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Jacques ne dit rien en l’air

 
Vous l’avez déjà vu, que ce soit à la TV ou dans le métro. Il vous regardait à travers ses lunettes de geek, souriant d’un petit air satisfait. Ses yeux se tournent vers la droite, où se situe l’explication de ce curieux visage : « J’ai trouvé le moyen le plus économique pour m’envoyer en l’air. » Après des heures de comparaison des différentes offres sur Internet, il semble que notre génie de l’informatique ait trouvé LE bon plan ! Le récepteur est alors libre d’imaginer en quoi consiste cette découverte à si petit prix… Mais une deuxième phrase vient faire disparaître tout doute : « Liligo, c’est bon de trouver le bon vol. »
 
Vous l’avez déjà vue, que ce soit à la TV ou dans le métro. Elle vous regardait d’un air sage. Avec ses longs cheveux blonds et son maquillage parfait, c’est une belle femme. Cependant, elle arbore un air sérieux, qui contraste avec sa pensée retranscrite à ses côtés : « Je suis capable de m’envoyer en l’air en quelques secondes. » Encore une fois, lorsque l’on ne connaît pas la pub, on est tenté de comprendre cette formule en son sens le plus obscène. Mais, encore une fois, le slogan de Liligo vient dissiper tout sous-entendu grivois.

Vous les avez déjà vus, que ce soit à la TV ou dans le métro. Ce couple vous regardait d’un petit air pincé. On les imagine très mal « [aimer] choisir avec qui [ils s’envoient] en l’air ». Et pourtant, avec Liligo, ils choisissent avec soin leur compagnie d’avion !

Ces trois publicités sont apparues pour la première fois en janvier 2012. Un an après, elles refont surface. Rien n’est changé au concept de départ. On en déduit donc que les jeux de mots humoristiques à ton sexuel réussissent. Ils réussissent d’autant plus qu’ils sont en décalage avec les personnages représentés. Le geek, la « bourreau de travail » et le couple très respectable ne sont pas les premiers qu’on imagine s’envoyer en l’air.
La réapparition de cette campagne montre à quel point les publicités fondées sur des allusions sexuelles fonctionnent dans notre société! On peut rire de ces publicités, en être outré, les remettre en question…toujours est-il que l’on en parlera autour de nous, rendant Liligo d’autant plus visible ! C’est d’ailleurs le but affiché de cette entreprise : « On peut les aimer, on peut les détester, mais au moins ils ne laissent pas indifférent. »
Toutefois, si certaines publicités utilisent des formules osées pour faire rire, d’autres utilisent des questions anodines pour faire naître un comportement libertin. C’est ainsi que les panneaux publicitaires de Liligo côtoient ceux de AshleyMadison.com. « Parce que la vie est courte, il faut tenter l’aventure », clame ce site, leader de la rencontre extra-conjugale. Ces publicités, moins fines et subtiles que celles de Gleeden (cf http://fastncurious.fr/guestncurious/gleeden-ou-laffichage-de-la-rhetorique-trompeuse-2.html), n’en invitent pas moins au même comportement.
En ce début d’année 2013, la présentation de ces deux campagnes publicitaires peut amener à se poser quelques questions, sur l’évolution de notre société. Les temps changent dit-on souvent… et c’est bien vrai : nous avons changé d’année ! Mais ces deux exemples nous prouvent bien que la nature humaine reste la même. Plaisanteries coquines, comportements libertins… Les publicitaires n’inventent rien !
 
Clothilde Varenne
Sources :
http://www.liligo.fr/blog-voyage/actualites-liligo/2012/01/03/liligo-com-part-en-campagne-10012/
http://www.creads.org/blog/actualite-pub-marketing/liligo%E2%80%A9-senvoie-en-lair-avec-sa-derniere-campagne-publicitaire/

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Jacques a dit : tous mécènes !

 
Samsung, LVMH, Lagardère, Total…Tous ceux qui récemment se sont pressés au centre Pompidou pour assister à l’exposition Dali ont pu y apercevoir à l’entrée cette énumération de grands groupes, sobrement remerciés par la direction. Depuis quelques années, le mécénat d’entreprise est en plein boom. Alors quid de cette nouvelle pratique, à la fois manne financière pour les centres culturels et pain béni pour les entreprises qui cherchent à améliorer leur image ?
 
Une association tout bénef 
Le principal avantage de ce type de mécénat est qu’il profite largement aux deux parties. Les uns bénéficient d’importants financements  sans contreparties ou presque, tandis que les autres se refont une virginité éthique à grands coups de généreux dons défiscalisés à 60% depuis la loi Aillagon de 2003. Donnant-donnant donc. A demi-mot, les entreprises reconnaissent souvent que le mécénat est d’abord attrayant car il équivaut à une campagne de communication prestigieuse et relativement bon marché. Ainsi, dans une étude de L’Admical (2012), les entrepreneurs déclarent s’engager dans le mécénat culturel d’abord pour renforcer l’identité de leur entreprise et se différencier (35%), viennent ensuite la volonté de participer à l’attractivité du territoire dans lequel leurs entreprises s’inscrivent (26%), puis le goût personnel du dirigeant ou l’histoire de l’entreprise (26%).
 
Trop beau pour être honnête ?
Face à cette vision pragmatique, des voix s’élèvent parfois contre ce qui apparait comme une récupération mercantile et cynique de l’art. On crie au mélange des genres, on met en garde contre le risque de brouiller les frontières entre culture et opération marketing. Bref, on craint que le front de la Mona Lisa ne se retrouve bientôt tatoué du nom d’un des grands groupes du CAC 40. Cependant le mécénat d’entreprise reste, pour le moment, assez loin des reproches qu’on lui fait. Bizarrement, les entreprises ne communiquent pas tant que cela sur leurs actions de mécénat. Leur visibilité se limite souvent à l’association de leurs nom et logo aux supports de communication du projet soutenu. Serait-ce par peur qu’on les accuse de vouloir uniquement redorer leur blason ? De plus, à ceux qui craignent une collusion des intérêts économiques et artistiques, on rappelle que la loi interdit d’exploiter les actions de mécénat en vue de retombées commerciales, sans quoi on parle de sponsoring ou de parrainage.
Autrefois, le mécène faisait vivre l’artiste en lui commandant des tableaux. La coercition n’était-elle pas plus importante à l’époque? Désormais l’artiste a la liberté de représenter ce qu’il souhaite, et l’influence du mécène ne se manifeste guère plus que par la présence discrète d’une plaque au nom de l’entreprise  dans un coin du musée. Nuance importante : la mise en valeur ne se fait plus par l’œuvre elle-même, mais autour de ce qu’elle représente.  Le donateur ne cherche plus à bénéficier directement  de la création artistique,  mais des valeurs positives qu’elle véhicule, de l’enthousiasme qu’elle suscite, et du public qu’elle attire.
 
Marine Siguier

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Jacques a dit : « j'accuse, tu accuses, il accuse…» : rhétorique de l'insulte et victimisation

 
Gérard Depardieu a claqué la porte du territoire et enclenché, par la même occasion, chez diverses personnalités, une salve de diatribes verbales à son égard. De son pied de nez spectaculaire au fisc français – spectaculaire car donné à voir en spectacle – surgit un enjeu de taille pour le phénoménal Cyrano : son fameux panache. « Je ne demande pas à être approuvé, je pourrais au moins être respecté ! » insiste-t-il dans la lettre ouverte adressée au Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Cette prise de parole accusatrice se trouve à l’origine d’un chassé-croisé d’injures et d’indignations véhémentes au sein de l’espace médiatique de la presse.
Le poids de l’injure
Le Premier ministre a été invité à s’exprimer le 12 décembre sur le cas Depardieu : « Je trouve cela minable (…) C’est une grande star, tout le monde l’aime comme artiste. Payer un impôt, c’est un acte de solidarité, patriotique ». L’acteur, blessé, ripostait dans le journal du JDD au moyen d’une lettre ouverte. Le commentaire de M. Ayrault a fait mouche. Sa botte secrète : l’emploi d’un seul petit mot, « minable », pourtant lourd de sens. C’est bien pour cela qu’il est préférable, afin d’éviter des ennuis, de peser ses mots, qui plus est en politique et a fortiori sur une chaîne publique de télévision. Tout bon orateur sait déguiser la vindicte directe, facilement répréhensible, par quelques habiles détours. De fait, le mot n’est rien sans le contexte qu’on lui donne, et c’est précisément ce que M. Ayrault a tenu à souligner pour sa défense. À droite on lui reproche d’avoir été insultant le 12 décembre. L’injure serait-elle donc un faux pas de la communication ? « Je n’ai pas traité de minable M. Depardieu », dixit M. Ayrault, « j’ai dit que ça avait un côté minable effectivement » d’établir sa résidence en Belgique pour payer moins d’impôts. Le qualificatif visait donc davantage le comportement de l’exilé fiscal que l’homme-même. Or voilà bien le centre de cette effusion polémique, à laquelle ont ensuite participé Philippe Torreton, Catherine Deneuve, Brigitte Bardot et tant d’autres encore : l’argument ad hominem, cher aux pamphlets et autres coups de gueules engagés depuis la nuit des temps.
Une tradition historique
La polémique sur la fuite des exilés fiscaux est donc déplacée, puis supplantée par la question de l’honneur. Il s’agit même d’un code de l’honneur, qui réactualise dans l’écriture pamphlétaire la tradition des duels entre gentilshommes. Plus généralement, l’argument ad hominem a pour but de décontenancer l’adversaire. Il discrédite sa position au regard de sa personnalité, ce qui est le propre de l’attitude sophiste. Repérer ces piques verbales permet parfois de redécouvrir la violence rhétorique de certains évènements cruciaux dans l’histoire contemporaine de la France. Zola, en son temps, avait provoqué, en « accusant », une folle farandole d’insultes lors de l’affaire Dreyfus. On pense également aux termes ouvertement antisémites, utilisés par les opposants à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), à l’endroit de la ministre Simone Veil en 1974. Sans aller aussi loin dans l’insulte, le sarcasme est réputé pour être un excellent outil de sape, dans le champ politique en particulier ; et ce, du célèbre « Napoléon le Petit » lancé par Victor Hugo le 17 juillet 1851 au tacle plus récent d’un Charles Pasqua : « Monsieur Fabius est au Premier ministre ce que le Canada Dry est à l’alcool ».
Argument ad hominem, communication abominable ?
La meilleure illustration de cette stratégie rhétorique, dans la polémique qui nous occupe, est la tribune publiée par Philippe Torreton, « Alors Gérard, t’as les boules ? », dans Libération. À la lettre ouverte répond la tribune : même type de mise en scène. Il s’agit bien d’un exercice oratoire, puisqu’ il se livre au public. Philippe Torreton apostrophe directement son confrère du septième art et lui rentre littéralement dans le lard. « Tu voudrais qu’on te laisse t’empiffrer tranquille avec ton pinard, tes poulets, tes conserves, tes cars-loges, tes cantines, tes restos, tes bars, etc. (…) Nous faire avaler (…) que l’homme poète, l’homme blessé, l’artiste est encore là en dépit des apparences… » C’est tendre le bâton pour se faire battre, car la méthode est peu orthodoxe. L’attaque personnelle risque d’être contre-productive, puisque l’assaut mène à la victimisation de l’adversaire. Catherine Deneuve monte ainsi au créneau : « Ce n’est pas tant Gérard Depardieu que je viens défendre, mais plutôt vous que je voudrais interroger. Vous en prendre à son physique ! A son talent ! ». Et Brigitte Bardot d’insister que M. Depardieu est « victime d’un acharnement extrêmement injuste ».
Jeter l’opprobre publiquement, c’est prendre le risque paradoxal qu’on vous renvoie l’ascenseur, en vous collant l’étiquette du bourreau. C’est un risque communicationnel que M. Hollande a bien compris, lui qui a ainsi préféré les félicitations au blâme, en soulignant le patriotisme fiscal de ceux qui demeurent en France.
 
Sibylle Rousselot
Sources :
Stéphane Lembré, « Thomas Bouchet, Noms d’oiseaux. L’insulte en politique de la Restauration à nos jours », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, 2010, mis en ligne le 22 mars 2010, consulté le 21 décembre 2012.
Libération, ici et là.
U-Bourgogne.fr

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Jacques a dit : Scriptez le réel !

 
À la fin du mois d’octobre dernier, Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, s’en prenait à la scripted reality expliquant que ce nouveau type de programme, de qualité médiocre selon elle, n’avait pas sa place sur le service public. La ministre s’est effectivement exprimée sur les ondes de France Inter au sujet de France Télévisions et de ses obligations envers l’audiovisuel français. Elle signait le 28 Octobre une tribune dans Libération intitulée Notre politique culturelle dans laquelle elle rappelle l’une des promesses de la télévision publique : une réelle qualité de programme. Promesse qui, d’après elle, serait compromise par l’arrivée en septembre de programmes tels que « le jour où tout a basculé » (France 2) ou « si près de chez vous » (France 3), des fictions à bas prix qui permettraient aux chaînes de remplir les quotas de création imposés. Le SPI (Syndicat des Producteurs Indépendants), faisant une comparaison habile avec la presse populaire, parle d’un format tabloïd (de type journaux à scandale ou presse people).
Si ces programmes déplaisent à beaucoup, ils se multiplient tout de même dans le PAF avec des déclinaisons sur le service public aussi bien que sur les chaînes privées. L’occasion pour FastNCurious de revenir sur ce nouveau genre télévisuel dont le nom, déjà de l’ordre de l’oxymore, révèle la subtilité.
 
La scripted reality c’est quoi ?
Comme son nom l’indique la réalité scénarisée emprunte à la fois aux codes de la téléréalité et de la fiction, qui se base sur le scénario. On savait la téléréalité en partie scénarisée, mais ici, le procédé est pleinement assumé. Le concept est né en Allemagne dans les années 1980, on parle alors de Soap-doku. La résonance du terme soap permet effectivement de se faire une première impression sur la qualité du programme. En France, c’est Julien Courbet qui est le premier à exploiter ce type de format. Sa société de production (La Conceptoria) utilise les faits divers comme la base d’élaboration de scénarios courts et simples qui vont être réalisés à la manière d’un documentaire en favorisant tension, émotion et empathie.
 
L’exploitation du fait divers
Ce n’est probablement pas un hasard si le présentateur est le premier à lancer ces réalités-fictions sur le marché de l’audiovisuel. Le point commun entre « Sans aucun doute » et « Les sept péchés capitaux » – deux émissions qui ont aidé à sa popularité – saute aux yeux : le fait divers.
Le thème principal de ces premières émissions était d’aider les familles en difficulté, tout en nous plongeant dans leur quotidien. Avec la scripted reality il n’est plus question d’aide, le fait divers est placé au centre de l’intrigue mais les codes restent les mêmes : l’aspect reportage avec des commentaires ou des interviews des personnages ,  la voix off , la musique mélodramatique… L’imperfection, le mauvais goût, le kitsch, la France d’en bas qui suscitaient le rire et généraient l’audience sont recréés par le scénario et les comédiens.
 
 
L’exploitation de la notoriété
Cette forme, axée sur le fait divers, n’est pas la seule dont s’inspire la scripted reality. NRJ 12, chaîne de la TNT, innove avec « Hollywood Girls ». La formule se présente dans la continuité de la téléréalité première génération (« Secret story », « Loft story », « L’île de la tentation »…). Mais elle rappelle aussi des nouveaux programmes – dans lesquels la chaîne s’est spécialisée – qui réunissent plusieurs anciens candidats les suivant dans la réalisation de leur projet professionnel  ou mis en scène dans un nouveau jeu (« Les anges de la télé-réalité », « L’île des vérités »). Dans cette troisième génération, les mêmes visages emblématiques demeurent. L’intrigue principale est inspirée de faits plus ou moins vrais, Une nouvelle vie Californie pour Ayem et Caroline, mais on bascule dans la fiction grâce aux autres personnages et à l’évolution de l’histoire. Là encore : scénarisation et intentions de dialogue, donc improvisation et effets de réalité. L’enjeu n’est plus dans la curiosité suscitée par le fait divers, il vient de la notoriété des « comédiens » et de leurs compétences en tant qu’acteurs.

 
Un public réceptif
On l’aura compris, dans les deux cas, il n’est pas question de faire de la qualité. C’est d’ailleurs l’un des points qui rapprochent ces deux versions de scripted reality. Les producteurs ne prennent pas de risques. Leurs programmes sont à bas prix et leur succès est anticipé d’abord parce qu’ils reprennent des codes connus et déjà appréciés ; et ensuite parce que ce qui est de l’ordre du commentaire ou de la critique devient aussi l’un des premiers facteurs d’audience. Aussi médiocre qu’il soit, le genre plait et les spectateurs en redemandent.
Le CSA, qui a dû se pencher sur ces créations hybrides le mois dernier pour déterminer leur nature, devrait s’attendre à en voir de nouvelles se développer dans les nouvelles années. Depuis l’arrivée du mot téléréalité à la télévision française, le genre n’a cessé de se décliner et de s’adapter. Et bien souvent, quelles que soient les réactions et jugements du public, l’audience est au rendez-vous.
 
Esther Pondy
 
Sources :
http://www.franceinter.fr/emission-le-billet-d-eric-delvaux-qu-est-ce-que-la-scripted-reality
http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/09/24/scripted-reality-aussi-vrai-que-nature_1764087_3246.html
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/676061-scripted-reality-et-tele-publique-pourquoi-filippetti-a-raison-de-s-y-attaquer.html
http://www.franceinter.fr/video-aurelie-filippetti-ministre-de-la-culture-et-de-la-communication

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Jacques a dit Versailles est le centre du monde

 
Jacques ne nous apprend rien de nouveau. De Louis XIV à nos jours, des livres d’histoire aux magazines, nous l’avons lu et relu. Le Château de Versailles fut le soleil de l’occident, la lumière qui attira les intellectuels de tous pays. Tout venait à Versailles, tout passait à Versailles, tout partait de Versailles. C’est ainsi que l’on peut résumer le rôle qu’eut ce marais aménagé. Soucieux de la culture de tous, Jacques a tapissé certains murs avec de belles images pour rappeler aux Français ce lieu commun.
Cette tapisserie urbaine nous dit implicitement : «  Versailles est le centre du monde ». Surinterprétation des slogans ? Peut-être. Pourtant ces derniers font référence à différentes parties du monde et les situent à Versailles. Ainsi, « le Loch Ness » est à « 20 minutes de Paris. ». D’ailleurs, le Loch Ness côtoie la Grèce Antique, l’Angleterre et Venise, elles aussi étrangement situées à « 20 minutes de Paris ». Cette périphrase désigne bien-sûr l’illustre château et son parc. Par ces différents slogans, les publicitaires définissent Versailles comme un centre historique, réunissant différentes époques en une même temporalité, et un centre géographique, rassemblant différents milieux en un même lieu. Dans le passé comme aujourd’hui, Versailles reste le centre du monde.
Les panneaux publicitaires s’inscrivent donc dans une continuité historique. Simples, épurés, ils rappellent le classicisme du château. Pourtant, il ne s’agit pas d’affiches standard, avec une forme en adéquation avec le fond, c’est-à-dire sans originalité. Bien au contraire, elles surprennent ! Cherchant à attirer des touristes à Versailles, elles ne montrent pas de photo du château : ce sont toujours des éléments périphériques qui sont mis en valeur. Ainsi sur une affiche, l’on voit le cheval d’une fontaine, sur une autre le soleil d’un portail etc. Il a fallu apporter un peu de nouveauté dans la promotion d’un lieu plus que célèbre. En France tout le monde connait ce Château, est en mesure de dire à qui il appartenait et sait le situer. Il s’agit d’un sujet vu et revu, battu et rebattu. Les publicitaires cherchent donc à nous montrer que non, nous ne connaissons pas tout, et que oui, nous devrions y retourner (ou y aller). Certaines des affiches ont un côté mystérieux. Reprenons (encore et toujours) celle du Loch Ness. Votre curiosité n’est-elle pas éveillée ? N’avez-vous point envie de saisir votre manteau et monter dans le RER afin d’aller guetter l’apparition du monstre légendaire ?
Convaincante. C’est ainsi que l’on peut résumer la démarche de promotion du Château. D’ailleurs, les publicitaires l’ont bien compris. Cette campagne en effet dure depuis plus d’un an. Régulièrement, de nouvelles images apparaissent dans le métro, toutes basées sur le même concept. Les plus récentes étant celles de la Grèce Antique et du Loch Ness. Cette campagne sur le long-terme est accompagnée de gentlemen-wagons transformés en mini-Versailles.Cinq rames feront découvrir le Château, et ce pendant 2 ans. Versailles envahit Paris semble-t-il…pour la plus grande joie des paresseux qui auront la Galerie des Glaces à portée de main !
Aventure ou tranquillité, monstres ou décors fastueux… deux campagnes pour deux publics différents. A vous de choisir votre camp !
 
Clothilde Varenne

Sources :
http://paris-ile-de-france.france3.fr/info/diaporama—le-rer-c-s-habille-en-versailles-73934498.html

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Jacques a dit la Norvège aussi

 
Récemment, une association norvégienne (Le Fonds d’aide internationale des étudiants et universitaires norvégiens) a lancé un clip parodique sur Internet, mettant en scène une fausse campagne caritative appelant tous les Africains à donner un radiateur pour lutter contre le froid qui sévit dans le pays nordique. 3500 tweets et 10 000 likes plus tard, la vidéo a fait le tour des réseaux sociaux. Un single, Africa for Norway, y est interprété par un groupe de choristes appelant à la solidarité avec des paroles aussi profondes que «Les enfants sont gelés/il est temps pour nous de les aider », accompagnées d’images subliminales de blizzard. Le postulat de départ : que penserait-on de la Norvège si cette vidéo était la seule source d’information qu’on en avait ?

Cette initiative originale présente d’abord l’avantage de lutter contre les clichés misérabilistes avec humour. Elle rompt ainsi avec l’uniformité des campagnes humanitaires qui peuvent rendre le public insensible voire hostile en raison de leur manque d’authenticité. On repense à Kony2012, illustration parfaite d’une communication virale qui mêlait (avec un certain talent il est vrai) tous les poncifs du genre, entre pathos à l’américaine et approximations factuelles sur la situation en Ouganda.  Résultat : une visibilité mondiale mais entachée de polémiques et de moqueries. La stratégie adoptée ici est à l’opposé, beaucoup plus ironique et du même coup plus efficace car elle attire la sympathie par le rire, ce qui lui évite de trop prêter le flanc aux critiques. Autre réussite de l’association : révéler la véritable Afrique, au-delà de l’image du nouveau-né rachitique qui prévaut généralement dans l’inconscient occidental. Ne pas la réduire systématiquement  à un pays ravagé par la corruption et le SIDA, c’est aussi montrer un peuple dans sa normalité, et mettre fin aux derniers relents de condescendance paternaliste. Au vu de l’évolution des mentalités cela peut paraitre inutile voire consensuel, mais apparemment pas pour tout le monde si on en croit les commentaires suscités par le clip. Ainsi, voir des jeunes chanter et danser constitue à l’évidence un trop grand choc visuel pour certains youtubers, qui considèrent que « ce ne sont sûrement pas de vrais Africains, ils ont probablement vécu ailleurs ». Troll ou pas, la remarque met mal à l’aise.
Une lecture plus poussée de ces commentaires révèle que le clip n’a vraisemblablement pas été compris par tous, le second degré s’avérant trop subtil à saisir pour quelques-uns  (cf « L’Afrique ferait bien de s’occuper de ses propres problèmes avant d’aider les autres »). Ce malentendu souligne en partie le problème d’un excès de légèreté dans les initiatives de ce type. Ludique, la vidéo est très efficace pour créer le buzz et susciter une prise de conscience générale sur la véritable place de l’Afrique dans le monde d’aujourd’hui, mais elle peut difficilement constituer une alternative convaincante aux campagnes caritatives officielles. Il est certes déplorable que l’on réduise trop souvent ces pays à une poignée de généralités faciles, mais il le serait encore plus que l’on doive réduire l’action humanitaire à de l’infotainment.  Oui, les ONG utilisent le plus souvent la mise en scène d’une insoutenable pauvreté humaine pour toucher le plus possible le public. Oui, ces images frôlent parfois le caricatural. Mais elles n’en restent pas moins vraies. En Afrique on meurt encore de faim, de déshydratation, de maladie. Pas toujours, pas partout, mais de manière encore trop importante pour qu’on puisse l’ignorer.  Y a-t-il vraiment une manière originale de montrer la misère humaine ? À plus forte raison, ne devrait-on pas plutôt se focaliser sur le moyen le plus efficace de la soigner, plutôt que sur celui de la montrer ?
 
Marine Siguier
Pour plus d’infos : http://www.africafornorway.no/
 

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Jacques a dit : tweetez !

 
Mardi 23 Octobre avait lieu la « soirée Bref » au Grand Rex. Le rendez-vous était donné pour suivre en direct la soirée à 20h précises sur le site de Canal +. Et pourtant, cinq minutes, 10 minutes passent et toujours rien. Enfin, pas vraiment. Pendant une demi heure étaient affichés sur l’écran de la salle de cinéma et sur nos petits écrans d’ordinateur des tweets envoyés par les spectateurs, après avoir été soigneusement sélectionnés.
Vous pensez sûrement : rien d’étonnant. Désormais Twitter a gagné sa place dans les médias, si bien qu’il paraît naturel de commenter en temps et en heure ce que vous voyez. Ce n’était pourtant pas gagné au départ, comme toujours la France est en retard sur ce point. En 2011, il est déjà fréquent de voir des émissions étrangères intégrer l’oiseau bleu, comme aux Etats Unis ou au Canada. En France, le CSA a établi des règles très strictes. Il est interdit de publier le nom de Facebook ou de Twitter. Les chaînes de télévision doivent être prudentes, d’où la prolifération uniquement des « hashtags » dans les émissions les plus populaires et interactives. Mais la contamination des médias français par Twitter devient davantage visible depuis peu. Les deux émissions C dans l’air (France 5) et Mots croisés (France 2) tournent déjà autour des commentaires Internet. Mais avec avec Danse avec les stars 2012 (TF1), les tweets font partie intégrante du scénario et l’arrivée de la chaîne D8 devrait changer la donne. On voit aussi avec Canal + que les sites Internet des chaînes font librement siffler l’oiseau bleu. On ne patiente pas seulement en Tweets pendant « la soirée Bref », sur leur page d’accueil Internet, on peut apercevoir une sélection de tweets humoristiques commentant l’émission du Grand Journal. Et c’est sans compter leur rubrique spéciale « tweets en clair ». Twitter contamine aussi bien le média télévision que son prolongement dans la sphère Internet.
En fait, cette prolifération de Twitter pourrait bien être le symptôme d’une contagion plus générale, celle de la « logique du commentaire » qui prend de plus en plus de place dans le processus de production d’un média. Désormais, pour qu’un programme fonctionne, pour qu’il soit regardé, il faut qu’il soit commenté. Plus un lancement d’émission de télévision qui ne s’appuie sur un dispositif social TV, généralement assuré par Twitter. Il est maintenant impensable de créer une émission sans compte Twitter afin de partager des informations exclusives, des photos, etc. Le but étant de fidéliser les spectateurs et de compter sur le bouche à oreille digital. Il faut dire que l’enjeu est de taille : la France compte 7 millions de twittos, tous susceptibles de relayer des informations précieuses.
L’apparition des tweets sur les écrans n’est que la partie émergente du « phénomène commentaire ». Prenez Secret Story. Tout ce qui est passé à la télévision est sélectionné à des fins de commentaires : les « engueulades », les coups de blues des candidats. Que le spectateur soit content ou non, il est un spectateur. C’est bien avec l’apparition du Loft sur les écrans en 2001 que s’est terminée l’ère de la « télévision uniquement pour plaire aux Français ». Dorénavant, il faut faire le buzz.
Il faut savoir qu’aujourd’hui, le fait qu’une émission soit relayée sur Internet intéresse de plus en plus les annonceurs. Il est plus alléchant pour eux d’être associé à un « programme qui fait le buzz ». Evidemment, cela leur permet une plus grande visibilité. On peut alors comprendre pourquoi la télévision, en mal de ressources financières, chercher à incorporer Twitter. Ce dernier participerait à la légitimation des programmes au près des annonceurs. De son côté, selon son PDG Dick Costolo, le site a pour principaux objectifs de soutenir la croissance de ses utilisateurs et d’encourager l’activité des ses usagers. Deux objectifs particulièrement bien servis par l’apparition et le développement de tweets à la télévision. La « logique du commentaire » est donc bien aussi le fait d’une rencontre entre deux intérêts économiques compatibles. Le buzz fait vendre.
À un nouveau modèle économique correspond un nouveau spectateur. Ce dernier semblerait de plus en plus attiré par l’interactivité croissante des émissions. Désormais, il s’agit d’être celui sélectionné pour que son tweet passe à la télévision. Peut-être cela répond-il à un besoin de « devenir quelqu’un », ou en tout cas, un spectateur particulier parmi la masse.
Reste à savoir lequel des deux est dépendant de l’autre ? A priori Twitter ne ferait pas le poids avec ses quelques millions de comptes contre les dizaines de milliers de spectateurs quotidiens de la télévision. Mais dorénavant, une émission télé ne se fait plus sans Twitter. Les twittos, leaders d’opinion, ont une influence certaine.
 
Camille Sohier
 

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Jacques a dit : le client est Empereur

 
Ou So Ouest, l’anti-centre commercial.
« So Ouest, le centre commercial urbain chic qu’attendait l’Ouest parisien »
Ainsi se définit le nouveau complexe commercial qui a émergé du sol levalloisien cette année, affichant la motivation de servir le confort et le bien-être du Consommateur. Il ne s’agit plus ici d’un client lambda, mais bien d’un portefeuille-sur-pattes ayant reçu ses lettres de noblesse. Le client est Roi n’est-ce pas, eh bien So Ouest le reconnaît Empereur. L’Ouest parisien que vise le centre constitue en effet un vivier d’habitants aux revenus aisés, des quartiers de nantis qu’on ne présente plus. Les mots d’ordre, « confort » et « bien-être », sont exactement  ceux que rechercherait tout  hôtel de luxe. Cette analogie ressort d’autant plus avec le scintillement des quatre étoiles en dessous du nom So Ouest, et se veut constitutive de l’identité du centre… d’une contre-identité.
Le centre commercial non seulement s’adapte au terrain qui l’accueille, répondant à une attente, mais se démarque également en innovant. Eldorado d’hier,  sa raison d’être serait facilement caduque aujourd’hui quand il suffit de quelques clics au e-consommateur pour accéder à la caverne d’Ali Baba. Il devient alors impératif de justifier le déplacement de ce pantouflard : transposition de l’intérieur cosy qu’on lui fait quitter (cf la galerie de portraits au détour d’une allée et les puits de lumière naturelle), exotisme et rareté (marques phares étrangères comme Hollister ou Marks & Spencer), design et matériaux nobles (le guichet information devient un comptoir en marbre style Louis XV) et surtout, surtout, offre d’une qualité de services incomparable. Outre les i-pads en libre consultation, un personnel en veston rouge se tient également à sa disposition, lui indique aimablement telle enseigne, voire fait le pied de grue au service voiturier/scooturier. Un bus aux couleurs de So Ouest le ramène même jusqu’à la place de l’Etoile…à condition qu’il soit détenteur du sésame de fidélité. Faut pas (trop) rêver non plus.
C’est ainsi tout ce que promet le label « **** », sur les affiches de publicité tapissant les murs du métro…à l’opposé de l’imaginaire rattaché au centre commercial, glauque et commun, jalon du quotidien, telle une corvée devenue superflue grâce au e-commerce. Plus qu’un regroupement de magasins, le centre se constitue comme une destination à part entière, classée dans la catégorie des loisirs. Il prend la tangente de l’acte banal et presque animal de consommation, en affirmant un caractère exceptionnel, caractère dont la revendication appartient au monde du luxe, de ce qui est hors du commun. Sa nouvelle identité est bel et bien créée et consolidée par toute la stratégie de communication qui vise la personnalisation du centre, sa démarcation : le consommateur représenté par une jeune femme dans la campagne publicitaire se repose sur le sigle du centre. Celui-ci sert de soutien, on y prend appui, ce qui justifie la promesse de confort et de bien-être. Cette identité se décline aussi dans l’application So Ouest pour Smartphones et I-pads, surfant sur la vague de l’air du temps technologique. Elle devient même emphatique, créatrice de buzz par exemple à propos de l’ouverture du centre. Cette naissance officielle s’institue comme rendez-vous incontournable, prenant les allures d’un spectacle dont le concert de Yuksek marque justement le clou, et que les vidéos en ligne invitent à revivre.
So Ouest se renouvelle par la contre-identité, instituant une nouvelle ère d’hybridation des structures commerciales.
 
Sibylle Rousselot
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Jacques a dit : les chaises sont comme Facebook

 
En ce moment, Jacques nous dit que  « Les chaises sont comme Facebook »
On admettra que sur le coup tout cela laisse un peu perplexe !
Cette précieuse information n’est autre que le message délivré par la toute première campagne publicitaire du célèbre réseau social. Elle a suscité beaucoup de réactions sur Internet mais pour ceux qui ne l’auraient pas encore remarqué, Facebook propose, depuis le 4 octobre dernier, de partager un très beau clip d’une minute et demi à la gloire des objets de tous les jours, des éléments qui nous lient : les sonnettes, les pistes de danse, le basketball…
« The things that connect us », c’est d’abord la représentation d’un monde paisible, où tout le monde s’aime et partage. Mais c’est surtout un message, et quel message ! Les chaises sont comme Facebook.
Audacieuse, ridicule, absurde, exagérée… la formule ne laisse pas indifférent.
En capitalisant sur le symbolisme, Facebook se réaffirme comme un partenaire du quotidien , fédérateur, créateur de lien et gardien de valeurs essentielles telles que  l’amitié, l’amour, la fraternité…  Souvenez-vous du slogan d’origine :
« Facebook vous permet de rester en contact avec les personnes qui comptent dans votre vie ».
Cette démarche inédite de l’entreprise américaine interroge sa place auprès du public. Aujourd’hui plus que jamais, celle-ci reste ambiguë. Entreprise ? Outil ? Réseau ? Média? L’hyperprésence du site Internet a tendance à masquer son identité ou du moins à la rendre floue.
Facebook, qui profite certainement de ces zones d’ombre, se trouve aujourd’hui à une étape décisive de son histoire. Cette campagne officielle semble définir le positionnement adopté par le média. Après une actualité mouvementée (une entrée en bourse décevante, des tentatives hasardeuses pour séduire les investisseurs et un scandale touchant au tabou de la confidentialité), la rentrée  est l’occasion de soigner image et cote de popularité.

Pour ce faire, la marque Facebook nous raconte des histoires.
Le réseau nous dit qu’il est un média sans dire qu’il est un média. Lorsque l’on regarde cette vidéo attentivement, on remarque rapidement une absence totale des dispositifs de communication modernes. Ordinateurs, mobiles, écrans sont proscrits. Le spot effectue une série de métaphores in absentia qui viennent minimiser la présence des NTIC mais sont tout autant de références aux media au sens premier du terme.  Le mot et le logo Facebook n’apparaissent respectivement qu’une seule fois.
Pendant longtemps, les concepts marketings ont seriné combien la répétition de la marque ou du produit avaient leur importance dans la publicité. Ici tout est dans la substitution. Cette vidéo ce n’est pas l’histoire du média Facebook, c’est une histoire des hommes et des objets. Presque à la manière d’un récit mythologique, elle nous raconte, nous explique pourquoi tous ces objets sont là, et dans quels maux universels ils trouvent leur origine :
« L’univers : il est vaste et sombre ce qui nous fait nous demander si nous sommes seuls. Alors peut-être que si nous construisons toutes ces choses c’est pour nous rappeler que nous ne le sommes pas. »
Pour qualifier la stratégie adoptée par le réseau : des histoires et non pas une.  Le storytelling n’est pas seulement au centre de ce clip ; il est au cœur de toute la stratégie de visibilité déployée par Facebook. En août 2012, le réseau social lançait www.facebookstories.com, une plateforme indépendante destinée à recueillir et diffuser les récits de personnes utilisant Facebook de manière extraordinaire. C’est à ce jour le seul site Internet – en dehors du réseau – où la marque communique sur elle-même.
Là encore, le propos est ambitieux. Un mot d’ordre : viralité.
Tout en masquant son hyperprésence, le réseau se présente comme un point de contact. Plus d’un milliard d’individus forment désormais l’immense constellation qu’est Facebook. La marque illustre cela par le néologisme « virality » ou la capacité de pouvoir toucher différemment les individus, immédiatement et en tout lieu :
« We’re tackling a phenomenon that dense network of connections creates: the ability for an idea, a song, a picture — anything — to spread nearly anywhere, nearly immediately ».
Jacques ne sait pas si les chaises sont comme Facebook. Mais une chose est sûre, le réseau veut s’imposer durablement comme un médiateur, le ciment qui unit les individus en dedans et, – comme l’illustre par exemple sa participation à la gay pride de San Francisco  – en dehors du média.
 
Esther Pondy

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Jacques se repose

 
« Halte à l’invasion publicitaire dans le métro ! ». On le sait, les affiches sont les publicités les plus agressives. Il est impossible de s’y soustraire…sauf en fermant les yeux. Or pour trouver son chemin dans les labyrinthes de la RATP, avoir des yeux attentifs et grands ouverts est conseillé !
Impossible de se soustraire à la publicité dans le métro. En effet celle-ci est omniprésente : les couloirs, les quais, les métros semblent tapissés d’affiches. Chaque station contient en moyenne 144 m²de ces panneaux publicitaires. Les Parisiens le savent bien, les panneaux de 3 sur 4 mètres font partie du paysage souterrain. Que l’on soit de l’autre côté du quai ou placé de biais, la publicité s’impose à nous. Le métro parisien détient ainsi le record de la surface publicitaire. Ce phénomène tend à prendre de l’ampleur avec le développement des panneaux lumineux.
« La pub me fatigue ». Nous, grands habitués du métro, ne faisons plus guère attention à ces pubs. Elles font désormais partie de notre quotidien. Le groupe des Reposeurs, en disant leur désaccord avec ce modèle publicitaire, nous donne l’occasion de réfléchir sur ces panneaux. Ce groupe antipub mobilise principalement des jeunes qui se sont réunis tous les jours à 18h du 13 au 26 octobre, devant la Sorbonne.
Leur but : Faire réagir la RATP pour une réduction de la surface publicitaire. Selon eux, des affiches de 50 cm sur 70 sont suffisantes. Il s’agit là des dimensions des affiches associatives. Ils expliquent, en effet, que cette taille laisse le choix au voyageur de s’arrêter pour en savoir plus. De cette façon, il cesserait d’être la victime des annonceurs. L’affichage publicitaire serait ainsi réduit à 8m² par station.
Leur moyen : L’utilisation massive de papiers repositionnables, ou de feuilles A4. Encore une fois, il faut laisser le choix au voyageur de s’approcher pour en savoir plus. Ces affichettes sont constituées de slogans et donnent l’adresse du site : une information minimale. Par leur moyen-même, qui n’est pas agressif, les Reposeurs manifestent leur désir de lutter contre le « matraquage publicitaire ».
Leurs résultats : 57% des Franciliens sont favorables à une réduction de la taille des panneaux publicitaires et à une réduction de leur nombre.
Tel est le résumé de leur action. Cependant, le même sondage montre que 52% des personnes interrogées percevaient les affiches comme « dignes d’intérêt », non pas comme des « agressions visuelles ». Les Reposeurs restent tout de même optimistes. Notons que la RATP n’a toujours pas réagi… Il semble que l’année prochaine, nous aurons droit à une autre campagne à base d’affichettes !
En somme, les Reposeurs développent une campagne sympathique, qui amène le voyageur à sortir de sa torpeur. Mais, il faut le dire, ils ne sont pas près d’obtenir gain de cause… Le développement des panneaux lumineux, certes moins grands en surface, accroit l’agression publicitaire dans les métros. Il semble en effet que nous soyons dans un processus d’innovation des formes publicitaires qui deviennent toujours plus agressives. Eh oui, il faut réveiller la cible pour qui les panneaux publicitaires deviennent partie intégrante du quotidien. Les yeux glissent sur ces surfaces colorées, s’y attardant de moins en moins. Les Reposeurs ont d’ailleurs été un élément perturbateur dans la douce monotonie de nos trajets en métro, nous sortant de nos habitudes… On peut alors s’interroger sur cet ultime renversement : les agents publicitaires devront-ils utiliser la même méthode que les Reposeurs, à savoir réveiller les passagers et attirer de nouveaux regards curieux ?
 
Clothilde Varenne
Sources :
Le rapport du CSA
Le site des Reposeurs
Crédits photo : ©Les Reposeurs
 

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