Politique

Asselineau : Le conférencier connecté

Difficile de développer une communication politique lorsqu’on a peu la parole dans les médias. Et pourtant, vous avez sûrement déjà croisées les affiches d’un candidat alors qu’on l’y entendait encore peu : François Asselineau.
Comment être audible par le plus grand nombre lorsqu’on est « petit » ? Les canaux grands publics étant fermés, il vous reste le développement sur des réseaux propres : par emailing, ou via un service de vidéo à la demande comme Youtube… La chose n’est pas nouvelle, les extrêmes, par exemple, se sont toujours servis d’Internet pour contourner le problème de l’inaccessibilité des médias traditionnels.
Mais il faut l’avouer, rarement communauté d’un « petit » candidat n’y aura été si vigoureuse que celle du fondateur de l’Union Populaire Républicaine (UPR). Avec plus de 33.000 abonnés sur Youtube, la chaîne de l’UPR est la deuxième chaîne politique Française, derrière celle de Jean-Luc Mélenchon. C’est la pierre de touche de la communication du parti. Un succès qui peut même s’observer dans les tendances relevées par Google. En étudiant celles-ci, on réalise le rôle clé de la chaîne Youtube dans la popularité du candidat François Asselineau. En effet, les recherches sur une plate-forme de vidéos sont réalisées par un public informé, susceptible de s’abonner et d’échanger avec une communauté sur le long terme, quand la recherche sur Google est bien d’avantage liée à l’actualité, à la conjoncture. Posséder sa propre chaîne Youtube a permis à François Asselineau de se créer une véritable communauté de viewers, transformés pour la plupart en sympathisants.

L’intérêt pour les vidéos Asselineau est resté en moyenne plus fort que l’intérêt conjoncturel révélé par les recherches Google

Youtubeur, mais pas trop
Nous parlions, dans un précédent article , de la chaîne de Jean-Luc-Mélenchon. François Asselineau est un autre exemple de réussite politique sur Youtube, mais dans un registre différent. Car alors qu’on pouvait repérer chez Jean-Luc Mélenchon une réelle appropriation du média, François Asselineau et la chaine de l’UPR ont pris une certaine liberté avec les codes de ce dernier. Si quelques-uns sont respectés, les vidéos étant par exemple toutes vignettées, d’autres, et c’est remarquable pour un parti qui s’est essentiellement développé en ligne, sont mis à bas. C’est notamment le cas de la longueur des vidéos. Un détail important à relever, car il éclaire sur le format, la manière qu’à le Youtubeur de s’adresser à ses viewers. En faisant le compte des contenus originaux mais en ligne par l’UPR depuis un mois (hors passages médiatiques et reprises de ces derniers, donc), on relève une durée moyenne de 70 minutes par vidéo sur la chaine Youtube de l’UPR, avec un format phare, « Asselineau analyse l’info » d’une durée moyenne de 40 minutes.
Par comparaison, les durées moyennes chez Jean-Luc Mélenchon sur la même période sont de 43 minutes, et pour son format phare, une vingtaine de minutes. Florian Philippot, qui, lui, semble miser sur le respect total des codes du média, fournit des vidéos d’une moyenne de 11 minutes. Quant aux durées des vidéos uploadées par les Youtubeurs, elles dépassent rarement les 20 minutes. Chez Asselineau, le discours n’est pas coupé, « punchy », ou entrecoupé de passages musicaux. Dans l’émission « Asselineau analyse l’info », le décor est celui d’un journal TV. Présentateur, Asselineau termine son intervention par un rituel « vive la république, et vive la France ». Son style est grave, professoral. A contrario, certains formats comme « Quel est le programme ? » proposent en quelques minutes, un point du programme du candidat à grand renforts d’icônes, d’infographies et dénotent d’une vraie maîtrise de l’outil Youtube. Pourtant, ce ne sont pas ces formats qui ont le plus de succès. Ces formats les plus populaires ? Des conférences, d’une ou plusieurs heures, dignes d’un universitaire. La plus vue : une conférence donnée en 2012 : « Qu’avait donc découvert F. Mitterrand après 14 années passées à l’Elysée ? » qui vise à éclairer l’ingérence des Etats-unis sur toute l’époque moderne.


A partir d’éléments historique, Asselineau déplore une « stratégie de domination Américaine »

Pousser à « l’analyse »
Au-delà du message véhiculé, ces vidéos prises en tant qu’objet fonctionnent comme autant de preuves du bien-fondé des discours du candidat. En associant son image, son identité numérique à des conférences de plusieurs heures, il se pose plus en analyste qu’en professionnel de la politique, et qu’importe si seulement une infime partie de la population accomplit la tâche (herculéenne) de regarder ses conférences en entier. Elles sont disponibles et les regarder devient un préalable à toute critique. Cette stratégie se poursuit lors de ses interventions dans les médias – dans lesquels il est désormais invité. Asselineau s’est déplacé lors de ses premières interventions dans un « grand » média avec un dossier, interpellant journalistes et spectateurs sur les contenus des documents officiels. Une manière, encore une fois, de montrer que son discours est fondé sur un matériel concret, tangible, qu’il s’agisse d’histoire ou de ressources documentaires.


François Asselineau : « Moi, je voudrais que l’on parle du rapport des grandes orientations de politique économique de l’U.E »

A l’heure de la tendance politique que certains commentateurs appellent la post-vérité, le discours construit d’Asselineau se veut, lui, ancré dans des « analyses ». C’est le terme récurrent utilisé par le candidat pour donner une identité à sa campagne, à l’instar du « projet » dans la stratégie d’Emmanuel Macron. D’ailleurs ce terme d’analyse se retrouve en très bonne place dans l’architecture du site internet UPR.fr. C’est le troisième lien cliquable après les informations générales, et les vidéos. Des analyses qui renvoient aussi vers Youtube ou les conférences d’Asselineau sont disponibles.
Et pour ceux qui le suivent, on constate à la clef une forme réelle d’adhésion. Une adhésion active qui explique que l’UPR soit le quatrième parti politique Français en terme d’adhérents , derrière le PS, LR et FN mais devant le Modem, Europe Ecologie-Les verts ou encore Le Front de Gauche. Et on peut trouver sur Youtube des vidéos, expliquant comment les analyses ont convaincues, ou, à défaut, ont intéressées.

https://youtu.be/enRG5vWvxaA?t=3m8s
Vidéo de la Youtubeuse Meitopi : « Si tu m’avais dit avant que je regarde les quarante heures de vidéos de l’UPR que je prendrais cette carte [d’adhérent] … je t’aurai franchement ri au nez »

« Voyez par vous-mêmes, faites l’effort de comprendre ce qui se passe réellement » semble nous dire la campagne d’Asselineau. Un conseil salutaire pour aller au-delà des rhétoriques partisanes. Mais c’est aussi l’argument éculé des complotistes, un mal dont on l’accuse allègrement. Pour le « candidat du Frexit », le challenge va être désormais de s’adresser au plus grand nombre en très peu de temps. Si sa stratégie professorale a réussi à créer autour de lui une base solide de militants, il lui va falloir convaincre des indécis qui ne sont pas nécessairement prêts à participer à ses colloques présidentiels.
Gaël Flaugère
Sources:
Upr.fr
Youtube : Chaine de l’UPR, Chaine de Meitopi
France Info, Yann Thomson François Asselineau vu à travers sa chaîne YouTube, 12 Mars 2017, http://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/video-presidentiellefrancois-asselineau-vu-a-travers-sa-chaine-youtube_2090537.html

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Politique

La Trudeau Mania, ou comment devenir l’homme politique le plus populaire et sexy en 3 minutes

Ce qui nous plait chez nos politiciens c’est qu’ils soient distants, qu’ils apparaissent comme inaccessibles, qu’ils vivent comme des pachas sans connaître le prix d’une chocolatine. FAUX, comme dirait Norman. Aujourd’hui, ce qui plait aux électeurs ce sont des hommes politiques accessibles. Des hommes politiques comme nous, qui nous ressemblent.
Les ingrédients
Alors comment ressembler aux électeurs ? Il suffit d’analyser la stratégie de Justin Trudeau. Considéré comme la personnalité de l’année 2015, Trudeau a lancé une vague de Trudeau mania au Canada et dans le monde.
Trudeau c’est l’humaniste. C’est la politique « optimiste ». Trudeau c’est le cœur sur la main, illustré par les 25 000 Syriens qui ont pu trouver refuge au Canada. Trudeau c’est l’arrêt des frappes aériennes en Syrie et en Irak dans le but de protéger les civils. Trudeau c’est un féministe moderne. C’est soutenir les communautés LGBT. C’est légaliser le cannabis. Mais Trudeau c’est aussi un boxeur, un sportif, un ancien étudiant à la fois de littérature et de sciences de l’ingénieur, un ancien professeur. Trudeau c’est un ancien citoyen, c’est nous. Il incarne l’égalité de genre, de religion, d’orientation sexuelle, l’engagement et la jeunesse. Trudeau a été élu l’homme politique le plus sexy de l’année 2015. En somme, c’est une douce bouffée d’air frais dans une démocratie beaucoup trop verticale qui s’essouffle.
Son principal outil de communication : sa sincérité. Souvent critiqué pour sa candeur, c’est pourtant elle qui l’a porté au poste de Premier Ministre du Canada. Trudeau incarne une gentillesse pure et simple. Pas d’esclandre — sa communication est claire et honnête ; un tweet illustré par une photo, effet escompté garanti.

Un nouveau postulat démocratique ?
La société actuelle est lasse des mensonges et de la malhonnêteté des politiciens. Les électeurs ne croient plus à leurs discours. Ils sont fatigués de ces dirigeants qui semblent nés dans la politique et dont la seule ambition est l’accès au pouvoir. Un seul mot ressort : déception. Les hommes politiques n’inspirent plus. Les campagnes électorales ressemblent davantage à une cour de récréation de maternelle plutôt qu’à une véritable campagne.
Cette mise en spectacle infernale et ces règlements de compte font que les électeurs sont déçus et ne croient plus aux discours politiques ; pour 71% des 18-25 ans, la cause principale d’abstention est le mensonge des politiques, 45% ne votent pas car ils considèrent que les politiciens ignorent les préoccupations réelles des campagnes électorales, et la troisième cause d’abstention est due à la malhonnêteté des hommes politiques.
L’art de la maîtrise des réseaux sociaux
La tendance aujourd’hui, c’est la démocratie horizontale dont l’ingrédient crucial est la maîtrise des réseaux sociaux et des codes 2.0.
Pour être compris et ce n’est pas nouveau, il faut savoir communiquer et donc parler la langue de l’autre comme dit Bourdieu dans Ce que parler veut dire. Aujourd’hui, il faut parler la langue des internautes, et c’est là, tout l’art de Trudeau. Il maîtrise à la perfection la langue d’Instagram comme lorsqu’il met en scène sa famille ou quand il pose avec des pandas qui ont fait craquer plus d’une de ses fans. Celle de Twitter également, où il plaisante avec la Reine d’Angleterre ou participe à l’Invictus Games (tournoi organisé pour les soldats blessés), ou encore Youtube, où il présente sa politique.
Subtile et malin, il se sert également des réseaux sociaux pour maintenir ses relations internationales ou pour atteindre un nouveau public. Il a même un compte sur les deux médias sociaux les plus répandus en Chine : WeChat et Weibo (le Messenger et le Twitter chinois).
Ce premier ministre canadien a aussi été très habile quant à sa stratégie face à Trump; après l’attentat de la mosquée à Québec, il avait répondu indirectement au protectionnisme trumpiste vis-à-vis de l’immigration et du multiculturalisme par un tweet tout simple : [Le Canada accueillera] « les réfugiés indépendamment de leur foi, au lendemain de la décision de la Maison Blanche d’interdire l’entrée des USA aux ressortissants de sept pays musulmans ». Trudeau doit gérer ses relations avec les États-Unis afin d’éviter tout conflit dans les accords commerciaux, comme par exemple Aléna.

Une stratégie 2.0 égale pour tous ?
La maitrise des réseaux sociaux : l’unique ingrédient pour être aimé ? Il semblerait que non ou alors pas autant comparé à Obama et Trudeau. On ne peut pas reprocher à nos politiciens d’avoir essayé, à l’instar de Mélenchon et sa page Youtube ou plus récemment son meeting holographique. Mais notre jeune pimpant Macron ? Marchera, marchera pas ? Il semblerait qu’il ne tienne pas ses promesses avant même que la campagne présidentielle ne commence.
Alors, à quand un Obama/Trudeau à la française ?
Maëlys Le Vaguerèse
@lvgmaelys
Sources :
• « Pourquoi tout le monde aime Justin Trudeau », 7sur7 publié 10/03/2016 et consulté le 14/03/2017.
• « Démocratie verticale ou démocratie horizontale, que voulons-nous ? », Alternatives Pyrénées, publié le 20/02/2015, consulté le 14/03/2017
• « L’utilisation des réseaux sociaux en politique », Ambasdr, publié le 21/04/2015, consulté le 14/03/2017
Crédits :
• @JustinTrudeau
• « Chevelure soyeuse, sourire ravageur, look de bad boy… Les internautes ont le cœur qui fait boom », @RachelLeishman

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Politique

Médias et Maison Blanche : fin d’un paradigme ou fin de la liberté de la presse ?

Voilà près d’un mois et demi que Donald Trump a accédé au poste de président du monde libre. Cependant, cette appellation, « monde libre », née durant la Seconde Guerre mondiale et popularisée pendant la Guerre Froide, apparaît aujourd’hui plus désuète que jamais. L’admiration que porte le nouveau président américain pour Vladimir Poutine rend obsolète l’opposition entre monde libre, mené par les États-Unis, et le bloc soviétique. De plus, la liberté que les États-Unis ont toujours prônée et voulu exporter dans un souci d’universalisme, ne semble plus vraiment d’actualité.
Contre-vérités et fake news, mots clés de la vie politique américaine
Tout a commencé le samedi 21 janvier, lors de la première conférence de presse du nouveau porte-parole de la Maison Blanche, Sean Spicer. Les médias sont qualifiés par le hautfonctionnaire de « malhonnêtes ». Il les accuse d’avoir relayé des informations fausses à propos du nombre de personnes qui étaient présentes à la cérémonie d’inauguration du président Trump la veille, et décide de ne répondre à aucune question des journalistes. Le 11 janvier, le président-élu avait déjà refusé de prendre une question du journaliste de CNN Jim Acosta, en affirmant qu’il relayait des « fake news », c’est-à-dire des informations fallacieuses.

Ces premières conférences de presse ont scellé la relation déjà complexe entre Donald Trump et les médias américains. En effet, durant sa campagne, celui qui était alors candidat à la présidence entretenait un rapport particulier avec les médias. Il n’a cessé d’affirmer des contre-vérités, dédaignant ainsi les nombreuses tentatives de correction des médias, et dénigrant par là même, leur mission démocratique traditionnelle. En retour, les médias, et notamment la télévision, ont été son meilleur allié, puisqu’à force de couvrir les multiples dérapages de Trump, ils lui ont offert des centaines d’heures de diffusion gratuites.
Un climat de plus en plus tendu entre Trump et les journalistes
Désormais chef de l’exécutif, Trump n’a pas lésiné sur les critiques envers les médias, et se permet d’aller encore plus loin. En effet, ce début de mandat a été secoué par plusieurs scandales déjà, plus ou moins fondés. À chaque fois qu’une affaire sortait dans la presse, Trump s’empressait de la qualifier de « fake news » — comme il l’avait notamment fait pour l’affaire de collaboration et de chantage entre la Russie et l’équipe Trump pendant la campagne.
Plus extrême encore, pour parler des grands médias, la chaîne historique d’informations en continu CNN, le journal New York Times ou encore la chaîne NBC News, le président américain utilise désormais l’expression « failing », soit en déclin, en échec, et les qualifie systématiquement de « fake news media ». Il s’exprime principalement à travers ses tweets, contournant ainsi les canaux traditionnels.

C’est bien là que la présidence de Trump devient dangereuse, et constitue une menace pour la liberté de la presse, et la liberté d’expression en général. En faisant des médias le monstre duquel il faut se détourner, Donald Trump peut obtenir le monopole de la vérité. Il fait de sa parole, la parole d’Evangile. Traditionnellement, dans une démocratie, les médias jouent un rôle de gendarme, ils existent pour rendre public. Kant définit même la démocratie par le principe de « Öffentlichkeit », soit publicité. Ils contrôlent les informations émises par le pouvoir, ou fournissent au public les informations qui pourraient être cachées par le pouvoir. Ils sont les garants de la vérité vérifiée et surtout des libertés d’opinion et d’expression. Dans l’Amérique de Trump, le rôle des médias est nié et même méprisé, dégradé.
Il y a quelques semaines à peine, à l’occasion d’une conférence de presse hebdomadaire à la Maison Blanche, l’administration Trump a interdit l’accès à la salle de presse à certains journalistes, notamment ceux du New York Times, de CNN et du Huffington Post, qui tous ont tendance à vivement critiquer le président américain. La voix qui porte l’opposition a donc été étouffée par le pouvoir exécutif.
La fin d’une époque ?
Le philosophe Achille Mbembe théorise notre temps en affirmant que l’âge de l’humanisme touche à sa fin, pour laisser place au nihilisme, et à l’autoritarisme populiste. Sa vision consiste donc à considérer que l’histoire socio-politique de l’humanité peut être envisagée comme un enchaînement de différents paradigmes. Seulement, cette analyse est-elle satisfaisante ? Peut-on simplement voir les choses en termes de grandes aires, et grandes ères ? Peut-on analyser l’histoire comme un mouvement inexorable qui balance l’humanité entre des époques plus ou moins libertaires ? La fin du paradigme humaniste est-elle une fatalité ?
L’affaiblissement du pouvoir médiatique causé par Trump est une tragédie moderne, mais on ne doit ni ne peut se résigner. Le New York Times a diffusé pour la première fois, durant la pause publicitaire de la cérémonie des Oscars du 26 février 2017, une réclame promouvant le travail journalistique et le fact-checking, qui consiste à s’assurer de la véracité des faits et des informations. De la même manière, le Washington Post prouve sa résistance et sa résilience en adoptant le sous-titre « Democracy Dies in Darkness », soit la démocratie meurt dans l’ombre. Le journal fait ainsi référence à la nécessité du journalisme en tant que garant d’une certaine transparence du pouvoir. Encore plus encourageant, de nombreuses associations de soutien au journalisme se développent, comme le Committee to Protect Journalists qui, après avoir été citée par Meryl Streep lors de son fameux discours des Golden Globes, a connu une forte augmentation de dons.
L’argument de la sortie d’un paradigme peut être destructeur, car il confère une dimension fataliste aux changements que nous sommes en train de vivre. Pourtant, la presse a survécu à bien d’autres crises démocratiques au cours de son histoire. Faible corps médiatique correspond nécessairement à une démocratie faible. C’est à nous de prendre les bonnes mesures et d’adopter les bons réflexes.
Mina Ramos
Sources :
– CILIZZA Chris, Sean Spicer held a press conference. He didn’t take questions. Or tell the whole truth, The Washington Post, publié le 21 janvier 2017, consulté le 1er mars 2017. https://www.washingtonpost.com/news/the-fix/wp/2017/01/21/sean-spicer-held-a-pressconference-he-didnt-take-questions-or-tell-the-wholetruth/?utm_term=.5aea6a1a7ca5
– SILLITO David, How the media created the president, BBC.com, publié le 14 novembre 2016, consulté le 1er mars 2017. http://www.bbc.com/news/entertainment-arts-37952249
– LAVENDER Paige, Donald Trump Refuses to Take A Question From CNN Reporter, Calls Network ‘Fake News’, The Huffington Post, publié le 11 janvier 2017, consulté le 1er mars 2017. http://www.huffingtonpost.com/entry/donald-trump-cnn_us_58765783e4b05b7a465ccc0b
– CALDERONE Michael, Trump White House Bars News Organizations From Press Briefing , The Huffington Post, publié le 24 février 2017, consulté le 1er mars 2017. http://www.huffingtonpost.com/entry/white-house-bars-newsorganizations_us_58b08a76e4b0a8a9b78213ae
– La Documentation française, « Médias et démocratie, La fonction des médias dans la démocratie », http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/libris/3303330403389/3303330403389_EX.pdf
Crédits images :
– Image de Une : Spencer Platt / Getty
– Image 1 : compte Twitter @realDonaldTrump
– Image 2 : compte Twitter @realDonaldTrump

Politique

Ecotaxe : bonnets rouges et bonnets d’âne

Mercredi 8 mars, la Cour des Comptes publie son rapport annuel sur la régularité des comptes publics. Le conseil des magistrats honore ainsi annuellement son credo « S’assurer du bon emploi de l’argent public, en informer le citoyen », et comme chaque année blâme les gaspilleurs. Cette année c’est un épisode marquant du quinquennat de François Hollande qui se trouve dans son collimateur, celui d’un projet de taxe autoroutière impopulaire, d’une fronde bretonne coiffée de rouge, et d’une débandade gouvernementale.
Si l’épisode avait retenu l’attention à l’époque pour ses coups d’éclats et ses bévues médiatiques, c’est aujourd’hui l’essence économique du sujet qui revient sur la table. La cour estime les pertes à plus d’un milliard d’euros, et les pots cassés sont injustement redistribués. Un fiasco qui tient beaucoup à la gestion de crise désastreuse du gouvernement, et aux grossières lacunes de communication au sommet de l’État. Un feuilleton médiatique qui interroge aussi sur la valeur du débat démocratique en France.
Retour sur une taxe controversée et avortée

Issu du Grenelle de l’Environnement, le projet d’écotaxe est voté à l’unanimité par le Parlement en 2009. Le but est de transférer le financement de l’entretien des autoroutes du contribuable aux usagers, selon le principe du pollueur-payeur : ceux qui les usent le plus, à savoir les camions, paient le plus. Outre l’objectif de justice fiscale, les retombées doivent également être économiques pour réduire l’avantage concurrentiel des transporteurs étrangers par rapport aux routiers français, et écologiques, pour faire gagner en attrait l’alternative du fret ferroviaire.
La mise en place commence au printemps 2013, dans un contexte politique délétère. Le quinquennat de François Hollande a commencé un an plus tôt par une pression fiscale sur le contribuable qui exaspère les ménages français. L’annonce de la création de portiques de télépéages sur plus de 15 000 km d’autoroute, génère des premières protestations en Bretagne, une région particulièrement incandescente à cause de la fermeture d’usines (comme l’abattoir Gad) et la détresse des éleveurs. La mesure est perçue comme un énième matraquage envers les petites gens, en somme, la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Pendant ce temps, les syndicats de transporteurs routiers s’insurgent. Le gouvernement reporte la collecte de la taxe au 1er janvier 2014, et la fronde, loin de dissiper, s’organise en groupes d’action sur le terrain et face aux médias. Destruction de portiques, manifestation géante des « Bonnets Rouges » à Quimper le 2 novembre 2013, opérations « Escargot » des routiers sur les autoroutes… La pression finit par faire reculer le gouvernement, qui annonce le 29 octobre 2013, la suspension de l’écotaxe.
« Un gâchis patrimonial, économique, financier, industriel et social »
La formule n’est pas tendre, signe de l’ébahissement des magistrats de la Cour des Comptes devant le gaspillage. 958 millions d’euros d’abord, indemnité à verser au prestataire EcoMouv’ que l’État avait missionné pour installer le dispositif, assurer sa maintenance et collecter la taxe, et qui aurait dû être rétribué à hauteur de 2,5 milliards d’euros sur dix ans. S’y ajoutent 70 millions d’euros, déboursés pour mettre en œuvre cette taxe (investissement dans EcoMouv’, salaires de 309 douaniers) et la démanteler (démontage et destruction des portiques). Enfin, 270 millions d’euros, coût hypothétique en prévision des contentieux auxquels l’État s’expose, vis à vis des sociétés de contrats public-privé. Au final, l’ardoise s’élève potentiellement à 1,258 milliards d’euros, auxquels s’ajoute ce qu’aurait dû rapporter l’écotaxe sur dix ans (sa durée de vie initialement prévue), c’est à dire près de 10 milliards d’euros.
La faillite de l’État dans les négociations
L’État a de quoi apprendre de ses erreurs, tant les failles ont été nombreuses. D’abord comme négociateur avec les différentes parties du projet, il s’est rapidement mis en position de faiblesse. Quand il veut rassurer les transporteurs en leur annonçant qu’ils pourront répercuter le coût de cette taxe sur les commandes de leurs clients, il sait sa promesse inapplicable, en raison du principe de liberté des relations commerciales.
La colère sociale devenant trop forte malgré les concessions, le gouvernement doit alors suspendre l’écotaxe « dans la précipitation pour tenter de répondre à une situation d’urgence » selon la Cour des Comptes. Cette décision est tout aussi problématique : sans concertation avec Ecomouv’, l’État se met en difficulté dans les négociations qui l’opposeront à son prestataire, sur le montant des indemnités de résiliation à verser.
Au départ cramponné à son projet d’écotaxe, le gouvernement a refusé un véritable dialogue avec ses partenaires syndicaux et privés, en envoyant de fausses promesses aux uns pour calmer la fronde des transporteurs, et en imposant des décisions unilatérales aux autres sans porter attention à sa fiabilité commerciale.
Les atermoiements du gouvernement
Ce problème de communication avec les professionnels trouve ses origines dans les hésitations du gouvernement quant à la conduite à adopter. La dégradation du déficit budgétaire annoncée fin 2013 pousse en effet le Premier Ministre à s’emparer du dossier et défendre une posture court-termiste. Alors que le ministère de l’Ecologie souhaite aller au plus vite pour avoir des chances de collecter l’écotaxe, Manuel Valls préfère retarder le plus possible le paiement des loyers à EcoMouv’.
De cette division gouvernementale résulte une position extrêmement floue pour l’année 2014 : éviter tout paiement à EcoMouv’, et ne prendre aucune décision définitive. Ecartant une solution de secours recommandée pourtant expressément par l’Assemblée Nationale, le gouvernement s’embourbe dans l’indécision. Dans ce dossier complexe et multilatéral, le gouvernement a ainsi avancé en terrain miné, sans stratégie claire, et l’ardoise est celle que l’on connaît aujourd’hui.
Happy-ending
En réponse au rapport de la Cour, Manuel Valls souligne pourtant les bienfaits de la mesure de remplacement trouvée à l’époque : la majoration du prix du gazole, qui génère annuellement 1,139 milliard d’euros de recettes (contre 1,129 milliard estimé avec l’écotaxe).
Petit problème : cette mesure sape totalement l’ambition de justice sociale de l’écotaxe. Les grands gagnants de cet abandon sont en effet les camions étrangers, qui font le plus souvent le plein dans les pays voisins où le gazole est moins cher. Les perdants sont donc les automobilistes et ces mêmes routiers français qui protestaient contre l’écotaxe, et qui se retrouvent aujourd’hui lésés par rapport à leurs concurrents.
Autre gagnant, l’État lui-même : alors qu’il s’engageait à partager les recettes de l’écotaxe avec les collectivités territoriales, cette taxe sur le gazole lui reviendra entièrement, au détriment de collectivités qui souffrent pendant ce temps de la fonte drastique des subventions.

Les bonnets rouges sont rangés
57% des Français jugeaient en novembre 2013 que l’État devait abandonner définitivement l’écotaxe (sondage CSA/Les Echos/Institut Montaigne). Cette affaire est une démonstration parfaite de l’impact que peut jouer l’environnement politico-médiatique sur la protestation populaire, et en bout de chaîne sur les politiques publiques : contre une mesure comme l’écotaxe, qui avait pourtant le mérite d’alléger le contribuable et de faire payer ceux qui usent directement les autoroutes, le débat a été totalement dévié de ses vrais enjeux.
Relayant largement les déboires du début de mandat de François Hollande, les médias ont offert un terreau fertile à la contestation. Sur-médiatisés, les « Bonnets Rouges » ont ainsi emporté dans leur sillage l’opinion publique, polarisée par ce grand mouvement de ras-le bol envers le pouvoir.
Toutefois, quand l’État instaure en remplacement une mesure qui pénalise l’automobiliste lambda et les collectivités de proximité, l’information est peu partagée dans les grands médias et ne suscite aucune polémique. Une lassitude médiatique pour un feuilleton qui avait trop tourné. Et un grand silence démocratique.
Hubert Boët
Sources :
• Marc Vignaud, www.lepoint.fr, rubrique « Economie », « Cour des comptes : le fiasco de l’écotaxe poids lourds », publié le 08/02/2017
• Hervé Chambonnière, www.letelegramme.fr, rubrique « France », « Abandon de l’écotaxe. Un gâchis d’un milliard d’euros », publié le 08/02/2017
Crédits :
1. http://www.letelegramme.fr
2. s1.lemde.fr
3. o.aolcdn.com
4. Fo.aolcdn.com

Politique

La Corée du Nord : entre licornes et missiles nucléaires

La Corée du Nord fascine, fait rire, fait peur. Cette dictature communiste fondée en 1948 par Il-sung semble être le pays le plus isolé, le plus impénétrable au monde. Régulièrement la risée du web pour ses inventions historiques fantasques, la seule dynastie communiste de la planète fait trembler l’ONU et la diplomatie mondiale. Depuis 2006 en effet, suite à l’accès de Kim Jong-un au pouvoir, les essais nucléaires et de missiles balistiques se multiplient, avec un succès croissant — ce qui nous amène à craindre que la Corée du Nord devienne une future puissance nucléaire.
La Corée : Un conte de fées ?
La Corée du Nord, aussi appelée République populaire démocratique de Corée, n’est ni plus ni moins qu’une dictature, un des pays où les droits de l’homme sont les plus restreints. Et qui dit dictature, dit irrémédiablement propagande et culte de la personnalité. Ainsi, les exploits du dirigeant Kim Jong-un sont régulièrement contés dans de nombreux films et livres de propagande, largement diffusés sur les chaînes nationales du pays. Mais évidemment pas sur les réseaux sociaux, l’intranet étant extrêmement limité. Il aurait su conduire dès l’âge de trois ans, aurait également écrit 1500 livres, plusieurs opéras et gravi la montagne la plus haute de Corée avec ses chaussures de ville vernies. Son illustre père aurait quant à lui, inventé le hamburger. Magique. Mais pas si drôle que ça. En effet, la population, à laquelle on martèle sans cesse le même discours, y croit fermement. Leur dévotion au régime est telle qu’ils sont parfois amenés à dénoncer leur propre famille.
La propagande ne s’arrête pas là. L’histoire entière du pays est joyeusement revisitée. En témoigne la découverte à Pyongyang par des scientifiques nord-coréens d’une tanière de licornes (ou de qilin, animal légendaire en Corée). Licornes qui furent chevauchées par le roi TongMyong, fondateur du royaume dont est issue la Corée du Nord, et qui placerait ainsi la capitale actuelle de la Corée, Pyongyang, comme unique capitale de l’ancienne Corée et du royaume de Koguryo. Pourquoi une telle invention ? Un moyen de propagande afin de légitimer le régime en place, puisque ce royaume à l’origine des deux Corées a eu trois capitales, Pyongyang étant la dernière en date. Rien n’est laissé au hasard afin de valoriser la Corée du Nord et de faire valoir sa grandeur auprès du peuple.
La loi du plus fou
Mais la Corée du Nord n’est évidemment pas un pays magique peuplé de dirigeants super héros aux mille pouvoirs et à l’histoire absolument fantastique. La violence est extrême. Toute incartade est sévèrement réprimée, punie de mort ou de déportation dans des camps de travaux forcés. Cas très spectaculaire, l’exécution du ministre de la Défense, à l’aide d’un canon anti-aérien. Motif ? Il s’est rendu coupable d’assoupissement lors d’un défilé militaire et d’insubordination.

Dernièrement, une purge au plus haut niveau de l’État aurait fait un millier de morts et 20 000 déportés, l’actuel dirigeant, Kim Jong-un, cherchant à asseoir son pouvoir et à se légitimer. Les exécutions de son oncle il y a quelques mois, accusé de trahison, et de quinze hauts dirigeants en témoignent. Bien souvent, celles-ci sont rendues publiques afin de servir d’exemple et de maintenir l’emprise du régime sur le peuple. Plus récent encore, le possible assassinat ciblé du demi-frère de Kim Jong-un. Une technique très employée par le régime. Les hauts gradés et les proches du pouvoir ne sont pas les seules victimes de cette violence gratuite et démesurée. L’enfermement dans les camps de travaux forcés concernerait des dizaines de milliers de personnes, déportées sans explications et soumises ensuite à la torture et à la privation.

Une menace grandissante
La politique intérieure n’est pas la seule à être agressive. En effet, depuis quelques années maintenant, la Corée du Nord s’est lancée dans un programme d’armement nucléaire, malgré l’application à son encontre de sanctions économiques et commerciales par la communauté internationale. Kim Jong-un n’en a cure et persiste à vouloir s’armer de missiles balistiques et de l’arme nucléaire. Les condamnations répétées de l’ONU n’y changeant rien puisque la Corée du Nord viole régulièrement les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU.
Ces essais, qui frôlent l’inconscience, semblent relever de la pure provocation : envoi de missiles en direction du Japon ou encore tir de trois nouveaux missiles lors d’un sommet du G20 en Chine. Depuis l’élection de Trump le 8 novembre dernier, la Corée du Nord n’avait pas fait reparler d’elle. C’est depuis chose faite, puisque début février, un nouvel essai a été effectué lors de la rencontre entre le chef du gouvernement japonais et le président américain. Probablement afin de tester la réaction des États-Unis, plutôt laxiste sous l’ère d’Obama. D’ailleurs, Kim Jong-un a fait fermer le dernier canal de communication diplomatique entre la Corée du Nord et les États-Unis.
La Corée du Nord, qui a annoncé avoir en sa possession 50 kilos de plutonium, indispensable pour créer des bombes nucléaires, se considère déjà comme une puissance nucléaire. Heureusement, leur technologie militaire ne permettrait pas encore l’envoi de missiles intercontinentaux pouvant alors menacer l’Europe ou les États-Unis.
Malgré tout, l’accession future de la Corée du Nord au rang de puissance nucléaire ne semble plus être un fantasme. Ces essais visent à affirmer la puissance de la Corée du Nord aussi bien à l’intérieur du pays qu’aux yeux des grandes puissances mondiales. La propagande reprend en effet largement ces essais, puisqu’ont été diffusés des films montrant la destruction de Washington par des missiles nord coréens. Alors simple arme de dissuasion et volonté d’affirmer sa force ou bientôt un moyen de pression politique dans une zone déjà très instable ?
Alexane David
Sources :
– Le Figaro. Sébastien Falletti. Publié le 04/12/12. Consulté le 13/02/17 http://www.lefigaro.fr/international/2012/12/04/01003-20121204ARTFIG00391-kim-jong-unet-le-secret-de-la-licorne.php
– Le Monde. Blaise Gauquelin. Publié le 09/09/2016. Consulté le 13/02/17 http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2016/09/09/coree-du-nord-un-seisme-demagnitude-5-3-attribue-a-un-essai-nucleaire_4994864_3216.html
– Le Monde. Publié le 13/02/17. Consulté le 13/02/17 http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2016/09/09/coree-du-nord-un-seisme-demagnitude-5-3-attribue-a-un-essai-nucleaire_4994864_3216.html
– Le Monde. Publié le 12/02/17. Onsulté le 14/02/17 http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2016/09/09/coree-du-nord-un-seisme-demagnitude-5-3-attribue-a-un-essai-nucleaire_4994864_3216.html
– Chroniques publiques. Publié le 26/02/14. Consulté le 11/02/17 http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2016/09/09/coree-du-nord-un-seisme-demagnitude-5-3-attribue-a-un-essai-nucleaire_4994864_3216.html
Crédits photos :
Photo 1 : https://la31emefranchise.wordpress.com/2014/03/11/les-dessous-de-la-missionrodman-en-coree-du-nord-episode-1/
Photo 2 : AFP KNS
Photo 3 : JUNG YEON-JE / AFP

Politique

Comment médiatiser le féminisme ? Le cas Femen.

Le 25 janvier dernier éclatait le « PenelopeGate », l’affaire de l’emploi fictif dont aurait bénéficié Pénélope Fillon auprès de son mari, le candidat Les Républicains à la présidentielle, lorsqu’il était alors parlementaire. Le lendemain de la sortie du Canard Enchainé, qui a révélé le scandale, « Femen » publie sur Facebook une lettre à l’humour corrosif « en soutien » à la principale intéressée, lançant les hashtags #supportPénélope et #bringbackmyjob (référence au #bringbackourgirls, soutien aux lycéennes nigériennes enlevées par Boko Haram en 2014).

Un moyen humoristique de rappeler les combats du féminisme au 21ème siècle, dans un monde où Donald Trump occupe le bureau ovale, où la Russie dépénalise les violences faites aux femmes et où une des rares candidates à l’élection présidentielle en France n’est autre que la représentante d’un parti patriarcale souhaitant revenir sur les droits fondamentaux des femmes. Face aux périls, et si « la femme est l’avenir de l’homme », quel est l’avenir de la communication militante et féministe ?
Petite histoire du féminisme.
Le féminisme naît véritablement à la fin du 19ème siècle avec le mouvement des suffragettes – qu’on nomme également a posteriori « première vague du féminisme » – revendiquant le droit de vote pour les femmes. La « seconde vague » sera celle de la revendication de la liberté du corps de la femme. L’IVG représente l’une de ses plus grandes victoires. Au cours des années 80, on arrive à la « troisième vague ». Le féminisme élargi ses combats en défendant les minorités ethniques et sexuelles autour du concept d’ « intersectionalité », développé par Kimberlé Crenshaw. Par cette ouverture, l’idée est de se débarrasser du concept de « femme » beaucoup trop essentialisant pour aller vers une compréhension ouverte des individualité. Les différentes vagues du féminisme sont marqué par un activisme s’illustrant par des manifestations pacifique mais aussi l’usage de la violence tant physique que symbolique pour mettre en lumière leurs revendications. Actuellement, nous serions dans un quatrième moment, inscrivant les combats des anciennes vagues dans la logique « accélérationniste » pour moderniser et développer la médiatisation à l’heure des nouvelles technologies de l’information et de la communication de la cause féministe. Maintenant qu’on est au clair sur l’histoire, penchons nous sur la communication des Femen.
Les Femen, une communication a double tranchant.
Les Femen, une communication a double tranchant. « Les manifestations qui réussissent ne sont pas nécessairement celles qui mobilisent le plus de gens, mais celles qui intéressent le plus les journalistes. […] cinquante personnes astucieuses, capables de faire un happening réussi qui passe 5 minutes à la télévision, peuvent avoir autant d’effet politique que 500 000 manifestants ». Les Femen répondent parfaitement à cette « loi des médias » proposée par Bourdieu avec leurs actions où elles apparaissent seins nus, le corps recouvert de slogans, dans l’Église de la Madeleine à Paris en 2013, ou encore lors du meeting du Front National le 1er mai 2015. Un féminisme « pop », s’inscrivant dans le « sextrémisme », néologisme mélant « sexe » et « extrémisme » pour décrire ce nouveau féminisme qui n’hésite pas à employer des méthodes particulières comme l’utilisation du corps féminin, qu’on nomme également « Riot Grrrl ». Elles utilisent la provocation, la moquerie ainsi que l’auto-dérision dans des moments et des lieux stratégiques pour relayer leur revendication principale : dé-sexualiser le corps féminin pour en faire un corps politique à l’égal de l’homme. C’est là qu’il y a un hic. Car en manifestant seins nus, elles utilisent la même logique que la publicité, se servant du corps féminin comme support d’un message. D’où le bashing dont elles sont victimes. Elles sont ainsi critiquées et perçues comme des filles sans message qui ne font qu’exhiber un corps dont elles sont fières. Les féministes « anti-femen » s’indignent donc, dénonçant l’utilisation de la beauté et du corps sexualisé pour critiquer les actions des Femen, argument qu’elles entendent justement démonter. Au fond, les anti-femen sexualisent la provocation de Femen. Paradoxe quand tu nous tiens ! Alors dénonciation d’un système ou asservissement ? FastNCurious vous laisse vous faire votre avis. Reste que le message derrière le médium ne semble plus audible. Ce qui pose problème pour le militantisme quand on considère que « le message, c’est le médium ». McLuhan viens nous en aide ! On rappelle ici que Femen ne fait pas que des happenings. Conférences, débats, livres, campagnes sur les réseaux sociaux, le mouvement utilise tous les moyens de communication disponibles pour sensibiliser sur la question féministe.
#SUPPORTPENELOPE

La nouvelle campagne de Femen remet au coeur de la campagne la question féministe, invisible dans les programmes des candidats. Au point où Libération a publié le 7 février dernier une tribune d’un collectif de citoyen et d’élus pour appeler les candidats Mélenchon, Jadot et Hamon à entendre la voix des femmes. Et #SupportPénélope de rappeler le rôle émancipateur du travail pour tout individu. On notera cette phrase de Femen : « si jamais, un jour, une de tes filles veut avorter, auras tu seulement les moyens de lui acheter un cintre ». L’humour noir pour dénoncer le recul du progrès face aux politiques misogynes et conservatrices. Petit rappel que nos droits fondamentaux sont toujours à défendre. Choquer ou ne pas choquer, reste qu’il faut communiquer pour prolonger la cause féministe.
Charles Fery
Crédits photos :
– photo de Femen sur Facebook
– lettre de Femen #supportpénélope sur Facebook
– dessin Luz publié dans Charlie Hebdo le 6 mars 2013
Sources :
– page Facebook Femen https://www.facebook.com/femenmovement/?fref=ts
– Julie Mazuet, #Supportpénélope: Les Femen « soutiennent » Penelope Fillon, lefigaro.fr, publié le 30/01/2017, consulté le 06/02/2017. http://madame.lefigaro.fr/societe/supportpenelopepenelopegate-les-femen-soutiennent-penelope-fillon-300117-129452
– RTBF, publié le 06/03/2013, consulté le 06/02/2017 https://www.rtbf.be/info/societe/detail_femenla-troisieme-vague-du-feminisme-aux-seins-nus-est-partie-d-ukraine?id=7942852
– Mona Cholet, Femen partout, féminisme nul part. Le Monde Diplomatique, publié le 12/03/2013, consulté le 06/02/2017 https://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2013-03-12-Femen

Politique

Télécratie et discours politique

Télécratie et discours politique : la standardisation de la parole gouvernante
Le tournant des années 1980 en France marque l’avènement du régime médiatique contemporain. Sous l’effet de facteurs conjoncturels tels que l’apparition d’un public de masse, l’augmentation du parc télévisuels français (on atteint 28 millions d’appareils en 1988), ou la privatisation des chaînes de télévision, les moyens audiovisuels de diffusion collective deviennent un carcan pour la politique.
Ce nouvel outil de contrôle et de surveillance du pouvoir des mandés enthousiasme la masse des téléspectateurs. Ils attendent désormais une démonstration de force ritualisée à chacune des apparitions télévisuelle des responsables politiques. Ceux-ci se doivent donc de se plier aux règles d’un exercice codifié et sans contours – la réaction.
Aujourd’hui, il est ardu pour les protagonistes de la politique de dérouler sur les plateaux de télévision de grandes idées, motivées par la défense d’un positionnement idéologique. Ce qu’on attend d’eux sont des commentaires à l’égard de l’actualité, de la dernière pique lancée par leurs adversaires ou des sondages les plus récents. En somme, il s’agit de s’adonner à des propos aussi convenus que ceux des footballers interviewés avant un match quant à leurs ambitions sur le terrain.
Au regard de cet affaissement intellectuel de la parole politique, comment qualifier et analyser les nouvelles modalités du discours des gouvernants à la télévision ?
Un évasement du discours
Selon Damon Mayaffre, spécialiste du discours politique et auteur d’un essai intitulé La Parole Présidentielle, les nouvelles modalités de l’expression politique médiatisée conduisent à une « crise du discours politique ». Celle-ci se caractérise par une  ascendance de la fonction phatique du discours sur l’utilisation de concepts. En d’autres termes, le discours est dominé par l’action et la performance (dominance de l’adverbe et du pronom personnel) au détriment du contenu (très de peu de substantifs) et de la construction de syntaxique (peu de subordonnées).
Les facteurs de cette nouvelle parole politique qui semble amoindrie et affadie à la télévision sont multiples. Néanmoins, il convient d’observer que le nouveau rapport de force entre politiciens et journalistes sur les plateaux y joue pour beaucoup. La majorité des émissions se fait actuellement sur un mode dialogique, avec un journaliste, questionneur et inquisiteur, face  un responsable politique sur la défensive. Celui-ci est donc constamment dans une dynamique statique de justification ou d’indignation.
À cet égard, il suffit d’observer le contraste marqué entre le respect attentif affiché par les journalistes vis-à-vis de la parole de leurs invités dans le cadre de l’émission Heure de Vérité (ancêtre des 4 Vérités) diffusée dans à partir de 1982 sur France 2 (lien ci-dessous), et les interruptions intempestives que se permettent les journalistes contraint aujourd’hui de s’improviser animateur.
Ceux-là, entravés de la même façon par un impératif de divertissement télévisuel, sont astreints à un positionnement qui tend à empêcher le déploiement d’une pensée construite chez les politiques. Il suffit de se rappeler la question (indiscrète et voyeuriste) posée par Thierry Ardisson à Michel Rocard en 2001 dans Tout le monde en parle – « sucer, c’est tromper ? » – pour évaluer le nivelage par le bas lié à la spectacularisation de la vie politique et à la transformation des journalistes en animateurs de « shows ».

François Mitterrand répond aux questions du journaliste Roger Louis, sur ORTF le 22 novembre 1965 (source : capture d’écran INA)
Une standardisation de la parole
En découle une impression d’indifférenciation de la parole des responsables politiques. Les emprunts réciproques conduisent à une inintelligibilité d’un discours creux qui neutralise le débat. On observe un appauvrissement des propos tenus, qui sont sans cesses abrégés, ramassés, compactés pour supporter l’intervention des journalistes et pouvoir être rediffusés via les chaînes d’infos en continu.
Ainsi, sur les plateaux de télévision, la tendance lourde reste la recherche du « coup de com’ » et de la petite phrase qui prime sur un discours didactique et transparent. Les « coups de gueule » de l’été 2016 poussés par les différents responsables politiques à l’égard du burkini sont significatifs en ce qu’ils attestent d’un désir de remédiatisation de la parole. Cécile Duflot faisant preuve d’un relâchement volontaire de son niveau de langage sur le plateau de BMTV, afin de renforcer l’emphase médiatique quant à des propos pourtant très banals autour de la polémique (lien ci-dessous), n’est qu’un exemple parmi d’autres.

 
Quelles conséquences démocratiques pour ce « mal de mots » ?
Cette crise des mots semble aujourd’hui se cumuler à une crise des actes qui mine la vie politique. Notons que, bien souvent, cette incapacité à nommer le réel sans arrière pensées au sein des médias, est interprétée par les téléspectateurs comme une fuite en avant des leviers de l’action publique, entérinant le désaveu à l’égard des responsables politiques.
Plus encore, cette incapacité à manier les mots avec brio et se servir de la langue comme le moyen symbolique d’un « écart distinctif » vis-à-vis de ses concurrents, participe d’une désacralisation de la figure du politicien. La disparition d’une poétique discursive au sein de l’espace audiovisuel où l’homme politique atteint le maximum de sa visibilité, normalise, voire même banalise, la parole gouvernante et euphémise ainsi sa force de conviction et sa valeur performative.
Au regard de cela, il se pourrait donc bien que cette « crise du discours »,  que l’on ne peut, par ailleurs, imputer aux seuls médias, puisse receler l’un des clés de la revitalisation de la confiance et de la volonté d’investissement des téléspectateurs (amalgamés avec des électeurs potentiels) dans la vie politique. À cet égard, les insurrections d’un Jean-Luc Mélanchon, bien souvent extrêmes, témoignent d’un désir de résistance salutaire vis-à-vis des prérogatives d’une spectacularisation de la vie politique à la télévision, que bien des mandés, avec plus de nuances, pourraient imiter.
Etienne Brunot 
LinkedIn
 
Sources : 
Jacques Gerstlé et Christophe Piar, La communication politique (3ème édition), 2016, Armand Colin
Frédéric Vallois, Le langage politique malade de ses mots, 20/11/2014, Le Huffington Post
Bernard Steglier, La télécratie contre la démocratie, 2006, Flammarion
Éric Darras, Permanences et mutation des émissions politiques en France, 2005, Recherches en communication (n°24)
Joseph Daniel, La parole présidentielle, 2004, Champion
Illustrations : 
Image 1 : compte Twitter de Sylvain Chazot, journaliste à Europe 1, capture d’écran de France 2 (On est pas couché) du 16/01/2017
Images 2 : INA, capture d’écran de l’ORTF de 22 novembre 1965 (libre de droits)

Politique

Afrique : la communication politique au service du paraître démocratique

Sur un continent où la corruption a rendu vain tout exercice de persuasion électorale, à qui s’adresse la communication politique des dirigeants africains? Depuis les années 90, les hommes politiques du continent noir s’entourent de spécialistes de la communication dont les noms n’ont rien d’inconnu en France: Jacques Séguéla, Marc Bousquet, Jacques Attali, Thierry Saussez. Comme un air de déjà-vu…
La Françafrique de la communication politique
En France, après le succès de la campagne de Mitterrand de 1981, le Parlement se rend compte des dérives d’un système électoral déterminé majoritairement par la fortune personnelle des élus, les dépenses électorales n’étant alors pas plafonnées. Pour garantir l’égalité entre les candidats, l’Etat fournit dorénavant une aide substantielle, tentant ainsi de mettre un terme à la surenchère médiatique dans le domaine de la communication et du marketing politique. Coup dur pour l’élite communicante qui avait largement bénéficié de cette absence de législation.
Parallèlement en Afrique, un élan démocratique contraint les chefs d’Etat à investir le terrain du marketing politique pour se maintenir au pouvoir. Après des décennies de relations franco-africaines dictées par des intérêts strictement économiques, Mitterrand bouscule ce que beaucoup percevaient comme un reliquat du colonialisme, lors du discours tenu lors du sommet franco-africain de La Baule en 1989. Dorénavant l’aide économique de la France est conditionnée à la démocratisation et au respect des droits de l’Homme dans les pays concernés. La communauté internationale guette plus particulièrement l’instauration du multipartisme et de l’alternance, deux inconnues dans l’équation africaine où l’on nomme encore président un homme qui gouverne depuis plus de trente ans.
Être ou paraître démocratique ?
Aussi dès les années 90, si communication politique il y a en Afrique, c’est une communication dont les destinataires sont les Occidentaux, et non les électeurs. D’aucuns ont cru que l’émergence de la communication politique en Afrique répondait aux exigences d’un système multipartite – mais la présence de ces agences de communication françaises (Havas Advertising, Agence Médiatique…) plutôt que l’appel à des acteurs locaux, pourtant présents sur le territoire national, trahit leur véritable objectif de séduction internationale. Plutôt que la preuve d’une juste concurrence démocratique lors des élections, il s’agit bien davantage d’un voile de fumée destiné à rassurer les décideurs et investisseurs européens.
« L’Afrique, déshéritée, […] enrichit un corps de métier dont l’objectivité n’est évidemment pas le principal souci. »
–    Christophe Champin
Ces faiseurs d’image venus de France, souvent appelés « gourous blancs » dans les hautes sphères décisionnelles, offrent surtout à leurs clients un carnet de contacts bien établi, crucial dans cette quête de légitimité internationale. Il n’y a pas meilleure illustration de cette spécificité communicationnelle que la figure de Jacques Séguéla. Connu en France pour avoir été le conseiller de François Mitterrand, créateur du célèbre slogan « La force tranquille », il élabore indifféremment la communication de Paul Biya, président octogénaire du Cameroun depuis plus de trente ans et celle d’Abdou Diouf, qui représenta en 2000 un certain renouvellement démocratique au Sénégal.
Temps fort des élections, temps mort des décisions
Si la communication politique est devenue inévitable pour les présidents africains depuis les années 90, la communication publique tarde quant à elle à faire son apparition. Une fois élus, les hommes politiques négligent complètement de communiquer autour de leurs décisions et leurs projets. Cette lacune altère l’ensemble de l’accès à l’information sur le continent africain et empêche finalement toute tentative de débat au sein de la société civile, qui demeure ainsi ignorante des enjeux économiques et politiques nationaux.

Encore une fois, la présidence de Paul Biya au Cameroun est emblématique de ce paradoxe, entre boulimie de communication lors des élections et absence et inertie silencieuse par la suite. Ainsi, « l’homme lion », surnommé ainsi après sa première campagne électorale, n’est aujourd’hui présent sur le territoire national qu’à l’occasion de cérémonies, de rencontres diplomatiques ou à l’approche des élections. Le reste du temps, Paul Biya est en Suisse et la vie politique au point mort.
Facebook ou l’illusion de la gouvernance
Au Cameroun, les réseaux sociaux contribuent à donner l’illusion de la gouvernance. Le président fait notamment un usage régulier de Facebook dans un pays de plus en plus connecté: outils de communication publique pour les élus français, Paul Biya ne nourrit ses réseaux sociaux que d’extraits de discours datés et de photos d’archives. Rien de neuf, aucun discours récent mais une sorte de catalogue de déclarations aléatoires et consensuelles : le chef de l’état camerounais réussit l’exploit de créer du contenu avec absolument rien, faute d’avoir accompli quoique ce soit de substantiel en trente-trois ans d’exercice du pouvoir.

Le discours officiel qu’il y tient ne témoigne d’aucun projet politique concret, d’aucun objectif chiffré qui pourrait intéresser les électeurs mais semble encore une fois s’adresser aux décideurs occidentaux. « C’est l’intention qui compte », suggère la page Facebook du président camerounais. L’accent est mis sur le pluralisme et sur le respect de la constitution, des arguments qui font mouche auprès de la communauté internationale mais qui laissent indifférente la population camerounaise, laquelle fait chaque jour l’expérience de la répression de la liberté d’expression.
#BringBackOurInternet
Le 17 janvier 2017, le gouvernement camerounais coupe le réseau internet dans les régions anglophones du pays. La minorité anglophone du pays, qui représente 20% des 22 millions de Camerounais, réclamait depuis plusieurs mois un retour du fédéralisme, se sentant de plus en plus marginalisée face à la population francophone majoritaire. Face aux manifestations, le gouvernement de Yaoundé réplique dans la violence. La contestation s’organise sur les réseaux sociaux, des photos des manifestants battus et violentés par l’armée circulent et menacent l’image soigneusement construite d’une dictature apaisée.
Sur la page Facebook du président, aucune mention de cette coupure. Pour autant, à l’heure des débats sur la loi numérique et sur la création d’un droit universel d’accès à internet, pareil blackout numérique ne pouvait rester sans conséquence : grâce à une puissante diaspora, le hashtag #BringBackOurInternet attire l’attention de la communauté internationale sur ce qui sera qualifié par Edward Snowden du « futur de la répression ».

This is the future of repression. If we do not fight it there, it will happen here. #KeepItOn #BringBackOurInternet https://t.co/UCzV1kN2Wx pic.twitter.com/uwzy8uhtpi
— Edward Snowden (@Snowden) 25 janvier 2017

Vers un printemps africain ?
Si au contact des « gourous blancs », la communication des dirigeants africains s’est digitalisée, elle se repose encore trop sur une rhétorique creuse qui n’a pour unique vocation que de rassurer la communauté internationale et néglige donc l’exercice d’information et de persuasion des électeurs – un risque à l’heure des réseaux sociaux et des victoires des mouvements citoyens en Afrique (« Le Balai citoyen » au Burkina, « Y en a marre » au Sénégal, etc.)
Partout, les médias traditionnels, sous-financés, n’avaient pas réussi à créer le débat ou une quelconque dynamique d’opposition. Mais le caractère gratuit des réseaux sociaux ainsi que la large diffusion de la téléphonie en Afrique ces vingt dernières années semblent inverser la tendance. Le Cameroun risque d’atteindre bientôt un point de rupture, entre les aspirations de cette jeunesse connectée qui veut faire de Twitter et de Facebook des outils au profit d’une information transparente, des espaces de débat et de participation politique, et le gouvernement répressif de Paul Biya qui, absorbé par sa stratégie communicationnelle de maintien des apparences, a manifestement négligé les potentialités éminemment démocratiques du web.
Hélène Gombert
Sources :
– ABODO Samila Harifadja, « La communication politique en Afrique : nécessité ou futilité ? », avril21.eu, publié le 20 avril 2012, consulté le 04 février 2017
– CHAMPIN Christophe, « Le pactole de la communication politique en Afrique francophone », Les Cahiers du journalisme n°9, automne 2001, consulté le 5 février 2017
– KOUAGHEU Josiane « BringBackOurInternet ou la révolte des Camerounais privés de réseau » Le Monde abonnés, publié le 27 janvier 2017, consulté le 4 février 2017
– Comptes Facebook et Twitter du Paul Biya, président du Cameroun
Crédits :
1 – Photo de présentation
2 – ActuCameroun.com
3 – Captures d’écran de la page Facebook de Paul Biya (https://www.facebook.com/ PaulBiya.PageOfficielle/?nr)
4 – Capture d’écran Twitter (https://twitter.com/Snowden)

Politique

Le Penelopegate ou l’art du scandale en communication

C’est un scandale de plus révélé par l’historiquement irrévérencieux Canard Enchaîné, le mercredi 25 janvier, et dans lequel patauge François Fillon depuis une semaine : Pénélope Fillon, femme du candidat LR à la présidentielle, aurait gagné au moins 500 000€ (le chiffre monte) grâce à un emploi fictif d’assistante parlementaire et à une collaboration légère à La Revue des Deux Mondes.
Le lendemain, une enquête est ouverte par le Parquet Judiciaire pour « détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits », un intitulé peu saillant pour celui qui déclarait en 2012 « il y a une injustice sociale entre ceux qui travaillent dur pour peu et ceux qui ne travaillent pas et reçoivent de l’argent public ».
Entre effet boule de neige et jeux d’échos
Les échos sur l’affaire Pénélope Fillon, bien vite renommée « Penelope Gate », se sont immédiatement multipliés dans la sphère politique. Certains surfent sur la vague, tel Benoît Hamon qui propose d’interdire l’embauche de proches par les parlementaires. D’autres se prennent les pieds dans le tapis, comme Marine Le Pen, reprise sur le plateau de TF1 parce qu’elle est également mise en cause pour une affaire de travail fictif concernant des assistants du Front National au parlement européen, ou encore François de Rugy qui, voulant ironiser sur l’affaire en photographiant les fiches de paie de ses deux assistants parlementaires, a trahi l’inégalité de salaire entre son collaborateur et sa collaboratrice. Chaque réaction est le prétexte sinon d’un article, au moins d’un tweet.

#PenelopeGate
Car le tapage, mesure sonore du scandale, n’est pas seulement l’apanage des politiques, il suffit pour cela de suivre le fil rouge du hashtag #PenelopeGate. En plus des dernières mises à jour de l’affaire judiciaire, on y retrouve l’ironie mordante avec laquelle le Canard avait écrit son article.

Dans le cas spécifique du scandale, les réseaux sociaux permettent ainsi aux médias traditionnels et aux citoyens de doubler le discours informatif d’un discours de dérision. Comme les caricatures du XXème siècle, les images verbales et non-verbales autorisent une sorte de retournement de pouvoir qui, s’il est temporaire et symbolique, n’en est pas moins cathartique.
Communication de crise : l’émotion est-elle le bon filon ? 
Pendant que Twitter gazouille, le camp Fillon organise la défense : un scandale, selon l’étymologie grecque skándalon est une « pierre placée sur le chemin pour faire trébucher ». Or, à moins de deux mois des élections, les points de sondages perdus par François Fillon suite aux révélations du Canard Enchaîné pourraient être le début d’une chute fatale pour le candidat de droite.
La communication de crise du camp Fillon s’est faite en trois temps : sur les conseils d’Anne Méaux, conseillère en communication du candidat, François Fillon se présente tout d’abord au journal de 20h du 26 janvier. Mais l’exercice est dangereux. Malgré la volonté du candidat de faire face aux français en toute honnêteté, à la loupe du factchecking des internautes, le candidat commet des erreurs d’approximation qui desservent sa défense.
Ensuite, son équipe de communication orchestre la mise en scène du meeting de La Villette. Alors que François Fillon fait son entrée main dans la main avec femme, sa porte-parole lance une ovation reprise par les 15 000 personnes présentes. À la tribune, c’est l’émotion qui domine. Penelope Fillon, dressée en victime de la calomnie, réveille en son mari un personnage protecteur qui humanise un candidat parfois jugé trop austère : « Je la défendrai ; je l’aime et je la protégerai et je dis à tous ceux qui voudraient s’en prendre à elle qu’ils me trouveront en face ». À la dramatisation du discours répond l’engouement de la foule ; l’introduction du registre pathétique, inhabituel chez M. Fillon, est efficace chez ses partisans.
Enfin, suite à l’audition du couple par le parquet, un tweet depuis le compte du candidat assure que « tous deux ont pu établir des éléments utiles à la manifestation de la vérité ». La forme est intéressante : ce n’est pas un tweet brut, mais la capture d’écran du communiqué officiel. La mise à distance scripturale et énonciative rend le propos plus objectif.
 
Scandale et imaginaire politique
Avec la parution de nouvelles accusations via le Canard Enchaîné du mercredi 1er février, et la poursuite de l’enquête par le Parquet, la communication du camp Fillon, peu portée sur une argumentation de fait, bat de l’aile. Même s’il n’y a pas de mise en examen, le doute instillé par le scandale peut avoir fait perdre quelques électeurs cruciaux au parti Les Républicains.
Que le scandale soit fondé ou non, sa réception et son traitement sont révélateurs : plus proche de l’infotainement que du choc politique, l’affaire Fillon – dont le Penelope Gate n’est qu’un épisode – indigne mais n’étonne pas. L’imaginaire politique français tend dangereusement vers le cynisme : l’intégrité dans le milieu semble être devenu une chimère, et cette banalisation du mensonge et de l’impunité interroge les fondements républicains et démocratiques de l’État.
 
Mélanie Brisard
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Pour prolonger la lecture :
• Les précédents politiques du genre
• La perception de la presse étrangère 
• L’interview de Penelope Fillon pour le site de campagne de son mari, et en particulier sa réponse sur la place de femmes en France
 
Sources :
• Le Canard Enchaîné du 25 janvier et du 1er février 2017
• Une partie des réactions captées par le Figaro
• Le direct du journal Le Monde sur le sujet
• Sur les erreurs de défense de fait de Fillon  
• Le cas De Rugy analysé par le Point
• Résumé du meeting à la Villette par France TV Info
 
Crédits photos :
• L’affaire vue par Fair
• Captures d’écran du fil Twitter
• L’affaire vue par Frédéric Deligne
• L’affaire vu par Pascal Gros @GrosPascal
 

Politique

Hamon, la stratégie du papillon

« S’il vaut mieux être aimé que craint, ou être craint qu’aimé ? On peut répondre que le meilleur serait d’être l’un et l’autre. Mais, comme il est très difficile que les deux choses existent ensemble, je dis que, si l’une doit manquer, il est plus sûr d’être craint que d’être aimé. »
– Machiavel, Le Prince, Chapitre XVII
Cette équation semble se vérifier encore de nos jours au fil des élections. Un exemple : en Novembre 2016, un sondage IFOP pour Psychologies Magazine donnait Alain Juppé comme la personnalité politique « la plus gentille » parmi les candidats alors déclarés à la présidentielle. Le 14 Décembre, il était largement battu lors des primaires LR par le représentant de la droite sans compromis, François Fillon. La gentillesse serait-elle condamnée à être vue comme faiblesse dans l’imaginaire politique ?