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Marseille 2013, potentiel buzz ou flop avéré ?

On n’en entendait pas parler. Et, si l’on n’avait pas un œil outrageusement attentif, on aurait pu passer à côté. Alors oui, « Marseille 2013, capitale européenne de la culture », ne date pas d’hier. Le projet a été déposé en 2004 et officialisé en 2008, mais il est pour demain. On nous avait discrètement promis que la campagne de communication serait pour bientôt, nous en avons aujourd’hui les premières ébauches.
 
Marseille 2013, c’est avant tout fonder la communication sur le capital culturel déjà présent de la future capitale culturelle ; un constat qui, à l’écrit, a de quoi embrouiller l’esprit, mais qui est loin d’être incohérent. Marseille mérite son futur titre et c’est à la ville et à ses habitants de le prouver. Quand on pense à la cité phocéenne, on plante calanques pour décor, cigale et accent du sud pour fond sonore. Mais au fond, la culture marseillaise, non, l’Olympique Marseillais n’est pas une bande d’artistes. Ce n’est pas cela qui nous vient spontanément à l’esprit lorsque l’on pense à Marseille. Et pendant de longues années, Marseille n’a rien fait de visible, en termes de communication, pour légitimer son statut de 2013. Le logo, pourtant vite affiché par les localités, n’a apparemment pas marqué les esprits, malgré le choix des couleurs vives et de la typographie simple et percutante, tout à fait déclinable.
 
Cependant, elle se rattrape, petit à petit. Si l’on fouille un peu, en particulier sur le net, où les sites dédiés à Marseille 2013 fleurissent, et où les premiers extraits de la campagne de communication annoncent la couleur : humour et clichés sont au rendez-vous. S’il s’agit de donner mon avis, je dirais que l’accroche est osée, mais pas désagréable, puisque Marseille affiche désormais sur Internet un fier slogan « Descendez à la capitale » sur fond de paysages de carte postale – choix tout à fait délibéré selon Christophe Imbert, directeur de la communication de l’association Marseille-Provence 2013.

 
Suivent des vidéos d’une trentaine de secondes publiées au compte goutte, où là aussi, la vision pastis et soleil est de rigueur. La première vidéo par exemple, nous présente des joueurs de pétanque, dont l’un d’entre eux pose la sempiternelle question « Tu tires ou tu pointes ? ». C’est là qu’on est surpris ; le joueur répond par une réflexion philosophique dithyrambique, dont l’incongruité est soulignée lorsque son compagnon rétorque que, lui, aurait sans doute « pointé ». Re-belotte (sans insister sur les clichés), une deuxième vidéo nous présente deux femmes sous une pergola méditerranéenne, dont l’accent marseillais presque trop prononcé (aurait-on demandé à des parisiennes de jouer des provinciales ?!), est couvert par des bruits de travaux, et les deux protagonistes en parlent comme d’une symphonie riche en émotions. De quoi traiter les clichés avec humour, en mêlant réflexions culturelles et vision parisienne de la région.
 

 
On aurait pu craindre que le manque budgétaire pour la communication conduise à un irrémédiable flop, et j’y ai pour ma part cru pendant un temps. Mais la campagne ne manquera probablement pas de réussir si elle gagne en visibilité, car le pari du projet « Marseille Provence 2013 » ne manque pas d’attraits. Le contenu, plus de 400 évènements, est audacieux dans la mesure où il joue sur l’histoire culturelle extrêmement riche de la cité phocéenne et du pourtour méditerranéen et sur l’image, plus actuelle mais tout à fait justifiée, d’une forte identité urbaine, propice au street art. Des projets solidaires, comme l’OFF Marseille 2013, visant à promouvoir des artistes méconnus, ont été mis en place. Et pourtant, le quasi silence médiatique relatif à l’évènement, a failli nous faire rater ce programme prometteur.
 
Mais à l’approche de 2013, si bien sûr, nous survivons à la fin du monde, « Marseille 2013 » gagne enfin petit à petit ses lettres de noblesse. Les premiers souffles de la campagne de communication, bien que discrets, ne manqueront pas de séduire les plus attentifs : si l’humour n’atteint pas des sommets de finesse, il reste plaisant et tend à ménager la susceptibilité légendaire des Marseillais ; cependant certains d’entre eux semblent sceptiques. Si l’on observe un peu les commentaires marseillais relatifs à la campagne, on se rend compte que les plus outrés, ce sont les Marseillais, d’autant plus qu’on ne sait pas si le directeur de la campagne est marseillais (se moque-t-il de l’œil parisien ?) ou parisien (affirme-t-il les clichés parisiens comme justifiés ?). Christophe Imbert travaillant en Rhône-Alpes, il préfèrerait sans doute qu’on lui prête la première intention.
On compte d’ailleurs probablement sur le sens de l’autodérision des parisiens pour accepter la petite boutade provinciale, qui reste une modeste revanche sur la monopolisation culturelle de Paris du point de vue touristique. Car Marseille, dans sa campagne, vante aussi bien son patrimoine culturel que son identité pittoresque. Sur certains encarts publicitaires, ce ne sont pas des œuvres qui sont présentées, mais des paysages, présentés comme des œuvres. Marseille et toute la Provence sont une œuvre qui en abrite d’autres, nous hurle cette campagne, et malavisé serait celui prompt à  contredire cela.

 
Il est donc sans doute trop tôt pour parler d’un flop de la campagne, même si elle ne fait pas l’unanimité, en particulier auprès des Marseillais. Il en va de même pour affirmer un buzz, mais n’était-il pas la finalité de l’arrivée tardive de la campagne ? La suite nous le dira, et je l’attends avec impatience, d’autant plus que les premières affiches ne devraient pas tarder à fleurir sur les quais de métro, arrêts de bus et autres gares.
 
Noémie Sanquer
http://www.mp2013.fr/

http://www.culturecommunication.gouv.fr/Actualites/Dossiers/Marseille-Provence-2013-capitale-europeenne-de-la-culture

http://www.marsactu.fr/culture-2013/marseille-provence-2013-la-capitale-des-boules-29532.html

http://www.mediaterranee.com/0312012-france-marseille-provence-2013-lance-sa-campagne-de-communication.html#.UMDhAGfSE_I

http://www.marseille2013.com/

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« Téléfoot », une tentative de réhabilitation des Bleus qui tourne au bad buzz

 
Depuis le marasme sportif et moral de Knysna en 2010, un climat délétère entoure l’équipe de France de football. Tour à tour « caïds de banlieue » ou « traîtres à la nation », les Bleus souffrent depuis deux ans d’une image déclinante dans la presse et les médias : alors qu’ils furent proclamés héros d’une nation unie au lendemain de la victoire de 1998 par la doxa politique et intellectuelle, les voici cloués au piloris par cette intelligentsia, pour des raisons sportives et extra sportives, engendrant une défiance envers les Bleus de la part du public. Une recrudescence de discours condamnant les footballeurs se profuse dans les médias, que ce soit pour dénoncer le salaire, l’attitude, le regard voire l’absence de sourire des footballeurs. Pire, certains médias n’hésitent pas à brosser un portrait au vitriol de l’équipe de France de football durant une retransmission d’un autre sport, afin de bâtir une stratégie de communication du « Tout sauf du football » pour valoriser ses droits sportifs. Dernier exemple en date : France Télévisions, avec le traitement du handball durant les Jeux Olympiques, ou du rugby où les larmes d’un Yannick Nyanga durant La Marseillaise furent prétexte à un discours visant en creux nos footballeurs.
Pour TF1, qui a acquis les droits des matchs de l’équipe de France de football jusqu’en 2014 pour 45 millions d’euros par an, la problématique est de taille. Dans ce contexte, TF1 a tout intérêt à participer à la réhabilitation des Bleus auprès du public, afin d’attirer une audience les soirs de match susceptible d’appâter les annonceurs. En somme, l’enjeu est de taille pour la première chaîne afin de ne pas perdre d’argent.
Afin de servir cet objectif financier en améliorant l’image générale de l’équipe de France de football, TF1 peut compter sur « Téléfoot », son navire amiral hebdomadaire en termes de football. En absence d’images du championnat de France et de droits de diffusion la Ligue des Champions, la ligne éditoriale du magazine capitalise sur l’équipe de France : aux reportages en immersion succèdent des interviews exclusives, tout ceci concourant à construire une image des Bleus positive.
Dans cette logique éditoriale, « Téléfoot » innove, et propose depuis le 25 novembre son « Quizz 2012 » : sous le format du jeu télévisé, plusieurs footballeurs de l’équipe de France s’opposent sur des questions de culture générale et de culture foot, afin d’accéder aux manches suivantes. Alors que dans son intitulé même ce « Quizz 2012 » célèbre la connaissance – et donne l’occasion à TF1 de construire une image positive des Bleus à l’aune culturelle – l’effet inverse est provoqué.
Alors que l’an passé le « Quizz » ne portait que sur des questions de culture foot – où nos footballeurs jouissent d’une connaissance encyclopédique – , des questions de culture générale sont dorénavant posées aux Bleus. Oui, de culture générale. C’est là – hélas – que le bât blesse.
En effet, d’aucuns se sont dit atterrés de la diffusion de l’émission du 25 novembre dernier : sur neuf joueurs de l’équipe de France interrogés, seul un reconnaît le premier ministre Jean-Marc Ayrault sur une photo qui leur est présentée. De la même manière, le 2 décembre dernier, le défenseur du PSG, Mamadou Sakho, n’a pas réussi à dire le nom de son président, Nasser Al-Khelaïfi, devant une photo de ce dernier. Ces différentes séquences n’ont pas manqué d’être reprises sur le Web et sur les réseaux sociaux, tournant en ridicule l’équipe de France et nourrissant le discours ambiant de défiance vis-à-vis des Bleus. Dès lors, alors que TF1 visait à une restauration de l’image des Bleus auprès du public, l’inverse se produit. Un effet pervers en forme de bad buzz, aussi bien néfaste à l’équipe de France qu’à l’équilibre financier de TF1.
Par son format de « Quizz 2012 » et en tournant en dérision l’inculture des Bleus, TF1 participe à l’aversion du public vis-à-vis de l’équipe de France, favorisant une chute d’audience en cas de match des Bleus, ce qui nuit à terme à la manne financière issue des annonceurs. S’il partait d’une bonne intention éditoriale et marketing, le « Quizz 2012 » n’a pas eu l’effet escompté. Pire, TF1 se tire une balle dans le pied.
 
Nicolas Docao
Cet article est une adaptation de l’article original paru sur le site Internet d’Effeuillage, la revue qui met les médias à nu. Effeuillage est une revue de vulgarisation scientifique orchestrée par le Master 2 Communication, Marketing et Management des Médias, où interviennent des enseignants chercheurs du CELSA, des professionnels des médias et des étudiants. Elle vient de lancer son site Internet, que vous pouvez retrouver ici. Si vous souhaitez contribuer à Effeuillage, c’est ici que ça se passe.

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Demain à la Une

 
Le journal satirique Charlie Hebdo a récemment publié son dernier numéro, aussi sulfureux que les précédents. Après s’être attaqué aux religions juive et musulmane, c’est au tour du christianisme. En effet, les Unes de presse sont de plus en plus chocs et agressives et l’exemple de Charlie Hebdo n’est plus un cas isolé. On constate, dans les unes de la presse française, une recrudescence des sujets chocs et des titres accrocheurs, le tout sur un parfum de scandale : le Figaro, le Point, Marianne ou encore le Nouvel Observateur… Tous ces journaux ont un point commun : l’utilisation du scandale et une agressivité latente des titres proposés. On se souvient du désormais célèbre « Casse-toi riche con » de Libération.
Le scandale serait-il devenu le nouvel opium du peuple ?
 
En effet, ce besoin de se montrer, voire d’exister puise ses sources dans la crise que vit actuellement la presse. La baisse du nombre de lecteurs oblige la presse à redoubler d’efficacité au niveau éditorial. Choisir un sujet polémique et  faire une Une « trash » est aujourd’hui devenu banal, que cela soit dans la presse quotidienne ou dans les magazines. Certains en ont même fait leur marque de fabrique. Charlie Hebdo fait encore et toujours parler de lui grâce à ses caricatures qui font polémique. De son côté, le magazine les Inrockuptibles traite l’information de façon décalée et  rock’n’roll, en assumant ainsi ce côté sulfureux. Le scandale fait couler beaucoup d’encre, notamment du côté des journalistes « bien-pensants », des philosophes ou mêmes des associations, qui s’insurgent, attaquent et ne font qu’alimenter la polémique.
Malgré les critiques, il semblerait que la recette fonctionne puisque ces titres accrocheurs tendent à maintenir la presse à flot. En effet, selon l’OJD les Inrocks se sont vendus  à 55 000 exemplaires par mois en 2011. Quant à Libération, le quotidien enregistre une forte progression de ses ventes la même année (5,3%).  « Casse toi riche con » s’est écoulé à 56 000 exemplaires, et le numéro de Charlie Hebdo caricaturant le Prophète musulman était épuisé en kiosque quelques heures après sa parution. L’audace et le scandale font donc bien recette.
En somme, l’audace, et l’agressivité des Unes françaises ne seraient qu’un moyen comme un autre d’attirer un lectorat de plus en plus friand des sujets polémiques. Les articles sont toujours des articles de fond, qui traitent de tous les aspects du sujet en donnant la parole aux avocats et aux détracteurs, comme en témoigne l’article du Point, du 1er novembre, qui titre « Cet islam qui gêne ».
Mais au-delà de cela, on peut également se demander si cette ligne éditoriale n’est pas simplement une volonté pour la presse de rassurer ses lecteurs sur son rôle de contre-pouvoir. En effet, dans un monde où Internet et les réseaux sociaux se proposent comme les médias de la libre parole, de la transparence et de la liberté, le rôle de la presse est mis à mal. On ne pense plus le journaliste comme garant de la liberté d’expression, de l’éthique et de la vérité, mais comme des hommes et femmes embourgeoisés dans leur rôle confortable auprès des personnes de pouvoir.
Cependant, on le voit, celui qui fut auparavant appelé le Quatrième pouvoir insiste, persiste, montrant ainsi qu’il a encore et toujours sa place dans un monde où Internet voudrait la loi.
Enfin, les opposants de ces Unes sont eux-mêmes pris au piège dans leurs contradictions puisque la polémique rend les sujets attrayants.  Ces mêmes personnes s’intéressent à la polémique et lisent ces articles.
La presse est désormais devenue adepte du célèbre adage : « Qu’on en parle en bien ou en mal, le principal c’est qu’on en parle ».
Reste à ne pas tomber dans le piège des bruits de couloirs et des rumeurs qui pourrait entacher le métier de journaliste. Affaire à suivre…
 
Laetitia Aïred
 
Sources

http://www.liberation.fr/medias/2012/09/19/les-caricatures-de-charlie-hebdo-suscitent-des-reactions-embarrassees_847323
http://lci.tf1.fr/politique/liberation-assume-sa-une-choc-sur-arnault-7512682.html
http://electronlibre.info/archives/spip.php?page=article&id_article=01245
http://www.ozap.com/actu/en-2011-les-inrockuptibles-est-le-magazine-d-actualite-qui-a-le-plus-progresse/439201
http://www.ozap.com/actu/les-ventes-du-quotidien-liberation-ont-explose-en-2011/439145
 

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Les Umpardonnables

 
Désunion. Immobilisme. Guerre des chefs pour le pouvoir.
Voilà l’exact contraire d’une union pour un mouvement populaire. Et pourtant c’est bien l’image que véhiculent les prétendants à la présidence de l’UMP depuis maintenant plus d’une semaine et demie.
Une semaine et demie où la communication a montré plus que jamais son importance vitale, puisqu’au fond, c’est un enchaînement de faux pas, d’actions, et de déclarations hasardeuses qui met en péril l’avenir politique de Jean-François Copé, François Fillon, et de leur parti. Comment l’image d’un parti qui a gouverné la France durant les dix dernières années a-t-elle plus voler en éclats en quelques jours à peine ? Et surtout quels enseignements en tirer ?
La crise était prévisible : du fait des tensions internes travaillant l’UMP depuis des mois et aiguisées par les défaites cumulées des présidentielles et des législatives, du fait de la guerre d’influence qui avait déjà lieu entre Messieurs Copé et Fillon par le biais des motions, du fait enfin de l’ombre de Nicolas Sarkozy qui plane toujours au-dessus du parti.
Du reste, face aux multiples sondages réalisés auprès de sympathisants UMP donnant à penser une large victoire de François Fillon (prenons en exemple le sondage BVA publié le 16 novembre, annonçant que  67% des sympathisants UMP préféraient Fillon à Copé pour diriger l’UMP), les fins observateurs n’étaient pas dupes : tout simplement parce que les sympathisants ne sont pas les militants.
Les scores s’annonçant serrés, des deux côtés, on jouait la carte de la confiance : l’un pouvant s’appuyer sur de « bons » sondages, et l’autre sur la force de frappe de ses militants et ses réseaux d’influence. Aussi la soirée électorale du 18 novembre commençait bien : on avait tous en mémoire des scrutins indécis, comme l’élection présidentielle américaine de 2000, ou plus récemment le congrès de Reims du PS en 2008. Quand tout à coup, peu avant minuit Jean-François Copé prend la parole : « Les militants et militantes de l’UMP viennent aujourd’hui de m’apporter la majorité de leurs suffrages, et ainsi de m’élire président de l’UMP ». Alors, c’est l’engrenage : quelques minutes plus tard François Fillon prend la parole et revendique à son tour la victoire !  S’en suit un jeu où par seconds couteaux (on parle en communication de crise de « fusibles ») interposés le but consiste à renvoyer la balle dans le camp de l’autre à coup d’accusation de fraudes par ci, de magouille par là. Tout ceci pour apprendre que la Commission d’organisation et de contrôle des opérations électorales (COCOE) aurait oublié de prendre en compte les voix de l’Outre-Mer… La Twittosphère et les internautes se déchaînent, faisant de l’UMP la tête d’orage de tous les nuages de tags.
Superbe exercice de démocratie dans un contexte où le désaveu des Français pour le système politique atteint déjà un seuil alarmant : 60% disent que la démocratie ne fonctionne pas très bien ou pas bien du tout ; 52% ne font confiance ni à la droite ni à la gauche pour gouverner le pays (CEVIPOF–Baromètre confiance en politique – Octobre2011).
La violence de ce combat de personnes – qui a, vous le noterez, annihilé tout semblant de débat d’idée – aura au moins eu le mérite de mettre à nu François Fillon et Jean-François Copé : on a rarement l’occasion de voir les responsables politiques poussés à ce point au bout d’eux-mêmes, de leurs doutes, de leurs ambitions.
Mais qu’avons-nous découverts au bout du compte ? Des « présidentiables » prêts à tout sacrifier, y compris la démocratie, pour conquérir un pouvoir en lambeaux.
La proposition d’un référendum pour savoir s’il faut revoter, un « vote sur le vote » ironise Libé le 28 novembre, ne peut même plus donner l’illusion des bonnes intentions. Le mal est fait. Les cotes d’avenir de Fillon et Copé sont en chute libre (au 28 novembre, ils perdent six points chacun par rapport au mois dernier), et certains responsables de l’UMP commencent à lorgner du côté de l’UDI…
Un accord en amont pour une communication unie, transparente, et surtout prudente était pourtant possible.  Il aurait permis à l’UMP de donner une remarquable image d’unité, d’assurer sa survie, de garantir à son président la légitimité nécessaire, et de se prémunir contre le risque d’une élection façon « congrès de Reims ».
Au lieu de ça, nous avons vu les leaders de l’opposition devenir les meilleurs alliés du gouvernement.
 
Grégoire Noetinger

Campagne Illettrisme DDB Paris
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L'hôpital et la charité

 
C’est une histoire qui pourrait commencer comme une fable. Le rôle de l’hôpital serait tenu par une agence qu’on appellerait DDB Paris, et la charité, la bonne cause, ce serait l’illettrisme. Imaginez à présent des affiches, une femme sur une plage superbe, un tour de poitrine avantageux, un sourire espiègle, les ficelles de toujours pour nous vendre de la crème solaire, ce maillot de bain dont rêvent les dames, ou je ne sais quoi encore. Là, c’est un maillot de bain, ici c’est un club de vacances, un peu plus loin du mascara, une voiture, un film. Les suspects habituels donc.
D’un autre côté, la charité. C’est l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme, les « trois millions de français » qui ne savent pas lire ou très mal, et qui ne comprendront pas ce qui se joue sur ces affiches.
Le ressort est simple. Il y a des lieux communs de la publicité : comprendre, les femmes à poil, les cils ultra recourbés, la voiture façon packshot. Ces publicités sont partout : dans vos magazines, au coin de la rue ou à travers les fenêtres du métro. Quand on ne sait pas lire, ce qu’on voit c’est l’image du texte. La seule énonciation qu’on est à même de comprendre, c’est l’image. Cette même image d’Epinal qui sert de moule à la plupart des productions publicitaires. DDB (l’hôpital) s’amuse du moule (son gagne-pain) pour défendre sa bonne cause (l’illettrisme). Le regard réflexif est de bon aloi en ces temps de publiphobie, et en prime une belle morale : pauvres illettrés, si facilement trompés, et voilà la population française sensibilisée à ce problème.
Mais une fable n’est jamais simple. Car la mise en situation est intéressante : imaginer l’écart de sens perçu par ceux qui savent lire et ceux qui ne savent pas, entre celui qui comprend et celui qui ne comprend pas, entre celui qui est dupé et celui qui ne l’est pas. Pour achever sa démonstration, l’hôpital (DDB) a assigné à son affiche publicitaire une fonction singulière, et pour le moins étrange : berner (même un instant) celui qui la regarde. Une publicité pourrait-elle donc mentir ? Mais passons, puisqu’ici cela sert le propos.
Autre fiction. Imaginons à présent qu’au lieu du texte contre l’illettrisme on ait un autre genre de faux texte : « plus de 3 millions de françaises croient sincèrement que leurs cils ressembleront à ceux de la dame sur la photo avec notre produit » ou « plus de 3 millions de français croient sincèrement que ce smartphone est vraiment différent de celui qu’on a sorti il y a 1 an ». La ligne de démarcation se fait toujours entre ceux qui comprennent et ceux qui ne comprennent pas. Il n’est plus question de lecture mais d’intelligibilité. DDB (l’hôpital) avec ses affiches amorce une mise en situation à même d’introduire un soupçon de lucidité dans nos cerveaux.
Si la publicité a pu nous tromper pour faire passer son message sur l’illettrisme, que pour cela elle se sert des ressorts coutumiers dont elle a le secret, le reste du temps que fait-elle ? Pourrait-on donc nous tromper si facilement ?
L’hôpital se serait-il foutu de la charité ?
 
Rui Ferreira

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Le goût du vin

 
Nous avons tous (ou du moins la plupart d’entre nous) cinq sens bien distincts… L’ouïe, la vue, le toucher, l’odorat, et le goût. Ces deux derniers sont ici ceux qui nous intéressent puisque nous parlons de vin, et le vin, ça se sent et ça se boit !
La « fabrication » du vin, est un travail qui demande du temps et de l’assiduité. Pour qu’un vin soit bon, deux facteurs majeurs entrent en jeu : la qualité du terroir et du raisin, mais aussi, le travail de l’homme, travail de vinification. Il est alors possible de juger de la qualité intrinsèque du vin, et depuis plusieurs siècles maintenant des dégustateurs les notent et les classent afin que l’on puisse savoir lesquels sont les meilleurs. Qui n’a jamais vu sur une bouteille la mention « 1er Cru », « Grand Cru », ou même « Appellation d’origine contrôlée » ? Chacune de ces mentions participe de la hiérarchisation qualitative du vin qui a pour but de donner au consommateur des repères, et également, d’une certaine manière, justifier les prix.
Seulement, ne peut-on pas également dans une certaine mesure analyser l’effet inverse, prendre les choses dans l’autre sens ? Et ainsi ne pas simplement analyser ce rapport comme univoque mais réciproque ?
Une forme de cercle vertueux (vicieux ?) se dessine alors progressivement, car si la qualité même du vin influence sa place dans une hiérarchie, le classement et l’image qui pourvoient un certain gage de qualité, ne peuvent-ils pas altérer de manière concrète notre perception du vin ? Un vin de très bonne qualité pourrait acquérir une renommée et une place dans les classements qui donnent au goût du vin une dimension supplémentaire. L’importance de cette dimension dans le vin ne peut pas être négligée.
Au fil du temps, par ce cercle vertueux, certains vins acquièrent une aura quasi-légendaire, je pense notamment aux grands châteaux du Médoc, tels que Lafite ou Latour, dont les prix dépassent l’entendement. Ces vins sont certes intrinsèquement d’une qualité exceptionnelle, mais proportionnellement de nombreux châteaux du Médoc font des offres plus intéressantes. Il est aisé de voir ici que ce n’est pas cette qualité intrinsèque qui est exclusivement prise en compte. Un verre de vin peut offrir des goûts et arômes par milliers, et son histoire s’étend sur des milliers d’années.
C’est l’histoire ici qui nous intéresse, ce n’est pas simplement le raisin qu’il faut cultiver, mais l’histoire. La légende de nombreux vins ne se construit pas uniquement sur la qualité qu’ils produisent, mais aussi sur l’imaginaire qu’ils ont réussi à construire autour de la bouteille.
Le siège du goût est dans notre système cérébral, or la culture et l’imaginaire y ont eux aussi fait leurs quartiers.  Le goût est un phénomène culturel, or le vin qui procure du goût, offre à étudier une culture qu’aucun autre aliment ou boisson ne saurait offrir. L’histoire, les terroirs, les cépages, la couleur, les paysages… Le vin se prête de par sa nature même à l’évocation d’imaginaires, de légendes et d’histoires. Lorsque l’on connaît l’histoire d’un vin dont on tient un verre entre les doigts, lorsque l’on prend conscience de son histoire, sa réputation et même son prix, on ne boit pas la même chose que si c’est le même sans la connaissance artificielle, certes, que l’on peut en avoir. Cet artifice apporte beaucoup au vin. Vous ne ressentirez pas la même chose en buvant une flûte de Krug en sachant que c’en est que sans le savoir. Vous le savourerez beaucoup plus. Il est possible de jouer là-dessus.
C’est à ce moment que la communication et le marketing entrent en jeu. La mise en valeur, voire même la construction d’un patrimoine historique s’avère importante dans la production d’un vin.
Il s’agit de développer la marque, l’image et le nom de par une association forte à l’histoire et au patrimoine d’un producteur.
Il s’agit d’en faire un art, une fabrication humaine complexe à la fois technique et créative. A la fois sensible et intellectuelle.
Ce n’est plus simplement boire pour s’abreuver, mais bien goûter pour pénétrer un monde offrant de multiples paysages, cultures, et source d’émerveillements sous-estimés.
Ceci n’est qu’une simple introduction qui ne se veut d’aucune manière d’une quelconque forme de prosélytisme, je souhaite simplement rendre compte d’un domaine d’analyse de la communication très intéressant qu’est le vin. Il est notoire que le goût est culturel, mais il est toujours bon de le rappeler, et de souligner que le vin plus que tout autre chose se prête à une telle assertion.
Gardez bien en tête, cette idée qui justifie et résume tout ce que je viens de dire. On ne boit pas pour oublier, on goûte pour se souvenir.
 
Pour ce faire, il est aussi proposé aux étudiants du CELSA d’être initiés à la dégustation et à la découverte du vin, que l’on soit déjà érudit ou bien que l’on présente la curiosité et l’intérêt nécessaires à l’apprentissage. C’est en tout cas la mission que s’est donné Wine Not ?, un groupe formé d’étudiants du CELSA avides de découverte pour certains, et enthousiastes à l’idée de partager et faire partager leur passion pour d’autres, qui tâche de se réunir régulièrement afin de déguster des vins.
Ce club de dégustation est ouvert à tous ceux qui témoignent l’envie de découverte et d’apprentissage, dans le respect du vin et du patrimoine culturel qu’il constitue.
La prochaine dégustation aura lieu le mercredi 28 Novembre dans la salle de dégustation de l’agence SOWINE. Les places étant limitées, l’événement est déjà complet, mais tous les intéressés peuvent contacter Wine Not ? pour être sur liste d’attente ou/et pour plus d’informations au sujet de futures dégustations.
N’hésitez pas à vous joindre à nous !
 
François Philipponnat
 
Crédits photo : 

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Grosse et fière de l'être ?

 
« Les hommes préfèrent les rondes », « Assumez vos formes à la plage », « Sublimez vos courbes »…Avec l’arrivée de l’été fleurissent dans les magazines féminins une flopée d’euphémismes qui rivalisent en originalité, destinés à désigner le gras de ces dames tout en restant glamour. Elles sont « sculpturales », « bien en chair », « généreuses ». Tout est bon pour éviter le « G-R-O-S-S-E » fatidique et cruel.
Derrière ce nouveau tabou se cache un rejet profond de ce que le mot véhicule, entre complexes, obésité et mal-être. On lui préfère alors des adjectifs vagues certes mais à connotation positive, qui ont pour avantage de draper la réalité d’un flou artistique plus esthétiquement correct. Est alors mis en valeur un corps tout aussi fictif et intimidant que celui du mannequin anorexique : des formes certes, mais toujours là où il faut. Des cuisses imposantes, des seins conquérants, mais jamais ô grand jamais de ventre gras ou de bras celluliteux. Il en résulte une société de plus en plus schizophrène, où les femmes doivent être fières de leur rondeur tout en cachant honteusement leurs bourrelets.
Les mots ont un pouvoir considérable, et les modalités de leur utilisation peuvent avoir un impact non négligeable sur les valeurs d’une communauté. A l’instar du sage Harry Potter qui appelait Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom par son patronyme, il serait bénéfique de briser certains de nos tabous linguistiques. Comme dirait l’ami Huxley, les mots sont comme les rayons X, et si l’on s’en sert convenablement, ils transpercent n’importe quoi. Atomisons donc le politiquement correct à coup d’ « adipeux », de « bedonnant », voire de « pendouillant » ou « boudiné » ! Les grosses ne peuvent s’assumer en tant que telles tant qu’on leur renvoie une image lissée et polie, plus acceptable socialement justement car elle ne correspond pas à la réalité. Bannissons le double discours qui encense le corps « rond » de Scarlett Johansson comme symbole ultime de l’anti-minceur, tout en pointant du doigt l’obésité de Beth Ditto ! Un progrès a déjà été fait, le maigre est passé de mode (du moins en théorie), mais pourquoi s’arrêter là ? A quand une célébration du gras, le vrai, celui qui dégouline du maillot et fait blop blop quand on court pour attraper son bus ? Plus facile de s’identifier à un article intitulé « Grosse et bien dans sa peau » qu’à l’artificiel éloge des courbes irréelles d’un mannequin dit « grande taille » dont jamais le poids ne sera explicitement mentionné !
Appeler un chat un chat et un gros un gros s’inscrit dans une démarche d’honnêteté intellectuelle nécessaire à la crédibilité des campagnes qui luttent contre les diktats de l’hyper-mince. Avancer masqué n’est pas la solution, et sur des sujets qui touchent une aussi grande partie de la population il semble que la rigueur soit de mise. Pour que le surpoids cesse d’être une souffrance, il faut réévaluer le sens des mots et la part d’hypocrisie qu’ils peuvent véhiculer. En attendant le premier supplément « Spécial graisse» donc, prônons un langage décomplexé pour toutes celles qui s’assument comme elles sont !
 Marine Siguier

Invités

Gleeden ou l'affichage de la rhétorique trompeuse

 
La dernière campagne pour le site de « rencontres extraconjugales » Gleeden vient s’ajouter à une série d’affiches qui, depuis un an environ, s’imposent dans l’espace public (et notamment métropolitain) avec un effet de très grande cohérence publicitaire, et disons-le d’emblée, de très grande cohérence rhétorique.

 
En affichant moins la transgression que l’idée de transgression, sa réussite ne réside pas dans un quelconque engagement moral, idéologique ou féministe, mais dans un jeu communicationnel subtil : celui du vacillement et de la suspension.
Gleeden, un couple lexical à trois
Premier enjeu de suspension : le lexique. Surdéterminant le sémantisme de la jouissance, Gleeden se présente comme un mot-valise composé de deux lexèmes à la fois détachés (typographiquement) et fondus : « Gle(e) »/ « Eden ». Produit de la liaison des deux premiers, un troisième terme apparaît comme nom de marque et promesse d’utopie : « Gleeden ». La signifiance l’emporte sur le sens, et permet plusieurs lectures superposées qui ne se substituent pas les unes aux autres. De manière mimétique, chaque lexème se présente comme un partenaire linguistique apte à s’unir potentiellement avec chacun des deux autres.
Jouir de la syllepse
Puisant dans une autre source d’équivoque sémantique et syntaxique, Gleeden multiplie les effets de « syllepse », c’est-à-dire cette forme de jeu de mots qui consiste à maintenir un trouble interprétatif entre deux significations coprésentes et concurrentes :
 
 
De manière redoublée, la syllepse de prédilection du site est celle qui porte sur le verbe « tromper » et « se tromper » :
« Tout le monde peut se tromper. Surtout maintenant »
Formule qui devient de manière plus « événementielle » lors des dernières élections présidentielles :
« Parce qu’il ne faut pas se tromper le 6 mai, notre site sera exceptionnellement fermé »
La syllepse permet de conjuguer – et d’extra-conjuguer, si l’on peut dire – des relations sémantiques multiples et parallèles. Du point de vue rhétorique, les significations sont d’abord dédoublées, puis sous-entendues et, finalement, suspendues. En exhibant ainsi la polysémie, la syllepse amorce la mise en publicité d’une argumentation ostensiblement « trompeuse »…
Le paradoxe comme art de vivre
En jouant sur les gammes de la polysémie (et sur les sèmes de la polygamie), la rhétorique suspendue multiplie les effets de retournement, de paradoxe, de coq-à-l’âne et de tête-à-queue :
 « Et si cette année vous trompiez votre amant avec votre mari ? »
« C’est parfois en restant fidèle qu’on se trompe le plus. »
Recourant à la forme de la maxime, Gleeden emprunte la voix d’un moraliste, qui prend un malin plaisir à suspendre et à surprendre le sens commun, pour finalement mettre la doxa cul par-dessus tête : « tromper son amant » ou « être infidèle (se tromper) en étant fidèle ».
Dans le prolongement de la syllepse et de la sentence, Gleeden feint de prôner une sagesse, qui va dans sa dernière campagne jusqu’à évoquer la pratique antique du syllogisme.
Syllogismes de la faute et faux syllogismes
Sauf qu’il s’agit alors d’un syllogisme lui-même trompeur, et surtout – voilà le cœur de la campagne – d’un syllogisme affiché comme tel. Gleeden aime à émettre des sophismes assumés, tout comme il y a des lapsus volontaires :
 
 
Car, contrairement au sophisme, ce faux syllogisme cherche moins à tromper, qu’à montrer qu’il est trompeur. C’est la puissance du faux raisonnement qui est mise en exergue comme une mise en scène de la suspension de la visée persuasive elle-même.
Les syllogismes de la mauvaise foi
Au fond, la neutralisation rhétorique avoue alors son fonctionnement proprement dia/bolique. Il s’agit pour Gleeden d’incarner la mauvaise foi.
D’un point de vue communicationnel, la bonne foi consiste en un pacte de sincérité avec soi-même. Faire œuvre de bonne foi revient à exposer aux yeux des autres, son éthique à ne pas se tromper soi-même et à déployer un raisonnement exempt d’arrière-pensées. La mauvaise foi, c’est la rupture de ce contrat. En s’affichant aux yeux de tous sur les quais du métro (la scène sociale par excellence), Gleeden rend publique la jouissance qui consiste à user de la mauvaise foi. Etymologiquement, la « foi » se dit fides en latin. Le contraire de la foi, c’est donc un défaut de fidélité à un principe supérieur (la religion, la morale, et ici la logique et l’argumentation).
Jouir de la mauvaise foi aux yeux de tous, c’est assumer un tromper honnête, un fauter juste, que l’on pourrait rapprocher du « mentir vrai » de la fiction.
Mais ne nous trompons pas, à notre tour. La mauvaise foi étalée par Gleeden, ne promet pas une libération anarchique de désirs eux-mêmes débridés. Loin de promouvoir quelque abandon dionysiaque que ce soit, la mauvaise foi a pour fonction d’exposer l’« autre scène » du fantasme, la fiction de la suspension en tant que telle ; bref : le fantasme du fantasme.
Jouir par la tête
Car, en effet, cette para-doxa n’ouvre pas proprement sur une libération des corps, des jouissances ou des pulsions. Il n’y a aucun débordement physique visible sur ces affiches. Ce qui est montré dans la sobriété de ces maximes, c’est une jouissance froide. Tout au plus, s’agit-il de jouir par le haut, avec la tête :
« Gleeden, le premier site de rencontres extraconjugales pensé par les femmes. »
Evidemment, le terme qui choque en apparence est « extraconjugales », mais le terme qui compte vraiment est « pensé » (souligné dans les affiches elles-mêmes). Gleeden nous plonge dans un univers intellectuel, un trompe-l’oeil argumentatif, une « fiction mentale ». Autrement dit, dans l’idée d’une fantasmatique et d’un vertige des références par pure contamination cérébrale.
Si le référent permanent de « Gle/Eden », est le péché (la pomme croquée) d’une Eve primordiale, cette Eve est « satanique », au sens que Baudelaire réserve à ce terme pour désigner Madame de Merteuil dans les Liaisons dangereuses, c’est-à-dire un être métallique, un être de paroles, en refus du corps pour le corps ; citons les paroles de la Merteuil évoquant sa « nuit sexuelle » (Pascal Quignard) : « Ma tête seul fermentait. Je ne désirais pas de jouir. Je voulais savoir. ».
Reproduire l’étonnement premier
La stratégie publicitaire de ce site renvoie bien à un objectif rhétorique suspendu. Il ne s’agit pas d’exposer le plaisir ou le désir physiques pour eux-mêmes. Il s’agit de viser la tête du passant, pour réimprimer à chaque fois le choc cognitif d’une logique paradoxale.
Au fond, il s’agit de reproduire à chaque fois la stupeur de la découverte d’un univers fantasmatique, d’une fiction mentale : celle d’une monde-marque appelé Gleeden, où les pensées féminines se livrent sans arrière-plan (les fameuses arrière-pensées) ni avant-plan (le surmoi freudien). C’est un univers où toutes les pensées sont étalées sur une surface (l’affiche comme écran psychique) sans profondeur. En un mot, Gleeden c’est l’utopie d’une fantaisie sans plis.
 
Olivier Aïm
Maître de conférences au Celsa  Paris – Sorbonne
 

Capture Ecran Pub TV Fraises Tagada Haribo 2012 - Couple d'adultes enfants
Invités

Tagada ou la schizophrénie de Peter Pan

 
Le 6 juin, Haribo a lancé La Bombe, un nouveau film publicitaire dédié à l’une de ses marques filles les plus emblématiques : les fraises Tagada ! Orchestrée par l’agence Hémisphère Droit, cette nouvelle prise de parole est symptomatique d’une pathologie inhérente à la marque Haribo.

Le pitch est simple : une action surprenante vient perturber le quotidien banal d’un couple normal. La fraise Tagada est bien sûr à l’origine de cet instant de folie qui conduit la jeune femme à sauter toute habillée dans sa baignoire. On retrouve ainsi le ressort comique utilisé dans la campagne Njut! d’IKEA, elle aussi orchestrée par l’agence Hémisphère Droit… On ne change pas une équipe qui gagne ! Quoique, la même idée ne gagne pas à tous les coups…
Le film s’adresse a priori à un public adulte. Malgré tout, le monde de l’enfance est présent et envahit le monde des adultes grâce aux fraises Tagada qui permettent de retrouver son insouciance. Haribo illustre ici le syndrome de Peter Pan, une certaine nostalgie de l’enfance, et l’affirme par sa signature : « on grandira plus tard ». Le bénéfice émotionnel défendu par la marque est ce moment de liberté, d’insouciance, de plaisir d’enfant qu’offre la consommation d’une fraise Tagada.
La démonstration de ce bénéfice émotionnel passe par le ton résolument décalé de cette publicité. Toutefois, on sent que ce registre n’est pas complètement assumé par la marque. Le rendu final reste très sobre et gentil. Les couleurs sont pâles, les expressions maîtrisées…On s’adresse à des adultes avec un gag pour enfant. C’est là que l’on prend conscience de la schizophrénie d’Haribo, qui souhaite réaliser un film destiné aux adultes mais n’assume pas pleinement son choix de cible. Et cette schizophrénie n’est pas sans conséquences. En voulant garder une tonalité qui plaise à la fois aux enfants et aux adultes, la marque freine le potentiel de l’idée créative de départ pour se retrouver, en fin de compte, avec un film relativement plat.
Haribo veut être une marque intergénérationnelle, elle le rappelle à  tout moment à travers son jingle, qui reprend la signature transversale à tous ses produits : « Haribo c’est beau la vie, pour les grands et les petits ». Mais comment garder un message fort et cohérent à travers une gamme de produits si large, et en s’adressant à une cible si étendue ? Haribo a fait le choix de la consensualité, et a ainsi confié ses différentes marques filles à différentes agences. Aussi, seule sa signature historique fait le lien entre ses différents produits. Néanmoins, pour une marque leader, la clé du succès est peut être dans le choix d’un ton qui ne fait pas de vagues. Ou tout simplement parce que ses bonbons sont bons…à tout âge !
 
Pierre-François JAN

Campagne Virale Docteur Pepper UK 12 avril 2012
Invités

What's the worst that could happen? by Dr.Pepper

 
Ah le lycée, ses profs ennuyeux, ses potes et puis cette fille…LA plus belle nana du bahut qui ne vous regarde jamais.
Et si pour une fois, elle vous avait remarqué ? Qui n’aurait pas envie de connaître la suite ?
Pour la découvrir, rendez-vous sur cette page.

Dr. Pepper nous embarque dans une expérience 2.0. En reprenant vos informations Facebook, la vidéo, tournée à la première personne, devient totalement personnalisée. Vous vous retrouvez dans la peau d’un jeune adolescent, marchant à travers les couloirs d’un lycée aux allures de série américaine. Le personnage incarné semble apprécier les demoiselles en tenue de pom-pom girls, en tout cas bien plus que le cours qui s’annonce…Tout semble se dérouler comme à son habitude jusqu’à ce que, miracle, « la fille la plus chaude du lycée » vous remarque enfin ! Elle vous propose le plus innocemment du monde de finir sa canette de Dr.Pepper que vous acceptez volontiers. Seulement voilà, nous sommes en plein cours et la prof a décidé de vous faire passer au tableau histoire que vous vous occupiez d’autre chose que de votre charmante voisine de table. Paniqué, vous mettez votre canette dans votre poche et c’est alors que la pire des situations se produisit. Votre pantalon est trempé et cela porte quelque peu à confusion…S’en suit un bad buzz prévisible. Toute la classe dégaine son téléphone pour immortaliser ce moment et surtout le partager sur les réseaux sociaux.

Avec cette opération, Dr.Pepper s’est parfaitement approprié les codes d’une bonne campagne 2.0. La vidéo est personnalisée et plonge l’internaute en total immersion. On retrouve par exemple les noms de ses amis Facebook ou encore des photos.
Même si la scène est clichée, voire grossière, Dr.Pepper a su conserver son identité de marque. Toute sa communication actuelle tourne en effet autour de cet univers adolescent qui se prend peu au sérieux. Pour en savoir plus, je vous invite d’ailleurs à visiter leur page Facebook.
Je reste cependant sceptique quant à sa crédibilité. La situation en tant que telle est peu probable. Pourquoi lui proposerait-on une canette à cet instant et surtout pourquoi la mettrait-il dans sa poche ? Sans l’aspect interactif et personnalisé, cette campagne ressemblerait à un placement de produit sans subtilité dans une série américaine quelconque.
L’opération aurait pu être totalement réussie si le fond avait été aussi soigné que la forme. La qualité est clairement au rendez-vous mais il manque un soupçon de cohérence pour classer cette vidéo parmi les publicités 2.0 à citer en exemple.
 
Marie-Solène Mirrione