SNAPCHAT
Politique

Snapchat et les présidentielles américaines : une liaison dangereuse ?

Depuis le milieu des 2000, chaque campagne présidentielle américaine a eu son réseau social. Si en 2008 Barack Obama a pu accéder à la Maison Blanche, c’est notamment grâce à Facebook, avec son fameux filtre « Yes We Can » que l’on pouvait mettre sur son profil. Il semblerait que cette fois-ci la campagne présidentielle américaine sera celle de Snapchat. En effet le réseau social cartonne : il a passé en février dernier la barre des 7 milliards de vidéos vues par jour, talonnant Facebook qui en compte 8 milliards, et bien que le nombre de ses utilisateurs soit moindre (environ 200 millions contre 1,59 milliards pour Facebook), son poids auprès des jeunes est considérablement plus important que celui de la firme de Mark Zuckerberg.
Cet argument a fait mouche auprès des candidats à la présidence des États-Unis, qui aujourd’hui ont tous un compte sur Snapchat. Mais l’intérêt est partagé : le réseau social veut élargir ses fonctions en touchant au domaine de l’information. La création en janvier 2015 de Discover, service proposant des contenus interactifs d’actualité a marqué le début de sa conquête. 
Cela met en lumière un double phénomène aux potentialités dangereuses. D’un côté l’ambition des médias sociaux de devenir des médias généralistes, englobants, et leur pouvoir d’attraction auprès des instances du pouvoir qui y voient une opportunité de toucher leurs cibles, n’est-elle pas en train de faire triompher le viral, l’éphémère – dont Snapchat est l’ultime forme – au détriment des idées ? De l’autre côté, cela ne dénature-t-il pas ce réseau social, basé sur le partage privé, de se faire en partie média d’information publique ? Retour sur une liaison dangereuse.
Snapchat à la conquête de la politique

En janvier 2015, Snapchat annonce l’ajout d’une nouvelle fonctionnalité à son réseau social : Discover. En partenariat avec onze médias dont CNN, le Daily Mail, National Geographic, ou Vice, cette extension permet aux utilisateurs de passer de leurs partages personnels vers des contenus interactifs d’actualité ou de divertissement. Le réseau social, utilisé par plus de 60% des 18-34 ans ayant un smartphone tire ainsi profit d’une information soulignée par une étude de Sky News menée en 2015 : seuls 18% des 16-24 ans utilisent les médias traditionnels (télévision, presse papier, radio) pour s’informer – les réseaux sociaux sont leur première source d’information. Mais cela ne fait que marquer le début d’une véritable conquête du monde de l’information par Snapchat, et particulièrement de la politique.
En effet quatre mois plus tard, le journaliste politique star de CNN, Peter Hamby, devient le directeur de l’information du réseau social. Le 22 mai de la même année est publiée sur le site Greenhouse une offre d’emploi tout à fait singulière : sont recherchés des « passionnés de la politique » et « aficionados de l’actualité » avec une « expérience en journalisme » exigée, pour « raconter des histoires au sujet de la course à la présidentielle [américaine] 2016 ». La conquête du politique est plus qu’enclenchée – il ne reste qu’à séduire les candidats.
 

 
Les politiques épris de Snapchat
Pour ce faire, Snapchat dispose d’un argument de taille : elle est le réseau social favori des personnes âgées entre 15 et 30 ans. Sur l’ensemble de ses utilisateurs aux États-Unis, 40% ont entre  18 et 29 ans. Cela n’est pas négligeable lorsque l’on sait que ces jeunes représentent 36% des électeurs du pays, comme le rappelle une récente étude du Harvard’s Institute of Politics. Avec Snapchat, les politiques veulent atteindre les primo-votants, qui d’après une étude du site Fusion sont « fortement enclins à voter » en 2016 à 77%.
C’est ainsi que l’ensemble de la classe politique américaine a envahi le réseau social. Le 11 janvier 2016, la Maison Blanche a ouvert un compte sur Snapchat, avec pour objectif de « communiquer avec ce vaste segment de la population [les utilisateurs de Snapchat] de façon nouvelle et créative ». Avec un président mis à mal dans les sondages,  il est surtout primordial pour l’exécutif de renouer le lien avec les jeunes Américains.

De même, tous les candidats aux primaires des partis Républicain et Démocrate ont créé leur compte, chacun avec des enjeux différents. Pour Hillary Clinton, qui a lancé son compte en avril 2015, l’objectif est de conjurer 2008. Ce sont en effet les jeunes qui avaient départagé Obama et Clinton aux primaires démocrates, notamment en Iowa. Il lui faut par conséquent avoir cette jeunesse derrière elle. Cela est d’autant plus important que 56% des personnes âgées entre 18 et 29 ans veulent un président Démocrate, et 36% un président Républicain. Son premier « snap », une photo de l’intéressée durant ses jeunes années, illustre parfaitement cet enjeu.

Mais Hillary Clinton, si elle est première dans les sondages, est moins populaire que Bernie Sanders auprès des jeunes : elle reçoit le soutien de 35% des primo-votants à la primaire démocrate, contre 41% pour le sénateur du Vermont, qui a rejoint Snapchat en novembre 2015. Elle a par conséquent décidé de jouer la carte Snapchat à fond, prenant même des « snaps » chez l’animateur vedette Jimmy Fallon.
 

Côté Républicain, l’objectif des candidats en se créant un compte Snapchat, outre leur autopromotion, est de contrer Donald Trump. Ce dernier est effectivement hyperactif sur Twitter, Instagram et Periscope, mais n’a pas de compte sur l’application au logo fantôme. Ted Cruz a par exemple lancé un filtre géolocalisé intitulé « Ducking Donald » – subtile parallèle entre le prénom de son meilleur ennemi et le héros de Disney – pour se moquer de la politique de la chaise vide de Donald Trump : plusieurs photos montrant des meetings où il est absent sont annotées de la question « Where is Ducking Donald ? ». Les Démocrates ont quant à eux lancé le filtre « Deport Trump » lors d’un débat au Nevada, État à la forte population hispano-américaine, en référence au plan de « déportation » (le terme n’ayant pas exactement la même connotation qu’en Français) de onze millions de sans-papiers du territoire américain.
 

Cette année, la politique compte sur Snapchat et inversement. Mais cela n’est-il pas risqué ?
Une liaison dangereuse des deux côtés
 Cette irruption de Snapchat dans la politique américaine est problématique. Elle provoque en effet leur appauvrissement mutuel : le réseau social perd en identité, et la politique perd en pertinence.
Le réseau social, en introduisant d’abord l’actualité avec Discover puis en faisant un appel du pied aux politiques, notamment en engageant des journalistes pour couvrir la campagne, va à l’encontre de sa propre nature. L’application est au départ le vecteur de conversations privées entre amis et entre proches. Ce caractère privé se double d’une garantie de secret, symbolisée par le logo fantôme, car chaque « snap » est éphémère. En incluant du contenu informationnel et public, elle trahit l’ambition d’une application valorisée à plus de 10 milliards de dollars de devenir un média englobant, qui risque de perdre ses utilisateurs venus pour la promesse de liberté.
La politique, elle, perd avec Snapchat en pertinence. A la confrontation des idées a succédé la bataille – déjà enclenchée mais ici poussée à l’extrême – du viral, de la brièveté, et donc de l’efficace, non de l’intelligent. Preuve en est l’intense réflexion qu’il y a derrière le filtre de Ted Cruz mentionné précédemment, comparant Donald Trump à un canard en vareuse (même s’il est vrai que ce dernier ne semble pas capable non plus d’une grande hauteur de débat). Si le racolage, la séduction des « masses » par les politiques ne datent pas d’hier, ils sont avec des réseaux sociaux comme Snapchat banalisés et normalisés.
En 2016, la liaison entre Snapchat et la politique est devenue officielle. Espérons que ce ne soit pas pour le pire.
Clément Mellouet
Sources
– Soumitra Dutta & Matthew Fraser, US News, « Barack Obama and the Facebook Election”
http://www.usnews.com/opinion/articles/2008/11/19/barack-obama-and-the-facebook-election
– Harvard’s Institute of Politics, Survey of Young Americans’ Attitudes toward Politics and Public Service (2015)
http://www.iop.harvard.edu/sites/default/files_new/pictures/151208_Harvard_IOP_Fall_2015_Topline.pdf
– Marion Degeorges, Les Echos, « Etats-Unis : 2016 sera la présidentielle Snapchat »
http://m.lesechos.fr/redirect_article.php?id=021223537962&fw=1
– L’Express, « Snapchat embauche des journalistes pour couvrir les présidentielles U.S. »
http://www.lexpress.fr/actualite/medias/snapchat-embauche-des-journalistes-pour-couvrir-les-presidentielles-u-s_1683379.html
– Alice Maruani, Rue89, « Le vote des jeunes Américains tient-il à une blague de cul sur Snapchat ? »
http://rue89.nouvelobs.com/2016/02/02/vote-jeunes-americains-tient-a-blague-cul-snapchat-263046
– Alice Rivoire, FastNCurious, « Snapchat lance Discover (et sa monétisation ?) »
http://fastncurious.fr/irreverences/snapchat-lance-discover-et-sa-monetisation.html/
Crédits images : 

dailydot.com
thesocialclinic.com
nytimes.com
techradar.com
msnbc.com
twitter.com

 

Politique

Haro sur les bobos !

« C’est toi le bobo, d’abord ! ».
Concise et efficace, cette invective permet de discréditer l’adversaire sans effort. Retour sur un mot-valise, qui est devenu une arme de communication massive.
Allô maman, suis-je un bobo ?
« Bo-Bo », contraction de « bourgeois-bohème », serait le nouvel animal social de la démocratie libérale dont l’ouvrage Bobos in Paradise de David Brooks (2000) symboliserait l’acte de naissance. Par ce néologisme, l’auteur pensait pourtant faire le plaidoyer de ces Américains d’un genre nouveau, sorte de successeurs des Yuppies (Young Urban Professional), qui réconcilieraient les valeurs de la contre-culture hippie avec le monde capitaliste.
Largement utilisé dans les médias, l’image du bobo renvoie aujourd’hui peu ou prou à une catégorie de la population pour qui le capital culturel serait plus déterminant que le capital économique.

Renaud – Les bobos par leebil

Malgré ce que laisse entendre la journaliste de Libération Annick Rivoire dans son article « L’été de tous les Bobos », ou le chanteur Renaud, le bobo ne représente en rien un groupe homogène.
Si dans l’imaginaire collectif, le bobo vote à gauche, qu’il est tolérant « parce que c’est bien », qu’il consomme bio, et se déplace à vélo, « parce que protéger la planète c’est bien aussi », le personnage est surtout un riche hypocrite. L’avantage du mot-valise réside dans le fait que chacun puisse se forger une image sur-mesure du bobo à pointer du doigt.
Etre sociologue à la place du sociologue
Par l’absence de définition précise, le terme « bobo » peut être considéré comme un « mot-besace » au sens de Pierre Schaeffer. Ces mots renvoient à des notions si floues, que chacun peut y apporter sa propre signification, et sont ainsi la hantise des scientifiques dont le métier nécessite une grande rigueur dans la manipulation des concepts. Si la vulgarisation de la science permet d’établir une communication, plutôt verticale, de la sphère scientifique vers le grand public, il semblerait que le destin du concept « bobo », ait pris la trajectoire inverse.
Comme le précise sur France Culture Anaïs Collet, maître de conférence en sociologie, le « bobo » est plus un objet social à analyser qu’un analyseur du social, dans la mesure où il est largement utilisé dans le langage courant.
Si fondement sociologique il y a, la « boboïsation » de la société semble recouper le concept de « gentrification ». Cette réalité urbaine, en cours depuis les années 1960-1970, traduit l’appropriation de l’espace dans la ville par les classes moyennes-supérieures, au détriment des classes populaires, repoussées vers des banlieues toujours plus excentrées. Ce processus sociologique, qui résulte de causes multiples, semble avoir été simplifié par l’idée selon laquelle le  « grand méchant bobo » envahirait les centres villes des grandes métropoles.
Bobouc émissaire
Et si le concept du bobo a été aussi massivement diffusé, c’est peut-être parce qu’il est un instrument politique redoutable.
Par exemple, et sans grande surprise, le bobo est l’ennemi imaginaire favori du Front National, dont Marine Le Pen s’insurge régulièrement, dénonçant les « délires de bobos citadins qui confondent écologie et retour à l’âge paléolithique ».
Mais le bobo est surtout un outil de communication politique, parce qu’il parvient, assez ironiquement, à créer un consensus autour de sa détestation sur l’ensemble de l’échiquier politique.
Globalement, la figure du bobo est affiliée au Parti Socialiste, comme le résume Nathalie Kosciusko-Morizet, alors porte-parole de Nicolas Sarkozy, lorsqu’elle affirme que « le droit de vote des étrangers, un truc de socialiste ou de bobo parisien, et ce sont souvent les mêmes ».
Fustigé à droite pour son progressisme, puisqu’il incarne à merveille la fameuse « bien-pensance », il l’est pourtant également à gauche pour son adhésion au libéralisme économique, ce qui le fait passer pour un traître. En somme, le bobo représente le parfait bouc-émissaire.
« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » (contre le bobo envahisseur)

L’utilisation de la figure du « bobo » comme instrument politique pose plus de problèmes que son fondement scientifiquement peu pertinent. Comme le souligne Éric Agrikoliansky, maître de conférences en sciences politiques à l’Université Paris-Dauphine, la stigmatisation continuelle dudit « bourgeois-bohème », voile réciproquement l’existence de la classe bourgeoise, dans le sens où l’entendent Monique et Michel Pinçon-Charlot, c’est-à-dire en tant que dernière classe en soi et pour soi.
Or, conclut Éric Agrikoliansky, si la gauche socialiste est devenue le parti des « bobos », et que la classe bourgeoise a disparu, il semble alors d’une logique implacable que la droite (longtemps taxée de défendre les intérêts bourgeois) et, plus encore l’extrême droite, puissent se revendiquer être les partis du peuple.
Aline Nippert
Crédit photos :
– Bobos in paradise, David Brooks (2000), première de couverture
– Le Figaro : http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2014/02/14/31003-20140214ARTFIG00212-le-bobo-portrait-au-vitriol-des-internautes-du-figaro.php
Sources :
– « L’été de tous les bobos », par Annick Rivoire publié dans Libération (juillet 2000) 
– Des machines à communiquer, Pierre Schaeffer (1969)
– « À quoi servent les bobos ? », émission « Du Grain à moudre » de Hervé Gardette sur France culture (février 2014) 
– Oberti Marco, Préteceille Edmond, « Les classes moyennes et la ségrégation urbaine. », Education et sociétés 2/2004 (no 14), p. 135-153 
– « Le « bobo », repoussoir de la droite puis ennemi préféré de Le Pen », par  Nolwenn Le Blevennec dans l’OBS (2012) 
– « Recherche « bobos » désespérément… », par Éric Agrikoliansky, pour Médiapart (2012) 
– Manifeste du Parti communiste, Karl Marx et Friedrich Engels
– « Le paradoxe du bobo », Le Monde 
– Les Inrocks : http://www.lesinrocks.com/2014/02/06/actualite/la-republique-bobo-marre-du-bobo-bashing-11469944/
– Slate.fr : http://www.slate.fr/story/78698/les-bobos

Politique

"90 jours" pour tout changer ?

« Écologie » : c’est presque de manière violente que ce terme clivant retentit dans les esprits, victime d’une quantité de clichés indénombrables. L’ « écolo », dans l’imaginaire collectif, est tantôt associé à une sorte de babacool nostalgique aveuglé par les promesses utopiques que lui font ses tongs en bois, tantôt à un genre de « bobo biocool », faisant peser sur tout ceux qu’il fréquente une véritable culture de la culpabilité. L’écologie effraie car elle nous confronte à des réalités parfois choquantes et dramatiques, qui nous renvoient à notre statut de « poussière d’étoile » et bousculent notre rapport au temps. L’écologie effraie, aussi, parce qu’elle nous responsabilise et nous demande de jouer pleinement notre rôle de citoyen.
Les nouvelles technologies au service de l’écologie participative
Pourtant, certains n’hésitent pas à faire preuve de créativité et à utiliser les supports communicationnels modernes pour réconcilier écologie et citoyenneté. La technologie semble en effet s’imposer peu à peu en tant que medium innovant, encourageant la sensibilisation de la société civile aux problématiques écologiques.
C’est dans cette lignée communicationnelle ludique que s’inscrit l’application pour smartphone « 90 jours ». Imaginée par Elliot Lepers, designer de formation, elle offre à tout un chacun la possibilité de se familiariser à l’écologie et d’agir de manière non-chronophage à partir d’outils qui sont entrés dans notre quotidien. Son créateur envisage l’application en tant qu’ « assistant personnel permettant de mettre en œuvre sa propre transition écologique ».

Première étape : remplir un questionnaire afin de définir son profil personnalisé. Deuxième étape : relever vaillamment les défis reçus. De « faire pipi sous la douche » à « modérer sa consommation de viande » ou encore « s’inscrire à une AMAP », les impacts environnementaux des défis sont expliqués et assortis de conseils qui favorisent le passage d’une écologie de la privation à une écologie plaisante qui crée une nouvelle pratique.
Lors d’une conférence donnée pour TedX Paris, Elliot Lepers explique penser qu’il est « important de sortir l’écologie de ses incarnations ». Dans l’espace public et médiatique, l’écologie est le plus souvent dépeinte à coup de drame et de fin du monde, alors que c’est uniquement l’inaction face aux questions environnementales qui nous sont posées qui présage des conséquences dramatiques. De quoi encourager le plus grand nombre à fermer les yeux et à mépriser les couleurs des bacs de tri sélectif.
Il semble légitime de questionner l’efficacité concrète de ce genre d’application qui ne relève, pour certains, que du gadget. Les résultats sont bien là, pourtant : les utilisateurs de « 90 jours » ont déjà réussi à économiser 900 000 kg de cO2 et un million de litres d’eau. Plus de 60 000 personnes l’utilisent aujourd’hui. Cependant, d’autres outils communicationnels de plus vaste ampleur permettent, à une autre échelle, la mobilisation d’acteurs écologiques qui tentent de porter les revendications devant les pouvoirs publics. C’est le cas de la pétition en ligne, par exemple, qui est à l’origine d’une nouvelle communauté partagée.
S’informer, se former… et agir ?
Ce qui semble important, avant de pouvoir agir en tant qu’acteur écologique citoyen, est de savoir comment et pourquoi. Cette nécessité informationnelle est exploitée sous des formes de plus en plus innovantes, comme le webdocumentaire. Ces œuvres multimédia et interactives proposent une immersion documentée au sein d’un thème donné et invitent le spectateur à participer voire, parfois, à mener la visite guidée. Elles sont données à l’usagé comme des jeux, des panoplies à explorer et à manier. Arte en a produit de nombreux, mis en ligne sur sa plate-forme créative. « Polarsea360 », par exemple, est un voyage virtuel à la découverte de la fonte des glaçes.

Ces plate-formes technologiques nous proposent à la fois du contenu informatif et un nouveau mode de participation au débat : le citoyen a des clés en mains. Lors de la COP 21, par exemple, les internautes étaient invités à réagir via les réseaux sociaux. Pour la journée du dimanche 29 novembre (jour de l’arrivée de 130 chefs d’Etat à Paris) plus de 750.000 tweets en lien avec la conférence des Nations unies ont été postés sur Twitter.
Toutes ces initiatives tendent à dé-diaboliser l’écologie considérée comme science obscure pour en faire une pratique qui nous soit familière. Demain, film documentaire réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, récompensé par le césar du meilleur documentaire, nous propose d’aller à la rencontre de ces acteurs innovants qui repensent l’écologie via l’utilisation de nouveaux outils. Comme le dit Elliot Lepers : « nous sommes tous les designers de notre quotidien ». Alors, prêts à relever le défi ?

Emilie Beraud
Sources :
http://90jours.org/
http://www.tedxparis.com/?s=90+jours
http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/05/05/linky-le-compteur-intelligent-suscite-deja-la-polemique_1517385_3234.html

Cyril Dion nous raconte le succès de « Demain », le docu écolo-feel good devenu phénomène de société


http://www.franceculture.fr/emissions/la-revolution-ecologique/ecologie-et-democratie
La résistance au changement, produit d’un système et d’un individu par Daniel Dicquemare
Crédits images :
Aline Nippert
http://90jours.org/

Politique

Le débat réenchanté ?

« La politique c’est du jargon déclamé à longueur d’ondes par des clones encravatés »
« Nous voulons du contenu, des idées, des échanges exigeants »
Deux émetteurs différents pour un même message. Les jeunes youtubeurs à l’origine de la chaîne Osons Causer; et les moins jeunes signataires du manifeste lancé par le collectif Notre Primaire, semblent s’accorder sur un point : le débat politique doit être dépoussiéré dans sa forme, et reconquis dans ses idées.
Osons Causer et Notre Primaire : deux exemples de réenchantement du débat politique
D’un côté, il y a Osons Causer : une chaîne YouTube créée par trois étudiants aux valeurs « humanistes, émancipatrices et tout ce que tu veux », comptant près de 32 000 abonnés. Son ambition est d’aborder les sujets « chauds » d’actualité politique à travers des éclaircissements philosophiques, sociologiques et économiques – en somme éveiller l’esprit critique. Partant du constat sans équivoque: « la politique, c’est chiant », le jargon administratif et la langue de bois sont d’emblée pointés du doigt et mis au rebut. Le projet est de revenir aux fondements d’une démocratie vraie, basée sur un langage compréhensible par tous, un « blabla d’intérêt général ». Autrement dit, l’initiative réside en priorité dans la réactivation de la parole politique, avant toute action politique.

De l’autre, il y l’initiative de gauche Notre Primaire. Politiques (Daniel Cohn Bendit en tête) – mais aussi écrivains, sociologues et philosophes (Raphaël Glucksmann), sémiologues, cinéastes, syndicalistes – signent un manifeste pour une primaire à gauche en prévision de 2017. Mais ils ne se contentent pas de signer : une tournée de rencontres à travers le pays est organisée afin de redonner au débat une place centrale dans le processus de décision démocratique. Le site reprend les codes d’un blog où de nombreux signataires publient des tribunes et des articles qui, souvent, soulignent l’urgence d’agir et les lignes directrices d’un potentiel futur programme présidentiel. Il s’agit de « débloquer le débat » pour débloquer la vie politique française actuelle. Le succès de Notre Primaire n’est cependant pas garanti (on compte un peu plus de 78.000 signataires, loin des 150.000 attendus).
Il reste que nous sommes face à deux formes de réactivation démocratique : une qui s’adresse au peuple en quête de sens, l’autre au peuple en quête de renouveau électoral.

L’agora citoyenne renouvelée…
Les deux communautés ne sont donc pas de même nature (ou de même génération) – l’une s’inscrivant dans une tendance plus générale à l’expression libre sur les plateformes telles que YouTube et l’autre ayant une visée politique davantage orientée. Elles se sont néanmoins crées suite à un constat commun: la nécessité presque vitale d’une reconfiguration de la parole et de l’action politique. Il s’agit de « réenchanter » la pratique du débat pour lutter contre le « désenchantement » de la population vis-à-vis de la politique.
Ainsi on retrouve la même volonté de replacer le débat au service de l’intérêt public. Le postulat de départ est la constatation d’un manque total de confiance non pas envers la politique mais envers ceux qui l’exercent. Plus précisément, il traduit la lassitude que beaucoup ressentent face à l’état du débat actuel – dans les médias et sur les réseaux sociaux. En effet, à trop se prêter au jeu de l’infotainment ou à celui de Twitter, les acteurs politiques semblent négliger leur mission – car les nouvelles formes de communication ne laissent pas la place à l’explication, à la pédagogie, à la persuasion, détruites par les clashs à répétitions et les « petites phrases ».

Force est cependant de constater que ce modèle de communication politique basé sur l’immédiateté et l’omniprésence médiatique n’est pas prêt de disparaître. Alors, qui mieux que le peuple pour rallumer la flamme des débats politiques français ? Qui mieux que les citoyens, sur une chaîne YouTube ou lors des rencontres de Notre Primaire, pour remédier à cette inefficacité et à cette stagnation technocratique – grâce à la parole ?
L’espace public s’est « virtualisé » et crée une sorte d’agora 2.0, comme le dit Michel Serres. L’auteur, dans Petite Poucette, évoque la possibilité grâce au numérique de passer à une société « liquide », où les citoyens – s’émancipant de plus en plus des carcans établis par l’Etat – auraient chacun leur mot à dire, leur responsabilité à prendre.
Notre Primaire ayant lancé son initiative par une campagne digitale, avec le hashtag #NotrePrimaire et la publication du manifeste sur un site web dédié publiée sur Libération, et Osons Causer se coulant dans les usages les plus actuels du Web (se filmer « à la manière d’un Norman ou d’un Cyprien ») ; il est clair que ces deux initiatives s’inscrivent dans une logique de reconquête d’un débat citoyen par le biais du numérique et du Web, de réinvestissement de l’espace public par la diffusion d’une parole éclairée.

… au service d’une démocratie participative enclenchée ?
Outre l’utilisation commune du « nous » dans leurs dénominations respectives, les discours d’Osons Causer et de Notre Primaire frappent par leurs similitudes, malgré l’écart générationnel qui s’opère entre eux :
« Quand les dégoutés s’en vont, il ne reste que les dégoutants. Si le peuple se retire des affaires politiques, des véreux de toutes sortes se feront un plaisir de « gérer » pour eux et d’organiser notre dépossession. » (Osons Causer)
« Il n’y a pas de fatalité à l’impuissance politique. La France est riche de son énergie vitale et de ses talents qui aspirent à forger un avenir bienveillant » (Notre Primaire).
Des balbutiements de la démocratie participative lancée par Ségolène Royal dans sa campagne de 2007 à ces nouvelles initiatives, on voit bien que la quête est la même à travers les générations : le symbole de 68 Daniel Cohn-Bendit et les jeunes youtubeurs ont soif d’un débat qui donnerait au peuple l’envie et les moyens de se réengager.
Faustine Faure
@FaustineFaure
Sources :
Libération, « Débloquez le débat! », 25/01/2016
Streetpress, Le petit buzz d’Osons Causer, la chaîne Youtube qui parle politique, Lucas Chedeville, 5/02/2016#

Accueil

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Chaîne Youtube d’Osons Causer 
Télérama, Les Youtubeurs de gauche mènent la contre-attaque, Erwan Desplanques, 15/02/2016 
Crédits photos :

Twitter
Youtube
http://archi.last-cry.com/dessin/?attachment_id=160
http://www.vie-publique.fr/focus/referendum-initiative-partagee-definitivement-adopte.html
 

Politique

Rohani: persona non grata ?

Il est des rencontres au sommet qui engendrent à la fois malaise généralisé et indignation transfrontalière. La visite officielle du Président iranien Hassan Rohani en Italie puis en France du 25 au 28 janvier aura marqué les esprits, tant l’opposition au régime des mollahs a été intense. Retour sur les principaux points de crispation et les débats soulevés par un voyage qui devait initialement profiter l’ouverture économique de l’Iran afin de signer de juteux contrats pour les industriels Européens.
Malaise dans la communication interculturelle
Le bal des couacs politiques et diplomatiques a été ouvert à Rome, lorsque les autorités italiennes ont décidé d’enfermer d’inestimables statues antiques féminines dénudées du Musée du Capitole dans des boîtes. Cette véritable « opération de com‘ » avait pour but de ne surtout pas bouleverser les habitudes visuelles et artistiques du Président iranien. Bien entendu, les réactions ont été immédiates et sans appel : des figures de l’opposition italienne au Ministre de la Culture Dario Franceschini, la mesure a été jugée « incompréhensible » et d’ « une totale idiotie et un sacrilège culturel », dixit Francesco Rutelli, ancien maire de Rome et ministre de la Culture. Plus dur encore, Luca Squeri, député du parti de droite Forza Italia, estime que « respecter les autres cultures, cela ne veut pas dire renier la nôtre ». Comme quoi, entre bienveillance diplomatique et raté interculturel, il n’y a qu’un pas.

Mises en scène macabres pour le respect des droits de l’Homme

Dès son arrivé à Paris, Hassan Rohani a du essuyer les plus vives critiques, tant de la société civile que de la classe politique. Principal sujet d’indignation en France : le non-respect des droits de l’Homme en Iran et la recrudescence des violations des libertés individuelles élémentaires. Pour protester contre la venue de Rohani et montrer leur dégoût, plusieurs centaines de personnes ont manifesté dans la capitale, place Denfert-Rochereau. Au delà des clivages partisans et des opinions individuelles, il convient de souligner l’ingéniosité et l’originalité des opposants à mettre en scène leur mécontentement. Dans une remorque spécialement conçue à cet effet, plusieurs personnes, toutes de jaune vêtues, paradaient la corde au cou, pour symboliser l’augmentation du nombre d’exécutions depuis l’arrivée au pouvoir de Hassan Rohani. A ce cortège pour le moins hétéroclite se sont joints plusieurs représentants charismatiques venus lutter contre la présence de Rohani dans le Pays des Droits de l’Homme : parmi eux, l’avocat Henri Leclerc, ex-président de la Ligue française pour la défense des droits de l’Homme et du Citoyen, l’ancienne secrétaire d’Etat Rama Yade ou encore le député européen d’EELV, José Bové.

De leur côté, les Femen, fidèles à leur réputation sulfureuse, ont mis en scène la fausse pendaison d’une militante sous un pont près de la Tour Eiffel mercredi 27 janvier, à l’occasion du passage du convoi du Président iranien dans les rues de la capitale. Connu pour ses opérations provocantes, le groupe d’activistes féministes s’en est donné à cœur joie pour dénoncer ces pratiques d’exécution moyenâgeuses. Pour parfaire cette esthétisation de la mise à mort, les Femen ont ajouté à leur scène de théâtre éphémère une large banderole professant : « Bienvenue Rohani, bourreau de la liberté ». Enfin, Inna Schevchenko, la leader du mouvement, a publié sur son compte Twitter : « We just wanted #Rouhani to feel like home #paris #iran #femen #freedom » (« Nous souhaitions simplement que Rohani se sente comme chez lui »).

La colère de la classe politique
Au delà d’une contestation sociale internationale, l’objectif de ces mobilisations hétérogènes était d’inciter François Hollande à aborder avec son homologue iranien les épineuses questions des libertés individuelles, de culte, d’orientation sexuelle ou encore des libertés de la presse, afin d’infléchir une situation jugée calamiteuse par les organismes internationaux. Dans son rapport annuel sur la situation du pays, Amnesty International dénonce, entre autre, des cas de torture, des procès inéquitables ou encore des discriminations ethniques ou religieuses en constante augmentation dans le pays.

Et la classe politique n’est pas en reste de ces contestations publiques. 65 parlementaires se sont emparés de leur plume afin de dénoncer publiquement, dans une lettre ouverte à François Hollande, l’accueil en grande pompe de Hassan Rohani. Il est ironique de constater que le Président iranien a réussi à faire s’entendre des députés issus de la majorité et des rangs de l’opposition, bien malgré lui. La lettre commence par un flamboyant « La théocratie iranienne est l’un des régimes les plus liberticides de la planète ». De quoi interpeller à la fois le Président de la République Française, mais aussi (et surtout ?) les citoyens français dans leur ensemble. Dans le contexte de prolongation de l’état d’urgence et d’une défiance d’une partie de la population face à une diminution des libertés individuelles depuis les attentats de novembre, la venue de Rohani était l’occasion idéale pour ces parlementaires de défendre leur conception de l’état de droit.
Un mal pour un bien ?
Si la visite diplomatique en Europe de Hassan Rohani a provoqué un mouvement d’indignation repris à la fois par les associations internationales, les membres de la société civile et les politiques, il ne faut cependant pas oublier que celle-ci avait avant tout un but purement économique. Les plus grands groupes industriels français, Airbus, Bouygues et Total en tête, ont largement bénéficié de cette venue quasi providentielle. La France se retrouve donc une nouvelle fois dans l’impasse : favoriser son développement économique ralenti par la crise, ou rester fidèle à ses idéaux séculaires ?
La force de la mobilisation contestataire

Des manifestations militantes, des simulacres de pendaisons, des parlementaires et des associations en colère… et pourtant, on ne peut que constater un traitement médiatique relativement mesuré de cette visite historique. En effet, malgré quelques levées de boucliers sur Twitter et certains articles accusateurs, ce sont en premier lieu les expressions physiques de la dénonciation qui constituent le principal canal de communication de l’exaspération et du rejet. Cette communication concrète et manifeste se révèle finalement bien plus efficace, car elle n’a pas eu besoin des biais traditionnels de médiatisation pour démontrer sa force. Ceci nous rappelle que parfois, l’engagement citoyen à lui seul permet de faire entendre sa voix, dans un contexte de surproduction de l’information par les médias traditionnels ou en ligne.
Céline Viegas
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Sources:
France Info, Visite de Rohani: la question des droits de l’homme en Iran reste en filigrane, Anne Patinec, 28/01/16
L’obs, Hassan Rohani en visite en France: n’oublions pas la répression des chrétiens en Iran, Donya Jam, 24/01/16
Le Monde, Cachons ces statutes qu’Hassan Rohani ne saurait voir, Philippe Ridet, 27/01/16
Swiss Info, Haro sur Matteo Renzi pour les statutes antiques, 27/01/16
Le Figaro, Visite du président iranien Hassan Rohani: lettre de 50 députés à François Hollande, 27/01/16
Le Point, Rohani à Paris: la fausse pendaison des Femen, 28/01/16
Crédits images:
http://www.franceinfo.fr
 
http://www.citizenside.com
 
http://www.youtube.com
 
http://www.twitter.com
 
http://lemonde.fr
 
http://lefigaro.fr

Politique

Salafistes, la puissance de l'image

Le mois de janvier a, comme toujours, connu de nombreuses publications ou sorties d’œuvres culturelles et politiques – et des polémiques qui les accompagnent. Les bruits autour d’un film sorti récemment sous un titre plutôt accrocheur et déstabilisant sont probablement parvenus à vos oreilles. Salafistes, un documentaire de François Margolin, nous plonge au cœur du djihadisme au Mali et a pour objectif principal de dévoiler la réalité d’une forme de terrorisme de beaucoup méconnue. 
 Pourquoi un tel tollé sur ce film qui a pour vocation d’être un documentaire sur un monde terroriste que trop peu connaissent ? 
 Un documentaire qui fait l’effet d’une bombe
Salafistes a été décemment sorti dans le contexte de tension politique que nous connaissons, à la suite des multiples attentats terroristes à l’échelle internationale depuis plus d’un an maintenant. Sa sortie était réfléchie et les réalisateurs étaient forcément conscients du débat que provoquerait la sortie du film. Et c’était bien là l’objectif affiché des réalisateurs, qui soulignent avant tout un acte citoyen, de salut public : parler des dessous du terrorisme, pour éveiller les consciences à des aspects méconnus du terrorisme et participer à l’enrichissement du débat autour du terrorisme en société. Mais en terme d’agenda médiatique, le film ne pouvait s’attendre à une semaine aussi chargée en terme de polémiques concernant le terrorisme.  En effet, il est révélé peut de temps avant l’intervention politique de Najat Vallaut Belkacem, ministre de l’Education nationale, dans le Supplément de Canal +, dans laquelle les propos d’Idriss Sihamedi, dirigeant de l’association humanitaire islamique Barakacity, font scandale.  
 La sortie de Salafistes s’inscrit donc dans un contexte tendu. Le documentaire retrace, du Sahel à la Syrie en passant par l’Irak et la Tunisie, la pensée de cette mouvance terroriste. Comme dans tout documentaire, François Margolin, assisté du journaliste mauritanien Lemine Ould M. Salem, affichent clairement leur volonté de révéler les dessous, même choquants, de cette organisme de terreur. Après visionnage, la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, a déclaré déconseiller la diffusion du documentaire aux personnes de moins de 18 ans. Cette décision est-elle légitime de par la violence des scènes présentes dans le film ou cette censure est-elle une atteinte à la liberté de chacun d’être conscient des enjeux actuels ? 
 Un sujet clivant
 Le documentaire a essuyé de nombreuses réserves concernant la diffusion de la violence salafiste comme œuvre culturelle dans les salles de cinéma. Nombre de personnes ont dénoncé la présence de scènes trop choquantes, beaucoup d’autres ont aussi fait valoir que ce documentaire était en réalité une plate-forme de propagande gratuite pour Daesh. 
 Qu’en penser ? Si les avis divergent sur la question, la presse semble prendre parti à l’unanimité pour la défense la liberté d’expression. 
 Décrire ce film comme vecteur de la communication de Daech c’est faire le postulat que son public peut se laisser influencer par les propos tenus par les prédicateurs, s’insérer dans une vision tchakhotinienne avec un viol psychique du public et soustraire aux français leurs capacités réflexives. Les réalisateurs s’insurgent «  Dire que pour les adultes, cela va, mais pas pour les jeunes, c’est le principe même de la censure. Or, je pars du principe qu’il faut prendre les spectateurs pour des gens intelligents, quel que soit leur âge. » 
 Le langage des ministères oscille entre abérration devant la brutalité des images et dénonciation d’une présumée apologie du terrorisme…pour finalement aboutir à une exploitation dans un nombre restreint de salles réservé à un public majeur.  
 Si l’on condamne la violence du réalisme du documentaire de François Margolin, comment dès lors justifier du réalisme journalistique quotidien, parfois aussi choquant que le film Salafistes ? On pense notamment aux Unes récentes affichant la photo « choc » du petit Aylan sur les plages d’Egypte, ou encore de la récente campagne de Reporters Sans Frontières.

Comment expliquer qu’un documentaire, qui respecte une même déontologie journalistique que le journalisme de la presse écrite, connaisse davantage de censure que la presse écrite nationale ? La violence de l’image est-elle acceptée quand elle est seule, au dépit du reportage de terrain qui repose tout entier sur elle ?
L’image tue
En refusant la diffusion du documentaire et en déplorant la présence d’une voix-off encline aux commentaires qui contre-balanceraient la logohrrée islamique, serait-ce sous-entendre que chacun des français est en puissance un terroriste ? Cela reviendrait à faire de l’image un vecteur plus puissant qu’elle ne l’est en réalité.
Dans Imaginaire et Post-modernité  Michel Maffesoli parle de l’image comme un mésocosme entre le microcosme personnel et le macrocosme collectif, «  un monde du milieu qui fait un lien, établit une relance » Ainsi l’image n’aurait donc, selon M. Maffesoli, aucune proximité avec ces idéologies, il n’y aurait donc aucune raison d’émettre des réserves sur les finalités que peuvent avoir la vue de ce film sur un public lambda dont l’horizon d’attente serait critique !
Dans la classe politique aussi bien que chez les journalistes ou dans l’opinion publique, le sujet est brûlant et inévitablement clivant. Cependant, si le but était de masquer dans les méandres du silence ce documentaire pour en limiter l’impact, l’importante couverture médiatique autour de ce film contribuera sans doute à provoquer l’effet inverse.
Jérémy Figlia 
Sources: 
http://www.bvoltaire.fr/dominiquejamet/salafistes-nest-censurant-realite-quon-change,2350001
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1475025-salafistes-interdit-aux-de-18-ans-insense-notre-2 documentaire-est-un-acte-citoyen.html 
http://www.msn.com/fr-ca/actualites/photos/salafistes-on-a-risqué-notre-vie-pour-montrer-ce-que-3 pensent-ces-gens/vi-BBoJxnh?refvid=BBoDbEc
Serge Tchakhotine, Le viol des foules

Politique

La course aux livres chez Les Républicains

Cela fait quelques temps que les médias français nous « alertent » sur la baisse générale du niveau intellectuel de notre classe politique. Elle a beau avoir fait ses classes à Sciences Po et à l’ENA, nombreux sont les journalistes qui se demandent où sont passés les De Gaulle, les Pompidou, les Mitterrand : nos grands hommes de lettres quoi ! La nostalgie du « c’était mieux avant » est caractéristique d’une bonne partie du système médiatique et de l’opinion ; ne comptez pas sur Eric Zemmour et Alain Finkielkraut pour redresser la barre, il est beaucoup plus aisé de briser la coque du bateau quand il est déjà en train de couler.
Soyons optimistes bon sang ! Assez des Anglo-Saxons pour nous descendre, l’ « auto french-bashing » n’a rien de bon, alors lâchons du lest et regardons un peu vers l’avenir. Tiens ! Par exemple, Jean-François Copé qui nous parle du Sursaut français dans son nouveau livre, ça ne vous donne pas envie d’y croire ? Non ? Vraiment ? Je ne sais pas ce qu’il vous faut alors. Notre Jean-François national travaille pourtant d’arrache-pied depuis plusieurs mois à la réalisation de son ouvrage. Experts, anthropologues, tous y sont passés pour l’aider à « révolutionner le logiciel politique » et enfin mettre sur la touche le vieux Juppé et l’autre excité de Sarkozy comme il aime si souvent le dire lorsque les caméras sont rangées.
« Je suis devenu la caricature de moi-même. J’étais omniprésent, avec un style qui forcément agace […] J’étais incapable d’être absent d’un clivage. »

Qui aurait bien pu dire que le style de Copé était agaçant ? Tout le monde se souvient de sa fameuse histoire hilarante du pain au chocolat. Je suis sûr que les Français de culture ou de confession musulmane ont dû apprécier et qu’ils en rigolent encore à table en famille. Une chose est sûr Jean-François, c’est qu’eux aussi, ils sont « profondément choqués » ! 
Mais Copé est loin d’être le premier à sortir un livre dans cette course à la présidentielle. François Fillon, lui aussi dans une perspective de retour sur le devant de la scène médiatique, est le premier d’entre eux avec Faire. Alors si on m’avait demandé de parier sur lui il y a quelques temps, jamais je n’aurais sorti ne serait-ce qu’un centime de ma poche : force est de constater que son ouvrage a connu un certain succès en librairie. A croire que l’ex-Premier ministre a gardé une image solide et un intérêt auprès d’une partie des Français malgré la guerre fratricide qu’a connu l’ancienne UMP. Rares sont les ouvrages d’hommes politiques qui atteignent de tels niveaux de vente ; environ 50 000 exemplaires vendus, – sans vouloir rentrer dans la guerre des chiffres qui a déjà fait polémique -, alors que les experts parlent de 3000 exemplaires en moyenne pour ce type d’ouvrage. A ce moment-là, on se demande qui peut bien faire baisser la moyenne des ventes ? Une rumeur veut qu’il y ait plus d’exemplaires du livre de Jean-Christophe Cambadélis sur les étagères du Publicis Drugstore que d’exemplaires vendus… Mais petit lot de consolation pour le président du Parti Socialiste, puisque la palme d’or revient à Christine Boutin et ses 58 exemplaires de Qu’est-ce qu’un parti chrétien démocrate ? Contrat de lecture explicite ne rime pas forcément avec foule de lecteurs. A bon entendeur.
« Je suis le seul à offrir une vraie rupture avec un projet complet de transformation de mon pays autour d’un concept puissant qui est la liberté. »
Il est vrai que Fillon est clairement dans la rupture avec Faire. Sans lui donner tort ou raison, le projet qu’il avance est radicalement libéral. Un projet que Nicolas Sarkozy n’hésite pas à qualifier de fou, mais de folle aussi la personne qui pense un jour être élue avec. Mais en fin de compte, peut être que ce discours de rupture plaît à bon nombre de Français à en croire les ventes de son livre. Affaire à suivre donc.
Autre personnalité qui a un discours qui plaît à droite, à savoir Bruno Le Maire. Fort de ses 95 000 ventes avec Jours de Pouvoir paru en 2013, l’outsider , comme les médias se plaisent à le nommer, a repris la plume récemment et est sur le point de nous proposer un nouvel ouvrage : Ne vous résignez pas !. L’homme qui a réussi à faire 30% face à Sarkozy lors de l’élection à la présidence du parti ne veut pas s’arrêter en si bon chemin. Le Maire espère réellement incarner le renouveau qu’il prône depuis déjà quelques temps. Vous l’aurez compris, il n’ira pas de main morte avec les camarades de son parti qui sont installés depuis longtemps. L’avenir nous dira si le phénomène Le Maire prendra plus de place dans le cœur des Français.
Vient le tour d’Alain Juppé dans un registre toutefois assez différent des autres. Le maire de Bordeaux en est déjà à son deuxième livre programmatique sur une série de quatre. Le « septuagénaire de gauche », pour faire du Sarkozy-dropping, vient tout juste de remettre le curseur à droite avec Pour un Etat fort, qui traite notamment des problématiques sécuritaires liées au terrorisme. L’ancien Premier ministre a d’ailleurs réservé une partie entière à ces dernières suite aux attentats de Paris de novembre dernier.
« Les Français ont parfois l’impression que l’Etat est absent lorsqu’il devrait être présent, et présent lorsqu’il devrait être absent. Revenons à l’essentiel. »
Le message est clair : un Etat plus fort avec le renforcement des pouvoirs régaliens mais un Etat plus petit dans une perspective de réduction de la sphère d’influence des pouvoirs publics. Un délicat mélange entre Etatisme et Libéralisme qu’il continue de maîtriser et qui le place encore aujourd’hui en tête de tous les sondages. A 10 mois des primaires de la droite et du centre, et avec encore deux livres à paraître et une stratégie de large rassemblement, Juppé pense qu’il a sa chance. En tous cas, il sait que c’est sa dernière pour accéder aux plus hautes fonctions, si tant est que la bulle Juppé n’explose pas en plein vol. Les favoris dans cette même position n’ont jamais vraiment eu de chance dans l’histoire politique française…
Enfin. Nous y voilà. Notre chouchou à tous, le trublion de la politique française, le Racine des Temps Modernes : Nicolas Sarkozy ! Tout comme ses compères, l’ancien Président de la République a publié un livre. Un livre qui restera à jamais gravé dans les mémoires. Tout comme Phèdre à sa sortie, La France pour la vie a essuyé de nombreuses critiques par l’ensemble de la presse avec ses petits couacs historiques. Même Le Figaro, qui pourrait de prime abord être un journal plutôt docile envers Sarkozy, s’amuse à décompter ses aveux de fautes commises pendant son passage à l’Elysée.
« Je ne suis décidément pas très doué pour l’écoute de moi-même ou des autres. »

Ecouter les autres n’a jamais vraiment fait partie de ses qualités et c’est peut-être pour ça qu’il se retrouve de plus en plus esseulé au sein de son propre parti. Mais pour ne pas passer pour une mauvaise langue, rappelons que La France pour la vie est pour le moment le plus gros succès en termes de vente, ce qui nous montre bien qu’une partie non négligeable de l’électorat ne l’a pas encore lâché ; et que c’est cet électorat qui se déplacera massivement pour les primaires de novembre 2016.
Sarkozy est avant tout ici, dans un pur exercice de communication s’éloignant de l’exercice de style littéraire d’un Le Maire ou d’un Juppé. La France pour la vie ne propose d’ailleurs pas de véritable projet pour 2017 selon Jean-Pierre Raffarin, qui parle plutôt d’un immense mea culpa. Et l’auteur des maintenant fameuses raffarinades s’est adonné au plaisir de trouver un meilleur titre pour le livre de Sarkozy : « Désolé pour ce moment. » Du grand Mendès !
L’important quand un livre d’homme ou de femme politique sort en librairie, c’est d’analyser clairement le contrat de lecture qui est établi. Quels messages l’ouvrage veut-il nous faire passer ? A qui s’adresse-t-il ? Partant de là, il est déjà plus facile d’appréhender la stratégie qui sous-tend l’écriture.
Jean-François Copé tente de sortir de sa longue traversée du désert après avoir été contraint de quitter ses fonctions de président de l’UMP suite à l’affaire Bygmalion, en essayant de retrouver de la visibilité dans les médias grâce à la sortie de son livre. Mais cette volonté de retrouver le devant de la scène est accompagnée d’un désir de bousculer les habitudes de la classe politique en proposant une vision qui selon lui est complètement novatrice quitte à passer pour la condescendance en personne. François Fillon, qui est dans une meilleure position, cherche lui aussi à retrouver sa place dans les grands médias. Pour ce faire, il mise avant tout sur son projet politique pour 2017. En effet, son ouvrage est à mon sens le plus aboutit pour le moment en termes de propositions. Bruno Le Maire ne cherche pas vraiment une place médiatique puisqu’il est déjà dans une très bonne position, mais on pourrait dire qu’il tente de conserver ses avantages actuels tout en s’inscrivant dans la tradition politique littéraire. Alain Juppé quant à lui, développe une véritable stratégie de rassemblement. Il ratisse large en essayant de s’adresser à l’ensemble des Français mais sa dernière sortie littéraire nous montre qu’il a tout de même restreint sa cible « au peuple de droite », même si je n’aime pas cette expression, en envoyant un message sécuritaire fort afin de contrer la stratégie droitière de Sarkozy. L’ancien Président de la République pour finir, s’inscrit plutôt dans la même ligne que Copé dans le sens où tous deux essayent d’obtenir le pardon des Français pour leurs erreurs. Dans la vie, il y a deux types de personnes : ceux qui ont une vision et ceux qui s’excusent.
Quoi qu’il en soit, cet exercice d’écriture n’est pas réservé à Les Républicains puisque comme le rappelle Alain Duhamel, c’est un exercice quasi obligatoire dans l’optique d’une élection présidentielle dans un pays au lourd passé littéraire comme le nôtre. D’ailleurs, si l’on se penche sur les écrits politiques de ses vingt dernières années, la gauche (celle du Parti Socialiste) a été assez prolifique. Mais structurellement depuis quelques temps, cette même gauche est en panne d’idées, en panne de projets. En même temps, comment voulez-vous qu’elle véhicule des valeurs et des idées nouvelles avec un gouvernement qui s’est converti au social-libéralisme ? La gauche ne pense plus vraiment le monde de manière idéologique et la démission récente de Christiane Taubira est loin d’être une bonne nouvelle à mon sens pour la pensée socialiste peu importe ce que l’on en pense…
Antoine Gagnaire
@AntoineGagnaire
Sources :
http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2016/01/19/25001-20160119ARTFIG00061-j-etais-la-caricature-de-moi-meme-cope-sort-du-silence-sur-le-divan-de-fogiel.php
http://lelab.europe1.fr/jean-francois-cope-profondement-choque-davoir-ete-si-souvent-profondement-choque-2650189
http://www.liberation.fr/debats/2016/01/27/la-strategie-du-livre-politique_1429401
http://www.lesinrocks.com/2016/01/24/actualite/les-30-phrases-%C3%A0-retenir-dans-le-nouveau-livre-de-nicolas-sarkozy-11800358/
http://www.lejdd.fr/Politique/Exclusif-Alain-Juppe-detaille-son-programme-pour-un-Etat-fort-766657
 http://actu.orange.fr/france/fillon-lr-je-reste-le-seul-a-offrir-une-vraie-rupture-afp_CNT000000hPnfZ.html
http://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/021668070274-70000-exemplaires-du-livre-de-sarkozy-ecoules-en-une-semaine-1197137.php
Crédits photos :
 AFP JEAN-SEBASTIEN EVRARD
AFP DOMINIQUE FAGET

Christine and the Queens
Politique

"She wants to be a man, a man … She wants to be born again, again"

Ce n’est pas l’histoire d’une femme qui aurait aimé être un homme, comme le chante Christine and The Queens, mais celle d’un homme qui souhaite devenir une femme. Dans The Danish Girl sorti en janvier 2016, Tom Hooper retrace la vie de la pionnière du mouvement transsexuel, l’artiste danoise Lili Elbe. Et comment ne pas avoir eu vent de Bruce Jenner, le beau-père de Kim Kardashian devenu il y a peu Caitlyn Jenner ? Si les transsexuels et transgenres – oui, il y a une différence – sont remis à l’honneur et tentent de légitimer leur choix, leur style de vie, qu’en est-il dans la réalité ? En parlons-nous tant que cela et les connaissons-nous vraiment si bien ?
The Danish Girl ou l’ode à la transsexualité et à la féminité
Ce début d’année commence fort avec un film qui risque d’être l’un des plus marquants de 2016 : The Danish Girl. Le film raconte la vie de Einar Wegener, un artiste danois qui en se travestissant en femme pour servir de modèle à sa femme Gerda Wegener, devient Lili Elbe. Prenant goût aux costumes et à l’attitude féminine, Lili se sent prisonnière de son corps masculin et décide de changer de sexe. Nous sommes en 1930 et la première femme transsexuelle est née. 86 ans plus tard, ce film nous interroge sur notre connaissance et notre position face aux transsexuels : Tom Hooper met en exergue la difficulté pour un homme ou une femme d’oser assumer sa véritable identité sexuelle et force est de constater que le sujet a encore une résonance terriblement actuelle en 2016.

Sa sortie fait également écho au tapage médiatique qui n’a de cesse depuis l’été 2015 autour de Caitlyn Jenner et de la couverture de Vanity Fair. Résonance médiatique d’autant plus forte que Caitlyn, ancien athlète, fait partie du clan extrêmement médiatisé des Kardashian. Rappelons tout de même que même s’il lui a fallu de l’audace pour s’assumer aux yeux du monde, Caitlyn ne s’est pas reposée sur ses lauriers et a lancé sa propre émission : I am Cait… diffusé sur E ! News, qui, malgré une faible audience, aurait permis à Caitlyn de toucher plusieurs millions de dollars. Alors, volonté de démocratiser l’image des transsexuels ou promotion de soi à la Kardashian ?
Précisons d’ailleurs que, bien évidemment, Caitlyn possède des mensurations parfaites : alors que de nombreux sites de mode vantent la diversité des femmes et non l’existence d’un type idéal, un homme qui décide de changer de sexe prend soin de ressembler à « la femme parfaite ». Pourtant, la volonté des transsexuels est d’être en adéquation avec leur corps et leur identité, et pas nécessairement avec un stéréotype. Le débat est sans fin…

L’art et la musique : refuge de ces oiseaux de nuit ?
Bien que le cas de Caitlyn Jenner soit l’expression –très médiatique et controversée- d’une volonté de normaliser les transsexuel(le)s, il n’en demeure pas moins que les mentalités ont toujours semblé méfiantes quant aux transgenres, les associant bien souvent aux bas fonds des grandes villes.
Toutefois, remercions 1968 qui a permis la libéralisation des mœurs et quelques années plus tard le développement du mouvement punk à New York, Londres et Paris, où se mélangent à la fois artistes, jeunes, homosexuels et transsexuels. Les chansons se veulent antihomophobies et antitransphobies. Des artistes comme David Bowie jouent eux aussi sur le côté androgyne de leur personnage, ou sur le flou autour de leur sexualité : ni homme, ni femme, juste soi. Christine and The Queens reprend ces idéaux dans, par exemple, sa chanson « Paradis Perdus », qui raconte sa rencontre avec des drag queens à Londres.
D’autres au contraire, conscients du malaise qui gravite encore autour de la transsexualité, décident de se cacher : c’est le cas de Caroline Cossey qui en 1981 joue une James Bond Girl dans Rien que pour vos yeux. Un tabloïd américain dévoilera des années plus tard que Caroline était en réalité un garçon à la naissance. Après cette révélation, l’actrice reconnaît avoir envisagé le suicide.
 

Une transsexualité à la mode ?
Aujourd’hui encore, les transsexuels souffrent d’une image de marginaux et les témoignages douloureux sont nombreux. Néanmoins dans la mode, lieu de culte de la beauté et de la tendance, les créateurs tentent d’afficher une certaine ouverture d’esprit en prenant comme mannequins des femmes transsexuelles : c’est le cas d’Andreja Pejic qui pose pour le magazine féminin Vogue, ou encore de Léa T pour Givenchy. Mais encore une fois, on peut interroger la sincérité des créateurs et des magazines : s’agit-il vraiment d’affirmer son soutien à la cause des trans en les faisait défiler et en leur permettant de s’assumer dans leur nouveau corps et identité, ou bien s’agit-il de faire la promotion de sa marque en montrant au monde entier que l’on est ouvert à ces pratiques qui sont récusées par beaucoup ?

En toute honnêteté, ne voyons-nous pas des femmes qui défilent ? Pour la majorité, il est impossible de savoir qu’elles étaient des hommes à la naissance, et nous ne pouvons qu’admirer leur beauté.
Et si la mode joue de plus en plus sur le non-genre et l’aspect unisexe de ses collections et qu’on pourrait penser qu’elle serait un moyen pour les transsexuels de libérer leur image et ainsi de « normaliser » leur choix, ne soyons pas dupes. On s’aperçoit bien vite qu’en dehors des projecteurs, cette acceptation est moins évidente et que l’on a davantage tendance à admirer un mannequin transsexuel, parfait, que ceux que l’on croise dans la rue jugés fantasques.
Si l’art et la mode permettent aux transsexuels de trouver grâce aux yeux du public et de faire accepter une certaine différence, les taux de suicide élevés et le mal-être lié au rejet de ces personnes nous prouve qu’il ne suffit pas de quelques stars et coups d’éclats médiatiques pour faire accepter pleinement la transsexualité, et qu’un travail de fond doit être réalisé par la société sur ses préjugés.
Ludivine Xatart
Sources :
Vanity Fair : http://www.vanityfair.fr/timeline-transgenres-popculture#a1950 : « Une histoire des transgenres dans la pop culture ».

Télérama : http://www.telerama.fr/musique/christine-and-the-queens-j-adorerais-etre-une-icone-gay,111590.php
Konbini : http://www.konbini.com/fr/tendances-2/avenir-mode-non-genre/ : « L’avenir de la mode réside-t-il dans le non-genre ».
MetroNews: http://www.metronews.fr/info/suicide-depression-une-premiere-etude-sur-les-souffrances-des-transsexuels/mnks!NHjNLWE0wAAlM/
Crédits images :
The BRCW Reviex
Boston Globe
planettransgender.com
www.hapersbazaar.com

OBAMA POLITIQUE PLEURER
Politique

Pleure si t'es un homme (politique)

D’aucuns s’amuseraient à constater que nos hommes politiques aiment la transparence… Pas celle qui les oblige à répondre du nombre de zéro sur leurs factures, évidemment, mais désormais la mode est à l’émotion ; on laisse voir, on laisse transparaître. Beaucoup de choses se bousculent sur le visage de nos représentants : l’anxiété, la colère, le soulagement – on se souvient du long soupir de Xavier Bertrand après sa victoire aux Régionales, par exemple. Mais surtout, en politique, on pleure.
Aux larmes citoyens !
Lorsque l’on sait comment les utiliser, les larmes peuvent être un redoutable outil de communication, et Barack Obama est le maître incontesté du maniement lacrymal. Le 5 janvier 2016, alors qu’il présente son plan de contrôle des armes à feu et évoque les trop nombreuses victimes de fusillades, il essuie une larme, puis une autre … « Every time I think about those kids, it gets me mad / A chaque fois que je pense à ces enfants, ça me met en colère », avoue-t-il avant d’enchaîner finalement sur la nécessité de construire une société plus sûre. L’instant est bref, le symbole est fort, les médias s’emballent. Les heures suivantes, on s’évertue à analyser ce comportement. Après tout, Obama n’en est pas à son premier coup d’essai. Lors de sa réélection ou pendant un concert d’Aretha Franklin, on a souvent vu le président américain avec les yeux humides. Alors s’agit-il cette fois d’une manipulation ou d’un véritable élan de chagrin ? Sincere or not sincere, that’s the question. Mais qu’il s’agisse d’une manœuvre politique ou d’un sentiment authentique, les pleurs d’Obama sont efficaces, au point que Donald Trump lui-même déclare sur Fox News croire en la sincérité du président.
Une vieille tradition
En France aussi on pleure, et depuis longtemps. Sous la Révolution, les députés essuyaient des larmes de ferveur lorsqu’ils prêtaient serment à la Constitution. Pendant la Restauration, elles étaient dotées d’une valeur curative, voire expiatoire face aux crimes de la Terreur. Cependant, dans la seconde moitié du XIXème siècle, elles deviennent une caractéristique spécifiquement féminine et il est ordonné aux hommes de pouvoir de savoir se maîtriser en public. Pleurer devient une affaire privée et seul le deuil autorise un peu plus d’épanchement.
Aujourd’hui, bien que ces occasions restent très ponctuelles, il n’est pas si rare de voir une personnalité verser quelques larmes. Mais il est de bon ton de les verser comme il se doit, sans se laisser submerger. Ainsi, les sanglots de Ségolène Royal lors de la défaite de la gauche aux élections législatives de 1993, pudiquement filmés en contre-jour, ont-ils fortement marqué les esprits ?

 
A larmes égales ?
Pour bien communiquer, il faut donc bien pleurer, mais pas seulement. Il faut savoir choisir sa cause. Les larmes sont à double tranchant et peuvent facilement susciter rires ou agacement plutôt qu’empathie. Les joues mouillées d’un Poutine ému après sa réélection a eu moins d’impact que la voix vacillante de Laurent Fabius pendant la COP21 lorsqu’il déclarait : « J’ai une pensée particulière, enfin, pour tous ceux, ministres, négociateurs, militants, qui auraient voulu être là, en cette circonstance probablement historique, mais qui ont agi et lutté sans pouvoir connaître ce jour ». L’émotion du ministre devient l’expression de son engagement pour une cause collective. De la même façon, le visage défait de François Hollande lors des attentats de janvier, ou sa voix cassée lors de ceux de novembre traduisaient d’une manière impressionnante les sentiments d’horreur et de stupeur qui s’étaient emparés des Français.
Girls don’t cry
Malgré tout, l’exercice n’est pas aisé pour tout le monde. Le fait de pleurer étant profondément féminisé, le journal Le Monde remarque que les femmes politiques « doivent constamment balayer les critiques sexistes qui font rapidement des larmes féminines un aveu de faiblesse ». Une femme essuyant ses larmes ne bousculera pas tant les esprits que s’il s’était agi de l’un de ses homologues masculins. Celle-ci étant moins soumise au diktat de la maîtrise de soi, ses pleurs seront perçus – visuellement autant que symboliquement – comme moins spectaculaires. Pourtant, comme le remarque Yann Barthes dans le Petit Journal, les femmes sont plus enclines à pleurer pour « des causes assez profondes et humaines ».
Pleurer donc, n’est pas si rare en politique. Mais il s’agit d’un acte de communication non-verbal strictement codifié. La transparence des émotions est finement élaborée et si les larmes peuvent être authentiques, la manière de les mettre en scène – sans effusion – nécessite sans doute quelque entraînement.
Marie Philippon 
Sources :
« Les larmes politiques », Le Petit Journal du 06/01/16 – http://www.canalplus.fr/c-emissions/c-le-petit-journal/pid6515-le-petit-journal.html?vid=1348093
Fanny Arlandis, « Larmes politiques », Le Monde, 14/01/16 –  http://abonnes.lemonde.fr/politique/article/2016/01/14/larmes-politiques_4847620_823448.html
Emilie Laystary, « Duflot, Royal, Fillon : les larmes des hommes et femmes politiques », RTL, 17/07/2013 – http://www.rtl.fr/actu/politique/duflot-royal-fillon-les-larmes-des-hommes-et-femmes-politiques-7763204606
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MANUEL VALLS ON N'EST PAS COUCHES
Politique

Manuel Valls dans "On n'est pas couché" : le triomphe de l'infotainment

L’annonce a surpris et suscité de nombreuses réactions : Manuel Valls invité de Laurent Ruquier samedi 16 janvier dans « On n’est pas couché ». Le talk show à succès de France 2 (l’émission réunit régulièrement plus d’un million de téléspectateurs), a beaucoup fait parler ces derniers temps. On lui a notamment reproché ses thématiques identitaires et ses chroniqueurs peu sympathiques à l’égard des invités. Beaucoup d’entre eux, excédés, ont d’ailleurs déjà quitté le plateau en pleine émission. Mais que vient donc y faire le Premier ministre ?
Une pratique ancienne mais qui surprend toujours
L’infotainment définit un programme mêlant information et divertissement. C’est le cas de l’émission médiatique et politique de Laurent Ruquier. En effet, l’émission suit le modèle du talk show à l’américaine. Elle est le lieu de débats entre les invités et les chroniqueurs Yann Moix et Léa Salamé.
La présence de personnalités politiques dans des programmes tels que « On n’est pas couché » n’est pas nouvelle. On a déjà pu constater l’attrait des politiques pour ce type d’émissions moins formelles. On se souvient de Valérie Giscard d’Estaing jouant de l’accordéon pour séduire la miss météo du « Grand Journal », ou encore, de Ardisson demandant à Michel Rocard si « sucer c’est tromper » dans son émission «Tout le monde en parle ».
Si la pratique n’est pas nouvelle, elle étonne encore en France. Beaucoup ont en effet, été surpris d’apprendre que pour la première fois, un Premier ministre en fonction allait se prêter au jeu de l’infotainment. Si la pratique surprend encore l’hexagone, elle est parfois banale à l’étranger, notamment aux États-Unis. C’est pourquoi personne ne s’est vraiment étonné d’entendre Barack Obama parler sous-vêtements avec Jerry Seinfeld.
Le choix de l’infotainment
On cerne vite les raisons du succès de l’infotainment. Ce type de média permet en premier lieu de cibler un public particulier. Un public assez large, qui ne regarde pas forcément les émissions politiques. Pour le politique, il s’agit alors d’une occasion en or pour tenter d’améliorer son image.
Pour Manuel Valls, les enjeux sont multiples. La figure du Premier ministre est contestée dans l’opinion. Il a l’image d’un homme dur, souvent tendu et sur les nerfs. Dans « On n’est pas couché », Manuel Valls aura du temps. Il disposera d’un temps plus long et moins formel que celui du discours pour tenter de créer un lien avec le public.
Séduire par le biais de l’infotainment n’est pas chose facile. On pourrait dire à celui qui s’y prête que c’est à ses risques et périls. Il est vrai que beaucoup ont péri. Citons le cas tristement fameux de Nadine Morano, punie de régionales par son propre parti, après avoir affirmé que la France est un  « pays de race blanche » dans l’émission de Ruquier. Les risques de l’infotainment sont grands. Il faut prendre garde à ne pas se laisser déstabiliser et encore moins ridiculiser, notamment par les chroniqueurs féroces d’ « On est pas couché ».
Pour séduire, il faut trouver à Manuel Valls beaucoup de prudence, mais également, de l’humour et de l’aisance. Un faux pas dans une émission pouvant coûter cher.
Désacralisation de la politique
Certains politiques refusent de prendre part aux émissions d’infotainment. Ils estiment que le politique n’a pas sa place dans ce média. C’est par exemple le cas de Nicolas Sarkozy qui estime que le politique doit porter une « parole plus solennelle ». On peut comprendre cette position. D’autant plus, lorsque l’on connaît les risques que ce média entraîne et la liste des personnes qui s’y sont brûlées les ailes.
Toutefois, dans le contexte actuel de crise de la démocratie qu’évoque Pierre Rosanvallon dans son ouvrage La contre-démocratie, la désacralisation induite par l’infotainment est-elle forcément négative ? Certains voient dans l’infotainment une réponse à la volonté de renouveau du discours politique qu’ont les français. Auquel cas, désacralisation ne rimerait pas forcément avec dévalorisation. Au contraire, cela contribuerait à réduire la distance entre le politique et ses électeurs.
Nous sommes face à un dilemme, le dilemme de l’opinion. Les français veulent des politiques plus proches d’eux, plus à même de les comprendre, mais pas trop non plus. Un politique trop comme nous devient risible, il perd tout prestige, toute hauteur. On ne peut que constater à quel point la stratégie d’ « homme normal » de François Hollande n’a pas fonctionné.
Seul le temps montrera si la prestation de Manuel Valls a convaincu. Nous espérons en tous cas qu’il s’est préalablement prêté à un excellent média-training.
Yasmine Guitoune
Sources :
Perrine Mouterde. Manuel Valls à « On n’est pas couché » : quand les politiques font le pari de l’infotainment, 14/01/16. Consulté le 15/01/16.
Simon Auffret. « On n’est pas couché », passage obligé pour les politiques ?, 07/10/15. Consulté le 10/10/2015. http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/10/07/on-n-est-pas-couche-est-elle-vraiment-une-emission-polemique_4784242_4355770.html
Raphaëlle Bacqué. « On n’est pas couché », arène hétéroclite toujours plus orientée, 07/10/15. Consulté le 10/10/15. http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2015/10/07/le-fiel-du-samedi-soir_4784575_3236.html
Nicolas Berrod. Valls chez Ruquier : quand les politiques osent l’ « infotainment », le 15/01/16. Consulté le 15/01/16. http://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/021623270952-valls-chez-ruquier-quand-les-politiques-osent-linfotainment-1192850.php
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Photo de une : France 2