VietJetAir
Publicité et marketing

Comment ruiner une image de marque avec un bikini

 
Une fois n’est pas coutume. Après avoir été condamnée à 800 euros d’amende en 2012 pour avoir utilisé la femme comme objet de marketing, VietJet Air a récidivé le mois dernier. La compagnie aérienne Vietnamienne, qui avait organisé un spectacle de danse tendancieux avec des jeunes femmes en bikini, s’était pourtant offusquée de cette peine, tout en jurant de ne plus jamais le refaire.
Or VietJet Air a remis le couvert dernièrement aux besoins d’une séance photo censée rester confidentielle. Le transporteur aérien a effectivement engagé une dizaine de jeunes femmes de l‘agence de mannequinat Vénus, et les a fait poser en bikini, talons aiguille et bas résilles devant et à l’intérieur d’un avion. Bien évidemment, certains clichés se sont retrouvés sur les réseaux sociaux peu de temps après le shooting. Attachez bien vos ceintures.

Une communication de crise qui bat de l’aile
La compagnie vietnamienne a donc dû faire marche arrière et s’est défendue tant bien que mal face au bad buzz qu’elle a déclenché, expliquant que c’était une séance photo d’essai et qu’en aucun cas ces photos n’étaient supposées fuiter. « Nous sommes désolés pour cet incident et faisons le nécessaire pour que ces photos inappropriées et en aucun cas officielles arrêtent de circuler », a commenté la compagnie dans un communiqué officiel.
Se posent alors plusieurs questions. Si les photos publiées sur les réseaux sociaux n’avaient jamais du être connues du grand public, à quoi donc servaient-elles ? Et si il s’agissait réellement d’une séance d’essai, pourquoi avoir fait poser ces filles dans cette tenue ? Se seraient-elles alors rhabillées pour la séance photo officielle ?
Deux hypothèses : soit les mannequins vietnamiennes se sont concertées le matin du shooting pour mettre les mêmes sous-vêtements et ont eu des bouffées de chaleur une fois à proximité des réacteurs, ce qui les a contraintes à se dénuder. Soit VietJet Air nous prend pour des jambons et comptait bel et bien utiliser ces photos pour sa prochaine campagne, mais ne l’assumait pas du tout – contrairement à son homologue irlandais Ryanair, qui admet clairement l’utilisation de femmes-objets dans ses calendriers.

On se demande alors si la marque n’a pas surfé sur la vague du bad buzz volontaire, également qualifié de « marketing de la honte », récemment alimentée par Zara et Urban Outfitters qui ont commercialisé des vêtements faisant référence à de tragiques épisodes historiques. Dans tous les cas, la compagnie aérienne est coupable et s’est d’autant plus embourbée dans le pétrin avec une communication de crise inefficace et un mensonge aussi crédible que celui de l’ancien ministre du budget Jérôme Cahuzac l’année dernière.
Quoi qu’il en soit, ce scandale a suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux, particulièrement Twitter, réinterrogeant notamment la question de la femme-objet, débat intrinsèque à la publicité depuis ses prémisses.
La femme au service du marketing
Au XXème siècle déjà, l’évolution de l’électroménager profitait du statut de femme au foyer pour jouer sur la notion de délivrance de la femme, notamment la marque Moulinex avec sa signature « Moulinex libère la femme ». La mère de famille pouvait enfin jeter l’éponge et regarder du soap opera avec pour fond sonore le ronronnement de son lave-vaisselle. Que demander de plus ? Le mari quant à lui, en offrant ce petit électroménager à sa parfaite ménagère, la comblait et s’assurait de n’avoir plus qu’à mettre les pieds sous la table en rentrant du travail, s’accordant parfaitement à l’accroche « Pour elle, un Moulinex, pour lui, de bons petits plats ».

Au fil des années, la femme est devenue de plus en plus fantasmée, et la publicité s’en est emparée comme d’un réel argument de vente. La gente féminine, totalement déshumanisée, est alors devenue aussi désirable que le produit qu’elle mettait en valeur, de la voiture de luxe à la mousse à raser, en passant par le simple déodorant masculin – pour ne pas citer la célèbre marque dont les effluves, aussi nauséabondes qu’un mélange de Shalimar et d’alcool à brûler, sont censées faire accourir des milliers de femmes à la plastique de rêve. C’est ici le cas de VietJet Air, qui joue sur le physique stéréotypé de ses mannequins, pour promouvoir ses vols low cost.
On finit par toucher le summum de la dématérialisation de la femme dans des publicités où elle n’existe pratiquement plus. On n’y aperçoit plus que de petites parties des corps, comme sa bouche bien évidemment pulpeuse, ou ses jambes de gazelle – parfois même dans des postures assez érotiques, comme dans les publicités fréquemment controversées de la marque provocatrice American Apparel.

On assiste tout de même à une revendication féministe qui hausse la voix depuis quelques années, notamment via les réseaux sociaux comme nous avons pu le constater avec le scandale VietJet Air. Les publicités en jouent d’ailleurs de plus en plus, comme la marque de chaussures Eram avec sa campagne « Aucun corps de femme n’a été exploité dans cette publicité ». D’autre part, la beauté naturelle des femmes s’impose de plus en plus face au culte du physique parfait, renforcé par le géant Photoshop. Tandis que certains artistes dénoncent ces pratiques en détournant des campagnes d’affichages, des marques comme Dove crient haut et fort la beauté naturelle des femmes, qu’elles mettent au cœur de leurs publicités.
Et pourtant, le combat des féministes contre l’utilisation de la femme-objet dans le marketing n’est pas gagné d’avance. En effet, les compagnies aériennes – surtout low cost – sont de plus en plus nombreuses à jouer sur le cliché ancestral de l’hôtesse de l’air sexy, que ce soit en Thaïlande (NokAir), en Russie (Avianova) ou en Grande-Bretagne (Virgin Atlantic).

 
Louise Bédouet
https://www.linkedin.com/pub/louise-bédouet/5a/665/761
Sources :
influencia.net
rue89.nouvelobs.com
huffingtonpost.fr
Crédits photos :
influencia.net
i2.irishmirror.ie
lesbonsprofs.com
webgirl.fr
vivelapub.fr
air-journal.fr

mark zuckerberg
Société

Mark, un ami qui vous veut du bien

 
« L’épidémie d’Ebola se trouve à un tournant critique. Le virus a contaminé 8400 personnes jusqu’à présent, mais il se répand très rapidement et certains prédisent qu’il pourrait contaminer 1 million de personnes, voire plus, d’ici plusieurs mois si rien n’est fait pour le combattre », a expliqué il y a quelques semaines Mark Zuckerberg, président de Facebook.
L’épidémie de cette fièvre hémorragique aurait déjà, selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé), causé la mort de 4800 personnes, principalement au Libéria, en Sierra Leone et en Guinée. Le PDG du réseau social le plus utilisé au monde (1,32 milliard d’utilisateurs) ainsi que son épouse, Priscilla Chan, avaient déjà annoncé le 14 octobre un don de 25 millions de dollars aux Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) pour lutter contre le virus. Ce n’est pas une première pour le jeune milliardaire de 30 ans qui avait été placé en 2013 en tête de la liste des plus grands donateurs de la planète par le journal américain The Chronicle of Philanthropy.
Sans doute parce qu’il est soucieux d’étendre ses ardeurs philanthropiques aux utilisateurs de son réseau social, est apparu sur Facebook, début novembre au sommet de votre fil d’actualité un nouveau bouton : « cliquez pour faire un don ».

De l’utilité du like responsable
Le simple pouce en l’air, symbole ultime du géant Facebook, a été remplacé par la même main tenant un petit coeur rose. Tout comme Marc Zuckerberg et sa femme, et comme c’est écrit, « nous pouvons participer à la lutte contre Ebola ». Nous, simples utilisateurs, pouvons faire comme eux, milliardaires. En d’autres termes, nous pouvons tous agir à notre niveau et Facebook nous facilite la tâche. Plus d’excuses et fini le slacktivisme : sur les réseaux sociaux il est particulièrement aisé de se donner bonne conscience en likant et en twittant les actualités d’une multitude d’ONG. En revanche, les actions concrètes et utiles qui en découlent sont rares.

Cette opération de collecte de fonds a été mise en place au profit de deux ONG : International Mediacal Corps et Save the Children. La première a pour but de fournir des traitements d’urgence sur place et de former les équipes médicales. Il s’agit de les « aider à stopper Ebola à sa source » et de « restaurer la santé et l’espoir chez des millions de personnes ». La seconde soigne les enfants et protège ceux dont les parents ont été emportés par la maladie. Les internautes qui souhaitent faire un don sont amenés à choisir l’une des deux. Cependant, pas question pour le géant du web de se faire de la gratte puisqu’il est précisé que « l’intégralité du montant » sera reversé à l’association.
Comme Mark Zuckerberg, Larry Page (directeur et fondateur de Google) a lancé sa propre collecte de fonds. Le principe est simple : « pour chaque dollar versé, Google donnera 2 dollars ». Le but est que la somme totale atteigne les 7,5 millions de dollars. Le mouvement a aussi été suivi par Bill Gates, co-fondateur de Microsoft.
Entreprises, humanitaire et image : une recette qui marche
Protéger et entretenir sa réputation est un enjeu majeur pour l’entreprise. Le maintien d’une bonne image de marque auprès du public et des actionnaires relève de subtiles stratégies. De plus en plus exposées et soumises à la rapidité des flux d’informations et des rumeurs, elles rivalisent d’inventivité pour se construire et véhiculer une image positive. Elles font face à des consommateurs de plus en plus méfiants et avertis qui cernent très bien leur « mauvaise foi » et la finalité commerciale de leurs campagnes. La communication corporate (ou communication institutionnelle) est d’autant plus utilisée par les géants de l’internet (Facebook, Google, Apple, Amazon). En effet, ils sont présents dans le quotidien des utilisateurs et doivent prouver à chaque instant leur légitimité et leur responsabilité sociale.

C’est dans ce contexte que l’utilisation de campagnes fondées sur l’humanitaire semble très efficace. Et les entreprises l’ont très bien compris. La cause humanitaire est difficilement critiquable. En effet, quoiqu’on en dise les résultats sont là : même si en poussant ses internautes à faire des dons, Facebook améliore son image, il n’en demeure pas moins que l’argent sera effectivement utilisé pour lutter contre Ebola. Même si Mark Zuckerberg s’est défendu de faire du marketing en répondant aux critiques sur son profil Facebook, le but est de donner au réseau social l’image d’une entreprise responsable et d’intérêt public qui se soucie des grandes causes sanitaires et sociales de son temps. Et justement, la firme en a besoin. Elle a récemment été secouée par différents scandales concernant la protection de la vie privée. En effet, le business-model de Facebook repose sur l’exploitation des données personnelles des utilisateurs et a donné lieu à de nombreuses polémiques. Outre sa supposée collaboration avec la NSA, il lui est principalement reproché de ne pas respecter la législation européenne sur la protection de la vie privée ce qui a conduit 25000 internautes à porter plainte en août dernier.

Concernant Facebook et Ebola, la véritable hypocrisie se cache ailleurs. Début octobre, un hacker, étudiant à Stanford, a révélé que Facebook était en train d’expérimenter un système de paiement entre utilisateurs sur son application Facebook Messenger utilisée par 200 millions de personnes à travers le monde. Il est fort probable que les transferts d’argent qui seront effectués grâce au « bouton Ebola » servent en réalité à mesurer la capacité du serveur à les supporter. Facebook cherche donc à investir le marché des transactions monétaires. Cela semble d’autant plus évident que le directeur de l’application Facebook Messenger n’est autre que que David Marcus, ancien PDG de Paypal.
Cette volonté de se positionner comme acteur de l’intérêt général et social au même titre qu’un Etat par son aspect paternaliste et protecteur, est très bien illustré par le slogan de Google depuis 2004 : « Don’t be evil » (« ne soyez pas malveillant » en français). Dans la charte de l’entreprise la plus puissante du monde il est d’ailleurs mentionné « il est possible de gagner de l’argent sans vendre son âme au diable »… En terme de culture d’entreprise, il s’agit du pilier identitaire central du groupe. Le comble du cynisme alors qu’en juin 2013, après les révélations d’Edward Snowden, Google ainsi que Facebook et Microsoft sont accusés de participer au programme d’espionnage de la NSA en livrant des millions de données personnelles relatives à ses utilisateurs. Ce n’est pas un hasard si Larry Page, le PDG de Google, a récemment exprimé vouloir changer de slogan.
Alice Rivoire
Sources :
bbc.co.uk
persee.fr
who.int/fr
lexpress.fr
leparisien.fr
Crédits photos :
facebook.com
taxjusticeblog.org
mailactu.net

fruits et légumes moches
Publicité et marketing

Parce qu’il n’y a rien de mal à être moche !

 
Clémentine introvertie, pomme rejetée, carotte démotivée ? Tel est le nouveau combat d’Intermarché qui lutte en faveur de ces laissés pour compte, ces imparfaits. En effet, c’est à l’occasion de la journée mondiale contre le gaspillage, le 16 octobre dernier, que la marque de grande distribution a choisi de diffuser sa campagne contre le gaspillage des « talents » de nos chers fruits et légumes, mais pas n’importe lesquels : les fruits et légumes moches !

La carotte démotivée

La clémentine introvertie

La pomme rejetée

En réalité, cette campagne avait déjà été lancée par l’hypermarché dès mars dernier à Provins, en Seine-et-Marne, et avait eu un succès immédiat autant auprès des consommateurs locaux que dans les médias. Déclinée à travers différents supports (affichage, vidéos mises en ligne sur Youtube, dégustations sur place), la campagne met en scène des fruits et des légumes exclus du système de distribution pour des raisons esthétiques et de calibre, alors que leurs qualités gustatives restent les mêmes, voire supérieures (un fruit que l’on qualifierait de « moche » car il serait trop mûr ou abîmé, aurait ainsi tendance à être plus sucré que les autres !). En effet, d’après la FAO (l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) environ 40% des fruits et légumes récoltés ne remplissent pas les critères de beauté imposés par les centrales d’achat et par leurs cahiers des charges, et ne sont donc jamais consommés. Certains même sont condamnés à pourrir au pied de l’arbre qui les a vus mûrir. Invités à goûter des préparations issues de ces produits rejetés (soupes de carottes et jus d’orange en tous genres), les clients du supermarché de Provins leur reconnaissent des qualités gustatives bien réelles et achètent volontiers ces déshérités, qui, soulignons-le, sont vendus 30% moins cher que les produits « normaux ».
 

 

Très vite, l’idée se répand, et Monoprix, Auchan et Leclerc commencent à commercialiser leurs propres légumes moches, notamment sous le label « Quoi ma gueule ? » créé par le collectif Les gueules cassées de Renan Even et Nicolas Chabanne. Les fruits et légumes sont toujours aussi laids, classés hors calibre et présentés dans un emballage sommaire, mais ils sont vendus moins cher que les autres. Rapidement, radios et journaux s’emparent du thème et relayent l’initiative des Gueules cassées, qui finissent même par faire l’objet d’une émission culinaire sur M6, « Gaspillage alimentaire : les chefs contre-attaquent ».

 
C’est lors de la journée mondiale de la lutte contre le gaspillage qu’Intermarché décide de généraliser son initiative de début d’année, et va même jusqu’à s’associer au food truck « Cantine California » à Paris. Et ce sont les vidéos, cette fois-ci diffusées à la télévision, qui ont le plus de succès. En effet, comment ne pas s’attendrir face à cette clémentine complexée par sa petite difformité ? Comment ne pas s’enflammer face aux discriminations que subit cette pomme rejetée ? Car après tout, comme il est dit à la carotte : « il n’y a rien de mal à être moche ! ». L’initiative semble aussi s’élargir à d’autres produits alimentaires – ainsi, certains artisans (boulangers, confiseurs, bouchers et charcutiers) ont décidé de mettre le pied à l’étrier, et commenceront à commercialiser à la mi-novembre sous le label des Gueules Cassées leurs produits difformes, mais tout aussi bons, et surtout moins chers. La lutte contre le gaspillage devient sexy, surtout si elle se fait à moindre coût pour le consommateur, et si elle permet à l’enseigne qui s’en réclame de se (re)construire une image de marque.
L’imparfait, nouvelle norme ?
Derrière l’initiative d’Intermarché et les efforts faits par les enseignes de grande distribution, on retrouve une nouvelle tendance de communication qui cherche à déplacer la norme vers l’imparfait : ainsi, la vidéo sur la clémentine a des airs de lutte contre le body-shaming et celle sur la pomme semble prôner la diversité et se battre contre l’uniformité… Par conséquent, on assiste à une montée en force de la défense de l’imparfait et de l’irrégulier dans la publicité et dans le marketing. Et cela ne se limite pas au secteur de l’alimentation : Maisons du Monde nous dit dans ses dernières publicités : « soyez fous, soyez-vous », GAP défend le « dress normal », et on peut même acheter une poupée Barbie alternative aux mensurations semblables aux nôtres, la poupée Lammily ! Enfin, la marque Desigual a fait de Winnie Harlow, mannequin canadienne de 19 ans atteinte de Vitiligo, une maladie de peau, sa nouvelle égérie pour sa collection automne-hiver 2014-2015, en soulignant que « les différences sont le sel de la vie ».
Désormais, les fruits et les légumes peuvent être eux-mêmes, puisque l’imperfection n’est plus une tare, mais une preuve d’authenticité et de qualité. Et s’il en était de même pour nous ?
Léa Lecocq
@LeaLcq
Sources
Nouvelobs.com
Lesgueulescassées.org
Laréclame.fr
Liberation.fr
Slate.fr
Gala.fr
Crédits images:
Lareclame.fr- Pomme – Patate – Carotte
Intermarche.com
Lesgueulescassees.fr

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paywwhatyouwant PWYW
Société

Seriez-vous prêts à payer avec le PWYW ?

 
Depuis plusieurs années on assiste à une transformation de l’attitude du consommateur. Force est de constater que ce dernier rejette de plus en plus la passivité qui lui a longtemps été attribuée. La tendance est en effet à une émancipation croissante du consommateur vis à vis des opérations de marketing en se rendant maître de ce qu’il consomme et de l’argent qu’il dépense.
Il se dessine aujourd’hui devant nous un sujet qui décide de la publicité qu’il souhaite voir sur les écrans − comme nous en avons eu l’exemple avec la marque Nespresso et le sexy George Clooney − un sujet qui décide de quand il veut regarder son programme télévisuel préféré, avec le service de TV à la demande, et même un sujet qui décide du prix qu’il souhaite dépenser pour un produit proposé.
Cette dernière évolution s’exprime dans le « pay what you want » (payez ce que vous voulez), ou le PWYW pour les plus initiés. C’est un système de prix participatif au sein duquel l’offrant n’impose plus un prix fixe pour le produit qu’il propose, mais laisse le consommateur en décider lui-même, générant ainsi une implication exclusive de ce dernier dans la chaîne de valeur.

D’où vient cette tendance ?

C’est le groupe Radiohead qui, en 2007, a initié cette tendance en proposant à ses fans de payer ce qu’ils souhaitaient pour le téléchargement de leur nouvel album « In Rainbows ». Si l’objectif affiché était de se libérer de l’emprise des maisons de disque, il n’en est pas moins vrai qu’ils ont créé le buzz et donc transformé l’évènement en une opération de marketing. En effet, si la majorité des personnes ont téléchargé l’album pour un euro seulement, 40% d’entre elles ont tout de même décidé d’y consacrer 8 euros. L’opération peut sembler ne pas avoir été profitable sur le plan commercial, pourtant presque la moitié des acheteurs ont reconnu la valeur marchande du produit alors qu’on leur laissait le choix de ne rien dépenser du tout.
Depuis, ce système a prospéré dans le monde de la musique et s’est étendu à d’autres domaines marchands tels que la restauration, l’hôtellerie, le tourisme et même la vente en ligne.
Ainsi, cet été, à Paris, cinq hôtels, dont certains étoilés, ont lancé une opération similaire sur une durée d’une vingtaine de jours. Et ça a marché ! Les clients ont dans l’ensemble joué le jeu en payant un prix avoisinant celui habituellement appliqué par les établissements.
Un modèle qui marche quand le lien social est plus fort
En revanche, en 2009, Brandalley, le célèbre site de vente de vêtements en ligne, avait proposé, sous le slogan « rendons le pouvoir d’achat aux français », plus de dix mille articles vendus au prix proposé par les cyberacheteurs eux-mêmes. Malheureusement pour le site, 85% de ces derniers n’ont payé qu’entre 1 et 2 euros, sans tenir compte du prix recommandé par le site, ce qui avait poussé l’e-commerçant à déclarer qu’il regrettait « l’instinct d’appropriation pur et simple [des consommateurs]» et que pour eux l’opération « payez- ce-que-vous-voulez [serait] la dernière ».
Le problème, dans ce cas-là, est bien que le consommateur paie « what he wants » et non « what he thinks is fair ». La nuance, si elle est mince, se doit d’être relevée. On remarque ainsi que l’opération est beaucoup plus concluante dans des domaines qui impliquent un rapport direct entre l’offrant et l’acheteur. Il semblerait que le lien social ait un impact sur l’attitude du consommateur et sur son éthique, élément indispensable à la viabilité de ce système. Le consommateur ne jouerait le jeu que lorsqu’il se trouverait en face de la personne offrante, ou, mieux encore, en face de la main créatrice qui a façonné le produit proposé (un concert, un hôtel, un repas…). L’expérience hôtelière menée à Paris cet été le prouve.

Le PWYW, un idéal ? …
Le PWYW serait-il un système idéal qui révolutionnerait la relation existant entre le consommateur, le produit et l’offrant ? Au vu des expériences citées précédemment, ne devrait-on pas doubler le PWYW d’une action d’éducation du consommateur à la valeur marchande des produits qu’on lui propose pour que ce système soit viable ? Ou devrait-on plutôt le transformer en un système où chacun paie ce qu’il peut payer, et non plus ce qu’il veut payer ? Dans ce dernier cas de figure, l’avancée vers l’autonomisation du consommateur en serait atténuée. En effet ce dernier y perdrait son pouvoir de décision puisque l’effort consenti dépendrait de ses moyens financiers et non plus d’une volonté personnelle.
… Ou une réalité beaucoup plus terre à terre ?
Cependant il faut bien l’admettre, plus qu’un idéal, l’idée du PWYW est une utopie. Ce système est proposé par les offrants non pas avec l’intention de le maintenir durablement, mais plutôt dans l’optique de fidéliser le client par des opérations ponctuelles et accrocheuses.

Ainsi, la société Brandalley qui avait pourtant annoncé ne plus vouloir reconduire l’opération a, contre toute attente, décidé de la renouveler les 13,14, 15 et 16 novembre prochains, mais en fixant cette fois un prix minimum d’achat et un nombre maximum de produits achetés. Si en 2009, l’opération n’a pas été rentable sur le plan financier, elle l’a bien été sur le plan du marketing : le site a pu accueillir 10.000 nouveaux adhérents et donc 10.000 nouvelles cibles publicitaires. Cette opération marketing n’est pourtant pas assumée publiquement puisque dans ses déclarations le e-commerçant assurait « vouloir avant tout faire plaisir à ses clients ».
En effet, plus qu’une nouvelle façon de consommer, le PWYW est une nouvelle façon de concevoir une action de marketing : le consommateur se laisse attirer par des manœuvres accrocheuses qui ont pour seul but de fidéliser les clients ou d’en attirer de nouveau. Ce système serait alors la version moderne de la carte de fidélité.
 
Valentine Cuzin
 
Sources :
influencia.net
lesechos.fr
ladepeche.fr
Crédits photos :
spinnakr.com
eil.com
lesbonsplansdenaima.fr

No way
Non classé, Politique

NO WAY

 
La campagne médiatique australienne anti-immigration «No Way» explose en 13 mois son budget de 15,7 millions d’euros prévu pour 4 ans. Des fonds titanesques au service d’une communication affolante.

Une politique anti-immigration solide
Le 7 septembre 2013, les élections fédérales australiennes sont remportées par la coalition libérale-nationale de Tony Abbot. L’argument majeur de la campagne est l’anti- immigration, le slogan : «Stop the boats». Le précédent gouvernement travailliste avait déjà négocié avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée le transfert de tous les demandeurs d’asile arrivant en Australie. Ce Regional Settlement Arangement, est réglé par une aide au développement. Se débarrasser des migrants moyennant finance publique ?
Une fois élu Premier ministre, Tony Abbot lance l’opération «Sovereign Borders», qui engage l’armée dans la lutte anti-immigration. 800 militaires, 12 bateaux spéciaux, 12 avions : un budget fédéral de 2,9 milliards de dollars australiens. L’opération développe également sa propre campagne médiatique intitulée «No way» : une chaîne Youtube, une bande dessinée, des messages dissuasifs transmis régulièrement à la radio et à la télévision, l’affiche «No way» publiée dans le pays et traduit dans plus de 17 langues. Dans un contexte d’opération militaire, le surcoût de la campagne médiatique semble dérisoire, mais le climat de terreur qu’elle génère ostensiblement est inquiétant.
Une esthétique de la terreur
L’agence publicitaire TBWA/TAL, qui a conçu la campagne «No Way» revendique une approche «disruptive» de la communication. Le produit est en rupture avec les habituelles représentations de l’Australie. L’image «No Way» ne propose pas un paysage australien confronté aux migrants, mais un espace au large, pris dans l’obscurité, sans rivage. Rien qui engagerait, aux premiers abords, le sentiment patriotique du citoyen. C’est bien le rapport traditionnel du pays à son océan qui est figuré : mais à contre-courant. Voilà l’Australie sous un autre visage ; celui qu’elle réserve aux embarcations illégales qui s’approchent de son territoire. L’affiche «No Way» peut se lire à deux niveaux. Le message anti-immigration est destiné aux pays émetteurs de migrants, mais également programmé pour alimenter les craintes et la rancoeur sur le sol australien. Comment le réalisme et le symbolisme sont mis au service de l’annonce d’un danger ou d’un appel à la haine ?
Les nuages noirs de la tempête et les ténèbres de l’océan encadrent l’image. L’horizon est couvert mais s’éclaircit au loin. C’est donc l’embarcation qui prend la direction des eaux troubles et les passeurs qui conduisent les migrants à la noyade. Maîtriser la géométrie classique et utiliser l’inconscient des destinataires pour se disculper de ses responsabilités ? L’affiche «No Way» est exportée et traduite dans les pays d’où proviennent ces bateaux. Le danger de la traversée au coeur de la tempête est un argument ambigu, mais prôné encore implicitement par le double-sens possible du slogan : c’est la noyade qui rendrait impossible la traversée ?

 
Le slogan imposant, aux couleurs rouges de l’interdiction, est là pour frapper le coeur de l’image. Considérons-le d’un point de vue australien : le but de la campagne s’affirme sans pudeur et ne dissimule pas sa lecture xénophobe : «No Way, vous ne ferez pas de l’Australie votre maison.» Le sigle du pays barré complète sans ironie le sens du message. Toute la violence de l’image s’inscrit dans une thématique ancienne : l’embarcation ne va pas seulement vers le danger, elle représente le danger. Les éléments qui se déchainent sont les prémices de l’arrivée indésirée des migrants ; comme si l’Australie, fille de l’océan indien et de l’océan pacifique, générait naturellement ses défenses contre ses ennemis. Un mur de tempête pour garder les «frontières souveraines», mais aussi et surtout, une tempête qui se lève à cause des migrants. Poésie guerrière : la dimension politique et militaire de l’image s’incarnent métaphoriquement dans les flots et les nuages menaçants. La solitude du bateau n’est pas anodine : il porte seul sa responsabilité d’embarcation maudite. Cette poétique insiste sur le naturel de l’opération. L’absence de rivage dans l’image, fini ici d’assurer qu’il n’y a pas d’autre issue à cette guerre du large que l’immigration zéro. L’encart le précise : ceux qui arrivent par la mer ne feront jamais partie de la nation australienne ; ni les migrants blessés, ni les enfants.

Les migrations de l’argent
En 2013, 20 000 réfugiés arrivés par la mer ont déposé une demande d’asile en Australie. Refusant catégoriquement de donner suite aux demandes, l’Australie cherche de nouveaux pays-partenaires pour évacuer les migrants et pour désengorger les anciens camps. Pour l’instant, seul le Cambodge a accepté, motivé par les 28 millions d’euros de compensation. Les organismes humanitaires s’alarment de ce transfert de personnes dans un pays pauvre et en proie à la corruption ; l’ONU y observant même en janvier 2014 des entraves aux libertés fondamentales. Pour 2014-2015, Canberra a voté l’une des plus hautes aides étrangères du Cambodge : 686 millions de dollars. Faut-il voir une pression financière, négociant, en dépit de tout, l’avenir des réfugiés ? Cette semaine, un président français s’est rendu pour la première fois sur le sol australien. La rencontre de François Hollande et du Premier Ministre australien Tony Abbott a misé sur une importante délégation d’entreprises françaises pour « renforcer les relations économiques ». Cette entente des gouvernements peut-elle conclure avec ironie les interrogations quant aux considérations humaines dans notre société ? Tony Abbot lancera à partir de juillet 2015 des permis de résidence permanents à tout individu pouvant investir plus de 15 millions de dollars australiens dans l’économie nationale. Finalement, il semblerait qu’il y ait un chemin.

 
Bettina Pittaluga
@PittalugaB
 
Sources :
 
courrierinternational.com
Youtube.com
australianimmigrationagency.com
Abc.net.au
Un.org
 
Crédits photos :
 
francetvinfo.fr
customs.gov.au
foreignpolicy.com

Bref, FastNcurious a 3 ans
Formats spéciaux

Bref, FastNCurious a 3 ans.

 
Novembre, Novembre…
Ton froid hivernal, tes longues journées brumeuses et ton éternelle mélancolie… Novembre, tu n’es pourtant pas un mois comme les autres.
Quand d’autres fêtent leur 30 ans de présence médiatique, FastNCurious enlève un 0 et se souhaite ses 3 années d’existence !
Un certain 28 Novembre 2011…
Canal + vous invite à souffler ses bougies à coups de vidéos personnalisées (l’expérience Bref) ou de rééditions de programmes phares (SAV, Connasse…): un plan médiatique précis et pensé pour laisser le téléspectateur s’emparer de l’expérience proposée par la chaine cryptée.
Mais FastNCurious n’est pas en reste et vous invite à allumer ces mêmes bougies, en faisant perdurer ce blog, en le lisant, en le relayant, en le commentant, BREF (encore celui-là), en vous l’appropriant. Puisqu’après tout, nous construisons le blog que vous décidez.
Esprit es-tu là ?
Le fameux « esprit canal » n’est rien à côté de l’ « esprit FastNCurious » qui nous anime tous. Equipes après équipes, cette volonté de vous proposer un blog sérieux et décalé, intello mais rigolo, passionnant et innovant, reste intact. Déjà 3 années de dur labeur, de motivation constante, d’efforts répétés, de créativité et d’ingéniosité mis au service d’un seul but : vous satisfaire tout en nous enrichissant par le travail d’équipe et l’analyse d’une actualité toujours plus débordante. Et nous n’avons pas fini de vous surprendre…
30 ans, 3 ans, l’histoire d’un 0 en somme.
Vous l’aurez compris, FastNCurious est jeune en âge, jeune en esprit, jeune en actu. L’âge ne fait pas vieillir, il embellit, c’est ce qu’on essaie de faire aussi en faisant perdurer une âme, un style, une actualité brûlante au cœur d’un mois de Novembre brumeux.
Alors mélancolie ? nous ne pensons pas… Nostalgie ? pas encore ! Energie ? toujours plus.
Restez attentifs, chers lecteurs, et joignez-vous à nous pour souhaiter à FastNCurious un très bel anniversaire, en attendant de lui donner rendez-vous dans… 30 ans.
Le pôle présidentiel
 
Crédits Images
bref30ans.canalplus.fr

BuzzFeed Badges
Publicité et marketing

Buzzfeed en mal de buzz

 
Il y a quelques jours, BuzzFeed fêtait les 1 an de son édition française. Nous vous avions déjà parlé de son arrivée par ici.
Il serait bien difficile de dire que sa présence sur la Toile française est une grande réussite. Au lancement de cette version, le site totalisait 300 000 visites tandis que depuis quelques mois son audience stagne aux environs des 400 000 / 500 000 vues, avec 7 834 followers et 14 840 abonnés à sa page Facebook. Rien de bien spectaculaire.
Fail Feed
Mais pourquoi un tel résultat alors que le site fait un carton outre Atlantique ? Il faut dire que la concurrence est rude du côté des sites d’infotainment nationaux avec Topito, Le Démotivateur, Konbini ou encore MinuteBuzz qui sont très bien implantés dans le paysage web français. Certains réalisent d’ailleurs des audiences remarquables : Le Démotivateur totalise à lui seul plus de 2 millions de visiteurs par mois ! Coup dur pour BuzzFeed… Mais quelle est donc leur recette au Démotivateur ? Selon son cofondateur, Michal Sikora, ils préfèrent se concentrer « sur les contenus [les] plus viraux, […] susceptibles de plaire à 1 millions de personnes ».
Et c’est là que le bât blesse. Du côté de chez BuzzFeed France, les gifs de chat, mème de la culture Internet, sont très peu partagés sur les réseaux sociaux français alors qu’ils sont très populaires aux Etats-Unis. Serait-ce donc un manque de prise en considération des particularités des internautes français ? Scott Lamb, vice-président chargé du développement international de BuzzFeed, s’en rend bien compte : « Les articles sur la nostalgie ou les animaux mignons sont cliqués mais pas partagés, les Français préfèrent la politique ou les particularités régionales ». Un certain chauvinisme français ne serait donc pas à négliger.
C’est donc le serpent qui se mord la queue : les articles qui sont peu partagés sur les réseaux sociaux ne permettent pas au site d’augmenter sa visibilité. En effet, il faut souligner que plus de 75% des vues de BuzzFeed proviennent des réseaux sociaux. Ces derniers se révèlent d’une importance capitale pour ces sites d’infotainment étant donné qu’ils vivent grâce au phénomène de viralité.

Feel cool
Pourtant chez Buzzfeed, on préfère relativiser les résultats. La preuve en est dans les interviews accordées à différents médias comme L’Obs ou encore Le Figaro.fr. Scott Lamb et Marie Telling, rédactrice en chef de la version française, expliquent en effet chacun de leur côté qu’ils ont voulu se laisser du temps pour appréhender ce qui fonctionnait dans l’Hexagone et en déceler les caractéristiques des internautes français : « nous commençons par étudier la manière dont les réseaux sociaux sont utilisés sur ce marché. Et c’est beaucoup plus facile à faire avec des contenus légers et universels, qui parlent à plein de monde. Avant de s’attaquer à la « vraie » actualité, nous voulons d’abord bien connaître le pays. »
Par la suite, l’équipe va être renforcée, notamment en recrutant des journalistes basés à Paris, afin de concocter des contenus plus spécifiques aux frenchies et réaliser des reportages produits en exclusivité pour le public français. Certains articles longs formats produits aux Etats-Unis vont également être adaptés et recontextualisés à destination de la France, afin que les lecteurs puissent mieux cerner la teneur des contenus. Toutefois, cette glocalisation* des contenus n’est pas nouvelle pour Buzzfeed qui avait déjà adapté ses articles pour des pays tels que l’Espagne, le Brésil ou encore le Royaume-Uni.
La critique serait-elle donc trop sévère ? La montée en puissance du site serait, selon ce que BuzzFeed voudrait nous faire comprendre, une question de temps, d’analyse et d’adaptation. Oui, certes. Mais n’est-il pas plus difficile de redorer la réputation d’un site de lol quand ses articles ne sont pas très populaires à l’origine ? Alors, le buzz sera-t-il pour demain ?
 
*glocalisation : le fait d’adapter un produit ou un service selon le lieu de point de vente
 
Hélène Hudry
 
Sources :
Journal du net
L’Obs
Le Figaro.fr
Ina global
Crédits photo :
adambraun.com
guizmodo.fr

macholand
Société

Macholand : le féminisme 2.0

 
Mardi 14 octobre 2014, la pendule affiche 14h. Le « premier site d’action anti-sexiste de France » est mis en ligne : Macholand surgit sur les Internets. Surfant sur les idéaux du web, Macholand se présente comme un site bénévole et participatif visant à mettre en lumière les dérives sexistes de l’espace public. Il cible notamment les publicités de grandes marques comme Ariel ou Epson ainsi que des personnalités, de Gérard Collomb, maire de Lyon à Mister V, youtubeur.
En mai 2013, une enquête Mediaprism pour le Laboratoire de l’égalité est menée : le plus souvent, le grand public n’a pas conscience d’être soumis à des visuels véhiculant des stéréotypes sexistes ; ils ne sont pas capables de les identifier comme tel. Pourtant, la majorité des répondantes attendent des entreprises ainsi que des médias, l’arrêt de la propagation de ces stéréotypes (l’étude montre aussi que l’utilisation des stéréotypes est contre-productive pour le milieu publicitaire). Il est donc primordial que la population puisse être en mesure d’identifier le sexisme, mais aussi d’en mesurer les conséquences sur les mentalités.

Le slacktivisme, vraiment impuissant ?
La femme hystérique qui ne vit qu’à travers le prisme de l’apparence et du liquide vaisselle tombe en désuétude. En exploitant pleinement le processus de l’empowerment, le site se dresse contre l’image monolithique de la femme et les doubles standards prégnants, autant dans les esprits que dans l’espace public. Les fondateurs n’en sont pas à leur coup d’essai puisqu’on y retrouve trois noms notoires dans le militantisme féministe : Caroline de Haas, fondatrice d’Osez le Féminisme et ancienne conseillère au ministère des Droits des femmes, Elliot Lepers et Clara Gonzales, deux fondateurs des 343 connards qui répondait aux 343 salauds – ceux qui clamaient leur droit à « leur pute » dans un manifeste mené par Frédéric Beigbeder et Elisabeth Lévy, publié dans Causeur en octobre 2013.
Le postulat de Macholand est le suivant : « seules les paroles identifiées comme publiques pourront être interpellées, car elles ont une valeur normative. Macholand.fr n’a pas vocation à agir au sein de la sphère privée. » Le principe : enclencher une action massive en ligne pour être entendu, en passant par la mobilisation des internautes sur les réseaux sociaux. Ainsi, les posts sur Facebook, les tweets ou encore les mails fusent.

Dans une interview de Caroline de Haas accordée à Metro, la co-fondatrice explique que lorsqu’on se bat seule contre le sexisme ordinaire, les gens ont souvent le sentiment qu’il s’agit une opinion individuelle. Le caractère massif de ces opérations démontre alors la capacité de mobilisation des sphères féministes en ligne, déjà très actives sur Twitter. Cette idée d’opération militante en ligne rappelle inéluctablement le procédé des Anonymous et autres groupes de hackers mystérieux, cible de fantasmes et de polémiques à travers le monde. Les critiques diront que ce mode d’emploi relève du harcèlement, mais chaque opération dispose d’objectifs limites mentionnés sur la page. De plus, toutes les actions menées s’arrêtent lorsque les visés font machine arrière sur leurs campagnes sexistes.
Internet, un espace de luttes ?
Abattre une par une les dérives sexistes de l’espace public : il s’agit d’une ambition absolument faramineuse, mais outre l’objectif militant de Macholand, chaque opération présente un espace « ce que nous en disons » afin d’exposer aux publics non-initiés le problème que présente l’objet mis en accusation. Internet n’est pas un espace politique au sens traditionnel, pourtant il est devenu en quelques décennies la première source d’information. Il rend visibles des débats qui se situaient en dehors des circuits institués de la démocratie représentative.


Le constat général : la démocratie verticale ne fonctionne plus. Les individus, ici les internautes et particulièrement les sphères féministes, souhaitent avoir un impact direct sur l’environnement qui nous entoure, sans passer par les pouvoirs politiques. Face à l’insatisfaction générale de l’exercice du ministère des Droits des Femmes initié par François Hollande lors de son élection, l’empowerment prend de plus en plus d’ampleur, comme si Internet se présentait finalement comme un espace de reconquête du politique. La mobilisation en ligne que propose Macholand va non seulement à l’encontre de la diffusion des stéréotypes liés au genre, mais aussi contre l’Etat, le plus froid des monstres froids, comme le décrivait Nietzsche.
En dépit du consensus général sur l’abolition des stéréotypes genrés, Macholand a subi plusieurs contestations, qui ont commencé par un piratage du site quelques minutes après son lancement. Celles ci se poursuivent par un emballement de la twittosphère pour finir par quelques articles, dont celui d’Eugénie Bastié, journaliste de Causeur, qui a évoqué des parallèles nauséabonds entre Macholand et la délation durant les années 1940, tout en soutenant qu’au lieu de combattre les stéréotypes, il faudrait plutôt reconquérir ce qu’elle appelle « les territoires perdus de la république » face à l’invasion musulmane.
Enfin, comme d’habitude, il reste aussi ceux qui clament « préférer l’humanisme au féminisme » sans trop avoir compris de quoi le féminisme était le nom.
Thanh-Nhan Ly Cam
@Thanhlcm
Sources :
macholand.fr
marianne.net
metronews.fr
lefigaro.fr
L’intégralité de l’enquête Mediaprism disponible en ligne

HBO
Société

L’illusion de l’indépendance médiatique

 
La chaîne HBO est une chaine américaine câblée payante proposant des émissions qui se veulent critiques, ainsi que des films, séries, talk show…(similaire à Canal+).
Si elle se targue de proposer une certaine indépendance. Il existe des nuances qui nous amènent finalement à nous poser la question de l’illusion de l’indépendance médiatique ou de la neutralité des médias.
Le succès d’HBO
HBO communique sur son absence de publicité, elle est financée via des abonnements. Elle prône la qualité de programme à la différence des networks et critique sans complexe les autres chaines qu’elle considère comme non libres de leurs choix et qui fabriquent une télévision de masse plutôt qu’une télévision de qualité. En utilisant le slogan « it’s not TV. It’s HBO » elle accentue, entretient sa distinction et encense ses séries en oeuvres d’art. Elle légitime les séries télévisuelles comme un domaine culturel noble qui permet à son public de se distinguer du reste des téléspectateurs en affirmant sa position économique et sociale ainsi que la valeur culturelle et intellectuelle de ses programmes. En regardant cette chaine, le public se cultive et n’est plus sujet à la consommation de masse des autres chaines. HBO crée une frontière entre les téléspectateurs : grâce à la chaine ils seront au dessus de la « populace » qui ne fait que consommer la télévision. HBO se distingue de ses concurrents en narrant le fait que les téléspectateurs ne sont plus des « temps de cerveaux disponibles pour les annonceurs ». En créant cette frontière entre les différents médias et les téléspectateurs elle renforce les abonnés à croire en sa différence et en sa qualité.
Le storytelling d’HBO réside dans un concept simple: la politique culturelle de l’entreprise est une façon d’instaurer l’image de marque, de crédibiliser les programmes, et surtout de masquer aux consommateurs qu’elle est une industrie florissante en coulisse. Le merchandising permet de faire croire aux téléspectateurs à un niveau supérieur de l’appréciation du programme.
HBO justifie son prix par la qualité de ses séries : la particularité des réalisations de la chaine réside dans le choix des sujets abordés. La ligne éditoriale de la chaine est de montrer le jamais vu à la télévision. Les séries sont donc très réalistes dans le déroulement de l’histoire, comme dans la psychologie des personnages. HBO a décidé d’inviter en guest star dans les épisodes de leurs séries, rendant ainsi l’épisode exceptionnel et permettant un large buzz. Ce qui garantit une grande audience et permet aux acteurs de promouvoir leurs films. Ce schéma repose sur le modèle « boutique télévision » qui propose des programmes faits pour un certain type de public uniquement, et pas pour une cible familiale à la différence des chaines gratuites.
La chaine a lancé de nombreuses campagnes publicitaires sur les chaines gratuites qui sont sur le ton de la disruption : osées, drôles, impertinentes, provocatrices, personnalisées en fonction du sujet de la série afin d’obtenir un maximum d’abonnés.
Les stratégies de communication agressives de la chaine ont permis d’ancrer l’image de marque dans la culture populaire des Américains, ce qui a permis l’installation de sa réputation et de son succès. Pour satisfaire les abonnés de la chaine, elle a misé sur la création de plusieurs avantages pour les clients : cartes géographiques, interviews, bonus, service de replay…
L’illusion de l’indépendance
Cependant malgré l’image de marque que souhaite donner la chaine, beaucoup de séries contiennent du placement de produits. Situation paradoxale puisque ce sont ces mêmes séries qui font une critique de la consommation, du capitalisme et de l’indépendance. Cette indépendance relative permet l’émergence d’émissions critiques sur la chaine comme le talk show Last Week Tonight avec le célèbre humoriste John Olivier.

 

En effet ce talk show nous donne à voir une réalité peu abordée par les médias américains, notamment le sujet sur la neutralité d’Internet. A ce sujet la FCC (Federal Communications Commission) souhaite instaurer un Internet à deux vitesses: une vitesse de connexion optimale pour ceux pouvant la payer et une vitesse de connexion plancher pour les autres.
John Olivier a remporté le pari de sensibiliser les téléspectateurs à un problème de société et a réussi à déclencher 45 000 commentaires, faisant exploser les serveurs de la FCC.
Il s’avère que la chaine HBO avait déjà eu une querelle judiciaire avec la FCC, ce qui expliquerait peut être le choix de son sujet. En effet, lors de sa vidéo de présentation, John Olivier mettait en avant son concurrent Netflix. Si HBO avait à ce moment-là des problèmes de connexion, le choix du sujet relèverait plutôt d’une d’une stratégie de lobbying, de communication afin de faire valoir ses revendications, ce qui peut changer la donne.
Nous pouvons donc nous interroger sur l’indépendance médiatique : n’est-elle pas qu’une illusion ?
Alexandra Montaron
@AlexandramontarSources
Lemonde.fr
Arretsurimage.net
Libération.fr
Thedailybeast.com
Npr.org
Archinfo24.hypotheses.org
Tuxboard.com
Dailymotion.com

Publicité et marketing

Derrière ce beau ruban rose se cache un cancer

 
Pour la 21ème année consécutive en France, Octobre s’était à nouveau paré de rose pour vaincre le cancer du sein. Pour donner espoir aux femmes et favoriser la recherche, entreprises et personnalités s’engagent financièrement et symboliquement. Ba&Sh, Clinique, Bobbi Brown et Les Dieux du Stade entre autres s’impliquent auprès d’Estée Lauder, l’initiatrice du mouvement.

Les entreprises qui s’engagent à faire don d’une partie de leurs bénéfices à une association fondent leurs campagnes sur le soutien de personnalités comme Nathalie Rykiel, Estelle Lefebure, Pauline Delpech et Kate Moss qui sont les égéries et les porte-paroles éphémères de cette cause.
Mais au-delà de la visibilité apportée à la maladie, quelles sont les conséquences de ce « celebrity endorsement », qui bien qu’il soit devenu une sorte de rituel, n’en reste pas moins une action temporaire.

Kate Moss pour la Fondation Linda McCartney, 2014
L’imposture du ruban, le pinkwashing
Malgré cette mobilisation, comment expliquer ces propos formulés sur le blog du Nouvel Obs par l’une de ces femmes frappées par le cancer : « J’ai le cancer du sein, votre marketing me rend malade ! J’ai le sentiment d’avoir été instrumentalisée. Aujourd’hui, j’ai envie de dire : « Laissez mon cancer du sein tranquille! »
Au-delà de l’image lisse qu’Octobre rose s’est construite, les campagnes mises en œuvre sont de plus en plus souvent dénoncées comme un marché marketing dont la médiatisation à grande échelle aurait pour objectif principal d’offrir aux entreprises partenaires une revalorisation de leur image. Parmi ces critiques, on trouve le manque d’informations sur la mammographie, l’excès d’objectifs commerciaux, les éléments cancérigènes contenus dans les produits vendus et la transformation du cancer en un véritable combat.
Ainsi, l’association UFC Que-choisir dénonce l’injonction à la mammographie comme solution de dépistage unique. Elle met en valeur l’utilisation d’arguments émotionnels parmi lesquels la culpabilité et l’absence d’explications concernant d’éventuels effets indésirables pour la patiente. Elle critique également le manque de statistiques liées au phénomène de surdiagnostic qui entrainerait la détection puis le traitement de tumeurs non dangereuses.
De plus, l’argument de vente « cancer du sein » est un levier important dans l’acte d’achat. Une étude du cabinet Cone Communication démontre que ces engagements orientent les choix de 79% des consommateurs.
En effet, le ruban rose attire de nouvelles cibles et augmente les profits tout en valorisant l’image d’une marque présentée comme « responsable ». En comparaison, les impacts sur la recherche sont moindres : les fonds récoltés sont donc peu communiqués, souvent limités par un montant maximal. La visibilité porte donc plus sur l’engagement de la marque plutôt que sur les actions de recherches ou de soins soutenues, lesquelles demeurent obscures pour les consommateurs.
Par conséquent, l’argument « cancer du sein » s’en trouve surexploité et certains produits vendus sous l’égide du ruban rose sont dénoncés comme cancérigènes (lait, essence, et produits cosmétiques notamment).
En réponse à ce phénomène et pour avertir les consommateurs, le groupe américain Breast Cancer Action, a lancé en 2013 la campagne « Think before you pink » dans le but de dénoncer « l’industrie du cancer du sein ».

« Stop the Distraction. It’s Breast Cancer Industry Month and the pink floodgates have opened. And again we ask: what have all these pink ribbon products and promotions done for women living with and at risk of breast cancer? »
« Arrêtez de faire diversion. C’est le Mois de l’Industrie du Cancer du sein et les robinets roses se sont ouverts. Et, encore une fois nous demandons : que font tous ces produits roses et ces campagnes promotionnelles pour les femmes qui vivent avec un cancer du sein ou risquent d’en avoir un un jour? »
Les conséquences de ce détournement sont nombreuses, à commencer par un changement dans les représentations véhiculées autour du cancer du sein. A l’image du slogan de l’association Le cancer du sein, parlons en : Ensemble, portons le Ruban rose et gagnons ce combat ! Ensemble, nous vaincrons !, le cancer est présenté comme un véritable combat plus que comme une maladie. Selon Léa Pool, réalisatrice du documentaire L’industrie du ruban rose, « tout est pensé au niveau marketing : on parle du cancer mais il faut que cela soit joli, élégant, féminin, que le discours dominant véhicule l’énergie et l’optimisme (…). Dans le cas du cancer du sein, c’est la féminité, la maternité. On enrobe le cancer dans quelque chose qui dilue le drame, on vend l’espoir. Ça ne se vend pas le désespoir, la laideur». Cet objectif se retrouve dans les visuels des campagnes qui présentent des bustes de femmes bien portantes sur un fond rose, des visages rieurs et en bonne santé. En réponse à ce détournement, Léa Pool dénonce les entreprises engagées dans la lutte contre la maladie et menant en parallèle des actions favorisant son augmentation. Ce pinkwashing (terme dérivé du greenwashing) fait du cancer un produit de consommation et permet aux entreprises de se bâtir une image bienveillante.
Des solutions différentes : écoute et soins

Reprise du tableau intitulé Gabrielle d’Estrées et une de ses sœurs pour la revue Rose Magazine (Projet Du cancer à l’œuvre)
Quel est l’objectif de ces critiques ? Elles appellent surtout à la mise en place de soins dans les hôpitaux et d’accompagnement quotidien des malades dans le processus de reconstruction. On pense par exemple à la revue Rose Magazine ou à la Fondation Mimi, dont la campagne (Leo Brunett France) a été récompensée de neuf Lions au dernier festival international de la créativité de Cannes. La fondation Mimi propose des lieux où des coiffeurs, psychologues, masseurs, esthéticiennes peuvent s’occuper des malades. Et leur campagne immortalise la joie de femmes devant leur visage métamorphosé par le maquillage et la coiffure.

In fine, Octobre rose s’impose donc comme un moment éphémère mais crucial pour des entreprises avides de revaloriser leur image. Que reste-t-il à la fin du mois ? Sans doute des femmes en mal de soutien et d’actions concrètes.
Clarisse de Petiville
Sources
Lemonde.fr
Slate.fr
Blog.mediapart.fr
Cancerdusein.org
Rosemagazine.fr
Youtube.com
Bcaction.org
Thinkbeforeyoupink.com
Crédits Photos:
Katy vue par la fondation Mimi, Campagne Fondation Mimi par Leo Brunett
Cancerdusein.org
Stellamcmaccartney.com
Thinkbeforeyoupink.org
Reprise du tableau intitulé Gabrielle d’Estrées et une de ses sœurs pour la revue Rose Magazine (Projet Du cancer à l’œuvre)

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