Société

#myNYPD, plus qu'une balle dans le pied, une bombe à retardement

 

La gestion des communautés, ou community management, est l’art de fédérer les internautes autour d’une marque, d’une société, d’un service. Lorsque l’artiste au clavier est aussi malin qu’il a de la répartie, le community management peut générer beaucoup de trafic et parfois même faire le buzz. Cependant, il peut aussi devenir fatal lorsqu’il est mal exécuté, ou simplement pas assez réfléchi.
Le 22 avril, les community managers de la NYPD (police de New York) ont pris l’initiative d’orchestrer une opération de communication participative : les habitants de la Grosse Pomme ont en effet été invités à poster sur Twitter une photo d’eux avec un ou plusieurs membres de la police de New York, en apposant quelque part dans leur tweet le hashtag #myNYPD. A la clef pour les participants un repost sur Facebook, et pour la police de New York une campagne corporate impactante, 100% vraie et surtout gratuite.
L’idée était simple, pas révolutionnaire, mais efficace. Confiante sur son image de police moderne et proche des habitants de sa ville, la NYPD n’a pas douté une seule seconde et on peut dire que l’opération a très bien fonctionné, certainement même au delà de toutes les espérances. En moins de temps qu’il ne le faut pour le dire, les quelques clichés flatteurs reçus se sont retrouvés noyés dans un flot de photos humiliantes voir choquantes, et de commentaires hautement sarcastiques, dénonçant les pratiques et la violence du fameux département.

Plus qu’un mauvais coup de com, cette opération est un flop, qui s’est rapidement transformé en fail, et enfin en badbuzz. Le mot est dit, mais ce n’est pas tout. Car en effet si la police de New York, après s’être tirée une véritable balle dans le pied, a tenté de noyer maladroitement le poisson en postant quatre photos plutôt avantageuses de bons citoyens célébrant ceux qui les protègent et les servent, le phénomène de dénonciation ne s’est pas arrêté aux portes de la ville.
En quelques heures, l’erreur de communication et devenue un phénomène national et en quelques jours, un phénomène mondial. Comment ? Tout simplement grâce à une réplication sauvage du hashtag adapté à des polices locales :
#myLAPD pour Los Angeles, #myBPD pour Boston, #myOPD pour Oakland, #myTPS pour Toronto, #mySPVM pour Montréal, images et légendes à l’appui.
Si dans certains pays comme la France, le hashtag #MaPoliceNationale peine à s’inscrire dans les Trending Topics, d’autres pays comme le Brésil ont profité de l’aubaine pour se lancer dans une dénonciation virulente des violences policières sur lesquelles le gouvernement ferme les yeux. Grâce au hashtag #minhaPM, qui a depuis laissé la place à un tumblr, les brésiliens semblent avoir redonné de l’élan à cette revendication de longue date qui prend, en ces temps de crise, la tournure d’une véritable revendication sociale politique.

La NYPD risque de se souvenir longtemps de la bourde de ses community managers, et elle risque certainement d’avoir à rendre des comptes aux départements de police affectés par ce badbuzz.
S’il est certain que celui-ci disparaitra tôt ou tard, ne laissant aux forces de l’ordre qu’un lointain souvenir et le goût amer d’une mauvaise blague, il aura au moins eu le mérite de réinscrire dans l’agenda politique de différents états cette question délicate et gênante qu’est celle de la violence policière.
Ne reste plus qu’à espérer que celle-ci ne sera pas balayée et oubliée aussi vite que le dernier Top Tweet.
 
Clémence Lépinard
Sources :
Le Monde
Kombini
Le Parisien
Le Point

Guy Cotten
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Scrollez ou coulez !

Si vous n’êtes toujours pas allé sur ce site, je vous conseille de brancher votre casque, d’éteindre la lumière et de passer en mode plein écran pour vivre  totalement l’expérience étrange (et un chouïa traumatisante) de sortie en mer.
Vous vous trouvez mystérieusement plongé dans un film tourné en première personne où vous incarnez Julien, homme expérimenté en mer sur son voilier avec un certain Charles pas très débrouillard. Les deux français semblent partis pour une excursion au large entre amis sur un joli bateau avec une météo digne de la côte d’azur quand tout bascule…
Vous vous prenez la baume (erreur d’amateur) et tombez à l’eau.
On comprend assez vite que l’expérience a pour but de nous sensibiliser aux questions de sécurités vitales sur un bateau auxquelles on ne pense pas vraiment. La vidéo semble s’inscrire dans la veine des campagnes choc de sensibilisation qui marchent plutôt bien de nos jours.
Procédé pas très innovant donc, me direz vous, mais c’est sans compter le caractère immersif et interactif de l’expérience : vous n’êtes pas simples spectateurs de l’action, vous êtes virtuellement en train de vous noyer et devez vous battre pour rester hors de l’eau. Enfin, vous devez scroller sans relâche.
Finalement, vous vous noyez et les messages suivants apparaissent :
Vous vous êtes noyés au bout de X minutes.
En mer on se fatigue plus vite qu’on ne le croit.
Portez un gilet de sauvetage.
Par GUY COTTEN L’abri du marin.
Et c’est là qu’on découvre que tout le site à l’apparence d’un jeu vidéo immersif et très bien réalisé est en réalité une publicité pour Guy Cotten, qui ne s’avère pas être un artiste réalisateur s’essayant aux jeux vidéo mais une société bretonne spécialisée dans les vêtements de protection en milieu marin.
L’idée géniale du site mystérieux et de l’expérience interactive vient de l’agence de communication CCM BBDO qui réalise là un coup de pub magistral pour l’entreprise bretonne. La campagne n’a d’ailleurs pas tardé à devenir virale de la campagne (à ma dernière tentative, c’était quelques 2 924 027 internautes qui avaient virtuellement coulé), les boutons de partage sur les réseaux sociaux étant accessibles à tout moment en bas de la page et visibles à la fin.
Une campagne inspirée
 Les références au monde du jeu vidéo et des cinématiques interactives sont claires et c’est ce qui rend vraiment intéressant le procédé de communication. On ne partage pas le site pour prévenir des risques du non port de gilet de sauvetage mais pour voir combien de temps nos collègues ou amis vont tenir à scroller et accessoirement savoir à quel point cela a été perturbant pour eux.
Le côté « choc » d’incarner quelqu’un qui lutte pour se maintenir à la surface a tout du film d’horreur. Le procédé d’immersion par la caméra en première personne a fait le succès de nombreux films du genre tels que les célèbres REC et Cloverfield. Il n’est pas non plus sans rappeler les jeux vidéos d’horreur comme FEAR qui ont aussi un très grand nombre de joueurs. Avec un tel univers en toile de fond, il n’est pas étonnant d’avoir entendu parler de cette campagne sur un réseau social de gamers à la moyenne d’âge de 30 ans comme cela est mon cas. Si c’est là la cible de cette campagne, l’angle est d’autant plus intelligent que l’on va forcément repartager le site à nos amis, parents, connaissances au pied marin amoureux de la navigation ou au moins qui partent en vacances en bateau. Là sont les vrais potentiels acheteurs de superbes gilets orange et autres accessoires de survie fluorescents.
Chapeau bas pour cette idée géniale donc. En effet, exception faite des mordus de sports maritimes, la plupart d’entre nous n’aurions sûrement jamais entendu parler de Guy Cotten et de ses gilets de sauvetages sans une telle expérience.
 Rimond Leïla
 Sources :
Sortieenmer.com
Meltybuzz
 

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INSTAGRAM DANS LA RUE

 
A l’angle des rues Ponthieu et Jean Mermoz, se trouve un prototype des plus originaux. Face à un hôtel parisien, collé sur le mur, un miroir semble vous interpeller. Il faut dire que sa forme est quelque peu particulière : le cadre entourant le miroir rappelle en tout point celui des photographies postées sur Instagram. En effet, on y retrouve les codes du réseau social : forme carrée de la « photographie », police de caractère, boutons « j’aime » et « commenter », etc.
Mais qui se cache derrière cette œuvre de « street art » ? Pour avoir la réponse, il suffit de taper sur Instagram « Encoreunestp », soit le nom du compte indiqué sur le miroir. On y découvre alors en photo chaque étape de la préparation du projet : de la confection du miroir à sa pose, dans ce carrefour du 8ème arrondissement de Paris. Cette œuvre d’art hybride, en encourageant les passants à prendre un selfie et à le poster sur Instagram, offre à « Encoreunestp » la possibilité de contempler la réception de son œuvre. Streetart rime désormais avec Feedback.

Lisa Brunet
Crédits photos :
compte Instagram « Encoreunestp »

Génération Y
Société

Quand la génération Y dit non

 
Le premier mars dernier, The Times (UK) publie un article savamment intitulé « How to understand your teen-agers brain », énième tirade d’un énième psychologue tentant bien maladroitement d’expliquer encore une fois le comportement des jeunes.
Ils auraient dû s’y attendre. On ne peut pas véhiculer autant d’idées reçues sur les « djeunes » sans les faire réagir. Le 4 mars au matin, la rédaction du Times reçoit dans sa boite mail la réponse courroucée d’une adolescente fatiguée par ces théories générationnelles incessantes. Jenni Herd, une jeune anglaise de seize ans, se dit « annoyed » de ces clichés. Il est en effet un peu trop facile de faire des généralités sur toute une population en se fondant sur leurs statuts Facebook. « La plupart d’entre nous sont cyniques et pessimistes à cause de l’environnement dans lequel nous avons grandi – ce qui devrait être une explication suffisante à notre insolence et à notre manque de respect apparents, sans avoir besoin « d’experts » écrivant des articles dessus » s’indigne la jeune fille. Jenni l’a bien compris, l’article du Times, bien représentatif de l’image biaisée que les médias ont des jeunes, n’éclaire une fois de plus en rien le débat. L’adolescent est  dépeint comme narcissique, paresseux et rebelle. Un portrait bien trop souvent dressé sans donner la parole aux premiers concernés : les jeunes.
Mais plus que les adolescents, c’est toute une génération qui est prise pour cible. La génération Y dérange, et les articles tentant de percer ses mystères inondent les média. Le Time (US) en avait fait sa une en mai 2013. « The Me Me Me génération » dépeignait un ensemble complet de jeunes, ceux qui envahissent le marché du travail et qui, confrontés au chômage, représentent un nouveau fléau sociétal. Considéré comme paresseux, le «Y» ne se donnerait pas les moyens de trouver du travail. Mais ce portrait sans nuances de la nouvelle génération est-il vraiment représentatif des valeurs de la jeunesse actuelle? Si le jeune est narcissique, c’est parce qu’il est né avec les réseaux sociaux. L’auto-promotion s’est vulgarisée avec Facebook et Twitter, des outils avec lesquels le jeune construit sa vie sociale. Le jeune sait donc se mettre en avant et se vendre dès son plus jeune âge. Ce qui est bien trop rarement perçu comme une qualité par les recruteurs.
C’est cet « imaginaire médiatique » qui est à l’origine du mythe de la génération Y. Mythe tenace nourri par les médias qui ne font que reprendre le point de vue d’un groupe sur un autre. En effet rares sont les voix qui viennent apporter un point de vue différent. On se rappellera cependant de cet OVNI plurimedia « Génération quoi ? », qui a donné la parole aux 18-34 ans via un questionnaire en ligne, plusieurs documentaires télévisuels ainsi qu’à travers des apparitions dans la presse écrite. Internet – grâce aux blogs notamment – permet maintenant de publiciser tous les avis, même ceux minoritaires, limitant ainsi le monopole des journalistes à fabriquer l’information même si ces derniers cèdent parfois la place à des particuliers. C’est le cas de la psychothérapeute New-yorkaise Brooke Donatone qui publie sur le pure player Slate.com, un article défendant cette génération mal-aimée par la presse. Donatone dénonce l’observation de cette jeunesse par la seule prise de vue des adultes. Il est alors normal que les jeunes apparaissent comme « des bêtes de laboratoire » (dixit Jenni) si les scientifiques qui les observent ont quarante ans de plus. Le choc générationnel entre les X et les Y est différent de celui des générations passées. A cause du gap technologique entre juniors et seniors, là où les anciens défendent leur expérience, les jeunes actifs mettent en avant leur savoir faire technique. La technologie s’annonce comme un domaine mystérieux, l’utilisateur de cette technologie, le jeune, apparaît alors à son tour comme une entité mystique, creusant plus qu’il ne faut le gouffre générationnel.
Mais comme le souligne Donatone, les parents ne sont pas innocents dans la construction de la génération Y. Et il n’y a pas que les médias anglosaxons qui s’en sont rendus compte. Un article de La Croix (01/10/2013) intitulé « On les appelle « parents hélicoptères »» parlait déjà de ces parents qui « volent » au secours de leurs enfants dès qu’ils rencontrent le moindre obstacle, ne leurs offrant qu’une illusion d’autonomie. Et c’est bien ce que la psychothérapeute américaine tente de faire comprendre : si l’adolescent semble aussi perdu à 30 ans que l’étaient ses parents à 18 ans, c’est en grande partie dû à l’éducation qu’il a reçu. Une remise en perspective salutaire, qui permet de dépasser le jugement tranchant que les médias ont adopté sur les Y. Et si les médias laissaient les jeunes s’exprimer au lieu de ne faire parler que leurs parents ? Peut être alors qu’ils découvriraient l’abominable vérité, celle qui place le jeune instruit et motivé dans un contexte de crise, qui ne demande qu’à ce qu’on lui accorde une chance.
Laissez  donc cette génération s’exprimer au lieu d’interpréter ses moindres faits et gestes. Il se peut qu’elle ait des choses à dire, et peut être même, des solutions à apporter…
 
Louise Le Souffaché
Crédits photo :
Le Monde.fr

Sexisme pub
Société

Sexiste ou non ?

 
“Sexisme (nm): attitude de discrimination fondée sur le sexe.” Trouvez-vous cette publicité pour un match de football sexiste ?
Je ne la considère pas comme telle. Pourtant, sur le blog Stéréopub, 76,8% des internautes pensent le contraire…
Aïe ! Suis-je « macho » ? Créé par 6 étudiants en journalisme de Sciences Po, Stéréopub nous montre plusieurs publicités de 1960 à nos jours. Face à elles, 3 choix s’offrent à nous : soit nous considérons la pub « sexiste », « non sexiste », ou cliquons sur le bouton « sans avis ».
Ainsi, il peut arriver que notre avis ne soit pas partagé par la majorité. Le sexisme serait donc une question de perception et d’interprétation. Et ces dernières ne sont pas dues à une question de genre puisque les publicités catégorisées comme sexistes sont l’avis autant des femmes que des hommes. Les internautes qui ont trouvé la publicité du Stade Rennais « sexiste » sont composés à 53,7% de femmes, et à 46,3% d’hommes. Ce qui est également intéressant, c’est l’évolution de la publicité de 1960 à nos jours. Même si les mœurs de la société ont considérablement évoluées, certains codes publicitaires d’antan subsistent encore aujourd’hui.
Ce blog permet aussi de faire un constat : il est aujourd’hui devenu extrêmement complexe pour les annonceurs de communiquer. Chaque mot, chaque insinuation peut très vite aboutir à une polémique. Toute publicité peut se retrouver accusée (à tort ?) de sexisme. Alors, discriminante la pub du Stade Rennais ?
 
Pierre Halin
Sources :
Stéréopub
Libération

Snapzheimer
Société

Epargnez-moi cette émotion programmée

 
Le 17 avril, en s’appropriant Snapchat, l’outil de partage éphémère de photos, la campagne Snapzheimer, imaginée par Proximity BBDO, a tenté de faire vivre symboliquement aux jeunes l’expérience de la maladie d’Alzheimer. Cette campagne marque une véritable innovation dans l’usage des réseaux sociaux mobiles puisqu’elle transforme l’usage de l’application en message à part entière. Grâce à Snapchat, la campagne s’est s’invitée dans l’insouciance du quotidien des jeunes et s’est appliquée à détourner l’expérience d’un de leur média préféré afin de les sensibiliser sur la réalité de la maladie d’Alzheimer. Une seule fois et pas plus.
Sensibiliser la nouvelle génération à une « maladie de vieux » : Alzheimer
Le problème est de taille : comment intéresser des jeunes hyper connectés à la maladie de l’isolement, de la déconnexion ? Pour y parvenir, Proximity BBDO a décidé d’utiliser un outil de leur quotidien, Snapchat, et d’en faire le média inattendu d’une campagne de sensibilisation.
Prendre les jeunes au « piège » de leur usage de Snapchat. Les alerter et puis disparaître pour les avertir de l’urgence de cet enjeu de société. Avec cette campagne, plus que jamais, le média devient le message, l’incarnation virtuelle d’un mal dont souffrent aujourd’hui  850 000 Français.
Snapzheimer : l’exemple de la bonne prise de parole
Ce jeudi 17 avril, 1 million d’utilisateurs Snapchat, sélectionnés grâce à la base de données du groupe partenaire Cache Cache, ont reçu un Snapchat un peu différent : des photos souvenirs se sont affichées puis, au bout de 10 secondes, ont disparu pour laisser place à un message de sensibilisation.
La campagne, en détournant l’application Snapchat, visait à toucher les jeunes proactifs à même de montrer ces clichés à leur entourage. À terme, cette opération se veut donc transgénérationnelle. Il s’agissait ici de choquer la jeunesse en détournant, d’intéresser les familles en intriguant par la technologie. Proximity BBDO a porté la réalisation de cette campagne astucieuse afin de montrer aux jeunes que leur média préféré peut aussi être l’incarnation d’un mal dont leurs grands-parents peuvent souffrir.
L’habilité de cette campagne réside donc dans sa démarche, mais aussi dans ce qu’elle ne fait pas, à savoir  créer une énième page Facebook ou inonder l’espace public d’une logorrhée verbale attendrissante. Avec cette campagne, le message s’ancre dans le temps sans harceler le public. En somme, il s’agissait là de changer la vision qu’avaient les gens de Snapchat, de telle manière qu’à chaque cliché,  ils pensent à la maladie d’Alzheimer.
Une bonne démarche pourtant trop rare, car sensibiliser c’est suggérer, et non choquer
Dans L’Agamemnon d’Eschyle, Clytemnestre tue Agamemon et Cassandre à l’abri des regards, dans une pièce cachée des yeux des spectateurs de la pièce. Dans Orange Mécanique, Alex viole à l’abri des regards, mais cela n’a pas empêché chaque spectateur d’être choqué par la violence de la scène. Pourquoi ? Parce qu’elle était suggérée.
L’objectif de la catharsis1 est le même que celui des campagnes de sensibilisation : faire prendre conscience des travers de l’existence afin de mener une meilleure vie. La force de la catharsis, comme la force de la campagne de sensibilisation, est de suggérer, de faire émerger en chaque personne les travers qui affleurent.
Nul besoin d’aller dans le gore, dans le pathos excessif qui dégoutte, embarrasse, et n’aboutit qu’à une banalisation de l’extrême. Et pourtant, trop de campagnes de sensibilisation s’enferment dans ce défaut.  Il faut au contraire croire à la force du suggestif, dans une société de l’obscénité où tout se montre, tout se dit en permanence. Dans ce flot quotidien d’émotions déversé par les médias, il est impératif de manœuvrer différemment.
Il ne s’agit plus d’imposer au spectateur une émotion, une musique larmoyante ou des visages en gros plan, mais au contraire, de le faire participer, de se servir de son expérience, de son vécu pour qu’il puisse se convaincre lui-même. La démarche n’est pas neuve : Sophocle et Euripide n’ont pas attendu le Brand Content participatif pour comprendre qu’il n’était ni bienséant ni efficace d’imposer une réalité choquante à un public.
De fait, on comprend bien que les campagnes de sensibilisation répètent malheureusement les défauts de notre société (révélations, obscénité). Montrer de plus en plus pour émouvoir s’apparente alors à une lourde erreur. La force de l’émotion est dans ce suspense léger et silencieux, qui suit la fin d’un roman.
Je ne suis pas saisi de la beauté du voyage d’Ulysse quand il échoue sur l’île de Calypso, mais quand je referme le livre, ma main sur la quatrième de couverture, alors je comprends que ce récit ne me quittera plus.
 
Arnaud Faure

Crédit photo :
Pierre Peyron – La mort d’Alceste – Musée du Louvre Paris
1. La catharsis est l’épuration des passions par le moyen de la représentation dramaturgique

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« Une image vaut mille mots »… et peut rapporter gros

 
Qu’ils s’appellent stickers, emojis, émoticônes ou smileys, ces petits bonhommes expressifs ont envahi nos conversations numériques. Révolutionnant au passage nos modes de communication.
Pas de place pour l’indécision et le doute
Face à la multiplicité d’interprétations offertes par un même énoncé,  l’émoticône est venu en renfort du système de l’écriture, par essence lacunaire.  Au fil des années, il est devenu incontournable dans nos nouveaux modes de communication.
L’émetteur, par le biais de ce symbole, cherche à retranscrire visuellement son émotion – ou plutôt, ce dont il a envie de donner à voir – à son interlocuteur.  Le message est ainsi augmenté de données supplémentaires et  se fait plus lisible. Le spectre du malentendu s’éloigne.
De l’émoticône  au véritable sticker
D’abord simple signe typographique, l’émoticône, ou smiley, évolue. Les emojis, véritable police de caractère, ou encore les autocollants (« sticker » en anglais) sont ses descendants. Car aujourd’hui, ces symboles n’ont plus rien à voir avec ceux de nos premières messageries.
Un nouveau mode de communication rapidement investi par les marques
Les marques n’ont pas tardé à s’emparer du phénomène. Les avantages sont pour elles nombreux.
En mettant à  disposition de ses clients un large choix d’autocollants (le plus souvent gratuitement), elles mettent au cœur des conversations l’univers de la marque, s’offrant ainsi une publicité à moindre coût. C’est par exemple le cas des autocollants « Minions » du film Moi, Moche et Méchant, ou encore LEGO, téléchargeables gratuitement sur Facebook.
Mais, plus que publicité, l’autocollant peut se faire produit : Karl Lagerfeld, le célèbre couturier, vient de lancer en mars dernier sa ligne de stickers à son effigie, disponible après téléchargement d’une application sur smartphone.
Jusqu’où ira la marque dans sa conquête de la sphère privée de ses clients ?

Adeline Mateus
Source:
Lefigaro.fr

Culture

Coachella fille du désert

 
Le Coachella Valley Music and Arts Festival se tient tous les ans depuis 1999 à la fin du mois d’avril, dans la vallée qui porte le même nom, dans le désert sud-californien. Ce festival se présente désormais comme une référence dans le domaine de la musique actuelle. Le gigantisme est au cœur de cet événement, avec une fréquentation estimée à 225.000 personnes sur les trois jours. Le festival rayonne à tel point qu’il se tient désormais sur deux week-ends, avec les mêmes artistes qui dupliquent donc leur performance. Cependant, cette affluence record n’est pas ce qui fait de Coachella un festival unique en son genre.
Une programmation alléchante
Cette année encore les moyens colossaux du festival ont permis de rassembler les plus grands noms de la musique actuelle. Ainsi, au cours des trois jours, il était possible d’aller écouter la reformation d’Outkast, Muse ou encore Arcade Fire en tant que têtes d’affiche. Le reste de la programmation était également très prestigieux, avec des découvertes qui n’en sont plus, comme Queens of the Stone Age, Ellie Goulding, Lana Del Rey, ou encore Pharell Williams. Avec six scènes dans tout le site du festival, chacun pouvait y trouver son compte musicalement parlant. Mais là encore, cette accumulation de têtes d’affiches n’est qu’un des éléments du succès de ce festival.
 
La médiagénie de Coachella
Quand on pense festival de musique, on peut avoir assez facilement en tête l’image peu glamour de la boue anglaise notamment à Glastonbury, qui est la version britannique moins outrancière de Coachella. Or, prévoir un festival dans le désert californien, c’est à la fois l’assurance d’avoir du beau temps – rien de tel pour des photos sous le soleil avec des tenues estivales – et une foule de jeunes californiens plus ou moins connus, ou qui désirent l’être et s’habillent donc en conséquence. Les photographies de ce festival présentent un caractère idyllique, avec les traditionnels couchers de soleil roses en fond sur les scènes où se produisent des artistes renommés. Elles viennent ajouter une image de carte postale dont beaucoup rêvent, à la réputation déjà positive du festival.
Mais en parcourant les actualités et photographies liées à l’édition 2014 du festival, il semble bien que les artistes dont tout le monde parle soient plus présents dans la foule que sur scène. En effet, la presse people fait étalage des différentes stars présentes dans le public, allant de Leonardo di Caprio à Justin Bieber en passant par Johnny Hallyday ou encore Beyoncé, qui a rejoint sa sœur Solange sur scène. Ces quatre noms ne sont pas représentatifs des célébrités qui se déplacent, puisque dans la majorité des cas il s’agit de jeunes acteurs et actrices ou célébrités issues de la télé réalité. Les photos d’eux sont reprises sur les réseaux sociaux, et désespèrent beaucoup de fans qui souhaitaient s’y rendre, entrevoyant ainsi la chance de les croiser.
Ce que ces fans ne prennent cependant pas en compte, c’est que, la plupart du temps, ces stars se rafraîchissent dans les espaces VIP et les pool party organisées par les marques, qu’il s’agisse des magazines Nylon, Harper’s Bazaar ou des marques de vêtements H&M ou Lacoste. Les stars y passent quelques instants au calme. Le contact avec la foule est donc limité au profit d’une véritable opération de communication. Les marques y trouvent du crédit – Lacoste aurait payé Lea Michele, la star de Glee, 20 000 dollars pour sa présence – et les stars paraissent quant à elles plus décontractées, ainsi qu’une certaine crédibilité artistique en affichant un tel intérêt pour la musique. Mais celle-ci demeure bien au second plan, notamment lorsque la présence d’une starlette fait le buzz, comme ce fut le cas cette année à l’occasion d’une photo volée de Justin Bieber et Selena Gomez ensemble.

La viralité est également bien au cœur du festival. L’organisation a même prévu des « social checkpoints » pour que chacun puisse à l’aide d’un bracelet affirmer sa présence sur les réseaux sociaux (Spotify ou Facebook). Les marques ne pouvaient pas se tenir à l’écart du phénomène. Ainsi, Forever 21 se lance en créant le hashtag #ForeverFest pour mettre en valeur les tenues qui relèvent de l’esprit du festival. La festivalière type est un brin hippie avec les éternels headbands à fleurs, les shorts ou encore les longues robes. Surfant sur le phénomène, la marque s’attache les valeurs de Coachella, devenant, dans l’esprit des consommateurs ciblés, aussi cool que les starlettes qui y assistent, sans qu’aucun partenariat explicite ne soit revendiqué, même si la marque a pu organiser une pool party privée comme les autres. Cette communication situationnelle, liée à l’événement que constitue le festival permet de faire vivre les réseaux sociaux de la marque et la marque elle-même, démontrant ainsi son adaptabilité, et en faisant de l’achat chez Forever 21 un événement à son tour.
Coachella se place donc, encore plus aujourd’hui, comme un festival de musique attirant les plus grands artistes du moment, mais aussi un festival de la viralité. Arcade Fire, groupe canadien qui faisait la clôture de l’édition 2014, l’a bien compris, faisant intervenir sur scène un duo casqué, répondant au nom de Paft Dunk (vous avez bien compris à qui ils font référence) et jouant un très court extrait en version ralentie de Get Lucky. Le public n’en savait rien, et s’est interrogé sur la présence réelle du duo si attendu. Comme un symbole, avec ce buzz relatif, la performance du groupe canadien a été légèrement éclipsée, masquée par l’aspect people et viral : les gens auraient adoré dire avoir fait partie des privilégiés qui ont vu les Daft Punk – si rares sur scène – à Coachella
 
Astrid GAY
Sources
20minutes
Coachella

Société

Les jambes de la discorde au centre des tweets turcs

 
Vous vous estimiez heureux de trouver un siège libre pendant l’heure de pointe ? Et bien croisez les doigts pour que votre voisin ne soit pas un homme ! C’est en tout cas la conclusion à laquelle est parvenue l’auteure du tumblr  féministe  « Men taking too much space in the train, blog dans lequel on peut voir des photos d’hommes assis dans les transports en commun les jambes écartées, quitte à empiéter sur le territoire des autres passagers.
 La notoriété de cette initiative qui a vu le jour à New York s’est étendue bien au-delà des frontières américaines, et c’est désormais en Turquie que les féministes ont repris le flambeau. En effet, vous constaterez par vous-même en cherchant les hashtags #bacaklarinitopla ou #yerimisgaletme (qui signifient respectivement « serre tes jambes » et « n’empiète pas sur mon espace ») que de nombreuses femmes turques affichent désormais dans leurs tweets des photos de ces hommes occupant plusieurs places.
 Si savoir quel volume occupe un homme dans le métro peut sembler à première vue un peu trivial, rappelons tout de même que la Turquie  est le premier pays musulman (hors Union Soviétique) à avoir accordé le droit de vote aux femmes, en 1934. Il reste donc à savoir si cet engagement sur Twitter relève du simple phénomène de mode, qui disparaîtra aussi vite qu’il est apparu, ou s’il témoigne d’une culture féministe profondément ancrée dans l’esprit des Turques.
 Ce qui est sûr, c’est que quel que soit le motif, il est bon de revendiquer la liberté d’expression dans ce pays où la tentative de censure de Twitter menée par le premier ministre Erdogan n’a fait que renforcer le succès de cette plateforme de micro-blogging.
Alexia Maynart
Sources :
Blog.lemonde.fr
Bfmtv.com
Lefigaro.fr

Diesel
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Tatouez-moi du naturel

 
Un teint « naturel », une poudre discrète, des BB Crèmes, des CC Crème (des DD Crèmes ?), des correcteurs, du vernis pastel, des produits bios, des couleurs nudes, des tatouages… Cherchez l’intrus !
 Avec l’intrusion du tatouage au musée du Quai Branly à Paris, le roi de l’art corporel fait son grand retour dans la presse : Marie-Claire et son alter-ego gratuit Stylist, Konbini, L’Express Style, et sûrement d’autres. « Tatoueurs Tatoués » c’est donc l’exposition du moment qui revendique « la dimension artistique et le poids dans l’histoire de l’art » de la « discipline ». Effet de mode ? Pas seulement. L’exposition met en effet l’accent sur l’évolution du tatouage, de sa naissance dans les sociétés qualifiées de « primitives » à sa démarginalisation, voire à sa banalisation actuelle. D’une pratique sociale, mystique et/ou religieuse, il est aujourd’hui tendance, branché, accepté. Un point perdure néanmoins : il s’agit d’un « ornement corporel » et « même d’un art à part entière. »
 On pourrait alors replacer cette exposition dans cette atmosphère généralisée du « retour en arrière ». Après tout « il s’agit à ce jour de la plus grande rétrospective jamais consacrée au tatouage en France » (Konbini), dans une logique de fond similaire à celle de l’exposition « Pixar, 25 ans d’animation » (novembre 2013, Art Ludique), à celle du Musée de la Mode de Paris intitulée « Un siècle de photographie de mode » ou encore à celle en mémoire de Kurt Coben à l’Addict Gallerie. Dans le même esprit également que la vague rétro, la tendance fripe et la mode récup’.
Coca-Cola retrouve ses ours, Benefit utilise la pin-up. Rien n’est nouveau, rien n’est révolutionnaire, tout est revenu, et tout est lié. Le passé revient, et avec lui la simplicité, le style épuré, sain, écolo, bio, naturel. Et voici comment de l’idée d’un art d’esthétiser son corps par l’artifice du dessin, aussi historiquement ancré soit-il, on passe à celle d’une tendance générale qui retourne au naturel champêtre, où du moins à son apparence.
 Corrélation ? L’artifice servant la tendance du naturel. Paradoxe ? Le tatouage s’affichant sur des peaux « nues ». Les millions de selfies publiés sur Instagram l’ont témoigné : une mode des visages dénués de maquillage en gros plans, ou le « no make-up selfie », en réaction peut être à la construction d’un monde social virtuel autour de l’image, est entrain de régner. « Demi Lovato pose sans maquillage sur Instagram » publie Cosmopolitan  il y a quelques jours sur son site. Aujourd’hui, il s’agit de s’afficher décoiffé, au saut du lit, voire même après le sport. Out le fond de teint pâteux et épais, les crèmes teintées envahissent nos salles de bain (et ne vous croyez pas épargnés messieurs, ça arrive…). Parce que le « no make-up » ne signifie « no artifice ». Comme pour tout, les progrès cosmétique d’aujourd’hui servent la tendance rétro/bio que pour mieux se développer et accroître la vente de produits. Les allures se veulent respirant le naturel, mais on n’a jamais autant consommé de crèmes de beauté, qu’elles soient de jour, de nuit, antirides, anti-sébum, achetées en pharmacie, en para, en supermarché, en magasins spécialisés. Selon le site de statistiques planetoscope, « les ventes de cosmétiques en France ont atteint 7 milliards d’euros en 2008 (et) les succès cosmétiques de 2012 ont été des nouveautés maquillage comme les BB crèmes ». De même, face au géant L’Oréal, des acteurs locaux plus petits, notamment le Laboratoire Nuxe et Caudalie, ont, en se positionnant sur le naturel, « pu convaincre les consommateurs de la valeur ajoutée de leurs produits, notamment pour tout ce qui concerne les soins de la peau. »
 
L’objectif initial: récolter de l’argent pour une association qui lutte contre le cancer. Une opération qui s’est transformée en véritable buzz grâce à une jeune fille de 18 ans, Fiona Cunningham.
Vous l’aurez compris, on ne plaisante pas avec notre peau : on la purifie, on la protège, on la nourrit, on la tatoue. L’artifice n’est alors plus au service d’un apparent naturel mais revendique et affirme son caractère superficiel et contre-nature. La tendance sociétale nous incite à s’assumer ou à en donner l’impression. On accepte nos petits défauts cutanés, on dissimule les grands, et on marque notre peau. Le tatouage avait toujours été un outil de revendication des marginaux, un moyen de plaider leurs différences et de les rendre visible aux yeux de tous, à la fois pour se distinguer et pour se reconnaître « entre eux ». Aujourd’hui, il apparaît clairement que le tatouage ne distingue plus. Alors à quoi sert cet artifice au milieu de cet engouement pour le naturel ? Marquer la peau, c’est pourtant créer une différence. Se maquiller change notre visage, le différencie d’un jour à l’autre, d’une soirée à une autre. Actuellement, cette différence semble moindre : on n’utilise moins le maquillage pour marquer que pour paraître « naturel » et dissimuler. Le tatouage ne différencie plus non plus. S’il conserve parfois un aspect communautaire avec l’idée d’une grande « famille des tatoués », avec l’idée du « ça y est, on l’a fait », seul sa dimension artistique semble réellement perdurer. C’est peut être en ce sens là que l’exposition du Quai Branly doit se comprendre : il s’agirait moins d’une rétrospective de l’histoire du tatouage que d’une justification de la valeur qu’il continuerait à renfermer, à la fois en terme de savoir-faire et d’art, malgré sa banalisation. Dans un présent où les outils de différenciation se font de plus en plus rare,  où les visage s’homogénéisent en même temps que les silhouettes, il s’agirait (peut-être) pour « Tatoueurs tatoués » de réintroduire, grâce à l’histoire, de la spécificité dans une pratique qui semble avoir perdu sa singularité.
Eugénie Mentré