vers politisés ont disparu pour plaire au plus grand nombre. Il aura fallu attendre jusqu’en 1997 pour découvrir le reste de la chanson. Les paroles sont en effet, une critique du système américain qui laisse, comme l’a connu Guthrie lorsqu’il écrivait cette chanson, des personnes dans la faim et dans la pauvreté.

Mais c’est dans un autre texte de 1950 que Guthrie critique ouvertement la Trump Organization, alors dirigée par Fred Trump, le père de Donald. Après la guerre, la crise immobilière a laissé des milliers de personnes sans logement. Fred Trump a profité de cette opportunité pour développer un parc immobilier en signant des contrats publics avec la Federal Housing Administration.
Guthrie a habité pendant deux ans à Beach Heaven, un parc de logement de la Trump Organization, à Brooklyn. Dans sa chanson I ain’t go home, aussi appelée Old Man Trump, il dénonce deux choses : la discrimination raciale de Beach Heaven, qui n’accepte pas les Noirs, mais aussi des loyers aux prix exorbitants en nommant directement Fred Trump comme responsable.
« Beach Haven ain’t my home!
I just cain’t pay this rent! »
« Beach Haven looks like heaven Where no black ones come to roam!
No, no, no! Old Man Trump! »
En 1954, la Trump Organization est effectivement accusée de fraude de 4 millions de dollars au gouvernement américain suite à une sur-évaluation des loyers. Entre 1973 et 1978, le département des Droit Civils l’accusera également de discrimination raciale. Les dossiers ont établi qu’une politique de discrimination raciale était menée, visant à réduire la population noire dans les logements.
En interprétant une de ses chansons, la voix de Lady Gaga se lie indéniablement à celle de Guthrie. Ainsi, tout en subtilité, elle redonne vie à l’esprit contestataire de Guthrie, ainsi qu’à son opposition à Trump. Elle n’embarrasse pas le sponsor du spectacle, Pepsi, par des remarques directes. Non, elle retourne ce géant de la culture américaine contre celui qui, en remettant en cause l’immigration, qui est un des fondements de cette société cosmopolite, tente de la détruire.
Louise Cordier
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@louisycordier
Sources :

« La publicité politisée : du devoir de discrétion à l’impératif de transparence » pas de date de publication, lu le 8 février 2017
« This Land Is Our Land: how Lady Gaga sang an anti-Trump protest song at the Super Bowl without anybody noticing », Telegraph, Alice Vincent, publié le 6 fevrier 2017, lu le 7 février
  « Super Bowl: des spots publicitaires anti-Trump diffusés », publié par l’Express le 6 février 2017, lu le 7 février
Fred Trump, Wikipedia, lu le 7 février 2017

Crédits :

Photo de couverture, Airbnb, Superbowl 2017
Woody Guthrie, image de la pochette du vinyl sorti en 1997, label Smithsonian Folkways Recordings
GIF Lady Gaga au Super Bowl 2017

 

Publicité et marketing

La nature et le végétal : une rhétorique marketing pour les produits de soin et de beauté

Y a-t-il moins naturel que nos cosmétiques industriellement produits ? Pourtant, les discours de marque qui accompagnent ces produits de soins et de beauté puisent largement dans un imaginaire de naturalité pour séduire les consommateurs. On peut en effet distinguer au moins deux types de produits de soins sur le marché français : ceux qui se positionnent davantage comme des produits à la formule « scientifiquement » élaborée, jouant la carte de l’innovation technique, et ceux arborant fièrement des composants naturels sur leur étiquette comme si cela suffisait à en garantir l’efficacité.

La rhétorique naturalisante des marques de produits de soins
Sans même parler des produits bios qui ont un discours marketing très spécifique, nombreuses sont les marques de grande consommation qui appuient l’ensemble de leur communication sur l’idée qu’elles offrent aux consommateurs le meilleur de la nature dans leur produits.
« On extrait [de l’abricot] une huile, véritable concentré de bienfaits nourrissants et adoucissants pour la peau. » nous explique Le Petit Marseillais sur son site. « Ce shampooing, sans paraben, contient des extraits d’origine naturelle et une base lavante d’origine végétale. Il respecte et lave vos cheveux en douceur » peut-on lire à l’arrière d’un de leur shampooings.
Le discours marketing repose bien sur une valorisation des vertus d’éléments « naturels » intégrés aux produits.
En outre, l’ensemble des codes visuels reprennent des couleurs pures, assez douces ou un peu plus acidulées, dans des tons généralement floraux, évoquant une fraîcheur végétale, ou plus chaleureux pour suggérer une idée de chaleur nourrissante. Les marques jouent en effet totalement la carte du naturel, comme si la Nature servait d’argument d’autorité et pouvait suffire à assurer les consommateurs des qualités du produit.

Un discours toujours construit sur un même modèle de pseudo-démonstration
En étudiant un peu les promesses formulées par les marques sur leurs produits, on constate que le message suit très souvent la même structure :
1. Vous avez besoin de …
2. Tel élément naturel a justement telle vertu formidable !
3. Vous obtiendrez donc …
Pourtant le consommateur ignore globalement l’efficacité réelle des ingrédients. Qui sait véritablement ce qu’apportent le beurre de karité, l’huile d’argan, le zeste de citron, le miel, etc. ? Les vertus supposées de ces produits ne sont finalement pas vraiment fondées sur autre chose qu’un imaginaire construit en partie par les discours marketing, puis inconsciemment intégré. On se contente de croire ce qu’avancent les marques :

« Pour développer la recette unique de cet après-shampooing, nous avons associé la richesse de la Pulpe de Grenade et de l’Huile d’Argan. Pulpe de Grenade : gorgée de soleil, notre grenade à la couleur éclatante est récoltée dans le bassin méditerranéen.
Huile d’argan: les noyaux d’argan renferment un bien précieux, une amande qui une fois pilée, libère une huile rare. La brillance de votre couleur est préservée, vos cheveux sont soyeux et lumineux. »
Sans accuser les marques de vendre des produits mensongers – la question n’est nullement là ! – on peut toutefois interroger la logique marketing sous-jacente. Cette rhétorique apparaît clairement comme un ultime outil de vente.
En effet, revendiquer une origine naturelle permet d’occulter la part artificielle de la production, de maquiller le processus chimique qui pourrait inquiéter les consommateurs de plus en plus méfiants envers les produits industriels. Et rien de plus simple et de plus rassurant que d’avoir l’impression d’utiliser un produit « pur », directement issu de la nature !

Une vision utilitariste et anthropocentrée de la nature
Ce processus d’utilisation marketing de la nature, comme simple argument de vente pour des produits de soins, traduit en fait le paradigme quasi philosophique de notre conception actuelle de cette dernière.
Dans cette optique elle apparaît comme productrice de ressources exploitables par l’homme. Cette conception trahit un regard marqué par l’égoïsme et l’anthropocentrisme : l’homme se rend « comme maître et possesseur de la nature » en en exploitant les ressources qui l’intéressent, en la commercialisant.
Dans l’optique de Baudrillard on pourrait ainsi dire que la nature, en gagnant cette valeur symbolique, entre dans notre culture et devient un objet de consommation. A tel point que, telle que nous la concevons, elle n’est peut-être plus autre chose qu’un pur produit de la société de consommation.
Finalement, cette forme d’opportunisme commercial ne véhicule plus qu’une idée culturellement construite de la nature. Et, si l’on poursuit cette logique, ne pourrait-on pas même penser que la nature est dénaturée par ces stratégies marketing qui en exploitent la symbolique ?
Maïlys VYERS
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Crédits :

Gamme Pure et Natural de Nivéa
Le Petit Olivier
Palmolive
Yves Rocher
L’Oréal
Garnier 
Le Petit Marseillais

Sources :

Site du Petit Marseillais. Consulté le 03 février 2017
Site Kibodio. Consulté le 04 février 2017, « Soins Natura Sibérica »

Société

Le syndrome Malaise TV : fascination et répulsion de la gênance 2.0

Le respect est mort, vive MalaiseTV ! De l’hymne improbable d’une prépa scientifique au fameux « tout le monde debout » lors du Téléthon, MalaiseTV recense les plus grands « bides » du PAF et des réseaux sociaux. Du contenu vidéo sélectionné, volé, coupé, compilé et diffusé sans commentaire voix off : MalaiseTV, c’est avant tout un format qui séduit, sorte d’héritage hybride des « Best Of » et du défunt « Zapping Canal ». Illustration même de la métaphore quasi « digestive » proposée par McLuhan, le nouveau média dominant (Internet) a une nouvelle fois « absorbé » le média précédent (la télévision et même la radio) pour en faire son contenu. Originellement lancé l’année dernière par un trolleur du forum jeuxvideo.com, le compte Twitter a depuis donné lieu à de nombreux rejetons. MalaiseTV, malaisetele ou encore malaisant.fr: bienvenue au Pays du Malaise 2.0.

Politique

Afrique : la communication politique au service du paraître démocratique

Sur un continent où la corruption a rendu vain tout exercice de persuasion électorale, à qui s’adresse la communication politique des dirigeants africains? Depuis les années 90, les hommes politiques du continent noir s’entourent de spécialistes de la communication dont les noms n’ont rien d’inconnu en France: Jacques Séguéla, Marc Bousquet, Jacques Attali, Thierry Saussez. Comme un air de déjà-vu…
La Françafrique de la communication politique
En France, après le succès de la campagne de Mitterrand de 1981, le Parlement se rend compte des dérives d’un système électoral déterminé majoritairement par la fortune personnelle des élus, les dépenses électorales n’étant alors pas plafonnées. Pour garantir l’égalité entre les candidats, l’Etat fournit dorénavant une aide substantielle, tentant ainsi de mettre un terme à la surenchère médiatique dans le domaine de la communication et du marketing politique. Coup dur pour l’élite communicante qui avait largement bénéficié de cette absence de législation.
Parallèlement en Afrique, un élan démocratique contraint les chefs d’Etat à investir le terrain du marketing politique pour se maintenir au pouvoir. Après des décennies de relations franco-africaines dictées par des intérêts strictement économiques, Mitterrand bouscule ce que beaucoup percevaient comme un reliquat du colonialisme, lors du discours tenu lors du sommet franco-africain de La Baule en 1989. Dorénavant l’aide économique de la France est conditionnée à la démocratisation et au respect des droits de l’Homme dans les pays concernés. La communauté internationale guette plus particulièrement l’instauration du multipartisme et de l’alternance, deux inconnues dans l’équation africaine où l’on nomme encore président un homme qui gouverne depuis plus de trente ans.
Être ou paraître démocratique ?
Aussi dès les années 90, si communication politique il y a en Afrique, c’est une communication dont les destinataires sont les Occidentaux, et non les électeurs. D’aucuns ont cru que l’émergence de la communication politique en Afrique répondait aux exigences d’un système multipartite – mais la présence de ces agences de communication françaises (Havas Advertising, Agence Médiatique…) plutôt que l’appel à des acteurs locaux, pourtant présents sur le territoire national, trahit leur véritable objectif de séduction internationale. Plutôt que la preuve d’une juste concurrence démocratique lors des élections, il s’agit bien davantage d’un voile de fumée destiné à rassurer les décideurs et investisseurs européens.
« L’Afrique, déshéritée, […] enrichit un corps de métier dont l’objectivité n’est évidemment pas le principal souci. »
–    Christophe Champin
Ces faiseurs d’image venus de France, souvent appelés « gourous blancs » dans les hautes sphères décisionnelles, offrent surtout à leurs clients un carnet de contacts bien établi, crucial dans cette quête de légitimité internationale. Il n’y a pas meilleure illustration de cette spécificité communicationnelle que la figure de Jacques Séguéla. Connu en France pour avoir été le conseiller de François Mitterrand, créateur du célèbre slogan « La force tranquille », il élabore indifféremment la communication de Paul Biya, président octogénaire du Cameroun depuis plus de trente ans et celle d’Abdou Diouf, qui représenta en 2000 un certain renouvellement démocratique au Sénégal.
Temps fort des élections, temps mort des décisions
Si la communication politique est devenue inévitable pour les présidents africains depuis les années 90, la communication publique tarde quant à elle à faire son apparition. Une fois élus, les hommes politiques négligent complètement de communiquer autour de leurs décisions et leurs projets. Cette lacune altère l’ensemble de l’accès à l’information sur le continent africain et empêche finalement toute tentative de débat au sein de la société civile, qui demeure ainsi ignorante des enjeux économiques et politiques nationaux.

Encore une fois, la présidence de Paul Biya au Cameroun est emblématique de ce paradoxe, entre boulimie de communication lors des élections et absence et inertie silencieuse par la suite. Ainsi, « l’homme lion », surnommé ainsi après sa première campagne électorale, n’est aujourd’hui présent sur le territoire national qu’à l’occasion de cérémonies, de rencontres diplomatiques ou à l’approche des élections. Le reste du temps, Paul Biya est en Suisse et la vie politique au point mort.
Facebook ou l’illusion de la gouvernance
Au Cameroun, les réseaux sociaux contribuent à donner l’illusion de la gouvernance. Le président fait notamment un usage régulier de Facebook dans un pays de plus en plus connecté: outils de communication publique pour les élus français, Paul Biya ne nourrit ses réseaux sociaux que d’extraits de discours datés et de photos d’archives. Rien de neuf, aucun discours récent mais une sorte de catalogue de déclarations aléatoires et consensuelles : le chef de l’état camerounais réussit l’exploit de créer du contenu avec absolument rien, faute d’avoir accompli quoique ce soit de substantiel en trente-trois ans d’exercice du pouvoir.

Le discours officiel qu’il y tient ne témoigne d’aucun projet politique concret, d’aucun objectif chiffré qui pourrait intéresser les électeurs mais semble encore une fois s’adresser aux décideurs occidentaux. « C’est l’intention qui compte », suggère la page Facebook du président camerounais. L’accent est mis sur le pluralisme et sur le respect de la constitution, des arguments qui font mouche auprès de la communauté internationale mais qui laissent indifférente la population camerounaise, laquelle fait chaque jour l’expérience de la répression de la liberté d’expression.
#BringBackOurInternet
Le 17 janvier 2017, le gouvernement camerounais coupe le réseau internet dans les régions anglophones du pays. La minorité anglophone du pays, qui représente 20% des 22 millions de Camerounais, réclamait depuis plusieurs mois un retour du fédéralisme, se sentant de plus en plus marginalisée face à la population francophone majoritaire. Face aux manifestations, le gouvernement de Yaoundé réplique dans la violence. La contestation s’organise sur les réseaux sociaux, des photos des manifestants battus et violentés par l’armée circulent et menacent l’image soigneusement construite d’une dictature apaisée.
Sur la page Facebook du président, aucune mention de cette coupure. Pour autant, à l’heure des débats sur la loi numérique et sur la création d’un droit universel d’accès à internet, pareil blackout numérique ne pouvait rester sans conséquence : grâce à une puissante diaspora, le hashtag #BringBackOurInternet attire l’attention de la communauté internationale sur ce qui sera qualifié par Edward Snowden du « futur de la répression ».

This is the future of repression. If we do not fight it there, it will happen here. #KeepItOn #BringBackOurInternet https://t.co/UCzV1kN2Wx pic.twitter.com/uwzy8uhtpi
— Edward Snowden (@Snowden) 25 janvier 2017

Vers un printemps africain ?
Si au contact des « gourous blancs », la communication des dirigeants africains s’est digitalisée, elle se repose encore trop sur une rhétorique creuse qui n’a pour unique vocation que de rassurer la communauté internationale et néglige donc l’exercice d’information et de persuasion des électeurs – un risque à l’heure des réseaux sociaux et des victoires des mouvements citoyens en Afrique (« Le Balai citoyen » au Burkina, « Y en a marre » au Sénégal, etc.)
Partout, les médias traditionnels, sous-financés, n’avaient pas réussi à créer le débat ou une quelconque dynamique d’opposition. Mais le caractère gratuit des réseaux sociaux ainsi que la large diffusion de la téléphonie en Afrique ces vingt dernières années semblent inverser la tendance. Le Cameroun risque d’atteindre bientôt un point de rupture, entre les aspirations de cette jeunesse connectée qui veut faire de Twitter et de Facebook des outils au profit d’une information transparente, des espaces de débat et de participation politique, et le gouvernement répressif de Paul Biya qui, absorbé par sa stratégie communicationnelle de maintien des apparences, a manifestement négligé les potentialités éminemment démocratiques du web.
Hélène Gombert
Sources :
– ABODO Samila Harifadja, « La communication politique en Afrique : nécessité ou futilité ? », avril21.eu, publié le 20 avril 2012, consulté le 04 février 2017
– CHAMPIN Christophe, « Le pactole de la communication politique en Afrique francophone », Les Cahiers du journalisme n°9, automne 2001, consulté le 5 février 2017
– KOUAGHEU Josiane « BringBackOurInternet ou la révolte des Camerounais privés de réseau » Le Monde abonnés, publié le 27 janvier 2017, consulté le 4 février 2017
– Comptes Facebook et Twitter du Paul Biya, président du Cameroun
Crédits :
1 – Photo de présentation
2 – ActuCameroun.com
3 – Captures d’écran de la page Facebook de Paul Biya (https://www.facebook.com/ PaulBiya.PageOfficielle/?nr)
4 – Capture d’écran Twitter (https://twitter.com/Snowden)

Culture

Qui me lira ?

Le livre est un objet bien particulier. Attachant, symbolique, intime, il raconte parfois plus d’une histoire : la sienne et la nôtre. Partage, échange et lecture semblent alors former un cocktail qui va de soi. S’inspirant des campagnes de partage de livres qui agissent au Royaume Uni, The Fair, une société basée à Pékin, lance l’initiative Mobook : plus de 10 000 livres sont éparpillés près des transports en commun dans les grandes villes de Chine, prêts à être cueillis par d’avides lecteurs… Mais la réception manque curieusement et véritablement de poésie !
L’échec Mobook : une histoire qui finit mal
L’association Books on the Underground, fondé au Royaume-Uni, nous reconnecte avec la notion d’échange interpersonnel, émanant du livre. Le principe est simple : des livres sont déposés dans le métro presque tous les jours par des membres de l’association. Cette dernière est soutenue par de nombreux auteurs, éditeurs, mais aussi réalisateurs et acteurs. La participation d’Emma Watson à cette campagne en est l’exemple le plus récent. En novembre 2016, l’actrice a déposé dans le métro londonien une centaine d’exemplaires du même livre, Mom & Me & Mom de Maya Angelou, accompagnée d’une petite note explicative écrite de sa propre main. L’initiative est admirable mais surtout elle fonctionne ! Les passants étaient intrigués, l’échange s’est alors fait en toute habileté.

Mais lorsque le partage dépasse les frontières de l’Europe pour atteindre la Chine, le résultat s’avère moins positif, et de loin. Effectivement, The Fair lance sa propre campagne de bookcrossing dans les villes de Shanghai, Pékin, et Guangzhou, avec pour projet de l’étendre encore plus. Passant de 100 livres déposés par Emma Watson dans les métros londoniens à 10 000 livres répartis dans les transports publics de Chine, cette volonté d’incitation à la lecture prend une toute autre forme. Non seulement les passagers ne se sont pas emparés des livres mais surtout des plaintes ont fusé de toute part ! Et ce pour de multiples motifs : le manque de place dans le métro, le manque d’originalité, et la provenance trop occidentale de ce modèle… En résulte une campagne d’abord très réussie qui se transforme en un fiasco total.
La Chine, dépourvue de lyrisme ?
La démarche de bookcrossing, mise en place plus intensivement en Chine, en devient presque excessive et contraste avec la subtilité des actions menées par l’association anglo-saxonne. En cachant uniquement cent livres dans le métro et en invitant au partage, Emma Watson confère un aspect unique à chaque exemplaire et à la personne qui le trouvera. Poétique et attrayante, cette démarche communicationnelle joue sur l’effet boule de neige : un petit noyau de livres et de lecteurs qui se propage et s’agrandit. Dès lors, le côté brusque et soudain de la campagne Mobook détonne avec l’atmosphère offerte, originellement, par cette initiative. Le cœur du problème est rapidement identifié : l’idée est bonne, mais la cible ne lui correspond pas. D’une part, les métros circulant dans les grandes villes de Chine sont surpeuplés et ne permettent pas une activité de lecture paisible. Les réactions, intransigeantes et austères, dénoncent le « trouble de l’ordre public » ; et de ce fait de nombreux livres sont récupérés par le service de nettoyage du réseau de transports.

D’autre part, la Chine est l’exemple même d’une société qui ne lit plus (ou très peu), notamment parce qu’elle privilégie la technologie. Un sondage mené par l’Académie Chinoise de la Presse et de l’Édition montre qu’un citoyen du pays a lu en moyenne moins de 5 livres au cours de l’année 2015, chiffre radicalement supérieur aux États-Unis, au Canada mais aussi en Corée du Sud, avec 11 livres lus par an, et 9 au Japon. Le concept marketing de Mobook est estimé illusoire et vain, dans la mesure où les communicants autour du sujet, tel que l’acteur Huang Xiaoming, ne lisent vraisemblablement pas non plus. La démarche tourne alors au ridicule et n’est plus considérée que comme une activité marketing, visant à promouvoir la société The Fair. Ce manque d’intérêt et ces conditions sont décidément peu propices à l’expansion et à la réussite d’une telle campagne.
Livre versus smartphone : une page qui se tourne ?
Autre facteur, autre problématique : la technologie a pris la relève depuis de nombreuses années dans de nombreux domaines. Le livre pourrait-il être dépassé ? Si le monde de l’édition tend à nous prouver que non, l’obsession pour les smartphones semble pourtant justifier en partie l’échec de Mobook. Les transports sont, par excellence, des lieux propices à la lecture et nous voyons constamment des voyageurs plongés dans leurs livres. Mais désormais les portables occupent bien souvent les mains des passagers, et cela se fait particulièrement ressentir en Chine. Les citoyens, le nez rivé sur leurs smartphones, préfèrent suivre les réseaux sociaux, regarder des émissions ou jouer à des jeux vidéos. La lecture se raréfie car elle n’est ici plus vue comme un plaisir, mais uniquement comme un moyen de réaliser des objectifs professionnels ou intellectuels.

Une question, quelque peu inquiétante, se pose : est-ce réellement la campagne Mobook qui est à l’origine de ce flop, ou bien le livre lui-même ? Murong Xuecun, écrivain chinois renommé, souligne le manque d’intérêt pour la lecture de la part de ses concitoyens. Néanmoins, il est loin de décrire une situation désespérée ; il encourage la poursuite d’initiatives de ce type, lesquelles sont, après tout, la clé pour retrouver l’essence même de la lecture, fondée sur l’échange et le partage. Alors attention ! Le livre n’a pas dit son dernier mot.
Madeline Dixneuf
Sources :
Books On The Undergroud, site officiel, consulté le 29/01/2017
http://booksontheunderground.co.uk/
French-china.org, Le partage de livre dans le métro fait un flop, publié le 17/11/2017, consulté le 29/01/2017
http://m.french.china.org.cn/french/doc_1_26361_2153068.html
ActuaLitté, Dans le métro la chasse aux livres façon Emma Watson finit mal, Nicolas Gary, publié le 19/11/2016, consulté le 29/01/2017
https://www.actualitte.com/article/monde-edition/chine-dans-le-metro-la-chasse-aux-livres-facon-emma-watson-finit-mal/68124
The Guardian, Emma Watson leaves free copies of Maya Angelou book on tube,
Alison Flood, publié le 3/11/2016, consulté le 30/01/2017
https://www.theguardian.com/books/2016/nov/03/emma-watson-free-copies-maya-angelou-books-on-tube-harry-potter
Crédits photos :
Actualitté.com
Facebook Books on the Underground
Au boudoir écarlate, sur ecommerce & co
French.China.org

Politique

Le Penelopegate ou l’art du scandale en communication

C’est un scandale de plus révélé par l’historiquement irrévérencieux Canard Enchaîné, le mercredi 25 janvier, et dans lequel patauge François Fillon depuis une semaine : Pénélope Fillon, femme du candidat LR à la présidentielle, aurait gagné au moins 500 000€ (le chiffre monte) grâce à un emploi fictif d’assistante parlementaire et à une collaboration légère à La Revue des Deux Mondes.
Le lendemain, une enquête est ouverte par le Parquet Judiciaire pour « détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits », un intitulé peu saillant pour celui qui déclarait en 2012 « il y a une injustice sociale entre ceux qui travaillent dur pour peu et ceux qui ne travaillent pas et reçoivent de l’argent public ».
Entre effet boule de neige et jeux d’échos
Les échos sur l’affaire Pénélope Fillon, bien vite renommée « Penelope Gate », se sont immédiatement multipliés dans la sphère politique. Certains surfent sur la vague, tel Benoît Hamon qui propose d’interdire l’embauche de proches par les parlementaires. D’autres se prennent les pieds dans le tapis, comme Marine Le Pen, reprise sur le plateau de TF1 parce qu’elle est également mise en cause pour une affaire de travail fictif concernant des assistants du Front National au parlement européen, ou encore François de Rugy qui, voulant ironiser sur l’affaire en photographiant les fiches de paie de ses deux assistants parlementaires, a trahi l’inégalité de salaire entre son collaborateur et sa collaboratrice. Chaque réaction est le prétexte sinon d’un article, au moins d’un tweet.

#PenelopeGate
Car le tapage, mesure sonore du scandale, n’est pas seulement l’apanage des politiques, il suffit pour cela de suivre le fil rouge du hashtag #PenelopeGate. En plus des dernières mises à jour de l’affaire judiciaire, on y retrouve l’ironie mordante avec laquelle le Canard avait écrit son article.

Dans le cas spécifique du scandale, les réseaux sociaux permettent ainsi aux médias traditionnels et aux citoyens de doubler le discours informatif d’un discours de dérision. Comme les caricatures du XXème siècle, les images verbales et non-verbales autorisent une sorte de retournement de pouvoir qui, s’il est temporaire et symbolique, n’en est pas moins cathartique.
Communication de crise : l’émotion est-elle le bon filon ? 
Pendant que Twitter gazouille, le camp Fillon organise la défense : un scandale, selon l’étymologie grecque skándalon est une « pierre placée sur le chemin pour faire trébucher ». Or, à moins de deux mois des élections, les points de sondages perdus par François Fillon suite aux révélations du Canard Enchaîné pourraient être le début d’une chute fatale pour le candidat de droite.
La communication de crise du camp Fillon s’est faite en trois temps : sur les conseils d’Anne Méaux, conseillère en communication du candidat, François Fillon se présente tout d’abord au journal de 20h du 26 janvier. Mais l’exercice est dangereux. Malgré la volonté du candidat de faire face aux français en toute honnêteté, à la loupe du factchecking des internautes, le candidat commet des erreurs d’approximation qui desservent sa défense.
Ensuite, son équipe de communication orchestre la mise en scène du meeting de La Villette. Alors que François Fillon fait son entrée main dans la main avec femme, sa porte-parole lance une ovation reprise par les 15 000 personnes présentes. À la tribune, c’est l’émotion qui domine. Penelope Fillon, dressée en victime de la calomnie, réveille en son mari un personnage protecteur qui humanise un candidat parfois jugé trop austère : « Je la défendrai ; je l’aime et je la protégerai et je dis à tous ceux qui voudraient s’en prendre à elle qu’ils me trouveront en face ». À la dramatisation du discours répond l’engouement de la foule ; l’introduction du registre pathétique, inhabituel chez M. Fillon, est efficace chez ses partisans.
Enfin, suite à l’audition du couple par le parquet, un tweet depuis le compte du candidat assure que « tous deux ont pu établir des éléments utiles à la manifestation de la vérité ». La forme est intéressante : ce n’est pas un tweet brut, mais la capture d’écran du communiqué officiel. La mise à distance scripturale et énonciative rend le propos plus objectif.
 
Scandale et imaginaire politique
Avec la parution de nouvelles accusations via le Canard Enchaîné du mercredi 1er février, et la poursuite de l’enquête par le Parquet, la communication du camp Fillon, peu portée sur une argumentation de fait, bat de l’aile. Même s’il n’y a pas de mise en examen, le doute instillé par le scandale peut avoir fait perdre quelques électeurs cruciaux au parti Les Républicains.
Que le scandale soit fondé ou non, sa réception et son traitement sont révélateurs : plus proche de l’infotainement que du choc politique, l’affaire Fillon – dont le Penelope Gate n’est qu’un épisode – indigne mais n’étonne pas. L’imaginaire politique français tend dangereusement vers le cynisme : l’intégrité dans le milieu semble être devenu une chimère, et cette banalisation du mensonge et de l’impunité interroge les fondements républicains et démocratiques de l’État.
 
Mélanie Brisard
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Pour prolonger la lecture :
• Les précédents politiques du genre
• La perception de la presse étrangère 
• L’interview de Penelope Fillon pour le site de campagne de son mari, et en particulier sa réponse sur la place de femmes en France
 
Sources :
• Le Canard Enchaîné du 25 janvier et du 1er février 2017
• Une partie des réactions captées par le Figaro
• Le direct du journal Le Monde sur le sujet
• Sur les erreurs de défense de fait de Fillon  
• Le cas De Rugy analysé par le Point
• Résumé du meeting à la Villette par France TV Info
 
Crédits photos :
• L’affaire vue par Fair
• Captures d’écran du fil Twitter
• L’affaire vue par Frédéric Deligne
• L’affaire vu par Pascal Gros @GrosPascal
 

Publicité et marketing

Les hologrammes à l’assaut des égéries !

Sushi, manga, cosplay et anime¹, la culture japonaise s’exporte en Europe plus que jamais et colore notre quotidien. Cette acculturation va même jusqu’à bouleverser les codes de communication associés au luxe et notamment du côté des égéries. Elles inspirent les consommateurs et incarnent les marques, mais doivent-elles pour autant être « réelles » comme nous le démontre le Japon ?
L’égérie entre lifestyles, imaginaires et représentations
En théorie, l’égérie symbolise une marque et crée une forte identification car elle représente pour le consommateur un modèle à atteindre, aussi lointain qu’accessible. Même si les plus grands acteurs et actrices appartiennent à l’univers des strass hollywoodiens, à certains égards leur quotidien peut sembler proche du nôtre. Ainsi, à la simple vue de Charlize Theron, on ne peut s’empêcher de penser au parfum J’adore de Dior. Et si vous croisez Keira Knightley, la publicité Chanel au chapeau melon recouvrant sa poitrine, apparaîtra spontanément dans votre esprit.

L’égérie se doit d’être un idéal à atteindre mais elle doit aussi correspondre par son style de vie et ses aspirations aux valeurs de la marque qu’elle représente pour rendre la collaboration cohérente et efficace aux yeux des consommateurs. Alors le plus souvent, quoi de mieux et de plus simple techniquement que de prendre une célébrité reconnue pour sa beauté, son charisme et, dans la plupart des cas, son engagement humanitaire ? Mais il semblerait que cet être idyllique puisse aussi être fabriqué de toutes pièces.
L’égérie made in Japan
L’innovation vient du Japon, où quotidiennement les personnages de manga prennent vie à travers figurines, cosplay, animes et même hologrammes. En effet, depuis une dizaine d’années, la chanteuse virtuelle Hatsune Miku² cartonne au Japon et aux États-Unis, où elle y a effectué une tournée. Alys, sa cousine française née en 2014, s’est produite en concert au Trianon le 17 décembre 2016. L’hologramme franco-japonais créé par l’équipe VoxWave est le premier de son genre en France. Alys possède une personnalité, une voix et se produit en concert sous forme d’hologramme aux cotés de musiciens et est même inscrite aux sélections françaises pour l’Eurovision 2017.

Ici on ne parle pas d’égéries mais bien d’artistes virtuels. Cependant, cette personnification digitale émettant des sons modulés artificiellement, en a inspiré d’autres. En 2016, Nicolas Ghesquière, le directeur artistique de Louis Vuitton, a choisi Lightning, célèbre héroïne du jeu vidéo Final Fantasy XIII, pour la collection printemps-été, Série 4. À savoir qu’en 2012, Lightning et ses compagnons masculins avaient aussi représenté Prada à l’occasion des vingt-cinq ans de la série.

Dans un autre registre, le Japon a désigné des personnages de jeux vidéo, d’anime et de manga comme ambassadeurs pour les JO de Tokyo en 2020 et vient d’intégrer ce mois-ci Sangoku³ dans l’équipe, le célèbre Saiyan à la queue de singe. Dans le cas du Japon, le choix de ces ambassadeurs atypiques peut s’expliquer par leur forte représentativité de la culture nippone et par leur capital sympathie dans le monde.

Pour ce qui est de la France, on observe ce phénomène à travers le parfum La Petite Robe Noire de Guerlain, un carton marketing qui se passe d’égérie et dont le visage du parfum n’est autre que La Petite Robe Noire elle-même. Cette illustration créée à l’encre de Chine par Kuntzel & Deygas est une véritable innovation en France, où les grandes marques de luxe et de beauté se disputent habituellement les peoples les plus en vogue.
L’égérie malmenée
Comment justifier un tel choix de la part des marques ? Les individus parviennent-ils à s’identifier à de telles égéries virtuelles qui semblent dépourvues de substance au premier regard ? Pour Nicolas Ghesquière, cela relève d’un choix esthétique : Lightning est le « symbole d’un nouveau processus artistique » qui met « en avant la beauté virtuelle des jeux vidéo ». Mais elle représente aussi la femme forte et courageuse bravant tous les obstacles car la femme de nos jours est « parfois si courageuse dans ses actions qu’elle en devient supérieure et iconique ».
Peut-être aussi parce que, d’une certaine manière, les égéries — bien qu’en chair et en os — semblent tout aussi « irréelles » que les virtuelles aux yeux des consommateurs. Se pose alors la question de la pertinence d’une égérie inaccessible faisant rêver au profit d’une égérie proche de ses consommateurs comme les ambassadeurs Mario Bros ou Sangoku pour les JO de Tokyo.
Ces exemples questionnent l’emploi d’égéries « réelles » souvent à des prix exorbitants au profit d’égéries digitales. Elles ont le mérite d’apporter un souffle nouveau à l’univers de la mode et du luxe bien que leur élaboration relève aussi d’une prouesse technique qui peut être également coûteuse, puisqu’il faut faire appel à des experts en graphisme et animation audiovisuelle. Pour Guerlain, l’égérie virtuelle sans visage permet à chaque femme de s’identifier à cette silhouette pétillante et virevoltante qui porte la pièce incontournable de chaque dressing, une robe noire. Même si paradoxalement, cette forme féminine peut représenter un frein à l’identification, par son corps longiligne aux jambes interminables.

Attention tout de même à ne pas tomber dans l’excès ou bien nous serons vite gouvernés par des égéries virtuelles dotées d’une intelligence artificielle. Les ingénieurs de la Silicon Valley auront eu bien raison de construire des bunkers pour se préparer contre la révolution « humanité versus IA » du XXIe siècle.
Flore Voiry
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Glossaire :
¹ Anime : une série télévisée ou un film d’animation japonais. Les animes sont souvent inspirés de manga.
² Hatsune Miku : ou Miku Hatsune, il faut préciser qu’il ne s’agit pas d’une chanteuse au sens classique du terme, mais d’une mascotte du logiciel de synthèse vocale pour artiste musicaux Vocaloid. Les chansons qu’elle interprète sont alors celles créées par les utilisateurs du logiciel. Une grande base de donnée de ces productions se trouve sur le site NicoNico Video, une plateforme d’hébergement de vidéos très connue au Japon.
³ Sangoku : il est le héros de la série Dragonball et appartient à la race des Saïyens. Ce sont les habitants de la planète Vegeta. Il s’agit d’une race de puissants guerriers à l’apparence humaine. Seule une queue de singe dans le bas du dos permet de les distinguer.
Crédits photo :
1 : Square Enix
2 : Dior
3 : Chanel
4, 5 & 6 : https://adrianongaming.wordpress.com/
7 : Japanese Olympic Commitee
8 & 9 : Guerlain
Sources :
Une campagne publicitaire sans précédent pour La Petite Robe Noire de Guerlain
Tendance-parfums.com
http://www.tendance-parfums.com/la-petite-robe-noire-guerlain-publicite.html
(pas de date ni auteurs)

Steve Ernis
Louis Vuitton : La pub de Lightning dans son intégralité en vidéo
07/01/2016
gameblog.fr
http://www.gameblog.fr/news/55864-louis-vuitton-la-pub-de-lightning-dans-son-integralite-en-vi
Tiphaine Thuillier, publié le 30/04/2015 à 15:06 , mis à jour à 15:18
ALYS, la première chanteuse virtuelle française
le 30/04/2015
lentreprise.lexpress.fr
http://lentreprise.lexpress.fr/creation-entreprise/idees-business/alys-la-premiere-chanteuse-virtuellefrancaise_1676326.html
Sacha Ramtohul
Les personnages de FINAL FANTASY présentent la collection Prada Homme printemps/été 2012
le 04/04/2012
eu.square-enix.com
http://eu.square-enix.com/fr/blog/les-personnages-de-final-fantasy-presentent-la-collection-pradahomme-printempsete-2012

Politique

Hamon, la stratégie du papillon

« S’il vaut mieux être aimé que craint, ou être craint qu’aimé ? On peut répondre que le meilleur serait d’être l’un et l’autre. Mais, comme il est très difficile que les deux choses existent ensemble, je dis que, si l’une doit manquer, il est plus sûr d’être craint que d’être aimé. »
– Machiavel, Le Prince, Chapitre XVII
Cette équation semble se vérifier encore de nos jours au fil des élections. Un exemple : en Novembre 2016, un sondage IFOP pour Psychologies Magazine donnait Alain Juppé comme la personnalité politique « la plus gentille » parmi les candidats alors déclarés à la présidentielle. Le 14 Décembre, il était largement battu lors des primaires LR par le représentant de la droite sans compromis, François Fillon. La gentillesse serait-elle condamnée à être vue comme faiblesse dans l’imaginaire politique ?