Publicité et marketing

Les goodies, good pour l’entreprise ?

Le 30 novembre 2016 a eu lieu l’anniversaire des cinq ans de notre cher FastNCurious, l’occasion d’organiser un petit jeu-concours : quels prochains sujets d’articles pour le blog ? Les heureux gagnants remportaient ensuite un tote bag à l’effigie du site. FastNCurious était une fois encore « IN » ce soir-là puisque le tote bag, c’est la tendance du moment ! Dans les salons, dans les foires, à la fac ou encore sur la plage : il est partout et on l’adore. Plus largement, ce sont des dizaines de marques qui ont aujourd’hui choisi de capitaliser sur les produits dérivés gratuits. Problème : cela a un coût et leur succès n’est pas toujours garanti. Alors les « goodies » peuvent-ils suffire à la marque pour acheter l’adhésion (tant convoitée) du consommateur ?
C’est bon, c’est good et c’est cadeau !
Aujourd’hui dans le domaine de la communication, la publicité par l’objet occupe une place de plus en plus importante et s’est imposée au sein des nombreuses techniques de promotion. Le tote bag, avec son aspect « fourre-tout » et son look branché, colle à la peau des jeunes générations. Les marques l’ont bien compris et ont ainsi choisi de capitaliser sur ce type de produits : de plus en plus d’entre elles créent des départements entiers consacrés aux goodies. Stylos, crayons, autocollants, sacs en tissu et on en passe, il y en a pour tous les goûts !
L’intérêt ici est la gratuité de la marchandise. Recevoir un cadeau lorsqu’on achète un produit ou l’on participe à un événement donne parfois l’impression de faire des économies, voire de gagner de l’argent ! Pourquoi se payer un tote bag à cinquante euros quand on peut avoir le même gratuitement ? Grandes Écoles, universités, associations… Cette pratique est de plus en plus répandue et participe directement à la création d’un univers de marque. Et rien de mieux pour se mettre le client dans la poche !
Dans un contexte de crise économique et avec le développement massif d’Internet et des nouvelles technologies, l’objet publicitaire est un véritable levier de contact avec la cible visée et permet au message publicitaire d’être reçu très largement. Une valeur sûre, donc ! Selon la 2FPCO (Fédération française des professionnels de la communication par l’objet), en mars 2012, le montant global des investissements en matière de communication par l’objet en France s’élevait à 1,4 milliard d’euros. Cela dit, toute la difficulté pour l’entreprise repose sur le choix du bon produit… ou pas.
Une seule règle d’or : be coherent
Si le produit dérivé gratuit figure parmi les stratégies les plus pertinentes en termes d’amélioration de la relation client, il n’est pas évident que cela fonctionne à tous les coups. La difficulté principale lorsqu’une marque déploie sa gamme de goodies est de rester dans l’environnement quotidien de ses clients, de manière à ce que ces derniers aient toujours dans leur champ de vision le message qu’elle désire leur transmettre. Le tote bag, par exemple, représente le it-bag par excellence auprès de la jeune génération. Ainsi, les marques de mode à l’univers bohème et parisien branché sont les premières à s’approprier ce genre d’objets, comme la boutique de prêt-à-porter Les Petites… Les salariés ou cadres d’entreprise, quant à eux, seront davantage friands d’un stylo tactile à l’effigie d’Engie, plus représentatif de l’image sérieuse, ingénieuse que le fournisseur de gaz et d’électricité a acquis auprès de sa cible.
Au-delà d’un choix astucieux, les goodies sont aussi créatrices de nouvelles problématiques pour les marques. En effet, le choix de l’objet gratuit comme support publicitaire signifie du temps et des coûts de production supplémentaires pour ces dernières. Il s’agit donc de créer des objets qui conviennent aux clients, de qualité et en limitant les coûts trop élevés. Prestations de designers, achats de machines spéciales pour l’impression des logos sur des supports divers, autant de pré- requis qui eux, ne sont pas gratuits ! Par exemple, chaque bracelet distribué au début d’une soirée ou d’un événement coûte en moyenne une petite dizaine de centimes d’euros à l’entreprise, même chose pour les stylos ou étuis pour cartes. Alors en réponse à ces efforts, quel retour sur investissement ?
Les goodies, ambassadeurs de choc !
À la fin des années 2000, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé un produit pour aider les enfants d’Asie et d’Afrique et agir principalement contre la soif dans ces régions. Ce produit prenait la forme d’un verre sur lequel figurait la photo d’un enfant africain très maigre. Une fois rempli d’eau, l’enfant grossissait, symbole d’une santé qui s’améliore. Grâce au concept de l’objet publicitaire, l’OMS a pu récolter environ 13 850€ de fonds.
Sans faire du consommateur un énorme panneau publicitaire, le goodies se fait ambassadeur de la marque ou de l’organisation qui l’utilise. Celle-ci peut alors toucher des publics différents et sortir des cercles sociaux restreints. Si je porte un tote bag FastNCurious, le logo imprimé sur le sac est à la portée du premier voyageur dans le métro, alors piqué ou non par la curiosité d’aller se renseigner sur Internet. La réputation de la marque s’active donc à distance.
L’objet brandé incarne également le lien affectif qu’entretien le consommateur avec sa marque et est pour celle-ci un moyen de garder un contact direct avec ses clients. En effet, Olivier Doré- mieux, gérant de la société New Software Marketing, spécialisée dans la conception de cadeaux publicitaires, met en garde contre l’essor incontrôlé de l’immatériel : « Internet est pratique et sé- duisant, mais attention à ne pas perdre la proximité avec ses interlocuteurs, à ne pas ternir les relations. »
La solution : un outil marketing et de communication non intrusif et discret que l’on manipule et s’approprie aisément. La marque intensifie ainsi son rôle d’influenceur et voyage avec celui qui la porte. Selon une étude de 2FPCO en juin 2011, plus de 70,4 % des personnes ayant reçu un objet publicitaire se souviennent de la marque ou du nom de l’entreprise qui y est inscrit, et environ 58% d’entre eux voient l’entreprise à l’origine de l’initiative d’un bon œil, après réception du cadeau. Il semblerait bien que, plus qu’efficaces, les goodies, on en redemande !
Camille Lainé
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Sources :
BRIAND Béatrice, « Tote bag personnalisé », Blog-objets-publicitaires.fr, 22/11/2016 http://www.blog-objets-publicitaires.fr/tote-bag-personnalise, consulté le 18.01.17
ALAIMO Mathieu, « Et si on réinventait le stylo publicitaire (suite et fin) », Blog-objets-publicitaires.fr, 12/09/2016, http://www.blog-objets-publicitaires.fr/et-si-on-reinventait-le-stylo-publicitaire-suite-et-fin – consulté le 18.01.17
FISCHBACH Jérôme, « Tribune libre : l’objet brandé, un lien affectif entre la marque et le consommateur », e-marketing.fr, 21/11/2014, http://www.e-marketing.fr/Thematique/Tendances-1000/Breves/Tribune-libre-objet-brande-lien-affectif-entre-marque-consommateur-247905.htm#H1zHIjc1eHXdRfmq.97
JT 20H de TF1 du 17/10/2016, http://www.lci.fr/lifestyle/le-tote-bag-nouvel-accessoire-indispensable-au-quotidien-2008194.html consulté le 20.01.17
Amélie, « Le mystère du Tote Bag décrypté en 3 points », Madmoizelle, 04/10/2016, http://www.madmoizelle.com/tote-bag-pourquoi-257523 – consulté le 20.01.17
SIMONEAU Jean-Louis, « Le cadeau publicitaire, outil de communication indispensable ? », 3collaboractifs.com, 15/04/2015 https://3collaboractifs.com/2015/04/15/le-cadeau-publicitaire-outil-de-communication-indispensable/#more-1599 – consulté le 24.01.17
Objet-publicitaire-ecologique.org, « L’intérêt de la publicité par l’objet », 01/03/2010, http://objetpublicitaire-ecologique.org/publicite-par-objet/ – consulté le 24.01.17
CANEVET Frédéric, , « Comment utiliser les Objets Publicitaires pour booster vos ventes ? », blog conseilsmarketing.com, http://www.conseilsmarketing.com/fidelisation/comment-utiliser-les-objets-publicitaires-pour-booster-vos-ventes – consulté le 25.01.17
Crédits images :
https://3collaboractifs.files.wordpress.com/2015/04/goodies-3collaboractifs.jpg

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Non classé, Société

#HelloJVC, from the Internet's other side

Au début des années 2000, les forums représentaient pour la majorité des internautes une sorte d’idéal, et ce qu’Internet devrait être aux yeux de nombreux utilisateurs : un espace de rencontre, de discussion et de libre expression, notamment grâce à l’anonymat. Certes, des modérateurs devaient encadrer les échanges, mais certains utilisateurs les voyaient comme des espaces quasiment dénués de règles.
Aujourd’hui, la plupart des forums ont perdu de l’audience au fur et à mesure que les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter ont gagné en importance, mais un dernier bastion semble résister au respect et à la bienveillance que tous souhaiteraient voir se propager sur Internet : le « 18-25 » de jeuxvideo.com.
The Twilight Zone
S’intéresser au site et au forum de jeuxvideo.com, c’est avant tout s’intéresser à une des premières communautés d’Europe unie par et pour le jeu vidéo, qui perdure malgré les années et les modes. Ces passionnés du jeu vidéo font émerger des langages, des symboliques et des espaces réservés, comme le Blabla, une section du forum où les utilisateurs ont le droit de parler de tout ce qui les intéresse et qui n’entre pas dans le cadre du jeu vidéo. Cette section est divisée selon l’âge des internautes, les deux principales étant 15-18 et 18-25, ce qui ressemble davantage à la catégorisation d’une colonie de vacances qu’à celle d’une communauté d’adultes.
Pourtant, pas de chansons endiablées, ni d’esprit bon enfant. En effet, pour beaucoup, le 18-25 est un véritable repaire de ce que l’on peut trouver de pire sur Internet : antisémitisme, conspirations, misogynie ou encore homophobie. Au sein même des autres catégories du forum, des modérateurs bénévoles se sont confiés au site Numerama en avouant qu’il « n’y a actuellement pas de solution pour contenir le géant qu’est 18-25 », signe de l’impuissance de ceux que l’on considère pourtant comme des garants du bon fonctionnement d’un forum.
#HelloJVC : SOS d’internautes en détresse
Le 4 janvier dernier, lassés d’être les cibles récurrentes de certains membres du 18-25, plusieurs internautes (dont de nombreuses militantes féministes) ont décidé de réunir leurs témoignages de cyber-harcèlement avec le hashtag #HelloJVC. Sophie, connue sur Twitter sous le pseudo @DouxBidou, est à l’origine de cette initiative. Elle avait déjà eu affaire par le passé aux membres de ce forum, notamment après avoir partagé sur son compte Twitter le récit d’une agression qu’elle venait de vivre. En effet, si d’autres utilisateurs ont compati à son histoire, ou l’ont relayée, elle a également été la victime d’une campagne de harcèlement – aussi appelée un « raid » – lancée par la #1825Army (hashtag utilisé par les harceleurs). Ce raid comprenait entre autres des appels à l’agression, parfois même au viol. On est donc bien loin de l’ambiance bon enfant revendiquée par certains modérateurs.

 

Aujourd’hui, alors que le gouvernement multiplie les initiatives anti-harcèlement, Webedia semble se concentrer sur d’autres problèmes, davantage liés à la concurrence entre sites de jeux vidéo. Certes, le forum a été félicité pour sa gestion de messages extrêmes, surtout en ce qui concerne ceux liés à la religion, mais cela ne semble pas s’appliquer à toutes les dérives. Ainsi, qu’il s’agisse des modérateurs ou des dirigeants, ce qui se passe en dehors du forum (en l’occurrence sur les réseaux sociaux) ne semble plus les concerner, y compris quand les harceleurs mentionnent explicitement qu’ils viennent de JVC.
Cette affaire ayant fait grand bruit, de nombreux médias comme LCI ou Numerama ont contacté les salariés de Webedia afin de les faire réagir : sans résultat. Seuls les grands pontes du groupe se sont exprimés, pour rappeler que le travail des modérateurs est bénévole, et qu’ils ne peuvent donc pas s’occuper de tous les problèmes du forum. En effet, c’est une observation légitime, qui aurait pu être acceptée par les premières concernées, c’est-à-dire les harcelées, si un membre de l’équipe en charge du gaming chez Webedia, Cédric Page par exemple, avait eu un tweet ou un post Facebook de considération pour elles. Or au contraire, celui-ci a préféré rendre hommage à un meme, une private joke du 18-25 : l’acteur espagnol El Risitas, dont c’était l’anniversaire. Dans ce contexte, cette référence semble bien maladroite, car l’armée du 18-25 y voit un soutien de la direction : il y a donc désormais au sein de Webedia un double discours dangereux.

Une e-campagne qui prend de l’ampleur
Par ailleurs, il semblerait que le 18-25 devienne également un objet de convoitise pour les hommes politiques. En effet, après la présence sur les réseaux sociaux ou encore sur YouTube, il convient de continuer à propager son message auprès de la plus grande communauté de jeunes possible, et pourquoi pas donc par l’intermédiaire du 18-25.
Jean-Luc Mélenchon, dans ses vidéos YouTube remerciait ainsi régulièrement ses supporters inscrits sur le forum. Cela avait d’ailleurs conduit à une première campagne de harcèlement quand plusieurs militantes féministes lui avaient reproché ce soutien, ce que les forumeurs n’avaient pas apprécié.
Récemment, c’est Florian Philippot qui a également multiplié les références au fameux El Risitas, pour s’attirer, lui aussi, les faveurs des membres du forum. Pourtant, pour ceux connaissant cette polémique, il ne saurait s’agir d’une prise de position judicieuse et suscitant l’intérêt. En effet, comme dans le cas de Cédric Page, ces références et allusions apparaissent comme des soutiens aux membres du forum, et donc une certaine forme de négation de la souffrance des personnes harcelées.

Dès lors, la polémique autour de la gestion des forums de jeuxvideo.com par Webedia cache en fait deux flops majeurs qui relèvent tant de sa communication de crise que de sa politique.
En effet, en s’attachant aux références liées à l’image du forum, les salariés de Webedia semblent se désintéresser du sort des internautes harcelés et ce, malgré les propos graves tenus par ceux se réclamant de cet espace de discussion. Par ailleurs, en faisant de même, les hommes politiques qui continuent d’essayer de gagner en soutien, ne peuvent plus apparaître uniquement comme des personnes cherchant à se rapprocher de la jeunesse française. En tant que potentiels représentants de l’Etat français, leur silence apparaît comme une sorte de légitimation, un encouragement supplémentaire à continuer, et surtout une forme d’opportunisme envers une communauté dynamique et à même de se reconnaître dans « l’antisystème » prôné par le Front de Gauche comme par le Front National.
Justine Ferry
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Sources :

– Condomines, Anaïs, LCI, Cyber-harcèlement et raids antiféministes sur le forum 18-25 de Jeuxvidéos.com : ‘cela a assez duré’, le 05/01/2017 (consulté le 23 janvier 2017)
– Duchateau, Erwan, Les Inrocks, Quand Florian Philippot utilise Risitas pour draguer la communauté de Jeuxvideo.com, le 18/01/2017 (consulté le 24 janvier 2017)
– Durand, Corentin, numerama, Cyber-harcèlement sur le 18-25 : JeuxVideo.com pourra-t-il se sauver de sa communauté ?, le 05/01/2017 (consulté le 22 janvier 2017) (crédit photo pour la photo de couverture)
– Réaux, Amandine, LeLab Europe 1, Les grosses références de Florian Philippot au forum 18-25 de Jeuxvideo.com, 17/01/2017 (consulté le 24 janvier 2017)
– Le Monde, Après Mélenchon, Philippot fait de l’œil au forum de Jeuxvideo.com, 17/01/2017  (consulté le 23 janvier 2017)

Société

César 2017 : une prison dorée pour Polanski ?

Le mercredi 18 janvier, une révélation importante affectait le monde du cinéma : Roman Polanski, réalisateur franco-polonais au talent reconnu, est nommé président de la 42e cérémonie des César.
Réalisateur de renom certes, mais également acteur principal dans une affaire de viol sur mineure en 1977. L’affaire implique Polanski, alors âgé de 43 ans, et Samantha Geimer, 13 ans, qui l’avait accusé de l’avoir droguée puis violée. Alors qu’il devait être jugé aux États-Unis, Polanski s’enfuit pour échapper à son destin et est depuis poursuivi par la justice américaine. Criminel et fugitif, Polanski est appelé à devenir en 2017 président des César, nomination honorifique visant à applaudir l’ensemble de sa grande carrière cinématographique.
S’il a depuis renoncé à cette nomination, la polémique ne faiblit pas. Peut-on vraiment balayer une telle affaire d’un revers de caméra ?
En 2017, le cinéma français est toujours muet
Cette nomination interroge la séparation de l’œuvre et de l’artiste : Polanski doit-il être défini par sa filmographie ou par son passé judiciaire ? En France et aux États- Unis, deux perceptions s’affrontent.
Tandis qu’Outre-Atlantique la vie privée et la vie publique d’un artiste sont inséparables, la France sépare distinctement les deux. C’est ainsi que le réalisateur américain Nate Parker, accusé de viol il y a dix-huit ans, a vu son nouveau film The Birth of a Nation perdre toute chance d’être sélectionné pour les Oscars. La communication autour d’un film peut, dans certains cas, être intrinsèquement liée à l’image de son réalisateur, parfois même en dépit de la qualité de l’œuvre. En France, la figure d’icône du cinéma qu’incarne Roman Polanski semble justifier ce choix. Sacré plusieurs fois « meilleur réalisateur », il semble avoir acquis une immunité, celle de mettre entre parenthèses cet épisode de sa vie pour se concentrer sur ce qu’il y a de meilleur en lui, son talent cinématographique. On éclipse alors cette affaire pour l’amour du cinéma ; c’est ce que fait Alain Terzian, président de l’Académie des César, quand il qualifie Polanski d’ « esthète insatiable » qui « réinvente son art et ses œuvres au fil des époques ». La plupart des personnalités du 7e art a gardé le silence face à cette nomination, ou alors a pris la défense du Maître Polanski. Pour le petit monde que constitue le cinéma français, Roman Polanski est un demi-dieu, une référence. S’insurger contre le choix de l’Académie, c’est l’attaquer et renoncer à tout espoir de tourner un jour avec le réalisateur.
Nommer Polanski président, c’est le mettre sous le feu des projecteurs, sans égard pour son statut judiciaire, et nier toutes les victimes de viol. Le nommer président, c’est en quelque sorte l’excuser et le présenter comme modèle. C’est justement contre la représentation que ce titre suscite l’insurrection des féministes. La porte parole de l’association Osez le féminisme, Claire Serre-Combe, rappelle ainsi que « Choisir Polanski comme président, c’est le placer en tant que référent, autorité morale d’une cérémonie au cours de laquelle il va être mis en avant. ». Muet sur cette affaire, le cinéma français glorifie Polanski en tant que réalisateur, en montrant d’autant plus qu’il ne le sanctionne pas en tant que citoyen.
Twitter, ou le tribunal 2.0
À l’annonce de ce choix, quelques voix s’élèvent timidement pour protester. Par exemple, Laurence Rossignol, ministre des droits des femmes, réagit le 20 janvier sur France Culture et dénonce « une forme d’indifférence à l’égard de quelque chose qui reste aujourd’hui grave et que nous cherchons par ailleurs à combattre ».

Mais ces petites voix éparses sont vite rejointes par la grosse voix d’Internet. Là où la dénonciation individuelle n’a que peu de poids, Internet permet de s’opposer plus massivement. La polémique est ainsi rattrapée par les réseaux sociaux, et notamment sur Twitter. Le #BoycottCésar est lancé et largement utilisé, illustrant la prise de position de la twittosphère en faveur des féministes. En parallèle de ce mouvement sur Twitter, une pétition est apparue sur Change.org « Pour la destitution de Roman Polanski comme président des César » et a recueilli un grand nombre de signatures. Cette forte participation et la visibilité acquise par de telles actions témoignent du rôle puissant d’Internet dans la contestation, et ont probablement participé au renoncement personnel du réalisateur.

À l’inverse du collectif qui oublie facilement ou applique la politique de l’autruche, Internet n’oublie pas. Cette polémique est l’affaire du temps contre la justice. Audrey Azoulay, ministre de la culture, a déclaré : « Les faits en cause sont particulièrement graves. Mais ils sont aussi très anciens. »; tout comme Aurélie Filippetti qui a annoncé d’une même voix : « C’est quelque chose qui s’est passé il y a quarante ans. On ne peut pas à chaque fois relancer cette affaire. ». Pourtant, selon la twittosphère et son hashtag #BoycottCésar, le temps ne fait rien à l’affaire : Polanski doit être jugé ou ne pas être, et c’est en cela que la communauté Internet se révèle être le véritable juge du réalisateur coupable. Twitter, le tribunal de demain ?
Les grandes cérémonies : entre-soi ou porte-voix ?
Finalement, les grandes cérémonies comme les César et les Oscars ne seraient-elles pas l’occasion de revenir sur des problématiques sociétales dans le monde du cinéma ? En 2016, la cérémonie des Oscars avait fait face à la polémique sur le manque de diversité dans le cinéma américain, avec l’aide du hashtag #BoycottOscar, dont #BoycottCésar reprend tous les codes. Certes le cinéma est dans un entre-soi, à tel point qu’aucune personnalité du grand écran n’a dénoncé la nomination de Roman Polanski, mais il est malgré tout un porte-voix qui permet de s’exprimer sur une problématique actuelle et d’être entendu.
L’année dernière, pendant le Festival de Cannes, le maître de cérémonie Laurent Lafitte avait apostrophé Woody Allen en déclarant : « Ces dernières années, vous avez beaucoup tourné en Europe, alors que vous n’êtes même pas condamné pour viol aux Etats-Unis. », faisant ainsi implicitement référence à Polanski et créant une polémique. Le cinéma n’est peut-être pas alors totalement recroquevillé sur lui-même, et la scène des grandes cérémonies de récompense reste un lieu privilégié pour réfléchir sur les remises en question et les doutes que le cinéma traverse.
Même si aujourd’hui Polanski a renoncé à présider la cérémonie suite à cette polémique, cette affaire n’est pas réglée pour autant. Car tout cela n’est ni un film ni un roman, Polanski n’a pour l’instant jamais été jugé, et les États-Unis demandent toujours son extradition. Son procès s’est pourtant fait sur Internet et les juges ne sont autres que des twittos et des internautes, armés non pas de marteaux mais de hashtags et de pétitions…
Diane Nivoley
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Sources :
• Fabre Clarisse, « L’affaire Polanski rattrape les Césars », Le Monde, mis en ligne le 20/01/2017, consulté le 23/01/2017.
• Balle Catherine, « Roman Polanski peut-il présider les Césars ? », Le Parisien, mis en ligne le 21/01/2017, consulté le 23/01/2017.
• Lepron Louis, « Roman Polanski président des César : le gouvernement réagit enfin », Konbini, mis en ligne le 20/01/2017, consulté le 23/01/2017.
Crédits :
• Compte Twitter de l’Académie des César
• Capture d’écran de Twitter
• France Culture

Société

Mens sana in corpore sano

L’esthétisme du corps et l’importance de l’image de soi sont plus que jamais au cœur des préoccupations actuelles de notre société (enfin si on fait abstraction du cas Trump). Manger healthy et faire du sport sont des paramètres essentiels pour certains. Tout cela permettrait en effet de répondre aux critères absolus (et de plus en plus remis en question) des diktats de la beauté occidentale et à se…    rapprocher de Dieu ? C’est le pari que font aujourd’hui certains lieux de cultes chrétiens du pays de l’Oncle Sam. Des salles de fitness dans des églises, un pari fou ?

« Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous ? »
L’église n’est-elle pas censée être le haut lieu de la spiritualité, de la méditation et de l’élévation de l’âme, loin de l’agitation des corps et des désirs de la chair ? Lorsque l’on se dit « église », on pense cantiques, on pense religion, mariage, baptême, communion, foi… Mais aux États-Unis, l’église devient haut temple et gardienne de votre silhouette.
C’est d’abord le magazine Outside qui nous fait part de cette nouvelle tendance. Orgues et chaînes hi-fi ultra modernes, vitraux représentant la vierge Marie et spots de lumière artificielle – le contraste est saisissant dans la salle à ogives de la Houston First Baptist Church, au Texas. Cette église a en effet investi plus de 250 000$ en 2009 pour rénover son espace intérieur afin d’en faire une salle de sport moderne et équipée de matériel dernier cri (terrain de basket, salle de musculation, salle cardio, vestiaires, pistes de bowling !). ‘I just pray Father … to be strong and to be healthy … in Jesus’s name, amen’. (« Je prie Seigneur… pour être fort et en bonne santé … au nom de Jésus, amen. ») Ainsi commence la session de sport de cette église, session initiée par Debbie Brown, l’instructeur en charge du cours de pilâtes, tandis que les membres du groupe, en débardeur et baskets, murmurent ensemble un dernier « amen ».

Simple tendance anticonformiste ou véritable phénomène de société ?
Cette tendance ne semble dater que de quelques années, toutefois elle s’ancre dans un mouvement beaucoup plus large et plus ancien qui est celui du Muscular Christianity. Mouvement philosophique apparu en Angleterre au milieu du XIXème siècle, il se caractérisait par une forte prise de conscience de l’importance du devoir patriotique, de la virilité et de tout ce qui faisait d’un homme un homme. Cela se traduisait bien évidemment par des critères bien définis et relativement réducteurs comme la beauté physique et enfin « l’expulsion de tout ce qui relève de près ou de loin de la féminité, de ce qui n’est pas Anglais et de tout ce qui serait excessivement intellectuel ». Beau programme n’est-ce pas ? L’objectif n’est autre que celui de voir le corps se mettre au service du spirituel et de la religion chrétienne.

Une réponse à deux crises majeures que sont l’obésité et la perte de foi ?
Mais que cache véritablement cette nouvelle tendance qui attire les plus curieux ?Un problème de société tout d’abord : l’obésité, véritable fléau outre-Atlantique où plus de 170 millions d’individus sont concernés (soit environ 38% des adultes et 17% des adolescents selon un rapport du Centre de contrôle de la prévention des maladies du 7 juin 2016). Avec son programme « Let’s move » lancé par Michelle Obama en 2013, le gouvernement américain est entré en guerre contre l’obésité et a dans sa lancée, tenté d’entraîner des membres de la société civile, dont les communautés religieuses. Ainsi, plus de 900 000$ de fond ont été débloqués par le département de la santé afin que les églises développent des programmes de santé et de prévention de l’obésité. Lutte contre l’obésité donc, mais encore ?
Si les églises tentent tant bien que mal de se moderniser, ce n’est pas uniquement pour des raisons de santé publique, mais aussi pour des raisons d’ordre religieux. Si nous ne pouvons radicalement affirmer que le christianisme est en crise, il faut admettre qu’il a tout de même connu au cours des dernières décennies d’importantes mutations qui témoignent de la reconfiguration de la foi aux États-Unis. C’est ce qu’indique un report du sérieux Pew Research Center (Centre de recherche américain qui fournit des statistiques et des informations sociales) dans une enquête publiée en mai 2015. Dans celle-ci, on découvre que le nombre de chrétiens (Catholiques et Protestants) ne cesse de baisser, tandis que celui des nones (« non affiliés » dont athées et agnostiques) augmente. L’Amérique, au même titre que l’Europe, semble doucement s’orienter vers la voie de la sécularisation. Ainsi, dans un pays obsédé par sa propre image, l’installation de salles de gym peut être considérée comme une solution durable pour une église qui essaie d’attirer de nouveaux fidèles afin de contrer la baisse des taux de fréquentation des lieux de culte.

Une stratégie qui paye ?
Aussi insolite et superficiel que cela puisse nous sembler, force est de reconnaître la capacité de résilience d’une foi en déclin qui s’efforce de s’adapter et de se transformer au gré des mutations de la société. L’Église s’immisce dans le business du sport, au grand dam de ses concurrents les plus traditionnels, et élabore de nouvelles stratégies communicationnelles pour attirer ceux qui, obsédés par le culte du corps, se seraient écartés du droit chemin. Alors certes, nous ne risquons pas de voir émerger ce genre de tendance en France sans voir les plus conservateurs monter au créneau, mais affirmons le encore une fois : Thou Shalt Work Out !*.
Lina DEMATHIEUX
@linadmth
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*Tu feras de l’exercice !
Sources :
• LINDELL Henrik, Le christianisme américain est-il en crise ? – La Vie
• DE ROBIEN Perrine, Quand les églises se transforment en salles de sport – Radins.com, consulté le 23/01/2017
• Muscular Christianity, consulté le 22/01/2017
• REUGE Guillaume, Etats-Unis : un esprit saint dans un corps sain – Libération, consulté le 23/01/2017
• America’s Changinf Religious Landscape – demographic study for the PewResearchCenter, consulté le 23/01/2017
• CREAPILLS, Ces églises qui installent des salles de sport pour attirer les fidèles – Creapills, consulté le 22/01/2017
• Churchfitness, consulté le 23/01/2017
• BERESINI Erin, Thou Shalt Work Out – Outside, consulté le 23/01/2017
Crédits :
• nymag
• Le Figaro
• labyrinthyoga

Société

La fusion Monsanto-Bayer ou 'comment maîtriser la chaîne du cancer du début à la fin'

Le 14 septembre 2016, le chimiste allemand Bayer rachète le groupe américain très controversé Monsanto pour la modique somme de 59 milliards d’euros. Cette fusion qui inquiète fortement les ONG représente à elle seule 23 milliards d’euros de chiffre d’affaires et regroupe environ 140 000 employés. Alléluia ! Quelle riche idée que cet achat… Bayer n’aurait-il pas oublié sa notoriété voire même son éthique ?
En fusionnant avec une marque aussi détestée que Monsanto (on ne détaillera pas la liste non exhaustive de tous ses péchés), Bayer encourt le danger de perdre en réputation, elle qui a été élue en mai 2016 « marque pharmaceutique la plus réputée au monde » par le célèbre Reputation Institute.
Alors pourquoi Bayer s’inflige-t-il un tel risque pour la réputation de son entreprise notamment dans un monde de plus en plus bio qui prône les produits frais ? Quid du retour au bio ?

Peste + Cholera = sauver la planète (…)
Les arguments de ce rachat sont évidemment nombreux et semblent tout à fait légitimes…
Tout d’abord, Bayer, ce super héros, sauve Monsanto des griffes tragiques de la crise. Car oui, après avoir été condamné pour empoisonnement ou encore crimes contre l’environnement (#roundup #gazmoutarde #tabun), il semble un peu normal que ce charmant monsieur connaisse une crise (soi-disant en grande partie à cause de la hausse des prix des matières premières)…
L’un des objectifs principaux de Bayer est de devenir le leader mondial de l’agriculture grâce à cette fusion. Le but est de « nourrir 3 milliards de personnes supplémentaires dans le monde d’ici 2050 » d’après le directeur de Crop Science chez Bayer, Liam Gordon, sans oublier bien sûr que tout cela se fera « dans le respect de l’environnement ». D’une grande aide pour les agriculteurs, Bayer va pouvoir mettre en place des technologies innovantes pour accroître la productivité des agriculteurs comme le Climate FieldView (nouvelle plateforme numérique qui permet aux producteurs d’adapter leur pratiques et la quantité de leur plantation grâce aux conseils de cette technologie).
Car oui, Bayer le sait et le dit, nous sommes dans une nouvelle ère de l’agriculture. Mais alors, il serait en accord avec les tendances actuelles du retour au bio, au bien-être, aux produits locaux et sains ? Qu’en pensent alors ceux qui sont véritablement concernés ?
Il suffit de taper « Monsanto Bayer » sur Google pour avoir la réponse : « Les chefs ne digèrent pas la fusion », « lettre ouverte des cuisiniers contre la fusion Bayer-Monsanto », « alchimie monstrueuse », « fusion à haut risque », etc.
En effet, cette fusion rime avec monopole du domaine agroalimentaire et donc contrôle de la production alimentaire, de ses origines à son arrivée dans nos petits estomacs tout sensibles. Le but de Bayer était donc de devenir leader mondial dans l’agriculture, il devient même leader mondial de toute la chaîne alimentaire et de l’agrochimie. En rachetant Monsanto, Bayer reprend les 30% du marché mondial des OGM et le contrôle avec DuPont et Syngenta de plus de 50% du marché mondial des semences et environ les 3⁄4 de celui des pesticides.
Pari gagné, Bayer devient bel et bien le mastodonte mondial du marché de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de l’agrochimie faisant des agriculteurs des ouvriers dépendant de cet unique fournisseur. Ainsi, la liberté des agriculteurs, de la production, de la restauration, de la distribution et même de la diversité alimentaire se retrouve ligotée au géant des semences, des engrais, des pesticides et des médicaments. Un joli Smoothie riche en vitamine Death.

Agriculture biologique VS agriculture intensive
Ce rapprochement entre l’agriculture et la chimie représente une véritable source d’inquiétude autant pour les agriculteurs que pour les consommateurs.
Ce mastodonte de l’agrochimie entraîne un risque que la chimie s’installe dans nos assiettes mais aussi un risque pour la diversité culturelle alimentaire.
Aujourd’hui, la tendance se porte vers le bien-être et sur son alimentation. La philosophie de vie actuelle s’oriente vers une consommation de produits frais, locaux et surtout sains. Le but est de faire du bien à notre corps – ce qui semble s’éloigner des fastfood et de la junk food. Avec environ 1,5 millions de végétariens en France (comprenant végétaliens et vegan), il y a une véritable tendance vers une alimentation plus saine et plus consciente de la protection de l’environnement et donc plus sensible aux méfaits et dangers que peut produire l’agriculture intensive.
Il apparaît donc une sorte de refus de cette homogénéisation culinaire mise en place avec l’arrivée des fast food et de cette société de la vitesse.

En effet, la culture de la restauration rapide négligeait la pause-repas. Pause à prendre au premier degré. Fini les sandwichs entre deux stations de métro. Maintenant, les nombreux comptes Instagram d’inspirations de recettes healthy, fit (Veganinspiration, Healthy), gourmandes (Foodydiy) ou même Tastemade sur Snapchat montrent cette volonté de prendre soin de notre corps, à commencer par une alimentation saine, faite maison, en toute connaissance de l’origine des produits utilisés.
Il ne s’agit plus de perpétuer les longues et ténébreuses recettes des grand-mères mais juste de revenir aux aliments sains avec des recettes faciles et rapides à faire comme l’illustre le livre de recette Simplissime.

Il est donc paradoxal de voir une telle fusion se produire dans une société où le bio et le naturel prennent de plus en plus de place. Et il est également effrayant de voir que cette fusion risque d’enraciner davantage cette homogénéisation culinaire que l’on tente actuellement de combattre. Car en rachetant Monsanto, Bayer met aussi en danger cette diversité culturelle, puisque tous les producteurs venant de différents pays fournis par Bayer auront tous les mêmes produits…
Les influenceuses healthy-fit d’Instagram l’emporteront-elles sur le géant Bayer ?
Maëlys Le Vaguerese
@lvgmaelys
LinkedIn
Sources :
• Pierre-Emmanuel Barré, « La drôle d’humeur », France Inter, 21/09/2016
• JP Géné, Les chefs ne digèrent pas la fusion Monsanto-Bayer, Le Monde, 20/10/2016
• Arianne Gaudefroy, Bayer-Monsanto, une fusion à haut risque… de réputation, Les Echos, 29/09/2016
• Coralie Schaub, Bayer-Monsanto, alchimie monstrueuse, Libération, 23/05/2016
Crédits  :
• Photo Istock, Madame Figaro
• El Chicotriste, Overblog.com
• Podho, Bastamag.com
• indigne-du-canape.com
• @Healthy
• Tastemade France, Youtube

Publicité et marketing

Cachez moi ce logo que je ne saurais voir : ces consommateurs qui déclarent la guerre aux marques

Logorama from Marc Altshuler on Vimeo.

« Que serait une vie sans marque ? », s’interrogeait en 2014 Benoît Heilbrunn dans l’introduction de son livre intitulé La marque1. Selon lui, même les auteurs de science fiction les plus hardis ne se sont pas hasardés à une telle hypothèse, tant les logos font partie intégrante de notre quotidien.
Nous en connaissons probablement assez pour pouvoir tenir des conversations si on les convertissait en mots. Le court métrage Logorama (primé meilleur court métrage aux Césars et aux Oscars il y a 6 ans) a d’ailleurs imaginé un scénario de blockbuster entièrement réalisé avec les logos et mascottes des grandes firmes américaines. On peut y voir le clown de MacDonald en méchant gangster tuant sans hésiter les policiers incarnés par les bonhommes Michelin, sous les yeux effarés des messieurs Pringles moustachus qui assistaient à la scène dans un fast food du coin. Cela montre bien à quel point les marques ont pris le pouvoir sur les espaces vides. Le territoire des rêves est le seul qu’ils ne soient parvenus à conquérir, dormir étant le seul moyen de ne voir aucune publicité. Partant de ce constat, le collectif Studio Smack a imaginé un court métrage inquiétant dans lequel le contraire serait devenu possible grâce aux progrès des sciences du cerveau et de la technologie.

Partout où nous allons, elles tentent de capter notre attention, se réinventant continuellement dans des nouveaux supports. Parfois jusqu’à littéralement nous coller à la peau, comme dans le cas du tattoo marketing : une tendance consistant à faire du corps humain un espace publicitaire en proposant une rémunération à quiconque accepterait de se faire tatouer le logo de la marque. Dans cet environnement du « tout logo » émerge pourtant une nouvelle tendance consommateur, qui consiste à retirer le logo incorporé sur le vêtement ou sur l’accessoire. Un fait intéressant dans la mesure où le secteur de la mode est très dépendant au concept de marque, celle ci étant souvent l’argument de vente principal du produit. Que nous dit cette rébellion sur le rapport entre marques et consommateurs aujourd’hui ?
Le diable s’habille en nada
Dans les années 80 et 90, des grandes marques comme Versace ou Guess ont signé l’avènement du bling-bling. Les consommateurs aimaient acheter des produits qui arboraient des logos visibles, symboles ostentatoire d’une richesse enviée. Puis ce mouvement ralentit dans à la fin des années 90 (surtout aux États-Unis), lorsque les grandes luttes consuméristes ont commencé à ébranler l’image des marques jusqu’alors envoûtantes.

Le livre de Naomi Klein, No logo, en est l’incarnation. Considéré comme la Bible du mouvement altermondialiste, Naomi Klein y dénonce les vices de la mondialisation et les abus des grandes multinationales, avec comme problématique de comprendre pourquoi les mouvements de résistance contre celles-ci ont pris une telle ampleur.  Elle dresse le portrait d’une société où les marques auraient pris le pouvoir, tant au niveau de l’espace public (imprégnant chaque recoin de notre quotidien, que de nos choix dans la mesure dans la mesure où il est embarrassant, dit-elle, « d’offrir une veste si ce n’est pas une Gap »).
Sans disparaître, ces mouvements ont été plus discrets dans l’espace public ces dernières années, bien que la résistance silencieuse exprimée par l’utilisation massive des AdBlocks témoigne d’une ras-le-bol tout aussi conséquent. En parallèle, prolifèrent depuis peu sur internet des tutoriels youtube et des billets de blogs enseignant comment retirer sans dommage, à l’aide d’un cutter et de patchs absorbants, le crocodile Lacoste, le joueur de polo Ralph Lauren, ou encore le logo New Era .

Pour le consultant et consommateur rebelle Marx Ilitch, il s’agit d’une riposte contre une pub imposée : « Pourquoi ferais-je de la publicité gratuite pour quelqu’un ? »
En effet, pour les produits à grande visibilité comme les vêtements, les accessoires ou les chaussures, le logo est véritablement une implication du consommateur dans la publicité du produit. Une communication efficace, sans charge pour l’entreprise, qui semble aujourd’hui lasser de plus en plus de consommateurs.
Dis moi ce que tu consommes, je te dirais qui tu es
« La totalité de mes possessions réfléchit la totalité de mon être. Je suis ce que j’ai » , écrivait Sartre dans L’Etre et le néant.  Dans cet ouvrage, le philosophe français établit un lien entre être et posséder. L’être humain cherche à prolonger son corps dans des objets, que ce soit par le biais de prothèses techniques 2  ou en investissant les objets d’une valeur symbolique qui dépasse leur valeur d’usage 3. Quand Gainsbourg chantait « elle ne porte rien d’autre qu’un peu / D’essence de Guerlain dans les cheveux », ce n’est pas l’odeur du parfum en lui même qu’il décrit mais l’imaginaire de la marque qui est mis en avant.
Posséder un objet signifierait dès lors se lier à lui, dans un processus de construction identitaire qui dépasse le simple fait de consommer des produits.Les objets et les marques agissent ainsi comme des signes essentiels qui permettent au consommateur de revendiquer et de maintenir une certaine identité.

Dans la société actuelle, le concept de « marque » a pris beaucoup d’importance dans l’entreprise. Elle est un actif immatériel qui participe parfois de façon fondamentale à la valeur de l’entreprise, comme dans le cas de Nike (84%), Prada (77%), ou Chanel (66 %) où celle ci représente entre 66 et 84 % de l’actif de l’entreprise.
Si pour les produits de grande consommation la marque a une fonction rassurante, permettant au consommateur se repérer dans l’immensité du choix qui lui est offert , le vêtement est un moyen d’expression où la marque est parfois mal reçue. En 2015, un rapport de Goldman Sachs révélait ainsi que les « millenials » préféraient clairement les vêtements sans étiquettes ni logos. Pour éviter de perdre sa clientèle, la marque Abercombie&Fitch a décidé de réduire la taille de son logo alors qu’il y a peu , les adolescents américains étaient prêts à payer 35$ pour un tee-shirt blanc pourvu qu’il y figure. On peut supposer que les scandales ayant frappé la marque 5 y sont pour quelque chose, dans la mesure où l’humiliation d’une marque peut facilement lui faire perdre de son attractivité, et que se rattraper est difficile. Le consommateur d’aujourd’hui semble vouloir des porter des vêtements qui lui ressemblent, affranchis de l’identité de la marque. La tendance du do-it-yourself illustre bien ce désir de reprise de pouvoir. Reste à savoir si la discrétion des marques suffira à satisfaire les nouveaux besoins des consommateurs.
Dans un monde où les marques ne vendent plus des produits mais des concepts, comment les entreprises peuvent elles surmonter le rejet du logo pour continuer d’exister? Selon la revue Influencia, les marques devront se rendre moins visibles et « s’effacer derrière le projet d’une vie différente dont a besoin le monde », c’est-à-dire en se rendant utiles et en répondant aux besoins profonds de notre époque. Affaire à suivre…
Liana Babluani
Linkedin
Sources et annotations :
1 La Marque, Benoit Heilbrunn (Collection « Que sais je ? » Edition Puf, 2014 )
2 McLuhan “Pour comprendre les médias : les prolongements technologiques de l’homme”, (essai publié en 1964).
3 Baudrillard : Le système des objets (1968)
4      20minutes.fr , « Abercrombie: les cinq plus grandes polémiques de la marque des enfants cools »
• Photo de «  couverture » : capture d’écran de la Vidéo 2
• Vidéo 1 : Crédit : « Logorama » (Court métrage réalisé par le collectif H5, François Alaux, Hervé de Crécy + Ludovic Houplain)
• Vidéo 2 : crédit : Piper2381 sur Youtube intitulé « Removing the New Era Logo » (19 juin 2015 )
« Les vêtements sans logo, une tendance à suivre » , masculin.com (12/02/2017)
• «  Vive les marques vivantes », Pierre-Louis Desprez (influencia.net, revue Inspiration n° 18 , Juillet/Septembre 2016)
• «  No Logo : le retour » (LesEchos.fr – 30 déc. 2016 )
• Prodimarques : « La marque , actif immatériel » ( Avril 2008 )
Crédits :
• Photo 1 : crédits Studio Smack Branded Dreams – The Future Of Advertising  (capture d’écran de la video)
• Photo 2 : Les échos «  L’entreprise, véritable cible des antipub »
• Photo 3 : Fond d’écran d’ordinateur

Formats spéciaux

MAYDAY, MAYDAY, FASTN NE REPOND PLUS

Si vous êtes un lecteur assidu de FastNCurious, vous l’aurez sûrement remarqué : depuis plusieurs semaines déjà, le blog d’actualités de la communication tenu par les étudiants du CELSA rencontre quelques problèmes qui en déstabilisent plus d’un. Toujours curious, mais plus très fast, un flop temporaire, où FastNCurious est victime de son succès. Retour inédit sur cette complication.
Des blessures difficiles à panser…
Un site qui met trop de temps à charger le contenu ? Une page internet qui ne s’ouvre pas ? Des articles difficiles à lire sur mobile ? Le ralentissement du site provoque de nombreux petits problèmes qui peuvent gêner la bonne lecture d’un article. Cependant, il faut savoir que les ingénieux Webmasters de FastNCurious, Guillemette Trognon et Dylan Langlois, œuvrent au nettoyage complet du site pour nous assurer un retour à la normale dans les semaines à venir. En effet, c’est bien d’une question d’assainissement qu’il s’agit puisque depuis sa création en 2011, les spams et autres désagréments n’ont pas été traités. Malgré l’aide d’ingénieurs er d’informaticiens extérieurs, le problème stagne et aucune solution n’a pu être trouvée. Les Webmasters se voient donc attribuer une charge de travail conséquente !

Pas de panique : les articles restent accessibles !
Mais rassurez-vous, bien que le site en lui-même soit un peu difficile d’accès par moments, les liens directs vers les articles sont LA solution. Pour les trouver, rien de plus simple : l’équipe de Community Management composée de Laura Sébert et Caroline Dos Santos, accomplit un travail impressionnant de relais des articles et des actualités sur les réseaux sociaux. Chaque jour, sur Twitter et Facebook, les liens directs aux articles sont relayés et fonctionnent à merveille. Pour les trouver, il suffit de suivre votre blog préféré sur ces réseaux sociaux. De plus, les articles publiés chaque samedi sur Le Monde sont accessibles sans aucune difficulté.
Un lectorat attristé
Qui dit problème d’accès, dit tristesse de nos lecteurs… et on les comprend ! Il faut savoir que le cœur de FastNCurious bat aussi à travers un lectorat de plusieurs milliers de personnes comprenant en majorité des étudiants, mais aussi des professionnels du métier. Et vous, qui êtes-vous ? De plus, ayons une pensée pour les candidats se présentant au concours du CELSA qui ont soif de connaissances et de billets pertinents quant à la communication, car tout le monde le sait : FastNCurious c’est l’une des clés pour le réussir ! Les lecteurs sont déçus de ne pas avoir leur dose hebdomadaire – voire quotidienne – de FastNCurious.
Ces problèmes ne sont pas passés inaperçus et la frustration est aussi ressentie par les rédacteurs qui chaque jour, font battre votre cœur de lecteur !
Pour expliquer et comprendre ce sentiment que nous avons perçu chez eux, nous avons réalisé une courte vidéo. Arpentant les couloirs du CELSA, nos caméras ont suivi les lecteurs et rédacteurs dans leur relation à FastNCurious :

Vous l’aurez compris, le problème rencontré par notre plate-forme n’est que temporaire et ne fait pas le poids face à votre détermination à lire les articles qui vous intéressent le plus ! Si malgré tout, vous êtes effondré par ces complications, FastNCurious serait heureux de recevoir ses premiers dons, afin de se remettre à neuf ! Cela dit, si vous sentez que vous pouvez être, personnellement, le remède aux maux de FastNCurious, l’équipe serait ravie d’accepter l’aide précieuse d’un informaticien aguerri (gratitude à la clé).
Steffi Noël

Culture

La crudité des stars hollywoodiennes : rébellion ou communication ?

Les stars ont toujours été des personnes à part. Riches, talentueuses, et totalement inaccessibles. Pourtant, aujourd’hui, le fameux « nous sommes des personnes comme les autres », souvent utilisé comme critique à l’égard des paparazzis qui épient leur moindre faits et gestes, est devenu la bannière de nombreuses stars pour se faire aimer et connaître. Alors, véritable révolution du système, ou tactique de communication pour faire le buzz ?
Changement d’ère à Hollywood
Il n’y a pas si longtemps, les stars – en particulier les femmes – se devaient d’être des jolies poupées, souriantes et bien élevées, ne disant jamais un mot de trop et n’admettant jamais un faux-pli. Oh, des scandales, il y en avait, bien sûr. Mais dans les coulisses. On les divulguait lentement, savamment, avec un plaisir presque sadique, incarné aujourd’hui par la presse people. Mais, devant les caméras, il fallait être sage. Toutes celles qui dérogeaient à la règle étaient sévèrement réprimandées, accusées de donner un « mauvais exemple », d’être « vulgaires ». Il y a moins de dix ans, Miley Cyrus – à l’époque jeune et joli visage de la franchise Disney – posait nue, de dos, pour un magazine de mode ; les foules se déchaînaient, les parents, inquiets de la mauvaise influence que pourrait avoir sur leurs enfants la « dépravation » de leur idole, criaient au scandale. L’actrice avait dû s’excuser publiquement et promettre que cela ne se reproduirait plus. Aujourd’hui, Miley Cyrus se balade en culotte moulante en se frottant à tout ce qui bouge, même une boule de démolition. De Hannah Montana, il ne reste plus grand chose, mais Miley Cyrus fait en tout cas toujours autant parler d’elle, plus par son image de jeune femme décomplexée physiquement et sexuellement que pour ses chansons ou ses prestations d’actrice.

Miley Cyrus, provocatrice professionnelle bien loin des standards Disney
Le but est donc de scandaliser. Ou, au moins, de s’émanciper des clichés. Montrer qu’on est une femme (ou un homme) comme une autre, avec ses défauts, ses envies et ses désirs. Incarner la belle rebelle, à la fois cool et distinguée, une fille « who can do both ». Le double esthétisme « tapis rouge et siège de toilette », en résumé. Célébration de la beauté du monde, de l’art et du quotidien.
« Je suis une personne comme une autre »
La tête de proue de cette révolution de l’image de la star, c’est sans doute Jennifer Lawrence. Une belle blonde plantureuse, dans la veine des héroïnes d’Alfred Hitchcock et de la majorité des stars d’Hollywood (Kate Winslet, Pamela Anderson…). Une carrière internationale, un rôle d’idole des jeunes et, finalement, un parfait exemple de « petite fiancée de l’Amérique ». Sauf que rien ne se passe tout à fait comme prévu. En interview, « JLaw » est intenable, vulgaire, jamais avare d’anecdotes scatologiques ou de petites gaffes qui font sourire. Elle aime (trop) manger, elle aime traîner en pyjama chez elle, c’est une fan girl avouée des plus grandes stars d’Hollywood. En fin de compte, Jennifer Lawrence renvoie davantage l’image d’une fille ordinaire exposée sur les tapis rouges d’Hollywood que celle d’une célébrité soigneusement entraînée à se tenir devant les caméras.

Jennifer Lawrence, « everybody’s girlfriend » brisant les conventions
Cet entremêlement du « trash » et du quotidien s’est depuis largement répandu sur la petite planète Hollywood. La norme est désormais à la crudité décontractée et assumée : Ryan Reynolds, Kristen Stewart, Jemina Kirke, sont désormais des gouttes d’eau dans l’océan des célébrités clamant être « des personnes comme les autres ». Et malheur à celui ou celle qui refuserait de lâcher son image proprette ; la critique ne tardera jamais à s’acharner sur le malheureux, à l’accuser d’être « faux », « hypocrite » ou encore « trop conventionnel ». Le public en est venu à demander des aspérités, pas une communication toute lisse faite de discours préconçus. Les stars ne sont plus des figures lointaines et idolâtrées, mais des semblables, des personnes à qui on peut s’identifier.
Belles et rebelles, vraiment ?
Mais, au fond, qu’est-ce qui permet de prouver que ces stars n’essayent pas avant tout de se démarquer des autres pour faire le buzz et occuper le devant de la scène ? Si, finalement, tout cela n’était qu’une vaste stratégie de communication ?
Les actrices pratiquant cette forme de communication « libérée » des conventions hollywoodiennes sont, eh bien, des actrices. Difficile de savoir si elles sont sincères ou ne font que répéter un rôle soigneusement élaboré pour les faire paraître plus cools, plus accessibles, plus sympathiques, et donc, plus populaires aux yeux des spectateurs. Les gens veulent s’identifier : donc on leur donne les moyens de le faire.

Lena Dunham, star auto-proclamée anti-photoshop
Quelques petites – ou grosses – erreurs viennent ainsi entacher le discours des célébrités voulant être comme tout le monde, et, de ce fait, se faire les porte-paroles de tout le monde. Lena Dunham, par exemple, n’hésite jamais à s’afficher nue dans sa série Girls diffusée sur HBO afin que les jeunes filles prennent conscience qu’il n’y a pas besoin d’avoir une taille de mannequin pour être fière de son corps, ou à protester contre l’utilisation de Photoshop lors des shootings photos pour apparaître naturelle. Pourtant, elle a longtemps accepté des retouches mineures, jusqu’à apparaître totalement photoshopée sur plusieurs couvertures et magazines, tel que Vogue. Si l’actrice et réalisatrice s’est excusée, ces dérapages auraient tendance à prouver que la « vulgarité » des stars est avant tout une manière de se démarquer et d’attirer l’attention. Une rébellion peut-être sincère, donc, mais avant tout au service de leur image et de leur popularité.
En effet, il est difficile pour les stars d’être totalement émancipées, d’être l’exact reflet des publics qui les regardent. Tout d’abord parce qu’Hollywood demeure une « usine à rêves », et qu’on ne peut pas rêver en contemplant son propre reflet. On ne peut s’attendre à ce qu’une industrie basée sur l’esthétisme et la perfection formelle retourne complètement sa veste du jour au lendemain. Ensuite, parce que la limite entre crudité et scandale est toujours très mince, et que les stars adeptes de la communication sans fards en font souvent les frais. Leur propre stratégie de communication peut se retourner contre elles. Dernier exemple en date : Jennifer Lawrence, qui, en racontant joyeusement comment elle a accidentellement détruit un site sacré hawaïen lors d’un tournage, a déchaîné la colère des internautes et remis en cause son statut de « star cool » par celui de « star stupide, inconsciente et irrespectueuse ». Les stars sont scrutées par des milliers de gens, et, de fait, doivent agir en conséquence, éviter de vexer ou d’indigner les autres. Des gens comme les autres, oui. Mais pas trop non plus.
Margaux Salliot
Sources :
• “Jennifer Lawrence Interview by David Letterman”, 21 janvier 2013, consultée le 15 janvier 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=eoLfRlkOQVI
• Clip « Wrecking Ball » de Miley Cyrus, 9 septembre 2013, consulté le 18 janiver 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=My2FRPA3Gf8
• « La cellulite de Lena Dunham milite en couverture de Glamour », article de Clara Nahmias pour le magazine de cinéma Première, publié le 4 janvier 2017, consulté le 15 janvier 2017 : http://www.premiere.fr/People/News-People/La-cellulite-de-Lena-Dunham-milite-encouverture-de-Glamour
• Compte Instagram de la photographe Emma Summerton, consulté le 16 janvier 2017 : https://www.instagram.com/emmasummerton/
Crédits  :
• “Hollywood Hills” par Urut Berdasarkan sur le site http://wall–art.com/hollywood-hillswallpaper
• Capture d’écran du clip Wrecking Ball de Miley Cyrus, consulté le 18 janvier 2017, publié le 9 septembre 2013
• Capture d’écran d’une interview de Jennifer Lawrence sur le plateau de la chaîne CBS, postée le 21 janvier 2013 sur Youtube
• Emma Summerton, photo pour la couverture du magazine Glamour, 4 janvier 2017

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Société

Golden Globes : La guerre médiatique est déclarée

Le 8 janvier dernier ont eu lieu les Golden Globes, cérémonie qui récompense les meilleures prestations d’acteurs, d’actrices ainsi que les meilleurs films et séries de l’année. Un parterre de célébrités, des discours de remerciement par dizaines… au premier regard, rien qui ne sorte des sentiers battus dans le monde de l’entertainment américain. Pourtant, les enjeux allaient bien au-delà de savoir qui avait la plus belle robe entre Kerry Washington et Amy Adams. L’enjeu était, contre toute attente, politique.
Avatar du politainment

Le discours de Meryl Streep n’a échappé à personne. Il était présent sur tous les réseaux sociaux, dès la seconde où il a été prononcé. Dans ce qui devait être sa séquence de remerciements après avoir gagné le prix du meilleur premier rôle dans un film musical (Florence Foster Jenkins de Stephen Frears), Meryl Streep a décidé de ne pas se restreindre à de simples formalités. L’actrice qui a, tout au long de sa carrière, accumulé de nombreuses récompenses, a ouvertement critiqué Donald Trump, en faisant bien attention à ne jamais le nommer. En effet, à quelques jours de l’investiture, les Golden Globes se présentaient comme le dernier cri d’alerte de l’Amérique progressiste, et alarmée.
Meryl Streep n’a évidemment pas été la seule à faire allusion à l’élection de Donald Trump, et à exprimer ses inquiétudes. En effet, dès les premières minutes de la cérémonie, Jimmy Fallon, présentateur vedette du Tonight Show et présentateur de l’édition 2017 des Golden Globes, a ouvert le feu en faisant référence à l’élection qu’il, comme beaucoup d’autres, pense faussée par le système du collège électoral. Le présentateur-comédien débute son monologue avec cette phrase : « This is the Golden Globes, one of the few places left where America still honors the popular vote. » (Bienvenue aux Golden Globes, l’un des derniers endroits en Amérique où le vote populaire est encore pris en compte). La couleur est alors annoncée. La soirée a donc été ponctuée d’interventions du genre qui mettaient en avant le rejet général du 45ème président des États-Unis par la caste hollywoodienne.
Le paradoxe réside en cela. Voilà la couche de la société américaine la plus éloignée de la réalité, qui n’est que divertissement pur, qui ramène les téléspectateurs au monde concret qui les attend, à la fin de ces deux heures de « show ». Assistons-nous à l’expression paroxystique de ce que l’on appelle le politainment ? Depuis l’avènement de la « screen era » (l’ère de l’écran) dans les années 1960, porté par la figure du jeune et beau John F. Kennedy, la politique dans les médias a glissé vers le monde de l’entertainment. Barack Obama est l’exemple parfait de cette mise en scène spectaculaire de la politique. On se rappelle de son apparition dans le Tonight Show en juin 2016 et de cette séquence mythique durant laquelle le président du monde libre s’adonne à un jeu musical dont le principe est de slammer l’actualité.

Les stars en politique, les politiques stars
Il semblerait que la revendication politique des stars hollywoodiennes soit le résultat de cette transformation de l’image de la politique dans les médias. Au beau milieu d’une émission dont l’unique vocation est de divertir et de glorifier des célébrités dont le quotidien est très éloigné de celui des Américains moyens, Meryl Streep s’est sentie légitime de livrer un discours politique.
Au pays où un milliardaire, magnat de l’immobilier peut devenir président, pourquoi pas imaginer une actrice hollywoodienne en meneuse d’un mouvement de révolte politique ? Au fond, qu’est-ce qui oppose une star hollywoodienne à Donald Trump ? Ils sont tous les deux riches, vivent dans un tout autre univers. Avec l’élection présidentielle de 2016, c’est la notion de légitimité en politique qui a été bouleversée. En effet, même Reagan, qui avait été acteur avant de devenir président, a effectué un mandat de gouverneur de Californie avant de prétendre au plus haut poste du pays. L’homme ou la femme politique est désormais un ou une « entertainer » avant tout. Il s’agit plus de divertir que de produire une réflexion sensée. Les meetings de Donald Trump en sont l’exemple. Il harangue la foule à coup de slogans vides de sens, comme « Build a wall ! », en référence à l’érection d’un mur plus grand et plus long que celui qui a déjà été construit par George W. Bush à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, ou encore « Lock her up ! », en référence aux accusations de corruption dont Hillary Clinton a fait l’objet durant la campagne.

https://www.youtube.com/watch?v=NaDE-YqT09E

La figure de l’homme politique a perdu ses repères et ses normes. Meryl Streep devient alors aussi légitime que Donald Trump et peut se permettre de livrer un discours ouvertement partisan et de s’afficher en tant que leader d’un mouvement anti-Trump aux yeux du monde entier.
Une nouvelle tribune pour la lutte politique
La plateforme utilisée est d’autant plus intéressante qu’il s’agit d’un show retransmis à la télévision à une heure de grande audience. En livrant son discours aux Golden Globes, Meryl Streep savait qu’elle toucherait un public large, international, pas forcément politisé, à travers un média traditionnel. En effet, la cérémonie a attiré environ 20 millions d’Américains devant leur poste — ce même média qui a été l’outil privilégié de Donald Trump pendant sa campagne. L’actrice décide donc de l’attaquer sur son propre terrain. La réponse du futur président a été envoyée via Twitter, devenu maintenant son réseau de prédilection. Le septuagénaire a compris que Twitter lui permettait de contrôler son image et de s’exprimer de manière univoque et unilatérale.

En 140 caractères, le businessman reconverti en président a exprimé son mécontentement. Le fait qu’il ait utilisé Twitter pour répondre à une attaque à son encontre à la télévision illustre également la dimension de cette nouvelle guerre qui s’engage sur tous les terrains médiatiques : les médias traditionnels VS les nouveaux médias.
Les cérémonies de récompenses sont tout ce qu’il y a de plus traditionnel à la télévision américaine. Les Oscars ou les Grammy’s, qui existent depuis respectivement 1929 et 1958, sont de véritables institutions de l’entertainment américain. Il est intéressant de voir à quel point la politique s’immisce dans ces créneaux télévisés, normalement réservés exclusivement au divertissement. On peut citer par exemple la controverse #OscarsSoWhite, lancée sur Twitter en janvier 2016, qui accuse l’Académie des Oscars d’ignorer les performances des acteurs et actrices noir(e)s. Là aussi, la polémique opposait l’opium du peuple contre le tout jeune réseau social Twitter. De la même manière, en juin 2016, à l’occasion des BET Awards (BET, Black Entertainment Television), l’acteur Jesse Williams a livré un discours poignant traitant de la condition des Noirs aux Etats-Unis, et invitant tous les Afro-Américains à la résistance et à la résilience, en référence au hashtag #BlackLivesMatter, devenu un véritable mouvement civique pour l’égalité.

Dans un monde où une star de la téléréalité milliardaire peut diriger le pays le plus puissant de la planète, on peut certainement imaginer que les cérémonies d’awards, le lieu du « show américain » le plus typique, pourraient bientôt devenir le lieu de la revendication politique la plus convaincante.
Mina Ramos
@Mina_Celsa
Sources :
– DEGBE Esther, « Donald Trump omniprésent dans les discours aux Golden Globes », Huffington Post, publié le 9/01/2017, consulté le 14/01/2017 http://www.huffingtonpost.fr/ 2017/01/09/donald-trump-omnipresent-dans-les-discours-aux-golden-globes/
– BARNES Brooks, « At the Golden Globes, a New Culture War Erupts Onstage, The New York Times, publié le 9/01/2017, consulté le 10/01/2017 https://www.nytimes.com/2017/01/09/movies/ golden-globes-donald-trump-meryl-streep.html?smid=fb-nytimes&smtyp=cur&_r=0
– DE MONTALIVET Hortense, « Le discours indigné de Jesse Williams aux BET Awards », Huffington Post, publié le 27/06/2016, consulté le 14/01/2017 http://www.huffingtonpost.fr/ 2016/06/27/le-discours-indigne-de-jesse-williams-aux-bet-awards/
– O’CONNELL Michael, « TV Ratings : 2017 Golden Globes Climb to 20 Million Viewers », The Hollywood Reporter, publié le 9/01/2017, consulté le 14/01/2017 http:// www.hollywoodreporter.com/live-feed/tv-ratings-golden-globes-up-2016-early-numbers-962326
Crédits photos :
Twitter / Golden Globes Awards
Twitter / @realDonaldTrump

Société

Sexualité féminine et réseaux sociaux : quand Instagram redessine le corps des femmes

Nous vivons dans une société hypersexualisée, où nous sommes en permanence confrontés à des représentations du corps. Pourtant, force est de constater que ce corps est idéalisé et ainsi peu conforme à la réalité. Ainsi, quand une publicité montre une femme presque entièrement nue, cela ne heurte personne, en revanche quand une photo publiée sur les réseaux sociaux a le malheur d’afficher un téton, elle est immédiatement retirée. Nous sommes donc face à un paradoxe puisque le seul corps qui a le droit d’être montré, c’est celui qui ne présente aucune imperfection ; en somme, nous ne pouvons voir que des corps tellement retouchés qu’ils en deviennent irréels. Les hommes comme les femmes pâtissent de cette situation, de ce diktat de la perfection physique.
Des dessinateurs engagés
Face à des médias qui livrent une image stéréotypée du corps de la femme, il est pourtant possible de lutter en optant pour une stratégie de communication puissante, qui ne nécessite pas de longs discours. Ainsi on recense aujourd’hui de plus en plus d’artistes et de dessinateurs qui se plaisent à représenter des corps nus de manière décomplexée. Sur Instagram, des comptes de dessins érotico-féministes fleurissent et deviennent de plus en plus suivis et connus. Ils mettent en scène majoritairement des femmes, de couleurs, tailles et morphologies différentes, de manière à diffuser des représentations variées de la beauté féminine, qui ne sont pas nécessairement en accord avec la publicité. S’ils ne montrent presque que des femmes, c’est parce qu’ils utilisent leur art pour briser le tabou qu’est encore la sexualité féminine. En effet, les femmes sont actuellement tiraillées entre un culte du corps et une honte de ce même corps ; comment ne pas l’être quand une femme qui allaite son enfant en public est insultée et traitée d’exhibitionniste !

Une lutte pour l’acceptation du corps dans toutes ses formes
Ainsi, ces dessinateurs mettent leur art au service du mouvement de libération du corps de la femme et la sexualité féminine. Le compte Instagram Club Clitoris (aka Meredith Grace White) est un bon exemple de cette tendance. Sur la description du compte, on peut lire que l’objectif est d’encourager les femmes à célébrer la partie la plus intime de leur corps. Ainsi, on peut y voir des sexes de toutes les formes, couleurs et pilosité, bien loin de ce que la pornographie met en avant. Bien plus que des dessins érotiques, parfois provocateurs, ce compte est une ode à la beauté du corps de la femme et à la différence. L’artiste passe ainsi un message fort : les femmes n’ont pas à avoir honte de leur corps tel qu’il est au naturel, et cela même s’il ne correspond pas aux critères de minceurs et d’absence de pilosité véhiculés par une société tyrannique de la perfection.
Petites Luxures : le dessin érotique au service du féminisme
Dans le même esprit, le compte Petites Luxures, rassemble des dessins au train fin, osés mais néanmoins très poétiques et même parfois drôles. Ce compte gagne de plus en plus d’abonnés et parmi eux des personnalités qui mettent en avant le travail effectué par le dessinateur (dont on ne connaît pas l’identité ou le sexe), puisque ce dernier commercialise des objets arborant certains de ces dessins. Willow Smith, fille de Will Smith, suit ce compte et a partagé certaines des publications. La jeune chanteuse se revendique ouvertement comme membre du courant féministe en faveur de la libération du corps de la femme et diffuse ses idées sur les réseaux sociaux, tout particulièrement Instagram. Certains des DJettes du collectif Barbi(e)turix portent également sur scène ces dessins imprimés sur des tee-shirts. Ce mouvement aime montrer un autre érotisme, plus drôle et décontracté, en bref décomplexant. Et force est de constater que ça marche : le compte petites luxures fait le buzz et certains des dessins ont été exposés à Paris.

Une société schizophrénique
Cette tendance du dessin féministe touche bien d’autres sphères que celle des réseaux sociaux. En effet, de nombreux DJ arborent des tee-shirts imprimés de dessins de club clitoris, des influenceurs se les font même tatouer. Pourtant, même si le mouvement se démocratise peu à peu, il se heurte à une certaine pudibonderie. De nombreuses publications sont effectivement supprimées car considérées pornographiques, tandis que certaines publicités, parfois bien plus choquantes, sont diffusées à une échelle bien plus importante. On peut alors constater que cette vague de libération via les réseaux sociaux confronte ces médias, et donc la société, à leurs propres contradictions.
Nous sommes arrivés à un stade où la société dans laquelle nous vivons est à la fois exhibitionniste et d’une pudeur maladive. Les réseaux sociaux n’en sont pas que le témoin puisqu’ils amplifient cette schizophrénie. Comment alors ne pas reconnaître l’ingéniosité d’artistes qui jouent avec ce paradoxe en utilisant ces médias, dont ils contournent les règles via le dessin ; un dessin n’est pas une photo et donc a bien moins de chances d’être censuré. Face à une objectification du corps de la femme omniprésente dans les médias, la solution pourrait être en effet de le mettre en scène mais d’une autre manière, afin de livrer un spectacle libérateur. L’impact grandissant de leurs œuvres laisse espérer un glissement progressif de la représentation du corps, et notamment celui de la femme, moins complexée et stéréotypée.
Laura Laarman
Sources :
• Le Bonbon (Agathe, 17/07/2016)  » Les illustrations qui émoustillent Instagram », consulté le 14/01/2017
• (Chloe, le 06/04/2016), consulté le 14/01/2017 barbieturix.com
Crédits photos :
• Club clitoris : https://www.instagram.com/clubclitoris/
• Image : le 17 janvier 2017 https://www.instagram.com/p/BPYM3e3DLMY/?takenby=clubclitoris&hl=fr
• Petites Luxures : https://www.instagram.com/petitesluxures/
Images : 30 décembre 2016 Instagram Petites Luxures
6 novembre 2016 Instagram Petites Luxures