Culture

Fantasme et best-seller : Fifty Shades of Grey, Darker and Freed

 
Sujet clé des railleries et des critiques journalistiques, ce n’est pas grâce à son écriture fine et subtile, ni à la profondeur de sa trame que l’ouvrage doit son succès. Les sites du Figaro, d’Evene, ou de Slate.fr ne tarissent notamment pas de reproches et de satires. Alors, les 30 millions d’amis de Fifty Shades doivent-ils être jugés pour leur crime de lèse-majesté envers la littérature ?
Le « mommy porn » que constitue la trilogie d’ E. L. James fait fureur, il rend furieusement fans ses lecteurs, mais aussi et surtout ses lectrices pour lesquelles il semble être écrit. Il y est moins question de sexe trash que d’une bonne vieille histoire d’amour agrémentée de quelques détails qui croustillent. Un conte d’une légèreté SM consentie, irréductiblement basé sur certains fantasmes, pas seulement sexuels d’ailleurs. Quels sont alors ces fantasmes qui font frétiller les méninges des lectrices ? Et comment leur communication constitue-t-elle le moteur du succès de l’œuvre ?
Le fantasme de la beauté
Les protagonistes sont les archétypes d’une beauté clichée à fort impact sur le lectorat, une beauté déterminée aussi par l’imagination individuelle, au delà des indications du narrateur. Et ce n’est presque pas une exagération de dire que tous les personnages sont beaux dans le monde d’ E. L. James : les amis, les ennemis, les parents…
La beauté qui nous est communiquée tient alors en haleine le lecteur qui souvent s’y complaît ou veut y tendre.
Le fantasme de la profusion d’argent
On peut parler du principe de Cendrillon, car il est vrai que Fifty Shades conjugue parfaitement le concept de l’amant désiré et la notion de compte en banque bien fourni.
Pouvoir enfin s’offrir, ou se faire offrir le plus grand luxe, sur un coup de tête, en un coup de carte.
La trilogie nous place dans un monde doré où tout est possible, où tout est facile, en négatif d’un pouvoir de ne pas acheter ou de celui de s’endetter. La trilogie fait miroiter, fantasmer des biens et des services propres à une classe de privilégiés, des biens et services que l’on ne peut souvent que désirer et dont on ne peut souvent jouir qu’à travers l’histoire des autres.
Le fantasme de la relation sexuelle et sentimentale
Mais ce sont bien sûr l’ampleur des détails sexuels et le thème dominant de la soumission qui transmettent la fièvre acheteuse. Certaines féministes s’en offusquent mais pas de quoi hurler au scandale, le marquis de Sade ne fait pas parti du voyage des sens.
L’auteur utilise la complicité sexuelle des partenaires et la sensualité exacerbée pour éveiller le désir du lecteur. Elle communique surtout sur le fantasme de la violence érotique, thème central mais thème poli, soigné et consenti.
E.L James fait également palpiter le cœur des lectrices avec l’orgasme de tous les instants, car de sa première fois à toutes les autres, notre héroïne a trouvé le parfait amant, celui qui la fait crier et gémir de plaisir partout, avec tous les jouets. « Death by orgasm » (T.II, p.493) !
Les lectrices achètent ce qui les fait rêver, ce qui les excite, et apparemment la trilogie les fait assez vibrer pour sortir leur porte monnaie.
Mais cette trilogie est bien sûre parfumée à l’eau de rose et outre le sexe pur, les sentiments sont de rigueurs. Le fantasme de l’amour idyllique et de la sexualité torride font bien partie de l’imaginaire actif des lectrices, mais il est décisif de rajouter que l’un ne va pas sans l’autre. Sinon, autant aller voir de la pornographie gratuite sur Internet.
Et c’est pour ce cocktail explosif d’émotions et de sensations, un peu banal, un peu bâclé, mais qui fonctionne, que les lectrices ont cassé leur cochon.
La trilogie est donc basée sur un double processus de communication du fantasme : elle parle du désir mais éveille en même temps celui du lecteur. Ce qui est certain, c’est que les envies prennent vie pour l’auteur ainsi que pour les éditions Arrow books. La gente masculine s’enchantera peut-être d’une prochaine version cinématographique beaucoup plus imagée !
Alors, on peut très certainement contester la profondeur et la qualité de ce livre, mais il est assez bien mené et assez surprenant pour devenir un véritable phénomène social. Des millions de femmes (et d’hommes, mais beaucoup moins) s’affairent dans les librairies pour cet érotisme qui ne transcrit ni plus ni moins que le désir de voir ou de vivre une vie plus ardente. Une vie certes pas toujours bien écrite (et les lectrices s’en rendent compte) mais une vie fantasmée dans son rapport à la beauté, à l’argent, à la volupté et à l’amour, une vie qui fait à la fois rêver et frémir, une aventure.
Le fantasme fait alors best-seller.
 
Maxence Tauril
Sources :
Slate
Le Figaro

Culture

Les Seigneurs de la communication

 
«Tout ce qui brille», «Le Nom des gens», «L’Arnacoeur», «Potiche», «Ma Part du Gâteau», «Les Seigneurs», la comédie sociale s’est imposée comme le genre à la mode du cinéma grand public: Deux jeunes adolescentes banlieusardes qui découvrent un monde de paillettes au-delà du périph’, un type fauché qui épouse une milliardaire, une fermeture de maternité, une fermeture d’usine, deux fermetures d’usines, trois fermetures d’usines : la comédie sociale a atterri sur la planète cinéma.
 
L’entre-deux ne marche pas
 
Depuis environ deux ans, nous assistons à l’émergence d’un nouvel entre-deux cinématographique: la comédie sociale. Dès février 2011, Télérama pointait la cristallisation de certaines thématiques sociales dans le cinéma français: «morosité de la banlieue, lutte syndicale, condition ouvrière, problème des retraites, engagement politique, identité»: le politico-social déteint sur le cinéma pour modifier la comédie à la française. Même la caméra parisiano-centrée de Cédric Klapisch va faire un tour à Dunkerque. La comédie sociale est un genre qui confronte, qui oppose et qui rassemble les catégories socio-professionnelles. Dans le monde de la comédie sociale, on tombe dans le manichéen, le combat du bien contre le mal. On simplifie les problématiques compliquées en les survolant. Parler du milieu ouvrier, pourquoi pas, encore faut-il que ce soit avec justesse. Le cinéma n’a pas de limites tant qu’il est comestible, mais quoi de plus indigeste que le dernier Klapisch? On prend comme point de départ la complexité des rapports sociaux pour les dépeindre à gros coups de pinceaux stéréotypés : pour ne donner qu’un exemple, l’héroïne du film qui se bat contre la fermeture de son usine s’appelle France. Pourtant, le genre plaît et bat des records d’audience.
 
Comment expliquer ce succès ?
 
En effet, la comédie sociale a le mérite d’amener les français au cinéma: 3 798 089 entrées pour L’Arnacoeur, 2 318 100 pour Potiche et presque 4 millions pour Les Seigneurs. Le cinéma moderne et actuel veut toucher le français moyen : c’est le cinéma de la fiche de paie, le cinéma qui rentre dans les chaumières pour emprunter de l’expérience et du concret, le quotidien d’une femme de ménage (Ma Part du Gâteau), les revendications sociales des syndicats ouvriers (Potiche). Pour Guillemette Odicino de Télérama, «L’air du temps, entre morosité et engagement, donne paradoxalement un coup de fouet aux comédies sociales, qui s’emparent de thèmes d’actualité avec légèreté.» Dans un monde en fracture social, on veut de l’union, on la recherche.
 
Comment communiquer sur l’événement ?
 
La communication est le pilier du succès de la dernière comédie du genre: Les Seigneurs. On y joue au foot pour sauver une usine de sardines de méchants capitalistes. Pour communiquer sur votre film, choisissez sept têtes d’affiches dont deux qui font parties des personnalités préférées des Français (Franck Dubosc et Gad Elmaleh), trois comédiens à la mode avec option «Canal+» (Ramzy Bedia, Claudia Tagbo et le Comte de Bouderbala), une étoile montante (JoeyStarr), un «classique» (José Garcia) et la nouvelle coqueluche césarisée du cinéma français: Omar Sy. Votre fleuron d’acteurs réuni, vous les dirigerez chez Arthur pour y faire rire la galerie. Le rire sera en effet votre principal outil de communication: il faut communiquer sur «comédie» et non sur «social». Le message doit être «Venez vous amuser» et non «Venez vous amuser, on parlera de vos problèmes». On ne doit pas parler du social mais on peut le montrer, la bande originale est justement faite pour cela car l’image frappe, le spectateur doit comprendre qu’il rira, c’est d’ailleurs pour cela qu’il paie sa place de cinéma: la détente avant tout. Le rire amène les premier spectateurs dans les salles, le social se charge de rabattre les suivants grâce au bouche-à-oreille. La comédie sociale parle des gens pour les gens: le rire n’est là que pour assurer un socle de spectateurs désireux de s’amuser. La communication est de plus en plus éloignée du film lui-même et à l’arrivée seul compte le nombre d’entrées.
 
Steven Clérima
Sources:
Pages Wikipedia de tous les films cités dans l’article.
Article de Guillemette Odicino pour Télérama n°3188 (consulté le 22/10/12)

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Mitt Romney Style Parody
Culture

Do you have the Romney Style ?

 
L’Amérique a voté : Barack Obama a été préféré à son concurrent Mitt Romney. Mais revenons sur cette élection qui a tenu en haleine le monde entier. Campagne présidentielle oblige, la parodie était à l’honneur sur le web, où tous les coups sont permis. La Toile proposait alors aux spectateurs de cette course à la présidence de déterminer qui des deux avait le meilleur style.
Collegehumor, le must du divertissement et du détournement de vidéos en tout genre, a su encore une fois surfer sur la vague de l’humour. Le blog s’est penché sur la politique américaine en diffusant une parodie du clip « Gangnam Style » du rappeur coréen Psy, mettant en scène Mitt Romney, à voir sur :

Pour les pourfendeurs de la musique « commerciale », quelques éclaircissements sur ce hit issu de la culture virale qui a littéralement explosé l’audience. Créé par le rappeur coréen Park Jae Sang, alias Psy, le clip, sans pour autant porter une critique sérieuse, moque la vie bling-bling d’un district huppé de Séoul, Gangnam. Psy y danse de manière insolite dans divers endroits du quartier. Véritable révélation, le clip diffusé sur YouTube est rapidement devenu le plus aimé et la huitième vidéo la plus vue de toute l’histoire du site.
Un succès opportun semble-il, au détournement.
Le procédé est simple : mélangez argent, bling-bling, une bonne dose de mépris et d’extravagance … et vous obtenez une caricature grossière de Mitt Romney. Grossière, mais après tout, c’est bien comme ça qu’on les aime.
Un sosie du candidat républicain vante le « Mitt Romney Style » en respectant l’essence du Gangnam Style « Dress classy, dance cheesy ». La chorégraphie de Psy est en effet reprise dans cette parodie fonctionnant en miroir, reprenant chaque élément du clip initial en les adaptant: lorsque Psy marche sous la neige, Romney déambule sous une pluie de dollars. Sa fortune, estimée à 250 millions de dollars, est en effet l’élément central de la caricature. Chevaux de course, dîners mondains, cigares, champagne, polo, tout y passe.
Son slogan : « Richesse, extravagance, c’est Mitt ! Profits, investissements, c’est Mitt ! Vous devriez m’élire tellement j’ai d’argent ». Sa religion mormone n’y coupe pas non plus. Comme l’a dit l’autre, on peut rire de tout.
L’actuel président n’a pas non plus échappé à ce déferlement. Une vidéo le visant a rapidement suivie celle de Romney. Dans le même ordre d’idée, Obama y est présenté comme un menteur jetant l’argent des Américains par les fenêtres. Mais le procédé est différent ; ce n’est non pas un acteur qui intervient dans le clip, mais un chanteur parlant d’Obama. Il est intéressant de comparer les deux procédés : l’intention est la même et, dans le fond, les dispositifs sont proches. L’effet créé est également différent : l’incarnation de Mitt Romney donne un sens plus direct à la critique puisque le personnage lui-même chante ses goûts honnis et vante un style qui déplaît profondément. Dans le clip visant Obama, l’intervention d’un personnage extérieur se rapproche davantage d’une simple critique émise par n’importe quel artiste, comme on en voit régulièrement. L’efficacité du « Romney Style » est intrinsèquement liée cette incarnation.
La satyre du politique ne date pas d’hier, mais aujourd’hui les évènements sont plus faciles à détourner et à diffuser. N’importe qui peut poster sa vidéo, sa parodie et la partager. Dans ce cas précis, on observe l’apparition de plateformes spécialisées dans la parodie et le détournement en tout genre, tels Collegehumor. L’impact de cette parodie a bien sûr été quasiment inexistant sur la scène politique et s’inscrit dans la longue liste des reprises du Gangnam Style, qui se prête apparemment bien à la parodie en tout genre ! La prolifération de telles vidéos est davantage intéressante car elle amène un premier constat : la parodie est devenu un mode de communication répandu et populaire.
Elle a aussi permis d’illustrer les nombreux impairs de la communication électorale de Romney : ses gaffes répétées (rappelons-nous de son pari « à 10 000$ » avec Rick Perry ), ses phrases cultes « J’aime virer les gens », « Je ne me préoccupe pas des pauvres »  , « Ma femme a quelques Cadillac » mises hors contexte ont permis la construction d’une image désastreuse au niveau des relations publiques, conduisant à tout occulter de sa réussite professionnelle et de ses talents de businessman. Le Romney Style illustre ce que ses erreurs de com’ lui ont coûté : l’association à une image d’homme ultra riche, extravagant, méprisant. Et cela suffit à la parodie : le rire n’a pas besoin d’argumentation.
Quoiqu’il en soit, Gangnam style, Romney style ou Obama style, si vous ne connaissez pas encore la choré, il n’est pas trop tard pour vous y mettre.
 
Bénédicte Mano
Sources :
Collegehumor
« AVEC STYLE – Barack Obama et Mitt Romney parodiés » – Bigbrowser
Minutebuzz
Newsone

Culture

Le jeu vidéo : un produit culturel pas comme les autres

 

L’an dernier, à cette même date, ils étaient 180 000. 180 000 à se presser aux portes du salon Paris Games Week, dont la 3ème édition s’est déroulée cette année à la Porte de Versailles du 31 octobre au 4 novembre. Un chiffre impressionnant pour un produit culturel qui ne cesse de croître : le jeu vidéo.
En effet, si autrefois le jeu vidéo était synonyme de repli sur soi et si jouer était une activité marginale,  l’industrie vidéo-ludique se retrouve à présent propulsée sur les devants de la scène. Le jeu vidéo sur l’année 2011 représente 2,7 milliards € de chiffre d’affaire, et ce seulement en France. Le produit culturel le plus vendu en 2011 n’est ni un livre, ni un film… mais un jeu, Call of Duty : Modern Warfare 3, qui a récolté en 5 jours de commercialisation la bagatelle de 775 millions de dollars. Mais ce qui attire l’attention, ce n’est plus seulement l’importance que prennent ces grosses franchises du jeu vidéo. Ces dernières années, en effet, le jeu vidéo traverse de profonds changements. De plus, on ne vend pas un jeu vidéo comme on vendrait un autre produit : les enjeux sont différents, les techniques également.
L’évolution des joueurs est manifeste, et bat en brèche tous les clichés. Tout d’abord, on peut noter que tout le monde joue. 63 % des Français de 10 ans et plus ont joué aux jeux vidéo. L’âge moyen des joueurs est de 35 ans et est en constante augmentation. Il va donc falloir apprendre à s’adresser à de nouveaux joueurs, plus vieux, et qui ne rentrent donc plus dans la cible visée par la communication traditionnellement plus orientée vers les adolescents. C’est ce qu’a compris avant les autres le japonais Nintendo, avec sa Wii, dont les multiples programmes pour garder la ligne et un esprit vif (Dr Kawashima) ont rencontré un franc succès chez les joueurs plus âgés.

La deuxième évolution dément elle aussi un préjugé depuis longtemps ancré. En effet, 52% des joueurs sont… des joueuses. Le public masculin n’est plus prédominant, et les développeurs et éditeurs l’ont compris : il s’agit de produire des jeux qui plairont aux filles ! Plaire aux petites filles donc, avec beaucoup de jeux « girly » estampillés Barbie ou Littlepetshop, mais aussi aux plus grandes : le contenu des jeux ne mise plus tout sur la violence, et s’enrichit de cette nouvelle identité du public. Cela se traduit dans les jeux même par l’apparition de personnages féminins principaux aux personnalités fortes, qui change des stéréotypes sexualisés qu’ils endossaient auparavant. Toutefois, la sexualisation du marché est toujours forte, et les efforts ne sont que des pistes qu’il faut continuer à explorer. Par exemple, Jade de Beyond Good and Evil, est une journaliste-reporter-aventurière qui va dévoiler à ses lecteurs un bien sombre complot… Bien loin d’une Lara Croft dont le seul intérêt sont ses atours  qui attirent la gente masculine.

Au delà de ce changement de public, le jeu change aussi de pratique. On ne joue plus de la même manière. Tout d’abord, on ne joue plus seul, on joue en réseau. 73% des joueurs pratiquent le jeu en ligne. Cette mise en commun du jeu contribue à créer de véritables communautés qui échangent et influent sur le jeu avec un pouvoir colossal, parfois même trop important. L’année passée le studio Bioware, et son jeu Mass Effect 3 en ont fait les frais : les fans, déçus devant la fin de la trilogie qui ne tenait pas toutes ses promesses, ont tenu à faire entendre leur voix. Ces fans, par leurs actions sur les forums du jeu, sur les réseaux sociaux et sur ces outils « online » mis à leur disposition, ont fini par obtenir gain de cause. En effet, le studio a décidé de modifier son jeu en ligne pour en changer la fin ! Cela pose d’énormes questions : à qui appartient l’œuvre vidéo-ludique ? Ce comportement et cet engouement semble là encore propre au jeu vidéo : il est peu concevable d’aller voir un réalisateur pour aller lui demander de modifier la fin de son film !

Mais le changement de pratique vidéo-ludique se ressent par dessus tout sur l’évolution des supports. Le jeu traditionnel est amené peu à peu à disparaître.

Le nouveau marché est axé autour de deux supports principaux : les réseaux sociaux, et les smartphones et tablettes.
En ce qui concerne les réseaux sociaux, Facebook a pris une longueur d’avance, avec une application dédiée aux jeux, appelée Games Feed. Le succès est au rendez-vous : Sur Facebook, 350 millions de joueurs jouent ensemble, soit 53 % des utilisateurs.
Le marché des jeux sur portable est en pleine expansion. Ce seul marché a dégagé 5,2 milliards  d’euros de chiffre d’affaire dans le monde en 2011. Et certains « hits » en récoltent les fruits : les petits oiseaux énervés d’Angry Birds se sont plus vendus en 3 ans que Mario en 30 ans.
Les effets, prenant une telle ampleur, ne pouvaient rester circonscrits au seul milieu des jeux vidéo. La communication elle-même lorgne de plus en plus du côté du jeu, via l’ « advergaming ». Il s’agit de divertir, tout en faisant passer un message ou en vendant une marque. Cela peut se faire en introduisant le message dans un jeu (très présent dans les jeux sportifs ou automobiles), ou en faisant passer le message via une forme vidéo-ludique. (Cela est très présent sur Internet, notamment sur Facebook.)
Au vu de toutes ces évolutions, le marché culturel étrange et grandissant du jeu a probablement encore de beaux jours devant lui…
 
 Clément Francfort
 

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Culture

My name is…

 
En juillet dernier, James Bond et la reine Elisabeth d’Angleterre tombaient du ciel en parachute pour ouvrir les Jeux Olympiques de Londres. Moment mémorable qui marque bien l’ancrage du mythe James Bond dans la culture britannique et qui annonce implicitement le nouveau film de Sam Mendes. C’est dit, Skyfall est sorti le 23 octobre en avant-première à Londres. Ont alors commencé à pleuvoir les gadgets de communication du super-héros ou plutôt de sa super production.
Le 50e anniversaire des James Bond au cinéma constitue le discours d’accompagnement, le prologue de la campagne de communication pour promouvoir le film. Une campagne qui joue sur une reprise par lesannonceurs du personnage principal. Ou comment se parer pour la sortie du prochain film. Coca-Cola Zéro exhibe sur ses canettes collector ultra design la silhouette de Daniel Craig en smoking noir et blanc suivi du slogan « Unlock the 007 in you » comme pour inciter à l’action d’un super-héros, ou mieux, celle d’un super-consommateur.
Rien de mieux pour une marque que de revêtir le costume de l’agent secret pour fidéliser son public.
Certaines marques y voient aussi l’opportunité de lancer de nouveaux produits comme les vernis OPI avec ses nouvelles teintes intitulées « Golden Eye » dorée, « Casino Royale » violette et « Skyfall » aubergine. Bollinger, connu pour être LE champagne fétiche de Bond, a, quant à lui, créé un coffret spécial en forme de silencieux noir qui s’ouvre à l’aide du code 0, 0 et 7… Heureux hasard.
Si vous rêvez encore de devenir James Bond (ou James Bond girl), le site officiel du tourisme du Royaume-Uni exaucera vos 36 000 volontés. Visit Britain propose aux internautes une série de missions en ligne pour tenter de gagner un séjour à Londres sur les traces de l’agent secret avec des incantations telles « Live like Bond », « Accept your mission », ou un défi « Have you got what it takes ? ». Le site propose également un film publicitaire vantant les qualités de James Bond et de l’Angleterre, confondues et décrites comme «  emblématiques», « authentiques », « exaltants », « époustouflants » jusqu’au jeu de mot « You’re invited. Bond is Great… Britain ».Visit Britain mise sur un transfert de l’imaginaire des fans de James Bond sur le Royaume-Uni.
D’autres marques profitent même du film et y placent leurs produits, qui deviennent pour certains des symboles, comme l’Aston Martin ou la montre Omega présentes dans chaque film. Les symboles changent aussi au fil des annonceurs : désormais l’agent secret ne boit plus sa vodka martini « shaken not stirred » mais une bière Heineken ! Les temps ont bien changé ! Le personnage est utilisé à des fins publicitaires : en utilisant le nouveau smartphone X Peria T de Sony, il  incite le consommateur à faire de même.
Alors, y aurait-il un glissement du personnage mythique vers une marque à part entière ?
James Bond n’est plus un produit de la Guerre Froide ou une conséquence des Trente Glorieuses. Alors que ses gadgets annonçaient une société de consommation d’après-guerre et sa voiture l’essor de ce moyen de transport, James Bond évolue aujourd’hui plus vite que la musique et que les avancées techniques. Le personnage des romans et des films devient peu à peu une marque qui a une importance non négligeable sur le marché. Les atouts propres au  personnage et aux films deviennent des outils de marque. Par exemple le logo, le sigle 007, le slogan « My name is Bond », la musique, le générique qui se dessine toujours sur le même scénario (James Bond tire avec son pistolet et atteint sa cible), ses James Bond girls. On reconnaît un générique de James Bond comme on reconnaîtrait une publicité. Les valeurs véhiculées par cette marque sont sans cesse réaffirmées dans les films : James Bond incarne l’éternel gentleman au courage sans limites, son humour anglais capable de survivre à n’importe quelle situation.
Sa facilité de s’accommoder au fil du temps et de perdurer depuis 1962 est un accompagnement du spectateur, celui-ci a grandi entouré de l’univers de James Bond. Dans le monde fragile dans lequel nous nous trouvons, rien de mieux que de suivre les péripéties d’un homme d’action, voulant agir pour le bien de sa patrie tout en profitant des biens terrestres.
James Bond assure et rassure. God save communication.
 
Félicia de Petiville
Sources :
Le Figaro et vous
The Guardian « The Skyfall’s the limit on James Bond marketing»
Stratégies « James Bond, une marque, une vraie ! »

Culture

L'anticonformisme selon France 3

 
La rentrée 2012 a été riche en campagnes médiatiques et aujourd’hui on s’intéresse à celle de France 3. Si vous êtes passés à côté, elle ressemble à ça.
Créée par l’agence « Australie », cette campagne d’affichage, qui s’accompagne de supports radio et vidéo, a fait sensation sur les réseaux sociaux. Et pourtant, les afficionados de Twitter et Facebook ne sont pas le cœur de cible d’une chaîne qui traîne derrière elle une image « vieillotte ». Mais en 2012, France 3 se rebelle et décide de faire entendre sa voix à travers une campagne osée.
Problème : comment  parler, à une génération de trentenaires urbains, d’émissions pour la plupart regardées par nos grands-parents ? Et surtout, – même si l’agence ne le formule pas de cette manière dans son discours – comment faire passer l’idée que regarder France 3 est une activité socialement valorisante ? Tout simplement en jouant la carte de l’humour.
Avec des slogans faisant la part belle à l’ironie et au second degré la chaîne nous montre qu’elle n’oublie pas de prendre du recul par rapport à ses propres productions. Cependant, rajeunir l’image d’une marque est toujours une tentative périlleuse. Et dans le cas de France 3, le risque était grand de nier l’identité de la marque en cherchant à travestir ses valeurs. Or, l’intelligence d’ « Australie » a précisément été d’axer sa campagne sur six émissions phares de la chaîne parmi lesquelles  30 millions d’amis, Plus belle la vie ou Côté Jardin.
Faire preuve d’autodérision c’est bien, en profiter pour tacler la concurrence c’est mieux. Après D8, c’est donc au tour de France 3 de s’attaquer aux programmes de M6. Avec humour, un des visuels consacrés à  Des Racines et des Ailes  annonce « Quand on s’invite dans un lieu, ce n’est pas pour refaire la déco » — les intéressés apprécieront. De manière moins marquée, les autres chaînes du PAF en prennent pour leur grade avec des références à la télé-réalité ou aux émissions hyper-scénarisées.
Bref, à travers ces quelques affiches France 3 affirme son caractère décalé. Destiné aux jeunes urbains, leur message pourrait se simplifier en ces mots : regarder France 3 c’est bien car c’est anti-mainstream. La chaîne, plutôt que de se lancer dans une quête de reconnaissance, prend le contrepied des critiques. La 3 devient « tendance », précisément parce que ses programmes ne le sont pas.
Alors si vous souhaitez briller en soirée, n’oubliez pas, dites que vous regardez  Thalassa.
 
Angélina Pineau

N.B : et pour tous ceux qui s’intéressent au graphisme, une très bonne analyse de cette campagne est disponible ici sur le site d’OWNI.

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Affiche du film Would you have sex with an arab - sortie en 2012
Culture

Would you have sex with an arab ?

 
Si vous avez emprunté le métro ces dernières semaines, vous avez certainement été frappé par ces quelques mots qui ornent l’affiche du film de Yolande Zauberman « Would you have sex with an arab ? ». Au-delà du titre d’un film, il s’agit d’une véritable interpellation, d’une invitation à la réflexion. Et vous, est-ce que vous coucheriez avec un arabe ?
On dénote un certain malaise dans ces mots, un tabou, un interdit. La réalisatrice ne pose pas la question « avez-vous déjà couché avec un arabe ? » ou « vous est-il déjà arrivé d’entretenir une relation amoureuse avec un arabe ? ». Non, elle emploie le conditionnel « would you », « est-ce que vous le feriez ? » pour mettre en évidence une impossibilité, une improbabilité, en quelque sorte une barrière comme si le fait de faire l’amour avec un « arabe » tenait de l’extraordinaire. Cette question résonne un défi, comme une interrogation existentielle : si nous nous trouvions dans cette situation est-ce que nous dépasserions l’interdit ?
Aujourd’hui en Israël, un individu sur cinq est arabe. Un million cinq cent mille arabes vivent en communauté avec la société juive-israélienne, sans en être séparés par un mur. C’est dans ce contexte, où la formation de couples mixtes est presque considérée comme un crime, que Yolande Zauberman interroge de jeunes juifs de Tel-Aviv, mais aussi des arabes israéliens sur la possibilité d’un rapport sexuel avec un(e) arabe (et inversement un(e) juif(ve)). On se rend compte que le conflit israélo-palestinien est partout, qu’il s’immisce même dans la chambre à coucher qui est lieu de l’intime.
La finalité de la question n’est en fait plus de savoir si effectivement ces israélien(nne)s pourraient entretenir des rapports sexuels avec des arabes, mais plutôt d’interroger profondément la manière dont la question est perçue. On cherche à comprendre le sens de la question pour le récepteur : qu’associe-t-on au mot « arabe »  (et inversement au mot « juif »)? Il apparait clairement dans le film que souvent, dans la société israélienne, ces termes renvoient à l’idée de l’ «ennemi », de  « l’envahisseur », de l’ « autre ». Et pourtant, on ne fait pas l’amour à une représentation mais à une personne. On dématérialise ici l’humain, l’individu et on le renvoie à une idée, un imaginaire que l’on se fait de l’autre, qui dans ce contexte, apparait indissociable de l’identité. Une jeune juive israélienne exprime cette idée de manière triste mais quelque part touchante lorsqu’elle raconte son expérience « quand je l’ai fait, c’est comme si je faisais la paix avec un peuple. Je n’ai pas pu une seule seconde oublier qu’il était Palestinien. C’était purement politique, le coup le moins érotique de toute ma vie ».  La diversité des sens de cette question génère la diversité des réponses qui tient sur la manière dont les jeunes font l’expérience du conflit.
Il n’est pas anodin que ce film nous soit présenté ainsi de manière provocante, car au-delà de la situation au Moyen-Orient, il s’inscrit dans un contexte de tensions déjà existantes pour ceux qui veulent réfléchir en termes de séparation, entre « you » et « the arab ». Elle nous interroge sur notre représentation de l’autre, sur les barrières et les tabous qu’elle nous impose et son influence sur notre manière d’envisager le rapport avec l’autre de manière universelle.
 
Camélia Docquin

Culture

Jacques a dit que Balzac et Zola allaient devenir des panneaux publicitaires

 
Rien d’étonnant dans le fait de trouver des doubles pages de publicité dans Glamour, ni même dans votre M du weekend : les annonceurs commerciaux ciblent toutes les composantes du spectre de la presse écrite sans faire les fines bouches, en visant néanmoins les titres correspondant à leur secteur d’appartenance et aux publics qu’ils souhaitent toucher – leurs clients potentiels. Cette stratégie permet effectivement d’atténuer le caractère invasif de leurs appels d’offres qui, tombant à propos, dérangent moins les lecteurs. Prenons l’exemple archétype des magazines féminins : si nombreuses sont les lectrices – et nombreux les lecteurs ? – qui témoignent de leur exaspération face à l’absence de contenu éditorial et se plaignent de l’invasion des annonces, il n’en reste pas moins qu’elles font aujourd’hui partie intégrante du corps de ce genre de titres, jusqu’à paraitre naturelles. Ces magazines constituent des supports publicitaires particulièrement opportuns – des écrins publicitaires si bien conçus que les publicités appartiennent désormais au contrat de lecture. Et notons que ce qui est vrai pour Elle ou Grazia l’est aussi pour Auto-Journal ou Science & Vie Junior. Il serait cependant injuste, inutile voire même insensé de faire de ce constat un blâme : la presse écrite a autant besoin des ressources que lui procure la publicité que les annonceurs des supports qu’elle leurs offre – ils sont nécessaires à leur existence respective. L’ensemble du système de la presse écrite repose sur cette interdépendance qui, aussi paradoxal que cela puisse paraitre, lui permet de conserver sa liberté – son autonomie vis-à-vis des pouvoirs politiques.
Rien d’étonnant, donc, à trouver de la publicité dans les journaux ou dans les magazines – seuls les lecteurs du Canard Enchaîné ou de Causette y échappent. Mais que diriez-vous de voir apparaitre une annonce pour Nescafé, Mr Propre ou encore Durex dans un livre ?
C’est ce qui vous attend si vous avez adopté les eBook readers, ces liseuses numériques à ne pas confondre avec les tablettes, qui possèdent bien plus de fonctions et sont dotées d’applications. Il vous est par exemple impossible de jouer à Angry Bird sur le Kindle d’Amazon ou sur le Kobo de la Fnac ; et je crains qu’elles ne vous permettent pas non plus de consulter vos comptes, de géo-localiser le McDo le plus proche ou de live-twitter un meeting de Mélenchon. Notons cependant que les liseuses offrent un réel confort de lecture : leur écran n’est pas rétroéclairé, et les yeux ne fatiguent pas. Si elles ne multiplient pas les fonctions, c’est donc pour mieux assumer la leur.
J’entends d’ici les puritains crier au scandale – « un support numérique ne remplacera jamais le livre ! ». Et je ne peux qu’acquiescer.
Les eBooks ne remplaceront pas les livres – ce n’est d’ailleurs pas leur vocation. Les contenus numériques sont transportables plus facilement, et moins chers – tout simplement. Et c’est à la lumière de ces avantages qu’il faut reconsidérer et juger les liseuses.
Mais nous ne sommes pas ici pour faire leur procès. Signalons néanmoins que le fait qu’il n’y ait pas encore de tradition attachée au livre numérique laisse la porte ouverte à des pratiques auxquelles on n’aurait jamais songé avec les livres papiers – c’est le cas de la publicité.
Les éditeurs numériques songent effectivement à autoriser l’insertion de publicités au sein même des eBooks. Ainsi, lorsqu’un personnage du roman que vous lirez sirotera une tasse de thé, il se pourra qu’apparaisse sur la page de votre liseuse une annonce, ou le lien vers une annonce de la marque Earl Grey. De même, si le décor de l’action est planté à San Francisco, vous pourriez voir s’afficher sur votre écran une publicité pour une chaîne d’hôtels prestigieux de la ville, ou pour une agence de voyage américaine …
Une telle nouvelle donne envie de crier au scandale, je vous l’accorde. La première réaction ne peut être que le refus épidermique : souiller ainsi le livre, cet objet sacré – sacralisé ?
Les éditeurs numériques mettent en avant la baisse des coûts : une telle pratique permettrait de diminuer le prix des eBooks, et donc de faciliter l’accès à tous aux contenus et à la culture. Rappelons que la T.V.A. sur les livres vient d’augmenter, passant de 5,5% à 7%…
Que penser d’une telle mesure ? Faut-il distinguer les livres papiers des livres numériques, et accepter de faire une place aux annonceurs sur le territoire bien gardé du livre, via les eBooks ? Sans doute serait-il plus judicieux de ne pas établir de différence fondamentale entre les deux types de supports, pour plusieurs raisons : cela permettrait d’abord de revaloriser le livre numérique, qui souffre d’un manque essentiel de reconnaissance et de crédit par rapport au livre papier. Et puis, si l’on autorisait l’insertion de publicités dans les eBooks, pourquoi la refuserait-on, à long terme, dans les livres traditionnels ? …
 
Elodie Dureu

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Snoop Dogg Hologram Tupac
Culture

La résurrection de Tupac Shakur

 
Tupac Shakur n’est pas mort et pour tout vous dire je m’en doutais un peu.
C’est lors de la dernière édition du festival Coachella, qui s’est terminée dimanche dernier, que le martyr du Hip Hop West Coast a signé son grand retour sur scène aux côtés de Snoop Dogg devant un public médusé. L’icône du rap US a commencé sa prestation par un savoureux « Do you know who the fuck it is ? » avant d’attaquer les premières lignes de Hail Mary. Puis il a disparu à la fin de 2 of Amerikaz Most Wanted dans un brouillard presque féerique, laissant les festivaliers sur leur faim, plus vraiment certains que Tupac soit mort depuis plus de dix ans.
Malheureusement, pas de tour de magie là-dessous, ni de vraie résurrection, il s’agissait d’un hologramme concocté par le festival à la demande de Dr.Dre. C’est le studio de James Cameron, Digital Domain Media Group, qui avait déjà brillé en raflant un Oscar dans la catégorie « visual effects » pour le film « L’étrange Histoire de Benjamin Button », qui s’est attelé à la tache. C’est une version améliorée de la méthode du Pepper’s Ghost mise au point en 1860 qui a permis de recréer un Tupac plus vrai que nature. Rien de nouveau donc. Il s’agit en fait de projeter une image sur une surface, ici la scène du festival, recouverte de papier Mylar. Ce n’est donc pas un hologramme à proprement parler, car c’est un Tupac 2D et non 3D que les festivaliers ont pu admirer. L’image, elle, n’est pas non plus un simple copié-collé d’un concert de l’artiste. Au contraire, elle a été travaillée sur ordinateur en se basant sur les caractéristiques physiques et la gestuelle provenant de plusieurs enregistrements afin de rendre la scène encore plus réaliste.
Passés ces détails techniques, il faut aussi saluer l’audace de la performance. Alors que le fantôme de Nate Dogg était aussi de la fête, seul Tupac semble avoir marqué les esprits. Abattu à Las Vegas en 1996 dans des circonstances encore mystérieuses, le mythe Tupac est toujours bien vivant et certains restent persuadés que ce dernier n’est pas mort. Pour se rendre compte de l’étendue du phénomène il suffit de taper « 2Pac is still alive » sur un moteur de recherche, vous ne serez pas déçus du résultat tant les théories du complot sont variées. Ainsi, redonner vie à Tupac, qui plus est dans son fief, la Californie, est une belle manière de jouer avec la légende. Le choix de la première chanson Hail Mary est lui aussi emblématique car c’est une ode à la vengeance sur laquelle le rappeur défie ceux qui l’ont trahi et ceux qui ont voulu sa tête. Les punchlines « I am a ghost in this killing fields » et « revenge is like the sweetest thing » prennent donc ici tout leur sens.

On s’en doute, cette brève réapparition a particulièrement plu sur le Web et les internautes s’en sont donnés à cœur joie en relayant les rumeurs de son retour. Notre Tupac virtuel s’est même vu créer un compte sur Twitter @HologramTupac avec comme accroche « I rap and I am an hologram » et un public de plus de 33 000 followers. Parmi les meilleurs détournements, on retiendra aussi la version Star Wars du concert ainsi que la fausse programmation 100% artistes morts, réalisée par Brain Magazine et intitulée le Coachella Hologram Festival.
Le petit tour de Dr.Dre et Snoop Dogg semble donc plutôt réussi et on parle maintenant de ressusciter d’autres artistes, chanteurs ou acteurs. En effet, bien que Dre ait renoncé à partir en tournée avec Tupac, il semble vouloir s’attaquer à deux autres grandes icônes américaines, Marvin Gaye et Jimi Hendrix. De son coté, Jackie Jackson voit les choses en encore plus grand et envisage de ramener son frère Michael à la vie pour la prochaine tournée des Jackson5. Si cette surenchère fait sourire, cela peut aussi paraître assez morbide sous certains aspects. Bien sûr, Gorillaz ou encore les Black Eyed Peas avaient déjà utilisé ce procédé mais jamais avec un mort.
A vrai dire, une seule personne avait osé jusque-là : Céline Dion. En effet, la diva québécoise s’était déjà essayée à ce petit tour de passe-passe en chantant avec Elvis Presley sur le plateau d’American Idol. Un duo virtuel qui avait tout de même un peu moins de panache, sans vouloir froisser les fans de Céline. De plus, on voyait déjà à l’époque se profiler un problème majeur concernant le respect du mort. Le King avait-il vraiment envie de chanter en duo avec Céline Dion ? Je vous laisse y réfléchir.
 
Pauline Legrand
Crédits photo: ©nme.com

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Culture

La loi des Séries

 
Ici point de fans hystériques ni de billets d’entrée au prix exorbitant d’un bras, voire même deux si vous refusez de partir sans votre photo de l’accolade avec votre déité cathodique fétiche. Le Forum des Images organise pour sa troisième édition le festival « Séries Mania », qui vous donnera un avant goût des séries françaises qui tiendront sous peu le haut de l’affiche. Mais loin d’être chauvin, ce festival vous donnera également l’occasion, grâce à une sélection internationale, de voir ce qui se fait de mieux aujourd’hui à l’étranger en termes de productions pour le petit écran. Débuté lundi, le festival s’achèvera lundi prochain. Et bon point pour les étudiants, les « sériephiles » ou tout autre curieux, l’entrée est gratuite.
 
L’occasion de trouver Série à son pied…
 
La bonne idée de ce festival c’est de mettre en lumière certaines séries peu ou pas – encore – révélées au grand public. Le festival n’a pas pour mission de promouvoir des séries qui tiennent déjà le haut du pavé et qui nous sont souvent resservies à loisir façon chewing-gum remâché. Qu’elles soient récentes ou diffusées en avant-première, ce festival a cela de frais qu’il nous concocte un programme blindé de pépites en puissance que nous aurions découvert au mieux quelques mois après leur diffusion dans leur pays natal (et pour cause, l’outre-Atlantique est souvent dure à traverser, quoique l’arrivée du streaming ait un peu changé la donne…), au pire jamais. En effet quelle meilleure vitrine que ce festival pour des séries comme Ta Gordin/Mice , tout droit venue d’Israël, dont les deux premiers épisodes seront projetés dimanche avant une présentation par Amit Cohen, le scénariste de la série, et Ron Leshem, son producteur exécutif. Car l’autre valeur ajoutée de ce festival, c’est incontestablement la présence d’émissaires venus présenter leur production, l’occasion, on l’imagine, d’ouvrir des espaces de discussion. On le comprendra c’est donc un véritable melting-pot télévisuel avec la mise à l’honneur cette année de l’Australie et du Québec. « Pour la première fois, l’Amérique du Sud est aussi présente avec une moisson de séries argentines, tandis que l’Europe du Nord étonne toujours avec une découverte belge sur le tour cycliste de Flandres (De Ronde) et la burlesque incursion d’un mafieux américain dans les paysages de la Norvège profonde (Lilyhammer) ». Un programme intéressant donc, qui reflète tant les divers visages de la création télévisuelle que son extrême fertilité.
 
Quand les séries tiennent le haut de l’affiche
 
Qui ne saliverait pas devant cette présentation faite sur le site officiel du festival ?
« Séries Mania présente un choix de séries anglo-saxonnes qui font ou feront l’événement dans les mois à venir, parfois associées à des noms prestigieux du cinéma, comme Michael Mann pour Luck, Laura Dern pour Enlightened ou encore Steven Spielberg pour Smash. Des showrunners particulièrement prolixes reviennent avec leur dernière création, tels J. J. Abrams (Alcatraz) et Ryan Murphy (American Horror Story)… » .
Ce « teaser » est la meilleure illustration de la nouvelle perméabilité entre cinéma et série T.V. De là à dire que la série T.V est une héritière toute trouvée de son aîné, il n’y a qu’un pas, qu’on ne serait pas les premiers à franchir : réalisateurs, acteurs ; les passerelles sont nombreuses et il est courant de voir les têtes connues passer du grand au petit écran.
 
Et s’offre même le luxe de la réflexivité
 
Depuis quelques années, la création des séries télévisées se fait beaucoup plus dense, de meilleure qualité aussi. Fini Dallas, sirènes en maillots rouges et autres telenovelas culculs diffusées ou tard le matin, ou en plein après-midi. Désormais les séries télé se veulent arty, esthétiques voire carrément intellos. Une série télé ne se subit plus, elle se déguste. Preuve en est le succès de Lost, tarabiscotée comme il faut, créant sa propre mythologie, de Madmen, visuellement impeccable, ou encore dans un autre genre la rediffusion – sur Arte – près de 20 ans après sa première diffusion en France, de la série Twin Peaks créée par David Lynch, qui avait alors été déprogrammée faute de public.
C’est donc logiquement que des séries si travaillées et dont le contenu n’est aucunement laissé au hasard, s’offrent si bien à l’exégèse et au commentaire. Riche de ce constat, le festival a intégré à ses projections des tables rondes et conférences* qui raviront autant les initiés que les novices.  Cette année, le festival abordera notamment ces questions : « Les génériques : un art en soi ? », « Une série peut-elle être politique ? » mais  aussi la spécificité des programmes courts qui font aujourd’hui recette (Bref, Scènes de ménages,…). Des zooms seront faits sur les séries Lost, Ainsi soient-ils, ou Friday Night Lights.
Et parce que les séries jouent les prolongations en dehors du petit écran, vous trouverez également des juke-boxes diffusant le meilleur des génériques, et des images d’une sélection de Web-séries et de mini-formats.  A découvrir par lot de deux épisodes ou à engloutir par saison entière, le site du festival sera votre meilleur allié pour vous constituer un menu à la carte !
 
Marie Latirre
*Tables rondes qui pourront être suivies en direct ou en différé sur le site du festival notamment.