Culture

« Si je me flingue en live, combien de screenshots ? »

« Si je me flingue en live, combien de screenshots ? »
Nekfeu, La réalité augmentée
Voilà une provocation qui révèle bien l’invasion de la réalité augmentée dans notre vie quotidienne. Pokémon Go nous avait habitués à nous prendre des gens en pleine face dans la rue, le nez collé à leur portable… Désormais la réalité augmentée risque de créer des attroupements. « S’il vous plaît, soyez conscients de votre entourage » affiche néanmoins Snapchat. Après son rachat de Zenly, qui a permis la géolocalisation de tous ses contacts sur une map en temps réel – ce qui a abouti à la mise à nu de nombreux mensonges, lapins et autres tensions chez les Millennials – Snapchat a lancé une nouvelle fonctionnalité. Depuis le 3 octobre, des œuvres d’art en réalité augmentée peuvent être admirées dans les quatre coins du monde : Central Park, Hyde Park, Washington Square Park, le Champ de Mars… et même Buckingham Palace ! Pour cela, Snapchat a lancé un partenariat avec Jeff Koons, connu pour ses sculptures dites kitsch, et particulièrement pour ses Balloons Dogs. Chaque individu peut désormais admirer ses créations dans l’un des endroits répertoriés ci-dessous, en sélectionnant un filtre sur l’écran de son smartphone.

Culture

Netflix : from binge-watching to binge-communicating

Marque de fabrique de Netflix, le binge-watching est ce qui vous pousse à passer des heures, des nuits voire des semaines devant votre écran sans même vous en rendre compte ! Mais rassurez-vous, vous n’êtes pas plus accro à Netflix, que Netflix n’est addict à sa propre communication.
Très en vogue depuis les quatre dernières années, l’expression « binge-watching » a été utilisée pour la première fois à la fin des années 90 pour caractériser la consommation frénétique de plusieurs épisodes d’une même série, en une seule séance. Si l’expression est aujourd’hui largement répandue, elle reste essentiellement réservée au fonctionnement de la plus importante plateforme de streaming à la demande dans le monde : Netflix.

Culture

Emma Watson ou la renaissance par le féminisme

Il n’est pas toujours facile de trouver un second souffle après un début de carrière précoce et éclatant. Emma Watson, superstar de la saga Harry Potter dès ses 10 ans, a pourtant su s’en acquitter avec brio en troquant les traits d’Hermione Granger pour ceux d’une jeune actrice féministe et militante.
De cet engagement découle aujourd’hui une nouvelle image de la jeune femme qui paraît avoir réussi à s’émanciper de sa première notoriété. On pourrait même parler de métamorphose au regard des nombreuses récompenses et multiples engagements qui la séparent, à 26 ans, de son rôle de fillette surdouée au pays des sorciers.
Si la sincérité et le courage de son militantisme ne font aujourd’hui pas de doute, il n’en demeure pas moins qu’il permet à l’actrice de faire peau neuve. Derrière l’engagement vertueux semble demeurer pour la star l’opportunité du renouvellement de son image. Bien que Rupert Grint et Daniel Radcliffe, ses comparses sur le tournage d’Harry Potter, peinent à remotiver les assises de leur aura, Emma Watson maintient habilement les projecteurs sur elle par le truchement du féminisme.
Un engagement de bonne volonté
Après le dernier opus de la saga (Les reliques de la mort, partie 2) sorti en 2011, retrouver un rôle proportionné à sa célébrité n’est pas aisé pour Emma Watson. Plusieurs rôles mineurs et quelques interprétations significatives dans des films comme The Bling Ring de Sofia Coppola ou Le Monde de Charlie attestent de la difficulté de rester au sommet et de se détacher de l’image  de son double fictionnel qui lui colle à peau.
Si la mode semble à cet égard une opportunité ainsi que le montre l’activité de mannequinat de l’actrice, égérie de la marque Burberry à partir de  2010, Emma Watson ne semble pas vouloir se contenter du reliquat glamour de sa gloire passée. Il s’agit pour elle de créer un nouveau sens autour de sa notoriété en la mettant au profit d’une cause responsable et – accessoirement – valorisante.
L’actrice aspirante militante devient ainsi l’ambassadrice de bonne volonté de la campagne « HeforShe » qu’elle lance à l’ONU dans un discours remarquée pour sa ferveur à l’égard de l’égalité entre les sexes, le 20 septembre 2014. Deux mois plus tard, elle est nommée « célébrité féministe » par l’association américaine Foundation for Women. Ce titre illustre une transformation qui s’opère autour de l’image de l’actrice qui semble avoir réussi à paraître, par ses convictions, sous un nouveau jour.

Discours à d’Emma Watson à l’ONU – « Quand j’étais petite, je m’étonnais du fait qu’on m’appelle « autoritaire » parce que je voulais diriger nos pièces de théâtre ». Pour Emma Watson, féminisme et engagement artistique ne font qu’un. En découle une nouvelle image publique  où se mêlent les deux versants de sa personnalité, renouvelée aux yeux du public.
Une nouvelle image publique
Dès lors, ce n’est plus à propos d’Harry Potter qu’Emma Watson fait parler d’elle. En atteste, en mai 2015, la séance de questions réponses organisée pour les fans de la l’actrice britannique qui attire principalement des soutiens de la campagne HeforShe. Même constat avec les critiques qui lui sont adressées sur Twitter autour d’une photo topless dans Vanity Fair, perçue par certains comme un manifeste du corps-objet en rupture avec ses convictions féministes. Ces attaques montrent que c’est maintenant l’image de la militante avant celle de la star qui prime dans l’imaginaire collectif.
Cette nouvelle image, Emma Watson s’applique à la cultiver. Ainsi, elle affirme début 2016 vouloir prendre une année sabbatique pour « son développement personnel» et pour lancer un club de lecture féministe « Our Shared Self ». De même, dans les multiples interviews autour du blockbuster La Belle et la Bête dans lequel elle interprète la bien nommée Belle, elle ne manque pas de rappeler que c’est avant tout le caractère féministe du personnage qui a motivé son choix de prendre part au projet.

Emma Watson, seins nus dans Vanity Fair le 28/02/2017
Des soupçons mal placés
Pour autant, il convient de voir que toute suspicion à l’égard de l’authenticité de l’engagement d’Emma Watson serait mal placée. La constance de son militantisme (à 17 ans déjà, elle revendiquait sa part dans le combat féministe) malgré les difficultés d’un univers hollywoodien sous domination masculine montre la ferveur de ses convictions. Ainsi, elle n’a pas manqué de se rendre à Washington, le 21 janvier dernier, pour participer à la Women’s March à l‘encontre de la misogynie incarnée par Donald Trump et son administration.
On regrettera cependant l’instrumentalisation de cette nouvelle image de la star par ceux pour qui les bonnes actions de la jeune femme représentent un avantage financier. Ainsi, la Warner n’a pas manqué de s’emparer de l‘annonce du franc succès de l’actrice à la tribune de l’ONU. Elle a notamment relayé l’anecdote sur le blog de la franchise de JK Rowling afin de la convertir en un argument marketing de choix.
Etienne Brunot 
LinkedIn
 
Sources :
La Belle et la Bête : Emma Watson explique pourquoi c’est un film féministe, Éleanor Douet, RTL Girls, 17/02/2017
Emma Watson : la belle féministe, Margarte Macdonald, Paris Match, 14/02/2017
Quand Emma Watson ne peut pas être féministe car elle a des seins, Grégor Brandy, Slate, 06/03/2017
Journée de la femme : Emma Watson, une ambassadrice engagée, Le Monde des Sorcier de JK Rowling, 2014
Photos : 
Image 1 : Frazer Harrison, GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP, 02/03 2017, Newsweek, « Emma Watson is having to defend her feminism. Again »
Image 2 : Tim Walker, Vanity Fair, 28/02/2017
 

Culture

La white trash, le futur du swag?

Devant une société de plus en plus sombre et incertaine, l’émergence d’un rap absurde, critique et ironique se fait entendre. A mi-chemin entre la noirceur et l’humour… Cette tendance rap, c’est la white trash.
La white trash, késako ? 
L’expression « white trash » (raclure blanche) est utilisée à l’origine pour décrire la part la plus pauvre de la population blanche américaine. Des gens pour qui la culture et l’éducation sont des mots étrangers, des gens sales, incestueux, drogués, ivrognes, tatoués et totalement « beaufs ». Bref, tout ce dont on peut rêver. La famille de Shameless en est peut-être l’exemple le plus emblématique.

Exemple stéréotypé de la famille white trash
Peu à peu, ce terme à été repris pour décrire une tendance en matière de rap. La white trash est un phénomène apparu à la fin des années 90 lorsque des rappeurs blancs ont désiré se faire une place dans le rap/hip hop, un milieu dominé majoritairement par des rappeurs d’origine afro-américaine. Aux States, le « papa » des rappeurs white trash, vous le connaissez tous, c’est Eminem, véritable ovni dans le monde du rap US, de par son talent et sa couleur de peau.
A l’époque, être blanc dans le rap était mal vu, antinomique, synonyme de « chétif » et d’ « intello ». Les rappeurs blancs ne semblaient pas légitimes mais plutôt ridicules, incapables d’une performance correcte comme si le talent d’un rappeur était proportionnel à son taux de mélanine. Un autre cliché du rap voulait qu’un rappeur gagne sa légitimité en prouvant qu’il avait souffert par le passé. Les Afro-américains avaient donc plus de raisons d’être légitimes en mettant en avant les blessures de leurs ancêtres et en dénonçant le racisme, la ségrégation, ou encore l’esclavage.
Ce phénomène est particulièrement bien illustré par le film 8 Mile avec Eminem (inspiré de sa vie) où celui-ci cherche à s’imposer dans des battles de rap où les participants et le public sont uniquement noirs. On lui fait alors comprendre qu’il n’est pas à sa place, il va dès lors devoir lutter contre les préjugés et ses propres démons pour se faire une place dans un milieu hostile.
Du côté de notre patrimoine rap français, DIAM’S, dénonçait elle aussi son mal-être, sa difficulté à percer dans un milieu où le simple fait d’être blanc était éliminatoire : « j’ai vite compris qu’on me prenait pour une conne, autant mes profs que mes potes, une petite blanche dans le hip hop…»  DIAM’S – Petite Banlieusarde 
Même si chaque rappeur blanc peut interpréter la white trash à sa façon, celle-ci consiste premièrement à parler de drogue et de sexe de manière très vulgaire afin « d’asseoir » sa notoriété et de démontrer sa street credibility, légitimer son côté « fils de la rue ». 
En France, Alkpote est considéré comme l’initiateur de ce mouvement. S’en suit une flopée de descendants comme Orelsan, Biffty, Vald… Blancs, souvent tatoués, pas particulièrement sexy et toujours un peu (ou beaucoup!) haineux, ces derniers montent dans la « rapshère » avec des paroles à prendre au 40ème degré, remplies de phrases grotesques aux rimes vulgaires. On remarque également chez eux une certaine volonté de « rapper sans thème », uniquement pour enchainer les punchlines provocantes et absurdes.
«  La chatte à ta grand-mère, on rentre par devant, et par derrière. Viens ici mon petit, on va voir si tu grossis, tiens un bifidus actif dans ton anus tu sens Biffty. » BIFFTY – SOUYON (produit par DJ Weedim)
« Je suis ingénieux comme Jules Verne, je t’asperge avec mon jus de verge, jusqu’à ce que ça te submerge. » Alkpote feat. Jarod & Tino | Les Marches de L’Empereur Saison 2 #10 #Triceratops | Daymolition 

La Prière du Poulet X 25G et Jean Floch sur le tournage du clip REDNECKS DU TERROIR
Pour preuve du succès des rappeurs white trash, Vald a écoulé en une semaine 5 355 exemplaires physiques de son album « Agartha », 3916 exemplaires digitaux et l’équivalent de 6 175 exemplaires en streaming. L’album sorti fin janvier se classe déjà disque d’or. Vald parle de sa vie de jeune, des drogues, de l’amour, et critique la surconsommation dans des textes parfois très tranchés et sans aucun filtre.
Incontournable, Orelsan est un autre « white trasher » qui a su conquérir le public français. Celui-ci s’appuie sur des textes tout en provocation et surfe sur le buzz qu’il génère grâce à des phrases choc et à un langage cru, insultant, avec un style d’ado attardé affiché fièrement.
Un autre phénomène rencontre un succès considérable : celui des rappeurs parodiques. En tête de liste, on retrouve Lorenzo. Celui-ci a généré un buzz considérable il y a quelques mois avec le titre « Le Freestyle du sale » qui compte plus de 32 millions de vues sur Youtube. Son dernier clip, « Le son qui fait plaiz » a fait 2 millions de vues en moins de deux jours.

Comment expliquer un tel succès ?

Ce rap qui, au vu de la particularité des paroles et du rythme lancinant voire saccadé, peut être considéré comme étant réservé a à un public de niche, tend en fait à se démocratiser. Il envahit nos télévisions et nos radios. Certains de ces rappeurs white trash, comme Vald, sont même en tournée à travers toute la France.
A l’origine, le rap était un moyen d’exercer une critique du monde d’aujourd’hui en dénonçant des injustices. Les thèmes principaux étaient le sort des minorités critiquant leurs « ghettos », leurs difficultés à s’intégrer dans une société qui les rejette. À partir des années 2000, le rap commence à basculer vers un style « gangsta, bling-bling » représenté par Fifty Cent aux Etats-Unis ou Booba en France. Ce rap, exclusivement masculin, met en scène des hommes bodybuildés, entourés de femmes légèrement vêtues et fiers d’une richesse amassée grâce à des trafics illicites, mais qui leur ont permis d’obtenir un succès inespéré.

Booba, prêt à niquer des mères

50 Cent, en mode beau gosse
La white trash bascule vers l’absurde et renverse les codes précédemment établis par les rappeurs afro-américains ou « bling-bling ». C’est un courant plus discret et alternatif, entre dénonciation d’injustices obsolètes, virilités accentuées, et haine gratuite. Avec l’émergence de ce rap à la limite de l’absurde, on se demande si beaucoup s’identifie  réellement à ces textes, plus particulièrement les jeunes. Qui est le public de ce rap volontairement glauque et provocant qui se créé une place dans l’industrie musicale française ? Sans autre forme de communication que des vidéos diffusées sur Internet, les « white trasher » du rap français, bien loin du charisme d’Eminem et avec un style beaucoup plus caricatural, sont parvenus à acquérir une renommée et ont réussi à faire émerger une tendance rentable.
Au rap « bling-bling » et white trash s’oppose désormais des rappeurs au style plus « vulnérable », comme Nekfeu, séduisent le grand public. Ces rappeurs privilégient des textes chantés avec des paroles qui s’adressent aux jeunes et des clips qui montrent une vie plus quotidienne.
Le premier couplet de la chanson « On verra » de Nekfeu en est particulièrement représentatif : « On sèche les cours, la flemme marque le quotidien /Être en couple, ça fait mal que quand t’y tiens / Même si j’ai rien à prouver, j’me sens un peu seul / J’ai toujours pas trouvé la pièce manquante du puzzle / En possession d’drogues, les jeunes sont fêtards / Quelle ironie d’mourir en position fœtale / Je viens à peine de naitre, demain j’serai vieux / Mais j’vais tout faire pour être à jamais ce rêveur. »
Alors, quel type de rap réussira à s’imposer dans les prochaines années ? Quels sont les éléments qui pourront faire la différence, et remporter la majorité dans le cœur du public français ? Que vous soyez plutôt poète, trash, ou bling-bling… la réponse vous appartient !
Alice Rolland
En collaboration avec Vincent Decoust
Crédits  :
noisey.vice.com – https://noisey.vice.com/fr/article/vald-interview-nqnt
industrie-culturelle.fr – http://industrie-culturelle.fr/industrie-culturelle/skyrock-emergence-rap-francais/
prieredupoulet.com -ttp://prieredupoulet.com/2016/03/01/rednecks-du-terroir/
pinterest.Com – https://fr.pinterest.com/pin/260575528409806783/
generations.fr – http://generations.fr/news/coulisse/34610/50-cent-ne-veut-pas-payer-l-ex-de-rick-ross
Source:
• F.Dordor, White trash, la raclure blanche vous salue bien, Les Inrocks, le 28/02/2012, consulté le 04/04/2017
• Genono, Rap français : la grande tendance du white trash, lemouv.fr, 15 juillet 2016, consulté le 04/04/2017
 

Culture

Le XV de France : essai non transformé

Le samedi 17 octobre 2015, l’équipe de France de rugby se faisait humilier durant le quart de finale de la coupe du monde face aux All Blacks, l’équipe de Nouvelle-Zélande, avec un score de 62 à 13. Une véritable déculottée qui a marqué un tournant dans l’histoire du XV de France — tant au niveau sportif qu’au niveau communicationnel.
Fracture entre passé et présent
Il faut dire que l’équipe de France de Philippe Saint-André (entraîneur de 2012 à 2015) était loin du prestige de ses aînées. Un jeu sans intérêt et stéréotypé, une claire fracture entre les joueurs et le staff, les critiques médiatiques se faisaient de plus en plus virulentes, sans jamais vraiment savoir qui accuser. L’entraîneur, oui. Mais pas trop. Après tout, il s’agit d’une équipe nationale. Peut-être pas aussi populaire que l’équipe de France de football ou l’équipe de France de basket – tous deux des sports plus (re)connus à l’international – mais tout de même. Le milieu sportif est surmédiatisé, mais il est aussi porteur du softpower d’un pays. Comment dénigrer ainsi l’image de sa vitrine médiatique nationale ? Alors oui, personne ne bronchait, ni les joueurs ni les médias ni les instances de décision nationales du rugby. Politique de l’autruche qui a fini par se retourner contre eux.
Certes, la France n’a jamais remporté les championnats du monde. Mais il y a encore une dizaine d’années, elle était considérée comme une nation majeure du rugby international, au point d’accéder à la finale de la Coupe du Monde 2011, et de ne s’y incliner que d’un petit point, après un arbitrage douteux. Les joueurs eux-mêmes faisaient figures de référence – Thierry Dusautoir, capitaine emblématique, a même été nommé meilleur joueur du monde cette année là. La France disposait d’une image favorable auprès du public et des médias. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.

Thierry Dusautoir marque le seul essai de la finale du championnat du monde 2011.

Après la politique de l’autruche vient donc la politique du coup de balais. Exit Saint-André et une grande partie de son staff. Guy Novès, entraîneur le plus titré d’Europe, prenait alors la tête du XV de France : l’espoir renaissait.
Flou Communicationnel
Seulement, la stratégie communicationnelle du XV de France devait changer en même temps que son entraîneur. Fini les interviews régulières des joueurs comme les autorisait « PSA ». Afin de les laisser se concentrer sur le rugby, sur leurs entraînements, Guy Novès réduisait au maximum les interactions entre acteurs sur le terrain et médias, tout en se permettant lui-même de régulièrement leur couper l’herbe sous le pied. Un bras de fer s’engage entre journalistes avides de scoops et de gros titres et un entraîneur expérimenté, habitué à la pression médiatique – et sachant parfaitement insinuer que lui a une légitimité et une expérience pour parler de rugby, quand les journalistes professionnels n’en ont que peu, et n’ont souvent jamais frôlé la pelouse d’un terrain.

Guy Novès, entraîneur actuel du XV de France

Seulement, les résultats ne suivent pas. Le XV de France a certes regagné en popularité depuis que l’ancien manager toulousain est à sa tête, au point de récolter 22% des parts d’audience selon France Télévisions. Le crédit en revient à un jeu plus séduisant, à une ligne directrice claire et à une relation plus stable entre l’équipe nationale et les clubs.
Mais samedi 25 février, l’équipe de France perdait son match contre l’Irlande lors de la troisième journée du Tournoi des Six Nations, diffusé sur France 2. Le deuxième en l’espace de trois jours. Le quatrième en cinq matchs. Ça fait beaucoup, du moins aux yeux des journalistes. L’équipe de France peut-elle redevenir une grande équipe ? Guy Novès est-il la bonne personne ? Ces vieilles questions, les mêmes qu’il y a quatre ans, se couplent à des nouvelles, résultant de la récente élection de Bernard Laporte – ancien Ministre des Sports et entraîneur du Racing Club de Toulon – à la tête de la Fédération Française de Rugby.
Bernard Laporte a pour objectif de redorer le blason de la France à l’international et auprès des médias. Il veut des joueurs médiatisés, des « stars », pour porter le visage de l’équipe de France sur et en dehors des terrains. Une politique contraire à celle de Novès, donc. Encore une marque du fossé communicationnel et médiatique existant entre l’équipe et les instances de décision. La communication du XV de France se fait de plus en plus hermétique, attendant que les résultats montrent enfin le bout de leur nez, tandis que les journalistes critiquent de plus en plus cette absence de transparence qui les limite dans leur travail.

Le capitaine actuel du XV de France, Guilhem Guirado, l’un des seuls joueurs à apparaître
régulièrement en conférence de presse.

Foot VS Rugby : un match perdu d’avance
Si le XV de France a gagné en popularité, il est loin d’atteindre la notoriété du football. Si l’on interroge des personnes dans la rue sur les joueurs de l’équipe de France de football actuelle, ils sauront toujours vous donner un nom – ne serait-ce que grâce à la coupe d’Europe de l’année dernière. Faites la même chose avec le rugby ? Vous obtiendrez peut-être le nom de Louis Picamoles, l’un des seuls joueurs à surnager ces dernières années, mais c’est à peu près tout. Un fossé, donc, entre les deux sports les plus médiatisés en France. Ce fossé entre football et rugby ne date pas d’aujourd’hui. Outre les différences intrinsèques à la pratique de ces deux sports, ce sont aussi leur professionnalisation et leur médiatisation qui creusent l’écart.

Louis Picamoles, n°8 du XV de France, surnommé « King Louis » Outre-Manche

En France, le football a été ouvert à la professionnalisation depuis les années 1930; le rugby l’est seulement depuis 1995. Une différence temporelle qui a permis au football de s’habituer à la médiatisation – pour le meilleur comme pour le pire – alors que le rugby se débat toujours avec les enjeux et les conséquences de celle-ci.
On veut des joueurs professionnels compétents pour jouer en équipe de France, mais la plupart des clubs de l’élite préfèrent acheter des joueurs internationaux étrangers en pré-retraite pour gagner des titres et s’attirer l’attention des médias. On veut que l’équipe de France gagne et soit populaire, mais on lui tire dessus dès qu’elle perd, sans lui laisser le temps de se construire. On veut des joueurs « stars », médiatisés, figures emblématiques du sport, mais on les rabaisse à la moindre bourde, en particulier les jeunes.
Le XV de France semble donc perpétuellement sur le fil, déchiré entre une nécessité de résultats, des conditions défavorables et une communication aléatoire, qui ne sait pas choisir entre la médiatisation ou l’aspect purement sportif de l’activité et ce, au niveau même des instances de décision. Cela a pour résultat une communication intra et extra-sportive banale, ressemblant davantage à des tirs croisés entre journalistes et professionnels du rugby, et desservant encore plus l’image du XV de France au niveau national comme international.
L’équipe de France a jusqu’à la prochaine Coupe du Monde en 2019, pour faire converger ces différences, et trouver une ligne directrice communicationnelle cohérente.
Margaux Salliot
Sources :
« TOURNOI DES 6 NATIONS – Les Bleus n’ont pas de star(s) mondiale(s) et c’est un vrai souci… », article du 26 février 2016, d’Yvan Petros pour le site Rugbyrama, consulté le 28 février. http://www.rugbyrama.fr/rugby/6-nations/2017/tournoi-des-6-nations-les-bleus-n-ont-pas-destar-s-mondiale-s-et-c-est-un-vrai-souci._sto6073028/story.shtml
« XV de France: Guy Novès, c’est enfin officiel ! », article du 31 mai 2015 de Richard Escot pour L’Equipe, consulté le 28 février. http://www.lequipe.fr/Rugby/Actualites/Noves-c-est-enfin-officiel/563007
« L’Irlande étouffe le XV de France », article du 25 février 2016 de Richard Escot pour L’Equipe, consulté le 28 février. http://www.lequipe.fr/Rugby/Actualites/Tournoi-des-6-nations-l-irlande-etouffe-le-xv-de-france/781222
« GUY NOVÈS AFFICHE SES INTENTIONS DE JEU ET RENVOIE MARC LIÈVREMONT DANS SES 22 », article de Riway Demay du 2 novembre 2015 pour LeRugbynistère, consulté le 28 février. http://www.lerugbynistere.fr/videos/video-xv-france-guy-noves-affiche-intentions-jeu-renvoiemarc-lievremont-22-0211151022.php
Crédits photo :
Christophe Ena pour 20 Minutes, le 9 février 2016 : http://www.20minutes.fr/sport/1784863-20160211-xv-france-guy-noves-dort-trop-moment
Rob Griffith pour Le Monde¸ article du 24 octobre 2011 : http://www.lemonde.fr/sport/portfolio/2011/10/24/thierry-dusautoir-le-rugbyman-de-l-annee-en-images_1592922_3242.html
Image de l’Agence France Presse pour La Croix, article du 18 novembre 2016 : http://www.lacroix.com/Sport/Guirado-Un-match-charniere-pour-XV-France-2016-11-18-1300804179
Image de l’AFP pour Le Dauphine, article du 2 novembre 2015 : http://www.ledauphine.com/sport/2015/11/02/louis-picamoles-quittera-toulouse-pour-northampton-la-saison-prochaine

Culture

Traditionnel VS contemporain : une confrontation légitime ?

La récente annonce de la fermeture du Ringling Bros, considéré comme « le plus grand spectacle au monde », est révélatrice de l’accablante concurrence qui s’opère au sein du microcosme des arts du cirque. Le cirque traditionnel peine aujourd’hui à se frayer un chemin face à l’effervescence du « nouveau cirque » qui a su capter un nouveau public et actualiser sa communication en conséquence. Les dispositifs utilisés et les imaginaires invoqués dans les deux grands genres du cirque méritent certes d’être confrontés. Néanmoins, plutôt que de les opposer, ne devrait-on pas les envisager comme complémentaires ?
Différentes techniques d’approche
S’il existe un point sur lequel cirques traditionnel et contemporain se distinguent profondément, c’est bien leur communication externe.
Le cirque traditionnel use d’un marketing direct reconnaissable. En effet, l’arrivée du chapiteau est marquée par la déambulation d’un camion, dans lequel le directeur du cirque klaxonne et scande des appels au mégaphone. S’ajoute à cela la célèbre parade des animaux et artistes dont la forme nous invite à parler de ville-média. La ville est un espace à la fois vécu, en tant que point de rencontre, et investi, comme dispositif de teasing.

Le cirque contemporain livre quant à lui un charme beaucoup plus subtil. Il utilise notamment les réseaux sociaux pour communiquer et garder une relation privilégiée avec son public.

Les compagnies contemporaines profitent également de la publicité des organismes partenaires. À Paris par exemple, La Villette permet chaque année à des compagnies ou des écoles de proposer leur création.

Les campagnes d’affichage sont utilisées par les deux formes de cirque mais expriment des valeurs différentes.

Sur l’affiche du cirque traditionnel Pinder, les couleurs sont voyantes et percutantes, elles laissent apparaitre dans une police excessivement ornée le nom du cirque. Au premier plan, sont visibles les animaux, véritables stars du spectacle. Nous apercevons derrière le dompteur ainsi que les clowns, pièces maîtresses du cirque traditionnel. Les autres artistes tels que les trapézistes se situent au dernier plan et paraissent accessoires. En comparaison, l’affiche CirkaCuba, dernière création du cirque Phénix, conserve des couleurs gaies, mais la police reste sobre et le nom du cirque discret. Le schéma de lecture est inversé puisqu’ici, seul l’artiste est mis en avant. De plus, si l’on retire le titre de l’affiche, le visuel n’est pas spontanément compréhensible. En effet, il incite davantage à un voyage exotique qu’à un spectacle de cirque. C’est pourquoi le titre a un rôle fondamental puisqu’en tant que « message linguistique », il vient prendre, selon l’expression de Roland Barthes, la fonction de « relais ». Autrement dit, il ne vient pas seulement compléter le sens que l’image laisse transparaître (comme le ferait la fonction d’« ancrage »), il ajoute une information nécessaire à la compréhension de l’affiche.

Ces deux formes prennent néanmoins racine dans un même héritage de valeurs. Effectivement, elles cherchent à développer les notions de partage et de découverte, et n’hésitent pas pour cela à valoriser rencontres et festivals. C’est le cas du Festival International du cirque de Monte-Carlo et du Festival Mondial du Cirque de Demain.
L’imaginaire développé
Le cirque traditionnel se caractérise par une construction séquentielle de ses numéros avec, pour chaque artiste, une spécialité. Les prouesses spectaculaires de l’acrobate alternent avec le clou du spectacle, les animaux sauvages.

Au contraire, dans le cirque contemporain, c’est une œuvre totale, vectrice d’une véritable histoire, qui est donnée au public. La création des Étoiles du Cirque de Pékin, Le Petit Dragon, suit en effet une trame narrative. Toute la représentation repose sur le personnage principal, d’où la nécessité de la polyvalence des artistes. Le registre du spectacle est ainsi différent. Si d’un côté l’exploit technique et la prise de risque sont valorisés, de l’autre, on préfère la multidisciplinarité et le renouvellement fréquent des spectacles.

Le « nouveau cirque » encourage largement l’éclectisme artistique et c’est d’ailleurs pour cela que l’on parle aujourd’hui d’« arts du cirque ». La compagnie des 7 doigts de la main en est une belle illustration. Dans leur spectacle Traces, se chevauchent sur une base de cirque traditionnel, théâtre, danse, skateboard et même basketball. Le cirque se trouve alors à la portée de tous, ce n’est plus nécessaire d’avoir grandi sous un chapiteau. Cette démocratisation se traduit notamment par l’ouverture d’écoles de cirque partout dans le monde depuis les années 1970.

L’adaptabilité au public : une exigence
Dans L’Esprit du temps (1962), le sociologue et philosophe Edgar Morin livre une interprétation de la culture de masse que nous pourrions adapter au cirque. Ce dernier est en effet caractérisé par une tension permanente entre innovation et standardisation.
Les conventions circassiennes sont remises en question à tel point que les cirques traditionnels cherchent à assimiler certains codes contemporains, tant au niveau du fond que de la forme. Alexis Gruss construit notamment son spectacle Empreintes en deux parties. La première est destinée aux traditionnels numéros équestres tandis que la seconde est consacrée à une forme nouvelle plus théâtrale et tournée vers le music hall. Arlette Gruss a de son côté pris l’initiative de créer un compte Instagram pour augmenter sa visibilité. Deux questions se posent : est-ce efficace ? Cette communication est-elle en adéquation avec l’image du cirque traditionnel ?

Le public désormais averti, ses attentes sont plus exigeantes et cela concerne notamment le débat sur la présence ou non des animaux sauvages dans les cirques traditionnels. Suite aux plaintes des associations telles que People for the Ethical Treatment of Animals (PETA), certains cirques les ont retirés de leur spectacle. C’est le cas du fameux Ringling Bros il y a deux ans. Un problème est à souligner : même si les fauves ou les éléphants sont source de polémique et tranchent l’opinion publique, c’est une des grandes différenciations dont le cirque traditionnel peut se vanter. Est -ce alors la bonne solution de supprimer les animaux des cirques traditionnels et se rapprocher ainsi de l’esprit contemporain ? Dans ce dernier, la concurrence est déjà rude, le cirque traditionnel doit certes innover mais pour cela, il serait plus ingénieux qu’il trouve son propre positionnement sans calquer celui du cirque traditionnel.
Cirque du Soleil : une machine du marketing
Le Cirque du soleil peut être considéré comme le summum du cirque contemporain. Pour de nombreux professionnels du marketing, c’est un cas d’école dans la mesure où il est parvenu à créer les codes de son marché grâce à une stratégie fondée sur l’innovation de rupture : « l’océan bleu ». Le Cirque du soleil a eu la brillante idée de tout miser sur la différenciation de son offre. Le nombre incalculable de spectacles, dont le thème diffère à chaque fois, et ce dans le monde entier, en font sa particularité. Il produit 18 spectacles dans 60 pays différents et emploient 1200 artistes dans le monde entier. De plus, l’entreprise de divertissement n’hésite pas à collaborer avec d’autres marques telles que Lipton pour la machine à thé T.O lancée par le groupe Unilever.

La mort du cirque traditionnel ?
La popularité du cirque contemporain ne signe pas la mort du cirque traditionnel puisque ce dernier s’inscrit dans un héritage de valeurs et de pratiques qui sont encore appréciées du public. Le « nouveau cirque » peut être envisagé comme un moyen de susciter l’intérêt porté au cirque en général et ainsi une façon d’engendrer de la curiosité envers les valeurs authentiques du cirque.
Pauline Baron
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Sources:
Huffington Post, « Le cirque américain Barnum, qui a inspiré une expression de la langue française, ferme ses portes », 15/01/17, consulté le 04/02/17
ARNOUX Patrick, « Alain Pacherie et David Dickens, Cirque Phénix : « Le nouveau cirque doit étonner, surprendre, séduire, émouvoir“», Le Nouvel Économiste, 14/11/16, consulté le 1/02/17
BRUN Raphaël, « Quel avenir pour le cirque ? », L’Observateur de Monaco, 23/01/14, consulté le   08/02/17
ARNAUD Jean-François, « Le Cirque du Soleil multiplie les talents », 23/01/14, consulté le 02/02/17,
RICO Freddy, « La stratégie Océan Bleu : Comment créer une différenciation ? », 25/01/17, consulté le 11/01/17
MUSNIK Isabelle, « Le Cirque du Soleil fait danser T.O by Lipton », Influencia, 01/11/15, consulté le 07/02/17
Crédits photo :
Blog Le Figaro, K. El Dib,  « Le théâtral art de la piste de la famille Gruss », 27/12/11, http://blog.lefigaro.fr/theatre/2011/12/le-theatral-art-de-la-piste-de.html
EJuggle, International Jugglers’ Association, « Juggling in fashion – the changing attire of performers and juggling festival attendees », 12/01/16, http://ezine.juggle.org/2016/01/12/juggling-in-fashion-the-changing-attire-of-performers-and-juggling-festival-attendees-2/
Ouest France, « Evénement à Quimper. Le cirque Medrano est arrivé », 13/04/15, http://www.ouest-france.fr/bretagne/quimper-29000/evenement-quimper-le-grand-cirque-medrano-est-arrive-photos-3331038
Cirque Pinder, http://cirquepinder.com/programmes/17006-programme-pinder-2015.html
France Net Infos, « CirkaCuba du Cirque Phénix à Paris et en tournée 2017 », 03/12/16, http://www.francenetinfos.com/cirkacuba-cirque-phenix-154308/
Like Monaco, « Le 41e Festival International du Cirque de Monte-Carlo », 25/01/17, http://likemonaco.com/41e-festival-international-cirque-de-monte-carlo-2/
Sortir à Paris, « Le Festival Mondial du Cirque de Demain 2017 », 08,01/16, https://www.sortiraparis.com/scenes/spectacle/articles/47896-le-festival-mondial-du-cirque-de-demain-2017
Chaîne Youtube Cirque d’Hiver Bouglione de Paris, « Surprise, clip officiel au Cirque d’Hiver Bouglione », 18/10/16, https://www.youtube.com/watch?v=1gW36_OD6r4
Chaîne Youtube Cirque Phénix, « Le Petit Dragon – Teaser – Spectacle 2015 », 12/12/14, https://www.youtube.com/watch?v=BiSpoe3Z9GE
Chaîne Youtube Regent Theatre Dunedin, « Traces – Les 7 Doigts de la Main », 09/06/16, https://www.youtube.com/watch?v=0trzAVA_KO8
Chaîne YouTube Cirque du Soleil, “TORUK – The First Flight by Cirque du Soleil – Trailer”, 19/12/2016, https://www.youtube.com/watch?v=0c3mnVPkwhM
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Capture d’écran Instagram La Villette
Capture d’écran Instagram cirquearlettegrussofficiel

Culture

Stars, musique et investiture : ce que la politique doit à la musique

C’est le 20 janvier dernier que le nouveau Président élu a été introduit à la fonction suprême, au cours de l’une des cérémonies les plus codifiées de la tradition américaine. L’usage veut en effet que la prestation de serment soit suivie d’une série de chants et de concerts à la gloire de l’Amérique et de son nouveau leader.
MUSIQUE & INVESTITURE
La musique tient une place importante dans cette très longue cérémonie, où un/une artiste de premier plan vient célébrer l’union du pays. Une nouveauté cette année : venir chanter à l’intronisation du président des États-Unis est devenu un acte politique. En effet, de grandes chanteuses classiques telles que Marian Anderson ou encore Jessye Norman s’étaient produites aux inaugurations de présidents aux idées radicalement opposées (Eisenhower et Kennedy pour la première, Reagan et Clinton pour la seconde). Même Ray Charles, démocrate convaincu, était prêt à venir chanter pour Reagan, et le fit par ailleurs pour une convention du parti républicain.
C’est depuis Roosevelt en 1941 que showbiz et politique se sont liés pour faire de cet acte solennel un évènement marquant de l’Histoire. Parler sur l’esplanade du Capitole n’était alors pas un acte de soutien au nouveau dirigeant, mais une preuve d’engagement pour la nation. À l’époque, ce sont les paroles d’Ethel Barrymore ou encore celles de Charlie Chaplin reprenant un monologue de son film The Great Dictator, qui ont résonné devant le Capitole. Une liste des plus grandes icônes de la culture américaine du XXème siècle a suivi : de Frank Sinatra à Fleetwood Mac en passant par Bob Dylan, Aretha Franklin, Stevie Wonder ou encore Beyonce.
Jusqu’à l’ère Obama, être invité à chanter dans le cadre d’une investiture était un honneur, une consécration pour l’artiste et son œuvre, entrant au panthéon des grandes voix de l’Amérique. Inviter des artistes est aussi le moyen pour le nouveau président élu de faire une synthèse historique de l’Amérique des Arts et de celle du pouvoir, pour produire le symbole fort d’un pays rassemblé sous le même drapeau, le temps de son mandat du moins.

TRUMP MUSIC
Aux prémices de la nouvelle ère Trump, se produire à l’investiture n’est plus un acte patriote, mais est vu comme un service rendu à un homme sans foi ni loi. Jennifer Holliday, icône gay et un temps annoncée, s’est finalement retirée n’ayant « pas pris en compte le fait que [sa] participation serait vue comme un acte politique allant à l’encontre de [ses] propres croyances et serait considérée à tort comme [son] soutien à Donald Trump et Mike Pence ».
Son impopularité sans précédent et ses prises de position protectionnistes, misogynes ou anti-islamistes ont fait de lui un ennemi face auquel la culture s’est rassemblée. Les rumeurs de refus de grandes stars telles que Céline Dion ou Justin Timberlake se sont rapidement répandues dans les médias. Certains artistes ont refusé publiquement la proposition de l’équipe de Trump comme Moby, publiant même sur Spotify une playlist de ce qu’il aurait joué comme DJ à sa soirée d’investiture (American Idiot de Green Day ou encore Strange Fruit de Billie Holiday en font partie).
D’autres ont paru hésiter quelques temps avant de refuser à leur tour. C’est le cas du ténor italien Andréa Boccelli, dont le candidat élu était visiblement très fan. Ce dernier aurait finalement lui-même conseillé au chanteur de ne pas se produire à sa propre cérémonie « à cause des réactions que cela pourrait provoquer ».
Certains autres ont rompu les rangs du rassemblement, souhaitant chanter « contre le racisme », comme Rebecca Fergusson ou encore Azealia Banks. Ce ne sont évidemment pas celles qui auront été retenues. Au programme s’alignaient Jackie Evancho, finaliste malheureuse de America’s got talent, Toby Keith, chanteur country aux paroles plutôt patriotes, The Rockettes, troupe de danseuses new-yorkaises se produisant chaque Noël au Radio City Music-Hall, entre autres.
Cette pauvreté en termes de programmation a rapidement suscité les sourires, et le symbole d’un Président entouré de si peu de représentants de la culture populaire a renforcé l’image d’un leader isolé du peuple qu’il s’apprête à diriger. L’invitation de célébrités, censée sous Roosevelt être un vecteur de popularité et de confiance, s’est révélée être un échec cuisant sur le plan de la communication de Donald Trump. Tom Barrack, grand organisateur de cette cérémonie d’investiture, relativisera finalement ces désistements en assurant : « Nous avons la chance d’avoir la plus grande célébrité du monde, qui est le président élu […] Donc ce que nous allons faire, au lieu de mettre autour de lui des gens illustres, c’est l’entourer de la douce sensualité des lieux. Il s’agira davantage d’un mouvement poétique que d’une cérémonie de couronnement façon grand cirque. »

CONTRE-CONCERT ET PROTESTATION, LA MUSIQUE EN MARCHE
Dès le lendemain de l’investiture, les rues de Washington se sont remplies de 500 000 opposants au nouveau Président. : la Women’s March rassemblait des mécontents parmi lesquels des célébrités du cinéma et des stars de la musique. Scarlett Johansson, Alicia Keys, Madonna, Katy Perry, Janelle Monae étaient au micro de la scène montée pour l’occasion, pour exprimer leur colère et l’espoir d’un pays qui respecte ses femmes.
Quelques jours plus tôt, lors de la fête de départ du couple Obama, une liste impressionnante d’artistes conviés, des plus anciens aux plus jeunes, de Stevie Wonder à Chance The Rapper. Des concerts étaient aussi organisés à la Maison Blanche, Barack Obama ayant par ailleurs fait l’honneur aux employés d’inviter Bruce Springsteen pour un concert privé.
La musique et l’art en général, ont donc fait entendre leurs voix pour choisir leur camp, et ce contraste frappant entre un pot de départ avec autant de stars et une cérémonie officielle dépourvue de têtes connues, a tôt fait d’alimenter les shows télévisés. Donald Trump, pour la première fois, est apparu officiellement comme un Président qui n’a pas su rassembler de grands acteurs du rayonnement international de son pays, et a même suscité l’hostilité du milieu de la musique, l’un des plus puissants soft powers américains…ayant un jour donné à l’Amérique sa grandeur.
César Wogue
Crédits photo :

REUTERS/Yuri Gripas
Hahn Lionel/ABACA USA,
Paul Morigi, Getty Images
Mikaëla Samuel, Investiture de Donald Trump: comment les stars américaines lui ont tourné le dos
Sarah Larson, TRUMP AND CELEBRITY APPROVAL: YOU CAN’T ALWAYS GET WHAT YOU WANT

Sources :

24.01.17, Investiture de Donald Trump: comment les stars américaines lui ont tourné le dos, consulté le 6/02/17
Jess Fee, Music Monday: Inauguration Artists Over the Years, 22.01.13, http://mashable.com/2013/01/21/, consulté le 5/02/17
09.01.17, Trump and Celebrity Approval: You Can’t Always Get What You Want, The New Yorker, consulté le 5/02/17
FACT, We reviewed all the really great, not sad acts playing Donald Trump’s inauguration, 20.01.17, consulté le 5/02/17
Sylvain Siclier, Un accueil musical cinglant pour Donald Trump, Le Monde abonnés, 20.01.17, consulté le 5/02/17
Pierre Bouvier, L’investiture de Donald Trump, un spectacle codifié, Le Monde abonnés, 20.01.17, consulté le 6/02/17
Le Monde, Donald Trump a peiné à trouver des artistes pour son investiture, 20.01.17, consulté le 6/02/17
Stephanie Merry, Inauguration performances weren’t always so contentious: Highlights from the last 75 years, The Washington Post, 12.01.17

Culture

Superbowl 2017, quand la politique s'invite au stade

Le Superbowl est un des évènements sportifs les plus importants de la planète qui a réuni cette année, plus de cent millions de téléspectateurs. Ï les annonceurs, c’est l’occasion de réaliser le coup marketing de l’année. Afin de capter l’attention des téléspectateurs, de plus en plus las des formats classiques, la publicité devient un spectacle à part entière.
Mais puisque pertinence publicitaire rime souvent avec actualité médiatique, certaines marques n’ont pas hésité à profiter de la couverture médiatique pour exprimer leur positionnement anti-Trump. Ce qui — ne le nions pas — leur offre à leur tour, un rayonnement international. Parmi les sujets très controversés sont revenus le projet de construction d’un mur à la frontière mexicaine, mais aussi le « muslim ban », décret interdisant l’entrée sur le territoire de ressortissants de certains pays arabes. Si celui-ci a été rejeté par la justice, il en dit long sur la couleur que Trump donnera à son mandat. Le traditionnel show de mi-temps, assuré par Lady Gaga, s’avère après analyse, beaucoup plus politisé qu’il n’en a l’air.
Des publicités aux messages forts
La publicité de 84 Lumbard, fabricant de bois de construction, a certainement délivré le message le plus limpide. Une mère et sa fille traversent le Mexique pour se retrouver face à un mur infranchissable en arrivant à la frontière des États-Unis. Elles trouvent finalement une porte leur permettant d’entrer. Puis, « la volonté de réussir est toujours la bienvenue ici » s’affiche à l’écran. La référence à la construction du mur est si évidente que Fox News, la chaîne diffusant le match et ayant ouvertement soutenu Trump durant la campagne, a demandé à l’annonceur de supprimer la fin du film comprenant le mur. Une censure en partie détournée par l’invitation à voir la suite de la publicité sur leur site internet, qui a rapidement saturé.

84 Lumbard s’est défendu d’encourager l’immigration illégale. Rob Shapiro de la Direction client de Brunner, l’agence à la tête de cette campagne déclare à ce sujet : « il n’était pas possible d’ignorer ce mur et les débats sur l’immigration qui se tiennent dans les médias et dans tous les foyers américains. Alors que tous les autres tentent d’éviter la polémique, n’est-il pas temps pour les marques de défendre ce en quoi elles croient ? ».
Airbnb, Expedia ou encore Budweiser ont eux aussi diffusé des spots attaquant directement la politique anti-immigration de Trump et ventant les bénéfices de celle-ci sur l’économie et la société.

La publicité politisée s’appuie sur le discours d’information objectivé par les pratiques journalistiques de la société. En l’occurrence, l’opposition à la politique controversée de Trump est largement relayée dans les journaux du monde entier. Défendre « ce en quoi les marques croient » correspond à une stratégie de communication qui reflète l’état d’esprit d’une partie de la société. Pour Patrick Charaudeau, professeur à l’Université Paris XIII et chercheur au CNRS, tous ces savoirs qui constituent la source des références faites dans la publicité, correspondent à une « représentation rationalisée sur l’existence des êtres et des phénomènes sensibles du monde ». Ce type de discours s’apparente aussi à un discours politique dans la promesse d’un bien-être prochain, l’idée d’une cause commune, où le pouvoir d’achat remplace le vote. Il rompt en outre, avec la vision d’un discours publicitaire déconnecté de la société.
Le show de Lady Gaga, une référence cachée aux scandales de Trump père?

Le spectacle de Lady Gaga avait tout ce qu’on attendait de la mi-temps du Superbowl. La scène montée en un temps record donnait l’impression d’être en plein milieu d’un de ses concerts. La chanteuse a toujours revendiqué son soutien à la communauté LGBT et son opposition à Donald Trump. Ainsi, beaucoup espéraient quelques mots à ce sujet durant son spectacle. Mais, comme elle l’avait annoncé, aucune allusion directe au Président n’a été faite, à part peut-être le jet de micro à la fin du concert, rappelant celui de Barack Obama lors de son dernier discours.
Cependant au début du spectacle, la chanteuse a entonné This is your land de Woody Guthrie. Cette chanson de protestation est extrêmement connue aux États-Unis, elle a été chantée par Bruce Springsteen à la cérémonie d’investiture de Barack Oabama. Mais ce que peu savent, c’est que l’auteur lui-même était un opposant à Trump … père.
Écrite dans les années 30, This is your land ne paraît qu’en 1951. Elle a été raccourcie et les vers politisés ont disparu pour plaire au plus grand nombre. Il aura fallu attendre jusqu’en 1997 pour découvrir le reste de la chanson. Les paroles sont en effet, une critique du système américain qui laisse, comme l’a connu Guthrie lorsqu’il écrivait cette chanson, des personnes dans la faim et dans la pauvreté.

Mais c’est dans un autre texte de 1950 que Guthrie critique ouvertement la Trump Organization, alors dirigée par Fred Trump, le père de Donald. Après la guerre, la crise immobilière a laissé des milliers de personnes sans logement. Fred Trump a profité de cette opportunité pour développer un parc immobilier en signant des contrats publics avec la Federal Housing Administration.
Guthrie a habité pendant deux ans à Beach Heaven, un parc de logement de la Trump Organization, à Brooklyn. Dans sa chanson I ain’t go home, aussi appelée Old Man Trump, il dénonce deux choses : la discrimination raciale de Beach Heaven, qui n’accepte pas les Noirs, mais aussi des loyers aux prix exorbitants en nommant directement Fred Trump comme responsable.
« Beach Haven ain’t my home!
I just cain’t pay this rent! »
« Beach Haven looks like heaven Where no black ones come to roam!
No, no, no! Old Man Trump! »
En 1954, la Trump Organization est effectivement accusée de fraude de 4 millions de dollars au gouvernement américain suite à une sur-évaluation des loyers. Entre 1973 et 1978, le département des Droit Civils l’accusera également de discrimination raciale. Les dossiers ont établi qu’une politique de discrimination raciale était menée, visant à réduire la population noire dans les logements.
En interprétant une de ses chansons, la voix de Lady Gaga se lie indéniablement à celle de Guthrie. Ainsi, tout en subtilité, elle redonne vie à l’esprit contestataire de Guthrie, ainsi qu’à son opposition à Trump. Elle n’embarrasse pas le sponsor du spectacle, Pepsi, par des remarques directes. Non, elle retourne ce géant de la culture américaine contre celui qui, en remettant en cause l’immigration, qui est un des fondements de cette société cosmopolite, tente de la détruire.
Louise Cordier
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@louisycordier
Sources :

« La publicité politisée : du devoir de discrétion à l’impératif de transparence » pas de date de publication, lu le 8 février 2017
« This Land Is Our Land: how Lady Gaga sang an anti-Trump protest song at the Super Bowl without anybody noticing », Telegraph, Alice Vincent, publié le 6 fevrier 2017, lu le 7 février
  « Super Bowl: des spots publicitaires anti-Trump diffusés », publié par l’Express le 6 février 2017, lu le 7 février
Fred Trump, Wikipedia, lu le 7 février 2017

Crédits :

Photo de couverture, Airbnb, Superbowl 2017
Woody Guthrie, image de la pochette du vinyl sorti en 1997, label Smithsonian Folkways Recordings
GIF Lady Gaga au Super Bowl 2017

 

Culture

Qui me lira ?

Le livre est un objet bien particulier. Attachant, symbolique, intime, il raconte parfois plus d’une histoire : la sienne et la nôtre. Partage, échange et lecture semblent alors former un cocktail qui va de soi. S’inspirant des campagnes de partage de livres qui agissent au Royaume Uni, The Fair, une société basée à Pékin, lance l’initiative Mobook : plus de 10 000 livres sont éparpillés près des transports en commun dans les grandes villes de Chine, prêts à être cueillis par d’avides lecteurs… Mais la réception manque curieusement et véritablement de poésie !
L’échec Mobook : une histoire qui finit mal
L’association Books on the Underground, fondé au Royaume-Uni, nous reconnecte avec la notion d’échange interpersonnel, émanant du livre. Le principe est simple : des livres sont déposés dans le métro presque tous les jours par des membres de l’association. Cette dernière est soutenue par de nombreux auteurs, éditeurs, mais aussi réalisateurs et acteurs. La participation d’Emma Watson à cette campagne en est l’exemple le plus récent. En novembre 2016, l’actrice a déposé dans le métro londonien une centaine d’exemplaires du même livre, Mom & Me & Mom de Maya Angelou, accompagnée d’une petite note explicative écrite de sa propre main. L’initiative est admirable mais surtout elle fonctionne ! Les passants étaient intrigués, l’échange s’est alors fait en toute habileté.

Mais lorsque le partage dépasse les frontières de l’Europe pour atteindre la Chine, le résultat s’avère moins positif, et de loin. Effectivement, The Fair lance sa propre campagne de bookcrossing dans les villes de Shanghai, Pékin, et Guangzhou, avec pour projet de l’étendre encore plus. Passant de 100 livres déposés par Emma Watson dans les métros londoniens à 10 000 livres répartis dans les transports publics de Chine, cette volonté d’incitation à la lecture prend une toute autre forme. Non seulement les passagers ne se sont pas emparés des livres mais surtout des plaintes ont fusé de toute part ! Et ce pour de multiples motifs : le manque de place dans le métro, le manque d’originalité, et la provenance trop occidentale de ce modèle… En résulte une campagne d’abord très réussie qui se transforme en un fiasco total.
La Chine, dépourvue de lyrisme ?
La démarche de bookcrossing, mise en place plus intensivement en Chine, en devient presque excessive et contraste avec la subtilité des actions menées par l’association anglo-saxonne. En cachant uniquement cent livres dans le métro et en invitant au partage, Emma Watson confère un aspect unique à chaque exemplaire et à la personne qui le trouvera. Poétique et attrayante, cette démarche communicationnelle joue sur l’effet boule de neige : un petit noyau de livres et de lecteurs qui se propage et s’agrandit. Dès lors, le côté brusque et soudain de la campagne Mobook détonne avec l’atmosphère offerte, originellement, par cette initiative. Le cœur du problème est rapidement identifié : l’idée est bonne, mais la cible ne lui correspond pas. D’une part, les métros circulant dans les grandes villes de Chine sont surpeuplés et ne permettent pas une activité de lecture paisible. Les réactions, intransigeantes et austères, dénoncent le « trouble de l’ordre public » ; et de ce fait de nombreux livres sont récupérés par le service de nettoyage du réseau de transports.

D’autre part, la Chine est l’exemple même d’une société qui ne lit plus (ou très peu), notamment parce qu’elle privilégie la technologie. Un sondage mené par l’Académie Chinoise de la Presse et de l’Édition montre qu’un citoyen du pays a lu en moyenne moins de 5 livres au cours de l’année 2015, chiffre radicalement supérieur aux États-Unis, au Canada mais aussi en Corée du Sud, avec 11 livres lus par an, et 9 au Japon. Le concept marketing de Mobook est estimé illusoire et vain, dans la mesure où les communicants autour du sujet, tel que l’acteur Huang Xiaoming, ne lisent vraisemblablement pas non plus. La démarche tourne alors au ridicule et n’est plus considérée que comme une activité marketing, visant à promouvoir la société The Fair. Ce manque d’intérêt et ces conditions sont décidément peu propices à l’expansion et à la réussite d’une telle campagne.
Livre versus smartphone : une page qui se tourne ?
Autre facteur, autre problématique : la technologie a pris la relève depuis de nombreuses années dans de nombreux domaines. Le livre pourrait-il être dépassé ? Si le monde de l’édition tend à nous prouver que non, l’obsession pour les smartphones semble pourtant justifier en partie l’échec de Mobook. Les transports sont, par excellence, des lieux propices à la lecture et nous voyons constamment des voyageurs plongés dans leurs livres. Mais désormais les portables occupent bien souvent les mains des passagers, et cela se fait particulièrement ressentir en Chine. Les citoyens, le nez rivé sur leurs smartphones, préfèrent suivre les réseaux sociaux, regarder des émissions ou jouer à des jeux vidéos. La lecture se raréfie car elle n’est ici plus vue comme un plaisir, mais uniquement comme un moyen de réaliser des objectifs professionnels ou intellectuels.

Une question, quelque peu inquiétante, se pose : est-ce réellement la campagne Mobook qui est à l’origine de ce flop, ou bien le livre lui-même ? Murong Xuecun, écrivain chinois renommé, souligne le manque d’intérêt pour la lecture de la part de ses concitoyens. Néanmoins, il est loin de décrire une situation désespérée ; il encourage la poursuite d’initiatives de ce type, lesquelles sont, après tout, la clé pour retrouver l’essence même de la lecture, fondée sur l’échange et le partage. Alors attention ! Le livre n’a pas dit son dernier mot.
Madeline Dixneuf
Sources :
Books On The Undergroud, site officiel, consulté le 29/01/2017
http://booksontheunderground.co.uk/
French-china.org, Le partage de livre dans le métro fait un flop, publié le 17/11/2017, consulté le 29/01/2017
http://m.french.china.org.cn/french/doc_1_26361_2153068.html
ActuaLitté, Dans le métro la chasse aux livres façon Emma Watson finit mal, Nicolas Gary, publié le 19/11/2016, consulté le 29/01/2017
https://www.actualitte.com/article/monde-edition/chine-dans-le-metro-la-chasse-aux-livres-facon-emma-watson-finit-mal/68124
The Guardian, Emma Watson leaves free copies of Maya Angelou book on tube,
Alison Flood, publié le 3/11/2016, consulté le 30/01/2017
https://www.theguardian.com/books/2016/nov/03/emma-watson-free-copies-maya-angelou-books-on-tube-harry-potter
Crédits photos :
Actualitté.com
Facebook Books on the Underground
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French.China.org

Culture

La crudité des stars hollywoodiennes : rébellion ou communication ?

Les stars ont toujours été des personnes à part. Riches, talentueuses, et totalement inaccessibles. Pourtant, aujourd’hui, le fameux « nous sommes des personnes comme les autres », souvent utilisé comme critique à l’égard des paparazzis qui épient leur moindre faits et gestes, est devenu la bannière de nombreuses stars pour se faire aimer et connaître. Alors, véritable révolution du système, ou tactique de communication pour faire le buzz ?
Changement d’ère à Hollywood
Il n’y a pas si longtemps, les stars – en particulier les femmes – se devaient d’être des jolies poupées, souriantes et bien élevées, ne disant jamais un mot de trop et n’admettant jamais un faux-pli. Oh, des scandales, il y en avait, bien sûr. Mais dans les coulisses. On les divulguait lentement, savamment, avec un plaisir presque sadique, incarné aujourd’hui par la presse people. Mais, devant les caméras, il fallait être sage. Toutes celles qui dérogeaient à la règle étaient sévèrement réprimandées, accusées de donner un « mauvais exemple », d’être « vulgaires ». Il y a moins de dix ans, Miley Cyrus – à l’époque jeune et joli visage de la franchise Disney – posait nue, de dos, pour un magazine de mode ; les foules se déchaînaient, les parents, inquiets de la mauvaise influence que pourrait avoir sur leurs enfants la « dépravation » de leur idole, criaient au scandale. L’actrice avait dû s’excuser publiquement et promettre que cela ne se reproduirait plus. Aujourd’hui, Miley Cyrus se balade en culotte moulante en se frottant à tout ce qui bouge, même une boule de démolition. De Hannah Montana, il ne reste plus grand chose, mais Miley Cyrus fait en tout cas toujours autant parler d’elle, plus par son image de jeune femme décomplexée physiquement et sexuellement que pour ses chansons ou ses prestations d’actrice.

Miley Cyrus, provocatrice professionnelle bien loin des standards Disney
Le but est donc de scandaliser. Ou, au moins, de s’émanciper des clichés. Montrer qu’on est une femme (ou un homme) comme une autre, avec ses défauts, ses envies et ses désirs. Incarner la belle rebelle, à la fois cool et distinguée, une fille « who can do both ». Le double esthétisme « tapis rouge et siège de toilette », en résumé. Célébration de la beauté du monde, de l’art et du quotidien.
« Je suis une personne comme une autre »
La tête de proue de cette révolution de l’image de la star, c’est sans doute Jennifer Lawrence. Une belle blonde plantureuse, dans la veine des héroïnes d’Alfred Hitchcock et de la majorité des stars d’Hollywood (Kate Winslet, Pamela Anderson…). Une carrière internationale, un rôle d’idole des jeunes et, finalement, un parfait exemple de « petite fiancée de l’Amérique ». Sauf que rien ne se passe tout à fait comme prévu. En interview, « JLaw » est intenable, vulgaire, jamais avare d’anecdotes scatologiques ou de petites gaffes qui font sourire. Elle aime (trop) manger, elle aime traîner en pyjama chez elle, c’est une fan girl avouée des plus grandes stars d’Hollywood. En fin de compte, Jennifer Lawrence renvoie davantage l’image d’une fille ordinaire exposée sur les tapis rouges d’Hollywood que celle d’une célébrité soigneusement entraînée à se tenir devant les caméras.

Jennifer Lawrence, « everybody’s girlfriend » brisant les conventions
Cet entremêlement du « trash » et du quotidien s’est depuis largement répandu sur la petite planète Hollywood. La norme est désormais à la crudité décontractée et assumée : Ryan Reynolds, Kristen Stewart, Jemina Kirke, sont désormais des gouttes d’eau dans l’océan des célébrités clamant être « des personnes comme les autres ». Et malheur à celui ou celle qui refuserait de lâcher son image proprette ; la critique ne tardera jamais à s’acharner sur le malheureux, à l’accuser d’être « faux », « hypocrite » ou encore « trop conventionnel ». Le public en est venu à demander des aspérités, pas une communication toute lisse faite de discours préconçus. Les stars ne sont plus des figures lointaines et idolâtrées, mais des semblables, des personnes à qui on peut s’identifier.
Belles et rebelles, vraiment ?
Mais, au fond, qu’est-ce qui permet de prouver que ces stars n’essayent pas avant tout de se démarquer des autres pour faire le buzz et occuper le devant de la scène ? Si, finalement, tout cela n’était qu’une vaste stratégie de communication ?
Les actrices pratiquant cette forme de communication « libérée » des conventions hollywoodiennes sont, eh bien, des actrices. Difficile de savoir si elles sont sincères ou ne font que répéter un rôle soigneusement élaboré pour les faire paraître plus cools, plus accessibles, plus sympathiques, et donc, plus populaires aux yeux des spectateurs. Les gens veulent s’identifier : donc on leur donne les moyens de le faire.

Lena Dunham, star auto-proclamée anti-photoshop
Quelques petites – ou grosses – erreurs viennent ainsi entacher le discours des célébrités voulant être comme tout le monde, et, de ce fait, se faire les porte-paroles de tout le monde. Lena Dunham, par exemple, n’hésite jamais à s’afficher nue dans sa série Girls diffusée sur HBO afin que les jeunes filles prennent conscience qu’il n’y a pas besoin d’avoir une taille de mannequin pour être fière de son corps, ou à protester contre l’utilisation de Photoshop lors des shootings photos pour apparaître naturelle. Pourtant, elle a longtemps accepté des retouches mineures, jusqu’à apparaître totalement photoshopée sur plusieurs couvertures et magazines, tel que Vogue. Si l’actrice et réalisatrice s’est excusée, ces dérapages auraient tendance à prouver que la « vulgarité » des stars est avant tout une manière de se démarquer et d’attirer l’attention. Une rébellion peut-être sincère, donc, mais avant tout au service de leur image et de leur popularité.
En effet, il est difficile pour les stars d’être totalement émancipées, d’être l’exact reflet des publics qui les regardent. Tout d’abord parce qu’Hollywood demeure une « usine à rêves », et qu’on ne peut pas rêver en contemplant son propre reflet. On ne peut s’attendre à ce qu’une industrie basée sur l’esthétisme et la perfection formelle retourne complètement sa veste du jour au lendemain. Ensuite, parce que la limite entre crudité et scandale est toujours très mince, et que les stars adeptes de la communication sans fards en font souvent les frais. Leur propre stratégie de communication peut se retourner contre elles. Dernier exemple en date : Jennifer Lawrence, qui, en racontant joyeusement comment elle a accidentellement détruit un site sacré hawaïen lors d’un tournage, a déchaîné la colère des internautes et remis en cause son statut de « star cool » par celui de « star stupide, inconsciente et irrespectueuse ». Les stars sont scrutées par des milliers de gens, et, de fait, doivent agir en conséquence, éviter de vexer ou d’indigner les autres. Des gens comme les autres, oui. Mais pas trop non plus.
Margaux Salliot
Sources :
• “Jennifer Lawrence Interview by David Letterman”, 21 janvier 2013, consultée le 15 janvier 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=eoLfRlkOQVI
• Clip « Wrecking Ball » de Miley Cyrus, 9 septembre 2013, consulté le 18 janiver 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=My2FRPA3Gf8
• « La cellulite de Lena Dunham milite en couverture de Glamour », article de Clara Nahmias pour le magazine de cinéma Première, publié le 4 janvier 2017, consulté le 15 janvier 2017 : http://www.premiere.fr/People/News-People/La-cellulite-de-Lena-Dunham-milite-encouverture-de-Glamour
• Compte Instagram de la photographe Emma Summerton, consulté le 16 janvier 2017 : https://www.instagram.com/emmasummerton/
Crédits  :
• “Hollywood Hills” par Urut Berdasarkan sur le site http://wall–art.com/hollywood-hillswallpaper
• Capture d’écran du clip Wrecking Ball de Miley Cyrus, consulté le 18 janvier 2017, publié le 9 septembre 2013
• Capture d’écran d’une interview de Jennifer Lawrence sur le plateau de la chaîne CBS, postée le 21 janvier 2013 sur Youtube
• Emma Summerton, photo pour la couverture du magazine Glamour, 4 janvier 2017

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