Culture

Superbowl 2017, quand la politique s'invite au stade

Le Superbowl est un des évènements sportifs les plus importants de la planète qui a réuni cette année, plus de cent millions de téléspectateurs. Ï les annonceurs, c’est l’occasion de réaliser le coup marketing de l’année. Afin de capter l’attention des téléspectateurs, de plus en plus las des formats classiques, la publicité devient un spectacle à part entière.
Mais puisque pertinence publicitaire rime souvent avec actualité médiatique, certaines marques n’ont pas hésité à profiter de la couverture médiatique pour exprimer leur positionnement anti-Trump. Ce qui — ne le nions pas — leur offre à leur tour, un rayonnement international. Parmi les sujets très controversés sont revenus le projet de construction d’un mur à la frontière mexicaine, mais aussi le « muslim ban », décret interdisant l’entrée sur le territoire de ressortissants de certains pays arabes. Si celui-ci a été rejeté par la justice, il en dit long sur la couleur que Trump donnera à son mandat. Le traditionnel show de mi-temps, assuré par Lady Gaga, s’avère après analyse, beaucoup plus politisé qu’il n’en a l’air.
Des publicités aux messages forts
La publicité de 84 Lumbard, fabricant de bois de construction, a certainement délivré le message le plus limpide. Une mère et sa fille traversent le Mexique pour se retrouver face à un mur infranchissable en arrivant à la frontière des États-Unis. Elles trouvent finalement une porte leur permettant d’entrer. Puis, « la volonté de réussir est toujours la bienvenue ici » s’affiche à l’écran. La référence à la construction du mur est si évidente que Fox News, la chaîne diffusant le match et ayant ouvertement soutenu Trump durant la campagne, a demandé à l’annonceur de supprimer la fin du film comprenant le mur. Une censure en partie détournée par l’invitation à voir la suite de la publicité sur leur site internet, qui a rapidement saturé.

84 Lumbard s’est défendu d’encourager l’immigration illégale. Rob Shapiro de la Direction client de Brunner, l’agence à la tête de cette campagne déclare à ce sujet : « il n’était pas possible d’ignorer ce mur et les débats sur l’immigration qui se tiennent dans les médias et dans tous les foyers américains. Alors que tous les autres tentent d’éviter la polémique, n’est-il pas temps pour les marques de défendre ce en quoi elles croient ? ».
Airbnb, Expedia ou encore Budweiser ont eux aussi diffusé des spots attaquant directement la politique anti-immigration de Trump et ventant les bénéfices de celle-ci sur l’économie et la société.

La publicité politisée s’appuie sur le discours d’information objectivé par les pratiques journalistiques de la société. En l’occurrence, l’opposition à la politique controversée de Trump est largement relayée dans les journaux du monde entier. Défendre « ce en quoi les marques croient » correspond à une stratégie de communication qui reflète l’état d’esprit d’une partie de la société. Pour Patrick Charaudeau, professeur à l’Université Paris XIII et chercheur au CNRS, tous ces savoirs qui constituent la source des références faites dans la publicité, correspondent à une « représentation rationalisée sur l’existence des êtres et des phénomènes sensibles du monde ». Ce type de discours s’apparente aussi à un discours politique dans la promesse d’un bien-être prochain, l’idée d’une cause commune, où le pouvoir d’achat remplace le vote. Il rompt en outre, avec la vision d’un discours publicitaire déconnecté de la société.
Le show de Lady Gaga, une référence cachée aux scandales de Trump père?

Le spectacle de Lady Gaga avait tout ce qu’on attendait de la mi-temps du Superbowl. La scène montée en un temps record donnait l’impression d’être en plein milieu d’un de ses concerts. La chanteuse a toujours revendiqué son soutien à la communauté LGBT et son opposition à Donald Trump. Ainsi, beaucoup espéraient quelques mots à ce sujet durant son spectacle. Mais, comme elle l’avait annoncé, aucune allusion directe au Président n’a été faite, à part peut-être le jet de micro à la fin du concert, rappelant celui de Barack Obama lors de son dernier discours.
Cependant au début du spectacle, la chanteuse a entonné This is your land de Woody Guthrie. Cette chanson de protestation est extrêmement connue aux États-Unis, elle a été chantée par Bruce Springsteen à la cérémonie d’investiture de Barack Oabama. Mais ce que peu savent, c’est que l’auteur lui-même était un opposant à Trump … père.
Écrite dans les années 30, This is your land ne paraît qu’en 1951. Elle a été raccourcie et les vers politisés ont disparu pour plaire au plus grand nombre. Il aura fallu attendre jusqu’en 1997 pour découvrir le reste de la chanson. Les paroles sont en effet, une critique du système américain qui laisse, comme l’a connu Guthrie lorsqu’il écrivait cette chanson, des personnes dans la faim et dans la pauvreté.

Mais c’est dans un autre texte de 1950 que Guthrie critique ouvertement la Trump Organization, alors dirigée par Fred Trump, le père de Donald. Après la guerre, la crise immobilière a laissé des milliers de personnes sans logement. Fred Trump a profité de cette opportunité pour développer un parc immobilier en signant des contrats publics avec la Federal Housing Administration.
Guthrie a habité pendant deux ans à Beach Heaven, un parc de logement de la Trump Organization, à Brooklyn. Dans sa chanson I ain’t go home, aussi appelée Old Man Trump, il dénonce deux choses : la discrimination raciale de Beach Heaven, qui n’accepte pas les Noirs, mais aussi des loyers aux prix exorbitants en nommant directement Fred Trump comme responsable.
« Beach Haven ain’t my home!
I just cain’t pay this rent! »
« Beach Haven looks like heaven Where no black ones come to roam!
No, no, no! Old Man Trump! »
En 1954, la Trump Organization est effectivement accusée de fraude de 4 millions de dollars au gouvernement américain suite à une sur-évaluation des loyers. Entre 1973 et 1978, le département des Droit Civils l’accusera également de discrimination raciale. Les dossiers ont établi qu’une politique de discrimination raciale était menée, visant à réduire la population noire dans les logements.
En interprétant une de ses chansons, la voix de Lady Gaga se lie indéniablement à celle de Guthrie. Ainsi, tout en subtilité, elle redonne vie à l’esprit contestataire de Guthrie, ainsi qu’à son opposition à Trump. Elle n’embarrasse pas le sponsor du spectacle, Pepsi, par des remarques directes. Non, elle retourne ce géant de la culture américaine contre celui qui, en remettant en cause l’immigration, qui est un des fondements de cette société cosmopolite, tente de la détruire.
Louise Cordier
LinkedIn
@louisycordier
Sources :

« La publicité politisée : du devoir de discrétion à l’impératif de transparence » pas de date de publication, lu le 8 février 2017
« This Land Is Our Land: how Lady Gaga sang an anti-Trump protest song at the Super Bowl without anybody noticing », Telegraph, Alice Vincent, publié le 6 fevrier 2017, lu le 7 février
  « Super Bowl: des spots publicitaires anti-Trump diffusés », publié par l’Express le 6 février 2017, lu le 7 février
Fred Trump, Wikipedia, lu le 7 février 2017

Crédits :

Photo de couverture, Airbnb, Superbowl 2017
Woody Guthrie, image de la pochette du vinyl sorti en 1997, label Smithsonian Folkways Recordings
GIF Lady Gaga au Super Bowl 2017

 

Culture

Qui me lira ?

Le livre est un objet bien particulier. Attachant, symbolique, intime, il raconte parfois plus d’une histoire : la sienne et la nôtre. Partage, échange et lecture semblent alors former un cocktail qui va de soi. S’inspirant des campagnes de partage de livres qui agissent au Royaume Uni, The Fair, une société basée à Pékin, lance l’initiative Mobook : plus de 10 000 livres sont éparpillés près des transports en commun dans les grandes villes de Chine, prêts à être cueillis par d’avides lecteurs… Mais la réception manque curieusement et véritablement de poésie !
L’échec Mobook : une histoire qui finit mal
L’association Books on the Underground, fondé au Royaume-Uni, nous reconnecte avec la notion d’échange interpersonnel, émanant du livre. Le principe est simple : des livres sont déposés dans le métro presque tous les jours par des membres de l’association. Cette dernière est soutenue par de nombreux auteurs, éditeurs, mais aussi réalisateurs et acteurs. La participation d’Emma Watson à cette campagne en est l’exemple le plus récent. En novembre 2016, l’actrice a déposé dans le métro londonien une centaine d’exemplaires du même livre, Mom & Me & Mom de Maya Angelou, accompagnée d’une petite note explicative écrite de sa propre main. L’initiative est admirable mais surtout elle fonctionne ! Les passants étaient intrigués, l’échange s’est alors fait en toute habileté.

Mais lorsque le partage dépasse les frontières de l’Europe pour atteindre la Chine, le résultat s’avère moins positif, et de loin. Effectivement, The Fair lance sa propre campagne de bookcrossing dans les villes de Shanghai, Pékin, et Guangzhou, avec pour projet de l’étendre encore plus. Passant de 100 livres déposés par Emma Watson dans les métros londoniens à 10 000 livres répartis dans les transports publics de Chine, cette volonté d’incitation à la lecture prend une toute autre forme. Non seulement les passagers ne se sont pas emparés des livres mais surtout des plaintes ont fusé de toute part ! Et ce pour de multiples motifs : le manque de place dans le métro, le manque d’originalité, et la provenance trop occidentale de ce modèle… En résulte une campagne d’abord très réussie qui se transforme en un fiasco total.
La Chine, dépourvue de lyrisme ?
La démarche de bookcrossing, mise en place plus intensivement en Chine, en devient presque excessive et contraste avec la subtilité des actions menées par l’association anglo-saxonne. En cachant uniquement cent livres dans le métro et en invitant au partage, Emma Watson confère un aspect unique à chaque exemplaire et à la personne qui le trouvera. Poétique et attrayante, cette démarche communicationnelle joue sur l’effet boule de neige : un petit noyau de livres et de lecteurs qui se propage et s’agrandit. Dès lors, le côté brusque et soudain de la campagne Mobook détonne avec l’atmosphère offerte, originellement, par cette initiative. Le cœur du problème est rapidement identifié : l’idée est bonne, mais la cible ne lui correspond pas. D’une part, les métros circulant dans les grandes villes de Chine sont surpeuplés et ne permettent pas une activité de lecture paisible. Les réactions, intransigeantes et austères, dénoncent le « trouble de l’ordre public » ; et de ce fait de nombreux livres sont récupérés par le service de nettoyage du réseau de transports.

D’autre part, la Chine est l’exemple même d’une société qui ne lit plus (ou très peu), notamment parce qu’elle privilégie la technologie. Un sondage mené par l’Académie Chinoise de la Presse et de l’Édition montre qu’un citoyen du pays a lu en moyenne moins de 5 livres au cours de l’année 2015, chiffre radicalement supérieur aux États-Unis, au Canada mais aussi en Corée du Sud, avec 11 livres lus par an, et 9 au Japon. Le concept marketing de Mobook est estimé illusoire et vain, dans la mesure où les communicants autour du sujet, tel que l’acteur Huang Xiaoming, ne lisent vraisemblablement pas non plus. La démarche tourne alors au ridicule et n’est plus considérée que comme une activité marketing, visant à promouvoir la société The Fair. Ce manque d’intérêt et ces conditions sont décidément peu propices à l’expansion et à la réussite d’une telle campagne.
Livre versus smartphone : une page qui se tourne ?
Autre facteur, autre problématique : la technologie a pris la relève depuis de nombreuses années dans de nombreux domaines. Le livre pourrait-il être dépassé ? Si le monde de l’édition tend à nous prouver que non, l’obsession pour les smartphones semble pourtant justifier en partie l’échec de Mobook. Les transports sont, par excellence, des lieux propices à la lecture et nous voyons constamment des voyageurs plongés dans leurs livres. Mais désormais les portables occupent bien souvent les mains des passagers, et cela se fait particulièrement ressentir en Chine. Les citoyens, le nez rivé sur leurs smartphones, préfèrent suivre les réseaux sociaux, regarder des émissions ou jouer à des jeux vidéos. La lecture se raréfie car elle n’est ici plus vue comme un plaisir, mais uniquement comme un moyen de réaliser des objectifs professionnels ou intellectuels.

Une question, quelque peu inquiétante, se pose : est-ce réellement la campagne Mobook qui est à l’origine de ce flop, ou bien le livre lui-même ? Murong Xuecun, écrivain chinois renommé, souligne le manque d’intérêt pour la lecture de la part de ses concitoyens. Néanmoins, il est loin de décrire une situation désespérée ; il encourage la poursuite d’initiatives de ce type, lesquelles sont, après tout, la clé pour retrouver l’essence même de la lecture, fondée sur l’échange et le partage. Alors attention ! Le livre n’a pas dit son dernier mot.
Madeline Dixneuf
Sources :
Books On The Undergroud, site officiel, consulté le 29/01/2017
http://booksontheunderground.co.uk/
French-china.org, Le partage de livre dans le métro fait un flop, publié le 17/11/2017, consulté le 29/01/2017
http://m.french.china.org.cn/french/doc_1_26361_2153068.html
ActuaLitté, Dans le métro la chasse aux livres façon Emma Watson finit mal, Nicolas Gary, publié le 19/11/2016, consulté le 29/01/2017
https://www.actualitte.com/article/monde-edition/chine-dans-le-metro-la-chasse-aux-livres-facon-emma-watson-finit-mal/68124
The Guardian, Emma Watson leaves free copies of Maya Angelou book on tube,
Alison Flood, publié le 3/11/2016, consulté le 30/01/2017
https://www.theguardian.com/books/2016/nov/03/emma-watson-free-copies-maya-angelou-books-on-tube-harry-potter
Crédits photos :
Actualitté.com
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French.China.org

Culture

La crudité des stars hollywoodiennes : rébellion ou communication ?

Les stars ont toujours été des personnes à part. Riches, talentueuses, et totalement inaccessibles. Pourtant, aujourd’hui, le fameux « nous sommes des personnes comme les autres », souvent utilisé comme critique à l’égard des paparazzis qui épient leur moindre faits et gestes, est devenu la bannière de nombreuses stars pour se faire aimer et connaître. Alors, véritable révolution du système, ou tactique de communication pour faire le buzz ?
Changement d’ère à Hollywood
Il n’y a pas si longtemps, les stars – en particulier les femmes – se devaient d’être des jolies poupées, souriantes et bien élevées, ne disant jamais un mot de trop et n’admettant jamais un faux-pli. Oh, des scandales, il y en avait, bien sûr. Mais dans les coulisses. On les divulguait lentement, savamment, avec un plaisir presque sadique, incarné aujourd’hui par la presse people. Mais, devant les caméras, il fallait être sage. Toutes celles qui dérogeaient à la règle étaient sévèrement réprimandées, accusées de donner un « mauvais exemple », d’être « vulgaires ». Il y a moins de dix ans, Miley Cyrus – à l’époque jeune et joli visage de la franchise Disney – posait nue, de dos, pour un magazine de mode ; les foules se déchaînaient, les parents, inquiets de la mauvaise influence que pourrait avoir sur leurs enfants la « dépravation » de leur idole, criaient au scandale. L’actrice avait dû s’excuser publiquement et promettre que cela ne se reproduirait plus. Aujourd’hui, Miley Cyrus se balade en culotte moulante en se frottant à tout ce qui bouge, même une boule de démolition. De Hannah Montana, il ne reste plus grand chose, mais Miley Cyrus fait en tout cas toujours autant parler d’elle, plus par son image de jeune femme décomplexée physiquement et sexuellement que pour ses chansons ou ses prestations d’actrice.

Miley Cyrus, provocatrice professionnelle bien loin des standards Disney
Le but est donc de scandaliser. Ou, au moins, de s’émanciper des clichés. Montrer qu’on est une femme (ou un homme) comme une autre, avec ses défauts, ses envies et ses désirs. Incarner la belle rebelle, à la fois cool et distinguée, une fille « who can do both ». Le double esthétisme « tapis rouge et siège de toilette », en résumé. Célébration de la beauté du monde, de l’art et du quotidien.
« Je suis une personne comme une autre »
La tête de proue de cette révolution de l’image de la star, c’est sans doute Jennifer Lawrence. Une belle blonde plantureuse, dans la veine des héroïnes d’Alfred Hitchcock et de la majorité des stars d’Hollywood (Kate Winslet, Pamela Anderson…). Une carrière internationale, un rôle d’idole des jeunes et, finalement, un parfait exemple de « petite fiancée de l’Amérique ». Sauf que rien ne se passe tout à fait comme prévu. En interview, « JLaw » est intenable, vulgaire, jamais avare d’anecdotes scatologiques ou de petites gaffes qui font sourire. Elle aime (trop) manger, elle aime traîner en pyjama chez elle, c’est une fan girl avouée des plus grandes stars d’Hollywood. En fin de compte, Jennifer Lawrence renvoie davantage l’image d’une fille ordinaire exposée sur les tapis rouges d’Hollywood que celle d’une célébrité soigneusement entraînée à se tenir devant les caméras.

Jennifer Lawrence, « everybody’s girlfriend » brisant les conventions
Cet entremêlement du « trash » et du quotidien s’est depuis largement répandu sur la petite planète Hollywood. La norme est désormais à la crudité décontractée et assumée : Ryan Reynolds, Kristen Stewart, Jemina Kirke, sont désormais des gouttes d’eau dans l’océan des célébrités clamant être « des personnes comme les autres ». Et malheur à celui ou celle qui refuserait de lâcher son image proprette ; la critique ne tardera jamais à s’acharner sur le malheureux, à l’accuser d’être « faux », « hypocrite » ou encore « trop conventionnel ». Le public en est venu à demander des aspérités, pas une communication toute lisse faite de discours préconçus. Les stars ne sont plus des figures lointaines et idolâtrées, mais des semblables, des personnes à qui on peut s’identifier.
Belles et rebelles, vraiment ?
Mais, au fond, qu’est-ce qui permet de prouver que ces stars n’essayent pas avant tout de se démarquer des autres pour faire le buzz et occuper le devant de la scène ? Si, finalement, tout cela n’était qu’une vaste stratégie de communication ?
Les actrices pratiquant cette forme de communication « libérée » des conventions hollywoodiennes sont, eh bien, des actrices. Difficile de savoir si elles sont sincères ou ne font que répéter un rôle soigneusement élaboré pour les faire paraître plus cools, plus accessibles, plus sympathiques, et donc, plus populaires aux yeux des spectateurs. Les gens veulent s’identifier : donc on leur donne les moyens de le faire.

Lena Dunham, star auto-proclamée anti-photoshop
Quelques petites – ou grosses – erreurs viennent ainsi entacher le discours des célébrités voulant être comme tout le monde, et, de ce fait, se faire les porte-paroles de tout le monde. Lena Dunham, par exemple, n’hésite jamais à s’afficher nue dans sa série Girls diffusée sur HBO afin que les jeunes filles prennent conscience qu’il n’y a pas besoin d’avoir une taille de mannequin pour être fière de son corps, ou à protester contre l’utilisation de Photoshop lors des shootings photos pour apparaître naturelle. Pourtant, elle a longtemps accepté des retouches mineures, jusqu’à apparaître totalement photoshopée sur plusieurs couvertures et magazines, tel que Vogue. Si l’actrice et réalisatrice s’est excusée, ces dérapages auraient tendance à prouver que la « vulgarité » des stars est avant tout une manière de se démarquer et d’attirer l’attention. Une rébellion peut-être sincère, donc, mais avant tout au service de leur image et de leur popularité.
En effet, il est difficile pour les stars d’être totalement émancipées, d’être l’exact reflet des publics qui les regardent. Tout d’abord parce qu’Hollywood demeure une « usine à rêves », et qu’on ne peut pas rêver en contemplant son propre reflet. On ne peut s’attendre à ce qu’une industrie basée sur l’esthétisme et la perfection formelle retourne complètement sa veste du jour au lendemain. Ensuite, parce que la limite entre crudité et scandale est toujours très mince, et que les stars adeptes de la communication sans fards en font souvent les frais. Leur propre stratégie de communication peut se retourner contre elles. Dernier exemple en date : Jennifer Lawrence, qui, en racontant joyeusement comment elle a accidentellement détruit un site sacré hawaïen lors d’un tournage, a déchaîné la colère des internautes et remis en cause son statut de « star cool » par celui de « star stupide, inconsciente et irrespectueuse ». Les stars sont scrutées par des milliers de gens, et, de fait, doivent agir en conséquence, éviter de vexer ou d’indigner les autres. Des gens comme les autres, oui. Mais pas trop non plus.
Margaux Salliot
Sources :
• “Jennifer Lawrence Interview by David Letterman”, 21 janvier 2013, consultée le 15 janvier 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=eoLfRlkOQVI
• Clip « Wrecking Ball » de Miley Cyrus, 9 septembre 2013, consulté le 18 janiver 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=My2FRPA3Gf8
• « La cellulite de Lena Dunham milite en couverture de Glamour », article de Clara Nahmias pour le magazine de cinéma Première, publié le 4 janvier 2017, consulté le 15 janvier 2017 : http://www.premiere.fr/People/News-People/La-cellulite-de-Lena-Dunham-milite-encouverture-de-Glamour
• Compte Instagram de la photographe Emma Summerton, consulté le 16 janvier 2017 : https://www.instagram.com/emmasummerton/
Crédits  :
• “Hollywood Hills” par Urut Berdasarkan sur le site http://wall–art.com/hollywood-hillswallpaper
• Capture d’écran du clip Wrecking Ball de Miley Cyrus, consulté le 18 janvier 2017, publié le 9 septembre 2013
• Capture d’écran d’une interview de Jennifer Lawrence sur le plateau de la chaîne CBS, postée le 21 janvier 2013 sur Youtube
• Emma Summerton, photo pour la couverture du magazine Glamour, 4 janvier 2017

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Culture

Le biopic Dalida, ou comment raconter la vie d'un autre

Le 11 janvier sortait le premier film biographique sur Dalida. Ce long-métrage réalisé par Lisa Azuelos a fait couler bien de l’encre avant sa sortie en salle, notamment lorsque Catherine Morisse a dénoncé le portrait peu fidèle et très négatif de son père, premier mari de Dalida. Ce « grosso scandalo », pour reprendre l’un des titres de la chanteuse, n’est pas sans rappeler tout l’enjeu d’un biopic : capturer une vie sans la réécrire.
Lisa Azuelos est certes la réalisatrice du long-métrage Dalida, mais le projet est d’abord porté par Orlando, frère et manager de la chanteuse. Orlando a voulu promouvoir la carrière posthume de Dalida en sortant des albums et des inédits. Le biopic est une autre occasion de préserver la mémoire de sa sœur. Par ailleurs, en 2005, un premier téléfilm biographique avait été réalisé par Joyce Buñuel.
Le film biographique Dalida ne se concentre pas sur le suicide de la chanteuse, précisément parce que « sa vie et sa mort sont les deux faces d’une même pièce. Pour la comprendre, on ne peut pas en faire l’économie. Et toutes les phases de sa vie artistique et amoureuse sont intéressantes… ç’aurait été un crève-cœur d’en laisser de côté ! » (Azuelos)

Orlando a eu le contrôle sur le scénario et sur le choix des acteurs incarnant sa sœur et lui-même. Le frère-manager a également partagé ses archives personnelles afin que Sveva Alviti puisse incarner au mieux le rôle principal. Alors, gages de véracité ?
Reconstituer des vies
Le biopic Dalida est donc le fruit de la collaboration entre la réalisatrice Azuelos et Orlando, tous deux animés par le désir de raconter la vie de l’icône. Azuelos a voulu expliquer le parcours de Dalida, de son enfance à sa mort. Et son suicide est précisément une autre des raisons pour lesquelles Dalida tient autant à cœur à la réalisatrice. La vie de Yolanda Gigliotti n’a pas été un long fleuve tranquille, et pourtant, les nombreux drames qu’elle a vécu n’ont pas obscurci l’éclatante carrière de celle qui se faisait appeler Dalida. Le long-métrage a un objectif précis : qu’on la comprenne et « que l’on excuse son geste final », affirme Azuelos.
En 2017, beaucoup de films biographiques se partageront l’affiche, comme par exemple Jackie et Neruda, tous deux réalisés par Pablo Larraín. Si Dalida retrace l’ensemble du parcours de la chanteuse éponyme, en général, les biopics isolent quelques moments clefs. C’est effectivement le cas de Jackie, qui nous fait découvrir la première dame des États-Unis après l’assassinat de son mari JFK.
Quitte à les réécrire
Réaliser un biopic, c’est tenter de capturer une vie sur un écran. Le recul est nécessaire, autrement le danger de l’image trop lisse, de la reconstitution bancale, de l’histoire fantasmée guette… Et justement, certains ont reproché à Dalida de ne pas être assez objectif. Catherine Morisse, fille du premier mari de Dalida, s’est indignée de l’image négative que renvoie le film à propos de son père. Lucien Morisse serait représenté comme financièrement dépendant de la chanteuse et comme – beaucoup – plus âgé. Le Lucien de vingt-sept ans est joué par un acteur qui en a cinquante. Or un des autres enjeux d’un biopic est que l’acteur ressemble à la personne dont on retrace le parcours : si pour certains l’un des critères d’un biopic est la ressemblance physique, ici, le personnage de Lucien n’est même pas reconnaissable par sa personnalité. Catherine Morisse reproche à l’équipe du film le manque de mention de possibles dérives dans la représentation de Lucien. Elle regrette aussi ne jamais avoir été consultée pour vérifier quelque information.
Un autre enjeu majeur dans la réalisation d’un biopic : comment compacter l’essence d’une vie en deux heures ? Pablo Larraín voit cela comme impossible, et présente Neruda comme un anti film biographique. Dans une entrevue accordée à Trois Couleurs, il dit du poète et homme politique chilien qu’il était bien plus que cela : « Il avait une vie si multiple… Comment faire rentrer cet homme dans un film ? Impossible. C’est donc un anti biopic. »

Une fin heureuse
Le film biographique présente quelques avantages. Tout d’abord, la notoriété de la célébrité que l’on porte à l’écran assure aux producteurs un minimum de rentabilité. Julien Rappeneau, scénariste du film biographique Cloclo, considère que ce genre « est plus facile à vendre et à promouvoir qu’une histoire originale, car le personnage est déjà connu. Un biopic, c’est un peu comme une marque. » De cette assurance vient le budget, comme l’illustre le long-métrage Yves Saint Laurent de Jalil Lespert puisque celui-ci a bénéficié de douze millions d’euros. Un autre critère intervient dans le financement : celui de la star dont on réalise la biographie. Neruda a été financé par Participant Media, société de production américaine qui veut promouvoir des films aux visées sociales et développer le cinéma de pays émergents.

De l’autre côté de la caméra aussi des avantages subsistent. En effet, le film autobiographique peut lancer une carrière. Les cas Jamie Foxx dans Ray, ou encore Marion Cotillard, qui s’est affirmée à l’international en interprétant La Môme, en sont la preuve, bien que cela ne soit pas universalisable.
Le biopic pour développer une image de marque
Réaliser un film biographique apparaît comme le moyen de remettre une personnalité au goût du jour (Dalida) mais aussi d’affirmer une légende. C’est le cas des deux biopics The Social Network et Jobs, dont les réalisateurs ont décidé d’isoler l’épisode où l’homme est devenu légende. Le but du premier est de présenter le début de Facebook et Mark Zuckerberg. Quant au second, il veut nous présenter l’individu derrière l’icône. Le biopic Jobs profite bien au culte d’Apple, marque mondialement connue.
Si l’on a reproché à Jobs son manque d’objectivité, il rend évident une chose : un biopic fait parler de son héros, qu’il l’idéalise ou le diabolise. Le genre du film biographique ne délivre donc pas de manière objective toute la vie de son personnage mais en offre plutôt une vision particulière. Et surtout, il nous fait (re)découvrir une histoire.
Victoria Parent-Laurent
Sources :
• BENEY Chris, « Quand les films tirés de faits réels déplaisent aux principaux concernés » Vodkaster.com, publié 23/01/2015, consulté 10/01/2017
• Allociné.fr
• MOSER Léo, « Un biopic sur Pablo Neruda avec Gael Garcia Bernal en préparation » Les Inrocks, publié 24/07/2015, consulté 08/01/17 et le 10/01/2017
• BLANC-GRAS Julien, « Il y a un biopic après la vie » Le Monde, publié 09/03/2016 consulté 10/01/2017
• BOSQUE Clément, « Jobs, le film : les cinq ingrédients indispensables pour faire un bon biopic » Atlantico, publié 21/08/2017, conulté 09/01/2017
• 20 Minutes, « ‘Dalida’ : a fille du premier mari de la chanteuse dénonce le biopic de Lisa Azuelos » 20 Minutes, publié 20/12/2016 (mis à jour 06/01/2017) consulté 08/01/2017
Crédits :
• Image extraite du film Dalida de Lisa Azuelos, crédits photos Luc ROUX
• Photo tuxboard.com
• Luis Gnecco en Pablo Neruda dans le film Neruda. Crédits photos Orchard

Culture

"Nazi chic" ou la réappropriation d'une iconographie

En Asie, le marketing s’est largement emparé de l’ iconographie du IIIe Reich et la culture pop a souvent exploité l’image d’Adolf Hitler. Il est assez aisé d’y trouver des t-shirts à l’effigie du dictateur. La Corée du Sud, l’Indonésie et la Thaïlande font régulièrement les frais de cette dérive commerciale. La ré-appropriation de l’esthétique nazi par pure provocation ou simple ignorance semble, en tout cas, de mauvais goût pour les occidentaux.
D’un symbole – le swastika – vers des interprétations diverses
La logique d’un symbole est de véhiculer des idées avec un simple signe, de créer une identification. Le nazisme, a détourné le swastika en l’associant à une idéologie contraire. En effet, la signification originelle de cet ancien symbole de l’Inde continentale est emplie de beauté et d’espoir. Cette croix est sacrée pour l’Hindouisme, le Bouddhisme et le Jainisme qui prônent la non-violence. Le swastika vient du Sanskrit : « Sva » signifiant soi, « Astika » le fait d’exister et « Ka » dénote un genre neutre. Ainsi, le véritable sens de ce symbole est « un soi existant » ou « une existence de soi ». En d’autres termes, selon le Ganesha Purana : « Pas né et directement originaire de l’éternité depuis le temps éternel ».

Pour célébrer l’anniversaire de leur établissement le 23 décembre 2016, des lycéens taïwanais ont choisi de défiler en uniformes nazis. Un char en carton où prône un étudiant, le bras tendu, déguisé en Hitler, mène le cortège d’élèves portant des drapeaux à croix gammées. Cette parade est organisée par le lycée taïwanais Kuang Fu, à Hsinchu City. Photos et vidéos d’élèves souriant, chantant et dansant ont été postées sur internet. Le proviseur du lycée, dépassé par la polémique, a tenté en vain de dissuader les élèves d’aller au bout de leur projet, et a finalement dû démissionner. Le ministère de l’Éducation a présenté ses excuses.

Le relativisme culturel, entre ignorance et provocation
Ce phénomène est dû à une perception différente de l’uniforme nazi par les jeunes asiatiques. Selon le chercheur Elliot Brennan, membre du think-tank suédois Institute for Security & Development Policy : « Pour les pays de l’Asie de l’Est, la Seconde Guerre mondiale ne concernait pas les nazis et Hitler, mais plutôt les forces de l’Empire japonais. De manière comparative, peu de temps est consacré à l’enseignement de la Seconde Guerre mondiale dans les pays d’Asie, par rapport à l’Europe ou aux États-Unis ». Le chercheur nous met aussi en garde face au danger du relativisme culturel. Ainsi, cette surprenante tolérance de l’Asie vis-à-vis du nazisme s’expliquerait par une méconnaissance de l’histoire.
Un bloggeur politique, Micheal Turton, confie à CNN qu’au cours des vingt années passées à Taiwan, il a eu l’occasion de voir, à de nombreuses reprises, des locaux arborer leurs véhicules d’accessoires nazis.
Selon lui, la culture occidentale fait la même chose : « Combien de personnes ont des t-shirts du Che Guevara ou des chapeaux de Mao Zedong ? ». M.Turton a demandé à des étudiants pourquoi il était « ok » de porter des costumes nazis mais pas ceux de Mao : « Les enfants m’ont expliqué qu’Hitler avait échoué. C’est pour ça que c’est ok. ». Ce qui ne veut pas dire que cela n’a choqué ou blessé personne. En effet, le Bureau économique et culturel d’Israël à Taipei, a dénoncé l’événement « révoltant ». Il appelle les autorités taïwanaises à initier un programme scolaire introduisant le sens de l’Holocauste et à enseigner son histoire et son sens universel.
De l’Inde à la Chine en passant par la Thaïlande
Cet incident n’est pas unique en son genre en Orient. Il semblerait que l’uniforme nazi soit davantage utilisé comme un symbole anticonformiste que dans un sens idéologique. C’est ce que ces acteurs, principalement des adolescents, appellent la mode du « Nazi-chic ». Cette mode est ordinaire en Asie et choque régulièrement les occidentaux. En effet, il y a moins de deux mois les japonaises du groupe Keyakizaka46 ont fait polémique en portant des capes noires et des chapeaux reprenant le style SS lors d’un concert. Sony Music, leur producteur, s’est évidemment excusé.

Mais ce n’est pas un cas isolé, ces dernières années, beaucoup de groupes musicaux asiatiques ont prouvé la récurrence de cette mode. Fin 2014, le groupe pop sud-coréen Pritz, s’est vêtu de chemises noires et de brassards rouges à croix noire dans un de ses clips. Le groupe a déclaré qu’il n’avait aucune intention de ressembler à des nazis avec ce look.
Toutefois, c’est en Thaïlande que les outrages se font les plus récurrents. Il est facile d’y trouver des vêtements et autres objets dérivés du IIIe Reich et d’Adolf Hitler dans les zones commerciales. Déguisé en panda, en Teletubies ou en Ronald McDonald, le dictateur et sa célèbre moustache sont repris sur de nombreux t-shirts. Hut, le propriétaire du magasin Seven Star à Bangkok, a fait des statuettes de « McHitler » son fond de commerce. Hut insiste : « Je n’aime pas Hitler. Mais il a un air drôle et les t-shirts sont très populaires auprès des jeunes. ». Le professeur roumain Harry Soicher qui enseigne à Bangkok explique que « c’est dû au manque d’exposition à l’Histoire », avant d’ajouter : « Si on ne vit pas en Thaïlande, on peut trouver cela dur à croire qu’ils [les thaïlandais] ne veulent aucun mal ». Abraham Cooper, le doyen associé du Simon Wiesenthal Centre à Los Angles, surveille les activités néo-nazies au niveau international et confirme que c’est dû à une simple ignorance. La tendance va si loin qu’en Chine, certains couples ont eu la bonne idée de se marier en apparat du IIIe Reich. Et face à ce phénomène, rares sont les journalistes qui semblent être allés au- delà de leur ethnocentrisme. La réponse est toujours la même, mais l’ignorance est-elle une excuse ? Cela semble tout de même bien facile.

De plus, l’utilisation de l’iconographie nazie n’est pas qu’asiatique. C’est pour choquer, provoquer et indigner l’Establishment anglais que, véritablement, la réutilisation de cette esthétique est devenue populaire avec la culture punk pendant les années 1970. Pour ne citer que le plus emblématique, le chanteur des Sex Pistols, Johnny Rotten, porte un t-shirt avec le swastika dans le clip Pretty Vacant. Les musiciens punks, pour la plupart, s’habillaient de la sorte plus pour moquer les valeurs de la vieille génération de la Seconde Guerre mondiale que par sympathie pour des quelconques idéologies fascistes. Toutefois, jusqu’où ces dérisions, symboles de fossés culturels Est/Ouest, peuvent-elles aller ?
 
Ulysse Mouron
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Crédits  :
Photo 1 (Une) : techno-science
Photo 2 : Vice
Photo 3 : smart list
Photo 4 : theblaze.com
Photo 5 : Les inrocks
Sources :
• Time Asia: ““They dressed well” a troubling fascination with Third Reich regalia elevates the Nazi look to what’s chic in South Korea.” de Macintyre Donald 05/2000
• Travel CNN: “Bangkok’s “Hitler chic” trend riles tourists, Israeli envoy”. Tibor Krausz, 27/02/2012
• Les Inrocks : “Pourquoi se déguiser en nazi ne choque pas la population en Asie”. 23/12/2016
• CNN: ““Nazi-chic”: Why dressing up in Nazi uniforms isn’t as controversial in Asia” Ben Westcott 28/12/2016
• Ganesha Purana, texte sur la déesse Ganesh

Culture

Princesse au chômage recherche célébrité précaire

Le marketing genré s’affiche comme la formule magique des marques pour doubler les ventes. Cependant, face aux nombreuses critiques, notamment concernant les Disney Princesses, les marques tentent d’adapter progressivement leurs stratégies publicitaires, à l’image de Vaiana, nouveau film d’animation de Disney, au succès impressionnant. Actuellement, le marketing genré est-il toujours justifié ?
L’empire Disney Princesses
Créée en 1999, Disney Princesses, franchise de Walt Disney Company, vend toutes sortes de produits dérivés à l’effigie des princesses Disney, allant du simple dentifrice à la robe de mariée. Les héroïnes de ce clan très select – Blanche-Neige, Cendrillon, Aurore, Ariel, Belle, Jasmine, Pocahontas, Mulan, Tiana, Raiponce, Mérida et enfin Elsa – sont l’une des principales sources de rentabilité pour Disney.
La Reine des Neiges, film d’animation au plus grand succès, fait la fortune de Disney avec une licence à prix d’or, la plus chère sur le marché du jeu du jouet français en 2015. Mais quelle est la formule magique qui se dissimule derrière ces contes de fées ?
Top 5 des licences en valeur sur le marché du jeu et du jouet français en 2015

Mais quelle est la formule magique qui se dissimule derrière ces contes de fées ? Le marketing genré, formule magique ?
Exploitant le désir des femmes de se faire belles et d’exposer leur identité sexuelle, Disney le transforme en addiction. En témoigne l’omniprésence du mot « princesse » dans l’univers des petites filles grâce des techniques de marketing genré.
Le marketing genré ou gender marketing consiste à adapter la politique marketing en fonction du caractère masculin ou féminin de la cible, selon Bertrand Bathelot, professeur agrégé de marketing.
Très employé pour cibler enfants et adolescents, il permet de doubler les ventes au sein d’une même famille. Par exemple, pour une famille comportant un garçon et une fille, les parents n’achèteront plus un seul vélo mais un vélo « pour fille » et un vélo « pour garçon » !
Afin de marquer des jouets désormais sexués, la couleur rose n°241, paillettes et princesses sont au rendez-vous. Bienvenue sur la planète rose !
La culture girly (1) a pour objectif de fidéliser le consommateur dès son plus jeune âge. Couplée aux techniques de marketing genré, Disney effectue un marketing par âge. La culture girly ne s’arrête donc pas à l’arrivée de l’adolescence avec des célébrités comme d’Hannah Montana, Violetta ou Soy Luna.
À chaque âge son personnage ! Ainsi, le parcours du consommateur type commence avec Winnie L’Ourson suivi de Mickey. Le marketing genré apparaît vers 3 ans chez les filles avec les poupées Animator’s, à 5 ans avec les Disney Princesses, puis c’est les W.I.T.C.H et les programmes télévisés au début de l’adolescence.
Cette poupée, ce cadeau empoisonné
Déjà évoqué par Roland Barthes dans ses Mythologies, le jouet ou jeu d’imitation (2) – la dinette – permet à l’enfant d’intégrer certains rôles sociaux et de renforcer les stéréotypes de sexe.
Même si chacun est libre de dicter à Cendrillon sa destinée dans la cour de récré, son rôle premier, celui qui est fixé à l’écran, reste cependant déterminant dans la construction de l’imaginaire. Dans la plupart des cas, la poupée se transforme en jouet d’imitation, d’où l’importance capitale des rôles donnés aux princesses et actuellement très controversés.
Coupez-lui la tête !
Le rôle réducteur des princesses est fortement remis en question.
Très souvent, le mariage avec le prince charmant apparaît comme seul moyen d’épanouissement. Leurs activités sont peu modernes voire sexistes : travail obsessif sur leur apparence, taches ménagères et attitude passive.
Les relations interféminines sont souvent stéréotypées, conflictuelles et manipulatrices. Les femmes de pouvoir sont les « méchantes » : qui ne se rappelle pas la reine de Blanche Neige et d’Ursula de la Petite Sirène ? Même Elsa, traitée de sorcière, renforce le stéréotype attaché au lien entre pouvoir et féminité.
Leur physique, qui leur permet d’être repérées par le prince charmant, est conçu selon des standards inatteignables (minceur extrême, grands yeux, petits pieds). Loryn Brantz, graphiste américaine montre l’écart entre leur physique et une allure plus « normale », accusant Disney de participer à la création de complexes chez les jeunes filles.

À ces critiques s’ajoutent celles concernant la couleur de peau, l’absence d’ handicap ou de membres de la communauté LGBT. En mai 2016, les internautes s’étaient d’ailleurs mobilisés, via le hashtag #GiveElsaaGirlfriend pour qu’Elsa devienne la première princesse lesbienne.
Un vent d’ouverture apaise les tensions
Depuis quelques années, de nombreuses marques ont entrepris des initiatives innovantes, plus adaptées et à l’écoute des changements sociaux.
Ainsi, Mattel a modifié cette année ses Barbies en proposant des morphologies plus diversifiées et réalistes. GoldieBlox, entreprise américaine de jouets, propose aujourd’hui des jeux de construction pour filles. Et l’année dernière, les Magasins U ont lancé un catalogue de jouets sans distinction de sexe, avec des petits garçons jouant à la poupée ou une petite fille bricolant.

Parallèlement, une vague pro-féminine s’est emparée de certaines marques. À l’instar de Dove, Pantene, ou Always, la tendance est à l’empowerment, comme la campagne communicationelle d’Always « #CommeUnefille ». Certes, il s’agit toujours d’un marketing genré pour des produits s’adressant exclusivement aux femmes.

S’agit-il alors d’une avancée, ou seulement d’une régression déguisée sous des airs de « girl power » ?
Bientôt une nouvelle collection Disney Aventures ?

Le dernier film d’animation produit par Disney, Vaiana, est d’un tout nouveau genre. Pas de prince charmant à l’horizon, Viana n’a qu’un seul amour, l’Océan. Elle s’agrippe à ses rêves, prenant de nombreux risques pour vivre sa passion. Au physique bien plus « normal », Vaiana est authentique, franche et assumée.

Dans la même veine, le film franco-canadien Ballerina confirme cette tendance en mettant en scène une petite fille qui rêve de devenir danseuse étoile.

L’ambition est enfin à l’écran et cela plaît. Seulement quelques jours après sa sortie, Vaiana atteint déjà les 15.9 millions de dollars de recettes, devançant les résultats de la Reine des Neiges.
Avec ce virement stratégique prometteur, à quand une nouvelle collection Disney, avec de véritables métiers, pour que les petites filles d’aujourd’hui puissent se rêver en aventurières, astronautes, journalistes, avocates ou médecins ? Affaire à suivre….
Flore DESVIGNES
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(1) Culture girly : mouvement de mode, apparu au début des années 2000 qui désigne une attitude que les jeunes filles aiment se donner, obsédée par leur apparence et ultra féminine. C’est la culture du rose et des couleurs vives, des strass, des paillettes, de la fausse fourrure2, des jupes etc. Le mouvement girly se retrouve dans les séries de télévision, le cinéma, le maquillage, la musique, la mode, les blogs avec par exemple Hello Kitty, Katy Perry, Lolita, Disney Princesses.

(2) Jeu d’imitation : selon le Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le jeu d’imitation s’appuie sur la reproduction différée de scénarios de la vie courante.

Sources :

• DENJEAN, Cécile, “Princesses, pop stars & girl power”, Arte. Paru en 2012. Consulté le 29 décembre 2016.

• Princesses Disney, Wikipédia, Consulté le 29 décembre 2016

• L.D. “La Reine des Neiges ou : quand Disney avance d’un pas et recule de trois.”, Le cinéma est politique. Paru le 23 décembre 2013. Consulté le 29 décembre 2016.• SOTINEL, Thomas, “Chez Disney, la princesse a du mal à s’émanciper”, Le Monde. Paru le 19 novembre 2013. Consulté le 28 décembre 2016.

• LUCIANI, Noémie, “« Vaiana, la légende du bout du monde » : l’héroïne de Disney qui préfère la mer au prince charmant”, Le Monde. Paru le 25 novembre 2016. Consulté le 28 décembre 2016.
• HARRIS Aisha, “«Vaiana» ou la fin (tant attendue) des contes de fées chez Disney”, Slate. Paru le 30 novembre 2016. Consulté le 28 décembre 2016.

• LE BRETON, Marine, “Vaiana, la nouvelle héroïne Disney qui fait du bien aux petites filles”, Le Huffington Post. Paru le 27 novembre 2016. Consulté le 28 décembre 2016.

• CHARPENTIER, Aurélie, “Disney, le grand manitou du divertissement”, E-marketing. Paru le 1er avril 2007. Consulté le 28 décembre 2016.
• « Girly », Wikipédia. Dernière modification le 26 octobre 2016. Consulté le 7 janvier 2017.

Crédits:

• Alexsandro Palombo, Life is not a fairytale

• Top 5 des licences en valeur sur le marché du jeu et du jouet français en 2015, source panel Epsos, lsa-conso

• Loryn Brantz, graphiste et journaliste chez Buzzfeed

• Les Magasins U, Catalogue de Noël 2015

• GoldieBox

• Le Huffington Post, 27 novembre 2016

 

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Culture

Ni Teen, ni Milf, plutôt Com

Vous les connaissez, sûrement, vous les fréquentez, (sûrement) peut être : les sites pornographiques. Comme chaque entreprise, ces plateformes communiquent à coup de campagnes, de tweets et de buzz afin d’attirer plus de consommateurs. Mais le porno connaît la crise : dans un monde de démocratisation excessive via les plateformes gratuites, souvent illégales qui proposent le contenu des plateformes payantes, seuls deux producteurs du paysage X français subsistent : Marc Dorcel et Jacquie & Michel. Les enjeux communicationnels sont donc importants afin de tirer son épingle du jeu et résister à la pression du marché.
50 Nuances de X
La communication des acteurs du porno est très axée sur le buzz. Cependant, la communication sur le contenu pornographique correspond en tous points à celle du cinéma classique. On retrouve par exemple des sites comme die-screaming.com qui établissent des critiques de films pornos, des tops, des revues et suivent l’actualité des stars et des réalisateurs. Tout comme leurs homologues (un peu) moins dénudés, ces films et leurs castings sont présentés lors de cérémonies dans lesquelles ils reçoivent des prix et disposent même de bandes-annonces. Quid des acteurs et actrices ? Ceux-ci possèdent des comptes Instagram, réalisent des entrevues et font la promotion de leurs films sur des supports spécialisés.

Un passage un peu étroit
Ces entreprises de la pornographie ne disposent pas d’un contexte communicationnel très favorable. La crise du secteur et la difficulté de rentabiliser cette activité leur impose un budget limité alors que les objectifs sont grands. Il est indispensable de résister à la pression des sites gratuits, d’attirer de nouveaux consommateurs et faire connaître la marque et ses produits le plus largement possible. De plus, ils doivent faire face à la censure des médias en général et au puritanisme télévisuel, quand plus aucune égérie porno n’est admise sur les plateaux. En témoigne le blocage du compte Facebook de Marc Dorcel suite à la publication d’une photo d’une femme légèrement dénudée il y a 2 ans. D’autant plus que l’algorithme de censure de Facebook supprime automatiquement tous les tétons qui passent (quand bien même ils se trouvent dans une campagne de sensibilisation contre le cancer du sein). Un comble alors que la consommation de vidéos pornographiques (gratuites) ne cesse d’augmenter et représente des millions de pages vues chaque jour. Bien que le porno soit passé dans les mœurs et que les mentalités soient plus ouvertes sur le sujet, il existe néanmoins une forme de lobbying très prude qui pèse sur l’espace médiatique et restreint les possibilités de communication de ce secteur.
Une communication léchée

Malgré des réseaux sociaux assez hostiles, la communication du porno se fait essentiellement sur internet. Il est impossible aujourd’hui de passer à côté de l’utilisation de la communication digitale ; c’est en effet un média très économique, adapté au manque de budget du secteur pornographique et indispensable afin d’être vu, connu et reconnu. Marc Dorcel dispose ainsi d’un compte Facebook, de comptes Twitter, Instagram, Snapchat et d’une chaîne Youtube. Comptes sur lesquels la marque propose des opérations drôles et originales qui deviennent rapidement virales. La campagne « Sans les mains » par exemple a connu un succès phénoménal devenant un des sujets les plus commentés dès sa sortie.

Les ressources de la marque ne s’arrêtent pas là. Elle utilise tous les outils et toutes les innovations à sa portée afin de se démarquer. Elle a par exemple lancé une campagne de financement participatif simplement pour faire parler d’elle. Elle se positionne également sur le secteur de la réalité virtuelle en teasant la possibilité de bientôt pouvoir regarder des films avec l’Oculus Rift et a lancé dernièrement le porno à 360°.
Marc Dorcel est aussi un habitué du détournement d’autres marques et rebondit continuellement sur l’actualité pour promouvoir ses services. Ces traits d’humour lui offrent une grande sympathie et une énorme visibilité auprès du public, les tweets étant largement repris.

Depuis peu, Marc Dorcel s’est acoquiné avec Marcel, agence de com très innovante, preuve du potentiel de la communication dans le secteur du porno et du défi qu’elle représente. De cette association est par exemple née un coup de pub sur Snapchat nommé Snaptisfyer et illustrant l’orgasme en seulement 20 secondes que promet le nouveau jouet de la marque. La story du géant du porno permettait donc de voir la démonstration, réalisée par une animatrice, de leur dernier produit. Et visiblement, ça fonctionne. MD a d’ailleurs reçu pas moins de 5 récompenses pour sa publicité si bien huilée ! C’est ainsi une union gagnant-gagnant, puisque Dorcel acquiert en visibilité, tandis que Marcel gagne en visibilité grâce à son travail avec un des géants du X.

 

Tweet de Dorcel à propos de #Snaptisfyer
Mais la concurrence est forte dans ce domaine et les sites ou les relayeurs de pornos ne cessent de se montrer plus inventifs les uns que les autres. Pour des plateformes telles que Marc Dorcel il peut donc être difficile de faire entendre sa voix et de sortir des codes afin de se démarquer. Autre problème pour ces sites payants, les plateformes gratuites utilisent la même communication originale qui est elle aussi largement relayée sur les réseaux sociaux. Comme Pornhub et sa vidéo spéciale Noël ou encore le coup de com autour de la recherche de vidéos grâce aux emojis. Deux campagnes très virales.

Le secteur de la pornographie rivalise d’inventivité en termes de communication; un peu dramatiquement, on peut dire que leur survie en dépend. Leur touche humoristique et leur originalité séduit le public malgré la censure à laquelle ils doivent faire face. Censure qui justement, les pousse à innover sans cesse pour attirer les consommateurs. Pourra-t-on assister bientôt à une communication du porno bien plus libérée ? Probable lorsque l’on sait que des publicités n’hésitent plus à utiliser les codes de la pornographie pour séduire les consommateurs. La pornographie est définitivement en train de passer dans les mœurs. Les langues se délient et les tabous tombent.
Alexane David
Sources :
• REES, Marc, Nextinpact,  « L’éditeur Marc Dorcel bloqué 30 jours sur facebook pour une photo », publié le 15/07/14, consulté le 21/12/16
• ROPARS, Fabien, Blog du modérateur, « Interview : La stratégie digitale de Dorcel », publié le 19/08/15, consulté le 20/12/16
• PAULET, Samuel, FocuSur. « Interview : Grégory Dorcel, DG de Marc Dorcel, prince de la luxure et du X en France »,, publié le 16/11/2015, consulté le 21/12/15
• LE ROY, Sylvie, L’ADN. « Dorcel, toujours un coup d’avance », , publié le 24/11/2015, consulté le 20/12/2016
• BONNEMAISON, Romain, Paper Geek, « Pornhub : pour Noël, une pub encourage les gens seuls à regarder du porno », publié le 8/12/16, consulté le 22/12/16
• Pierre, auteur à journaldugeek.com, « PornHub : Un emoji contre une vidéo porno », Journal du geek., publié le 22/4/16, consulté le 22/12/16
Crédits  :
• Marc Dorcel
•   Photo censurée
•  Mikadulte
•  Capture Snapchat du compte twitter de Dorcel
• Vidéo youtube de la chaîne Dorcel, Anna Polina – #SansLesMains
• Screen de la page d’accueil de Marc Dorcel

Culture

Tempête sur la musique : la déferlante Frank Ocean

Si la musique reste aujourd’hui cette filière prophétique décrite par Jacques Attali en 1977 dans son ouvrage Bruit, celle qui vit les crises et les conflits avant les autres, les autres secteurs de la culture ont quelques années de turbulences et de mutations devant elles. En témoigne cette année 2016 tout juste achevée, qui a vu se mélanger une sortie d’album de Mr. Ocean très préparée, l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché, et de vieilles majors reléguées au rang de simples associées…tout cela dans le tourbillon de la sortie de deux albums, Endless et Blond, hymnes à la création, à l’expérimentation, et surtout à l’abnégation.
À l’image des Daft Punk, rester dans l’ombre est devenu le meilleur moyen d’être sous les feux des projecteurs. Communiquer son art relève du jeu du chat et de la souris, de l’ombre et de la lumière…jusqu’au dévoilement de l’œuvre, celle de la sortie officielle qui suscite bien souvent des conflits d’intérêts. L’art se prolonge sous différentes formes et en être l’unique propriétaire devient un luxe que nombre d’artistes veulent s’offrir. S’exprimer et tout maîtriser : voilà une fois de plus l’exemple que le chef d’orchestre peut être en studio comme derrière les plans de promo.
L’art de trouver le bon tempo…tout en jouant avec les silences
L’attente. C’est ce qui a rongé les fans du chanteur pendant presque quatre ans. Elle n’est pourtant pas à l’origine d’une stratégie marketing. Frank Ocean, au sortir du triomphe Channel Orange,  s’est confronté à la difficulté de retrouver son identité d’artiste, tout en luttant contre le syndrome du deuxième album. Ces quelques années qui ont séparé ce premier album de Blond se sont transformées en saga sans fin pour les fans comme pour l’homme, aussi attendu qu’un messie.
Pourtant, le successeur de Channel Orange n’a pas tardé à faire parler de lui. « Je vais faire la première partie d’Outkast cet été à Pemberton donc je vais peut-être renoncer à Coachella » laissait-il entendre en 2014, annonce suivie d’une bribe de morceau « Memrise », lâchée sur Tumblr six mois après. S’ensuivaient un autoportrait publié sur Twitter, une photo énigmatique avec deux magazines titrés « Boys don’t cry » et « I got two versions. I got twooo versions », une annonce de date de sortie (juillet 2015, qu’il ne respectera évidemment pas), un faux lien iTunes, quelques sons volés publiés sur le net puis vite effacés, une fausse fiche de prêt de bibliothèque listant toutes les dates potentielles de sortie de l’album pour enfin arriver, en juillet 2016, à un article dans le New-York Times annonçant de façon certaine la sortie du tant attendu opus, le 5 août.
En effet, un live stream Apple Music tourne en boucle sur le site du chanteur, depuis le 1er du mois, on y voit Frank Ocean sciant des planches de bois sur fond d’extraits sonores. La vidéo est à elle seule le symbole des années d’impatience : l’auditeur devient le spectateur du travail lent, méthodique de l’artiste qui invite son public à s’attarder. Le 5 août, l’album ne pointe d’ailleurs toujours pas le bout de son nez. Comme si le temps n’était pas un facteur important, Frank Ocean va publier après quatre ans d’attente, à partir du 19 août et en l’espace de deux jours, deux albums : Endless et Blond.
Depuis 2013, l’hystérie collective a vu des millions de tweets défiler sur internet, chacun exprimant son désarroi profond, sa colère de ne jamais voir paraître le disque tant rêvé, ses lettres d’amour ou de haine… Des filtres Snapchat dédiés ont même été créés par la plateforme afin de sustenter les fans avides d’un quelconque signe avant-coureur.

http://frankocean.tumblr.com/post/115712574756/i-got-two-versions-i-got-twooo-versions


Une partie d’échec pour gagner dans la durée
Grâce à la stratégie mise en place avec habileté par Frank Ocean et son équipe, le chanteur s’est libéré du contrat qui le liait à Universal en publiant d’abord Endless, un long album visuel, élusif sans morceau diffusible en radio et peu exploitable en promo pour une maison de disques… pour sortir le jour suivant son véritable nouvel album sur son propre label, en dépit des sommes dépensées par Universal pour financer son nouveau disque. Nous passerons ici les détails techniques et aspects financiers pour nous attarder sur les enjeux de communication d’un tel tour de passe-passe.
Ce coup de poker permet à Frank Ocean de supprimer les intermédiaires en ne se fiant qu’au distributeur, Apple. La marque devient, avec l’autre plateforme de streaming Tidal, un interlocuteur privilégié pour les artistes afin de promouvoir leur musique. Jimmy Iovine, PDG d’Apple Music, déclare dans une récente interview ne pas vouloir pour autant prendre la place d’un label mais « faire de sa plateforme le meilleur lien entre l’artiste, le label, et le consommateur. » Le site de streaming ne se place plus aujourd’hui au simple rang de subordonné à la maison de disques, mais comme un véritable acteur de pouvoir sur la distribution et la diffusion de la musique dématérialisée.
En ne commerçant qu’avec lui, l’artiste peut se permettre de tout décider : quand sortir son album, ce qu’il veut y mettre… L’important pour la plateforme est de détenir l’exclusivité du contenu. L’avantage pour l’artiste : la communication entre lui et son public est directe. Pour Paul May, le plus proche collaborateur de Frank Ocean, « L’art ne peut pas être précipité. Il s’agit de s’assurer d’atteindre l’esthétique parfaite pour la situation. Pour y arriver, cela demande constamment des ajustements, des essais et des erreurs… ». C’est ce qu’offrent Apple Music et Tidal aux artistes les plus rentables : du temps. Frank Ocean a réussi l’impensable aujourd’hui : créer l’espace de liberté le plus total, tant sur le plan de la communication que de la création, tout en étant financé à hauteur de major.

Expérimenter et renouveler les nouvelles formes de création
Avec l’explosion du streaming, on observe dans le top Billboard un changement radical de la proposition musicale des artistes les plus vendeurs. Que ce soit Beyoncé, Kanye West, Solange, Bon Iver, Frank Ocean ou encore Radiohead, chacun développe son art de façon très personnelle, engagée, sans single formaté pour les charts. On remarque que sur Spotify, Deezer et autres plateformes, l’engagement du consommateur n’est plus financier mais un engagement de durée. On prend du temps pour découvrir un tube, on cherche à s’aventurer dans les albums, à se perdre afin de trouver celui dont est issue notre chanson préférée. Dans une époque où nous avons accès à tout, faire un album qui ne cible pas tout le monde est un moyen d’attirer des foules.
Cette logique s’applique aussi à la volonté de re-matérialiser la musique en la prolongeant sous forme de magazine, de coffret vinyle… Frank Ocean l’applique avec la publication gratuite, très limitée de son magazine Boys don’t cry. Le principe de rareté et de gratuité mêlés le placent immédiatement dans l’esprit du fan au rang d’oeuvre d’art gracieuse, désintéressée.
Frank Ocean réussit à faire de l’art avec un objet commercial à grande échelle, et d’un objet commercial considéré comme dépassé, un objet d’art de notre époque. Il expérimente, prolonge, développe dans la longueur l’histoire ce qu’il veut raconter… sans jamais pour autant perdre le nord : « Je sais exactement quels sont les chiffres, a-t-il confié dans une récente interview au NYT. J’ai besoin de savoir combien j’ai vendu d’albums, combien de streamings, quels territoires jouent ma musique plus que d’autres, car cela m’aide à décider où l’on irait faire des concerts, où l’on pourrait ouvrir un magasin de location de voiture, un pop-up store ou quelque chose dans le genre… ». Un chef d’orchestre qui mène son porte monnaie à la baguette.
 
César Wogue
Sources :
– Edward Helmore, Universal reportedly outlaws streaming ‘exclusives’ after Frank Ocean release, 23.08.2016, https://www.theguardian.com/business/2016/aug/23/universal-streaming-exclusives-frank-ocean-release, consulté le 23/12/2016
– Joe Coscarelli, Apple Music: Platform? Promoter? Both., 22.12.2016, http://www.nytimes.com/ 2016/12/22/arts/music/apple-music-platform-promoter-both.html, consulté le 26/12/2016
– Ben Sisario, Frank Ocean’s ‘Blonde’ Amplifies Discord in the Music Business, 25.08.2016, http:// www.nytimes.com/2016/08/26/business/media/frank-oceans-blonde-amplifies-discord-in-themusic-business.html, consulté le 26/12/2016
– Jon Pareles, With Streaming, Musicians and Fans Find Room to Experiment and Explore, 22.12.16, http://www.nytimes.com/2016/12/22/arts/music/streaming-album-bon-iver-kanye-westfrank-ocean.html, consulté le 26/12/2016
– Marine Desnoue, Frank Ocean, la puissance marketing de Blonde, 08.16 http://oneyard.com/ magazine/frank-ocean-puissance-marketing-de-blonde/, consulté le 26/12/2016.
– Jon Caramanica, Frank Ocean Is Finally Free, Mystery Intact, 15.11.16, http://www.nytimes.com/ 2016/11/20/arts/music/frank-ocean-blonde-interview.html, consulté le 25/12/2016
– Adam Bychawski, Apple Music boss denies forcing Frank Ocean to split with his label ahead of Blonde release, 23.12.16, http://www.factmag.com/2016/12/23/apple-music-boss-denies-forcingfrank-ocean-split-label-ahead-blonde-release/, consulté le 25/12/2016
Crédits photo :
– Boys don’t cry®
– Télérama

Culture

Miyazaki du pinceau au stylet

Alors que le « Disney japonais » annonçait la fin de sa carrière après Le Vent se lève, Hayao Miyazaki annonce un nouveau long métrage pour 2020. Version longue du court métrage Boro la Chenille, ce nouveau projet dans lequel la petite chenille sera animée entièrement en image de synthèse, entame la rupture du maître incontesté de l’animation japonaise avec le dessin à la main.
Envers et contre lui
C’est un changement vis-à-vis du processus de création qui semble en contradiction avec les convictions d’un réalisateur qui depuis toujours prônait sa singularité et son indépendance, refusant à Disney les modifications pour la diffusion de Princesse Mononoké. Ce passage du dessin au numérique, du papier à l’écran n’est ni anodin ni arbitraire. La fin du pinceau de Miyazaki, qui se dressait contre les injonctions de production des animés, ne laisse aucun adepte du cinéma d’animation indifférent.
De l’animé à la synthèse
Les dessins animés comme le nom l’indique, sont une suite de dessins qui mis bout à bout prennent vie pour créer des mouvements et finalement des animés. L’animation de synthèse est la création entièrement numérique de personnages sur écran mis en mouvement par ordinateur. C’est Pixar qui inaugura le succès du cinéma de synthèse avec des succès au box office tels que Toy Story en 1996 ou encore Monstres & Cie en 2001. Disney emboita le pas avec d’indéniables succès comme par exemple Madagascar. La différence de processus de production entre ces animés a bien évidement une incidence sur le rendu final : alors que le dessin conserve une esthétique en 2D qui rappelle la BD ou le manga pour Miyazaki, la synthèse donne une sensation confondante de 3D.
Cependant, les différences ne s’arrêtent pas à l’esthétique et les considérations économiques et matérielles de la production cinématographique ne sont jamais très loin. L’image de synthèse répond aux exigences de la nouvelle consommation de cinéma de masse. Moins cher, plus rapide, plus moderne et « plus réaliste », la synthèse donne au numérique sa légitimité sur le marché de la création d’animés. Toutefois, ce changement d’outil et de support chez Miyazaki interroge et inquiète des fans qui y voient la fin d’une époque, d’une tradition, d’un savoir-faire.

Photo : Sausage Party

Photo : Nausicaä de la vallée du vent
Quand le stylet efface le style
Souvent comparé à Walt Disney pour l’ampleur de son succès, Miyazaki se distingue par bien des aspects du géant Américain. Soucieux de ses créations, l’auteur japonais prête une attention très particulière au style et à la précision de ses dessins, allant même jusqu’à repasser plusieurs fois derrière chacun de ses dessinateurs. Cette att
ention est largement perceptible dans le rendu des paysages fantastiques et oniriques de ses longs métrages comme ceux de Princesse Mononoké ou de Nausicaa. L’auteur a d’ailleurs souligné l’importance de l’équilibre entre l’utilisation de l’ordinateur et du dessin.
Mais Boro la Chenille semble contredire cette exigence de la préservation du savoirfaire manuel et semble en même temps annoncer la fin d’une méthode. Le passage du pinceau au stylet s’accompagne d’une modification inévitable de style : l’image finale s’éloigne de ses origines manga et perd l’authenticité du trait pour le réalisme du 3D. Le choix du dessin répondait à l’intention de l’auteur de ne pas reproduire « le réel dans sa forme concrète ». Cette transition s’accompagne également des modifications des conditions de production. L’utilisation de la synthèse raccourcit le temps de production et de création de l’animé, alors qu’un Miyazaki nécessitait cinq à sept ans de travail, Boro verra le jour après trois ans de création.
Photo : layout du film Mon voisin Totoro

La chute d’une légende
Mais au-delà du style, c’est tout un symbole qui s’effrite. En laissant tomber le crayon et le pinceau, Miyazaka semble jeter le voile sur des années de tradition scripturale. Dernier représentant d’une création « à l’ancienne », le choix de l’auteur éveille la peur de l’irréversible, de la transition sans retour d’une tradition de la main à la pratique du clavier. Cette nouvelle réanime l’éternel sentiment d’une perte, celle de la culture de l’écrit, de la création manuelle et du support matériel. Les esquisses et les planches cèdent le pas aux écrans et aux algorithmes et les mains semblent oublier peu à peu les gestes ancestraux qui donnèrent naissance à Chiiro ou Totoro.
Ce dernier film ne signe surement pas la mort du dessin animé mais bel et bien celle d’un imaginaire partagé par des fans attachés aux pratiques qui prévalaient à une époque où l’on avait le temps, où l’on avait sept ans pour faire un monde. Toutefois n’oublions pas que le réalisateur aujourd’hui âgé de 77 ans, aura donc 80 ans à la sortie du long métrage, il est donc permis de croire qu’au lieu de se plier aux injonctions de l’économie et de la culture de masse, l’auteur s’est adonné à celle du temps pour nous livrer une dernière expérience fantastique, celle d’une immersion dans son imagination.
Céline JARLAUD
Sources :
ghiblicon.blogspot.fr Ghibli blog
Documentaire Arte Ghibli et le mystère de Miyazaki
animationjaponaise.wordpress.com
www.franceinter.fr L’art de Miyazaki et Takahata exposé
Crédits Photo :
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Culture

Je parle donc je suis: l'Agora du 93 à l'honneur dans À voix haute

Seine Saint-Denis, c’est d’la bombe bébé. Et c’est ce que prouvent les jeunes participants d’Eloquentia, le concours d’éloquence du 93. Pour la quatrième année, l’amphithéâtre de Paris 8 se transforme en arène où s’affrontent des orateurs en jean-baskets. Avec une verve décapante, ils nous livrent des bribes d’humanité poignantes. Dans À voix haute, diffusé en novembre dernier sur France 2, Stéphane de Freitas suit de sa caméra discrète et sincère la préparation d’une dizaine de ces jeunes. Pendant plusieurs mois, avocats, slameurs et metteurs en scène leur enseignent les ressorts subtils de la rhétorique. Le documentaire qui en résulte est à couper le souffle, ou plutôt, il donne envie de le reprendre dans un seul but : en parler.

L’éloquence est un sport de combat
« J’avais l’impression l’année dernière quand je suis arrivée à la fac que toutes mes origines sociales, la catégorie socioprofessionnelle de mes parents, les établissements quelque peu douteux que j’ai fréquenté (…) ça se dessinait sur mon visage mais surtout sur ma parole. » Le documentaire s’ouvre sur ce témoignage, illustration flagrante de la violence symbolique du « marché linguistique » analysé par Bourdieu dans Ce que parler veut dire. Pour le sociologue, il n’y a de bonne ou mauvaise façon de parler qu’en regard de la norme en vigueur, imposée par les « dominants », légitimée par le système. La jeune fille poursuit en racontant comment sa manière de passer des graves aux aigus la désigne directement comme issue de banlieue : « l’habitus linguistique » est socialement déterminé. Les personnes ne maîtrisant pas la forme standard du langage subissent une exclusion provoquant parfois une « auto-disqualification » qui les contraint au silence. Ce fut d’ailleurs le cas pour l’un d’entre eux: alors qu’il se retrouve à la rue suite à l’incendie de son appartement, les mots lui manquent face au mépris de France Habitation. Pas question de s’apitoyer pourtant. Bourdieu nous a appris à voir la sociologie comme « un sport de combat » : avoir conscience des déterminismes, c’est avoir les armes pour se défendre. Loin de tout fatalisme, À voix haute est le récit de ce combat.

Le réalisateur, un Richard Hoggart du XXIème siècle ?
Le réalisateur Stéphane de Freitas a grandi au sein d’une famille d’origine portugaise en Seine-Saint- Denis. Sa passion pour le basket le propulse à l’adolescence dans les quartiers chics de l’ouest parisien. « Fils de garagiste » VS « fils d’héritier » : pas facile d’y trouver sa place. Quelques années plus tard, diplômé d’ASSAS et de l’ESSEC, il fonde une association pour faciliter le lien social et repenser une société plus collaborative : la Coopérative Indigo, à l’initiative d’Eloquentia. Cette ascension éclair rappelle celle du sociologue Richard Hoggart. Recueilli par sa tante dans une famille de la classe ouvrière du Nord de l’Angleterre, il fut le « contre-exemple exemplaire » d’un boursier issu des classes populaires devenu universitaire de renom dans les années 50. Dans La Culture du pauvre, Hoggart affirmait la non-passivité des classes populaires face à la culture de masse : leurs logiques de ré-appropriation culturelle déjouaient l’idée d’individus réceptacles de la « seringue hypodermique » médiatique (Lasswell). « A la fois proche et éloigné » (1957), entre familiarité et prise de recul, la posture d’Hoggart ne tombait ni dans l’écueil du mépris ni dans celui de la complaisance. Il en est de même pour Stéphane de Freitas. Pas de voix-off ni de métadiscours : les récits de vie s’entremêlent aux performances sans jamais tomber dans le pathos sur-joué du tv show. À voix haute est un cocktail explosif que l’on sirote avec le sourire.
Des philosophes antiques au 93 : la parole efficace et poétique
« Je parlais sans prendre en compte l’efficacité, le but de ma parole. L’objectif était de parler le plus possible, un peu comme des éjaculations de poulet ». Derrière la métaphore saisissante de ce jeune homme se retrouve l’importance de la performativité, étudiée dans les travaux de John Austin. Pour ce philosophe anglais, il est possible de « faire des choses avec des mots ». La force d’une énonciation est d’abord « illocutoire » : elle est dirigée dans un certain sens par l’énonciateur. Mais la visée ultime de tout acte de langage est surtout « perlocutoire » : il s’agit de l’effet produit sur l’interlocuteur. Bien qu’on ne puisse le contrôler, on peut l’anticiper. Se confronter à un auditoire est alors le meilleur exercice qui soit.

Eddy Moniot, vainqueur d’Eloquentia 2016.
Comme Flaubert dans son gueuloir, Eddy fait parler ses textes sur les dix kilomètres séparant son village de la gare la plus proche. Pour Jakobson, on trouve du poétique dans la quotidienneté du langage. Choisir une tournure de phrases plutôt qu’une autre parce qu’elle « sonne mieux », c’est déjà user de la fonction poétique.
Discours, plaidoirie, slam, théâtre… A Eloquentia, l’expression n’a pas de limite. Un point commun : la parole. D’après la distinction Saussurienne, la parole se distingue du langage et de la langue par son caractère éminemment personnel. Parler, c’est donc « se révéler aux autres, et surtout à [soi-même] » déclare le réalisateur. Par là même, les jeunes deviennent « les héritiers de Cicéron ». Cet homme d’état et auteur latin, du 1er siècle av. JC, prône en effet la cultura animi, ou culture de l’âme. De même que l’on peut cultiver son champ, on cultive par la pensée ses idées : l’orateur est celui qui se dévoile à travers le langage.
Leïla et Victor Hugo – A voix haute – INFRAROUGE

Comme l’enseignait Platon dans le Gorgias, un orateur doit avoir la subtilité des dialecticiens, la science des philosophes, la diction des poètes, la voix et les gestes des plus grands acteurs. Alors, à Eloquentia, le corps lui aussi « parle » : on apprend à se servir de la kinésique (gestes et mimiques) et de la proxémie (le positionnement dans l’espace).
De l’importance de l’éloquence

Emmanel Macron hurle  HURLE – Heavy metal  (remix)

« On fait campagne en poésie. On gouverne en prose. » : lors des primaires qui l’opposaient à Barack Obama, Hillary Clinton avait repris cet aphorisme de Mario Cuomo (ancien gouverneur de l’État de New York). Elle cherchait alors à le dépeindre comme un candidat dont la rhétorique ne pourrait se traduire en réalité… On voit bien où ça l’a menée ! Marc Antoine, Martin Luther King et Charles de Gaulle l’avaient bien compris : un discours peut renverser le cours des choses. Mais de l’envolée lyrique à la moquerie générale, il n’y a qu’un pas. C’est ce qu’a prouvé Emmanuel Macron dans son récent meeting, largement parodié en chanteur de hard rock ou en loup en détresse à cause d’une voix un peu éraillée. A la radio, la sentence est particulièrement sévère ; Sonia Devillers l’avoue sur France Inter : « Nous passons notre temps à éliminer des invités parce qu’ils ne parlent pas assez bien ». Alors que les anglo-saxons refont du « public speaking » une discipline à part entière, les français restent maîtres dans l’art de l’élucubration soporifique. Remettre l’accent sur l’éloquence permettrait certainement de (r)éveiller les esprits… alors, qu’est-ce qu’on attend ?
Alice Fontaine
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Sources:
•  A voix haute, Un documentaire écrit et réalisé par Stéphane de Freitas / Co-réalisé par Ladj Ly 
(le documentaire 
n’est malheureusement plus disponible en replay)
•   Claude Grignon, « Richard Hoggart ou les réussites improbables », La Vie des idées, 24 
février 2016. ISSN : 2105-3030.
•  Barbara CASSIN, « ÉLOQUENCE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 22 décembre 2016.
•  Sonia DEVILLERS – L’instant M « Concours d’éloquence dans le 93 : la parole comme une arme » – France INTER, 5 décembre 2016
•  Alban DE MONTIGNY, « Stéphane de Freitas, créateur d’Indigo, réseau social solidaire », publié sur La Croix le 30/08/2016
Crédits photos:
• France 3 Régions
• Julien Pebrel / MYOP pour NEON
•  Eddy Guilloux