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Jacques a dit : vous êtes plus belles que vous ne le pensez !

 

Dove, célèbre marque de soin du groupe Unilever a présenté le mois dernier le tout nouveau volet de la campagne Real Beauty. Lancée il y a presque dix ans, cette campagne a pour objectif de redonner confiance en elles à toutes les femmes. Après le triste constat selon lequel seulement 4% d’entres elles se considéraient comme belles, cette entreprise visait à créer « un monde où la beauté n’est plus une source d’anxiété mais de confiance ». La marque a ainsi développé une série d’opérations marketing : vidéos, événements, pyjama parties, portraits et interviews remplissant une social mission ou mission d’intérêt commun : booster la self estime de la gent féminine.
Avec Real Beauty sketches, il s’agit de convaincre les femmes de leur beauté en utilisant un argument plus puissant : le regard de l’autre. La marque, déjà très connue pour ses spots publicitaires qui utilisent principalement des tests pour démontrer l’efficacité de ses produits,  a recours aux mêmes ressorts pour encourager les femmes à reconnaître leur beauté. Ici le stratagème est efficace parce qu’il provoque l’émotion mais surtout parce qu’il impose la réflexion ; mettant chaque femme et chacun d’entre nous dans devant l’absurdité de certaines de ses incertitudes.

Real Beauty sketches
Dans un grand loft baigné de lumière, un dessinateur spécialisé dans les portraits robots pour le FBI est dissimulé derrière un rideau blanc. Il est chargé de créer deux portraits. Le premier sous les indications d’une femme se décrivant elle-même. Le second sous les indications d’un ou d’une inconnu(e) ayant été amené(e) à la croiser. A l’arrivée,  les deux dessins présentent des points communs. Mais, invariablement, celui décrit par l’inconnu est sensiblement plus flatteur et beaucoup plus exact. Le moment de la révélation est chargé d’émotions parce qu’il confronte les femmes, leurs complexes et surtout leurs erreurs.
La vidéo, diffusée via les réseaux sociaux, suscite l’intérêt (elle est devenue récemment l’une des publicité le plus regardées de tous les temps) et bien que partagées, les réactions sont nombreuses. L’accent est mis sur l’expérience. Un dessinateur professionnel, un lieu quasi vide, une mise en scène qui met l’accent sur un protocole scrupuleusement respecté mais qui laisse la place à l’émotion, souligne le choc et démontre, par là-même, la véracité de l’expérience, celle-ci prenant dès lors le dessus sur le discours de la marque. Depuis 2004, Dove affirme redonner confiance aux femmes et la marque essuie souvent les reproches qui sont faits aux autres enseignes du groupe Unilever jouant plutôt sur des codes sexistes ou réducteurs comme les déodorants Axe ou les produits Slimfast. Mais ici, elle fait parler les consommatrices, les individus et donne une toute nouvelle portée à son message.

R E A L is the new C H I C
En effet, cette expérience semble prouver que le monde est prêt à accueillir une toute nouvelle image de la consommatrice. Une vision qui s’éloigne des canons fantasmés et véhiculés à travers les médias pour se rapprocher de la réalité. Cette tendance s’illustre dans beaucoup de produits proposés aux femmes aujourd’hui ; à l’instar de la série à succès Girls, qui met en scène des jeunes New-yorkaises avec leurs formes et leurs défauts, du nouveau gratuit Stylist qui montre une femme engagée, hédoniste, fan de porno, workaholic, anticonformiste ; de la nouvelle campagne pour les protections Nana qui rend hommage aux femmes du monde, à leur différences et à leur caractère unique sous le coup de crayon de l’emblématique Christian Louboutin ; de la chanteuse Béyoncé qui révèle ses formes (presque) non retouchées pour une collection de maillot de bain chez H&M ; ou de cette marque de prêt à porter suédoise qui en mars 2013 a choisi de présenter sa nouvelle collection sur des mannequins aux formes réalistes.

Ces initiatives isolées parviennent à faire évoluer les mentalités mais peuvent aboutir à la création de nouvelles catégories marketing. La Real woman est sans doute amenée à devenir un artefact mais pour le moment, elle permet de respirer un air plus sain.

 
Esther Pondy
Sources :
La vidéo
Le site de Dove
Nana.fr

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Abercrombie : bad buzz ou technique de com’ ?

 
En excluant certaines catégories de personnes on reconnaît à d’autres catégories la chance, et la légitimité d’entrer dans la caste des « beaux », d’appartenir à la secte des mensurations Abercrombistement parfaites. Le CEO aux idéaux physiques tordus, Mike Jeffries, descendant direct de Biff Tannen (Retour vers le Futur), nous fait avaler de force sa conception de la beauté. Il revendique ses idées et les clame de bon cœur, sans gêne aucune. Avec une bonne dose de fierté et un soupçon d’arrogance, il se permet d’exclure de ses magasins et de ses T-shirts toutes les grosses du monde. Qu’à cela ne tienne, Greg Karber à choisit de lui répondre d’une manière hautement symbolique. Non pas en l’insultant ou en le fustigeant, la lapidation de critiques ne feraient qu’alimenter la croissante notoriété de la marque en formant un nuage de bruit autour du bad buzz. Alors il a choisi de s’attaquer directement à l’image d’A&F. Une image contestable et contestée, il a donc choisi de renverser la tendance.
Le but est de mettre à mal l’image d’une marque destinée aux beaux, riches et populaires en distribuant des vêtements d’A&F aux sans-abris. Ainsi ils deviennent gratuitement les ambassadeurs indésirables de la marque. Voir la vidéo ci-dessous.
#FitchTheHomeless

Si la réponse à la polémique est aussi cinglante c’est aussi parce que la mode est rarement irréprochable en matière d’éthique et de considération morale. La marque Abercrombie avait déjà fait preuve de pratiques sociales douteuses en 2011 et 2010 en détruisant directement les produits retournés par les clients, en dépit des demandes des associations pour les récupérer. La marque ne conçoit pas que ses vêtements soient accessibles aux plus démunis, les pauvres seraient donc trop moches… Mais le groupe du petit fils du vieux Biff avait également défrayé la chronique en Avril dernier avec sa marque Hollister et de sombres, mais non moins classiques, histoires de discrimination. Les « beaux gosses » paradent à moitié nus dans le magasin pour attirer les jeunes donzelles fraiches et pimpantes, pendant que les gros et moches sont relégués à l’arrière-boutique pour « gérer le stock » (comprenez plier les Tshirts).
Alors oui il s’agit d’un positionnement marketing et de stratégie de communication. Mais depuis quand une stratégie de communication peut se faire excluante et exclusive ? Peut-on vraiment choisir de sélectionner des cibles en intégrant dans cette sélection l’exclusion de tous les autres consommateurs ?
Stratégie à part entière, bien que le personnage de Mike Jeffries semble complètement naturel, ce choix d’exclusion des personnes « imparfaites » ne dessert pourtant pas directement la marque. En réalité on pourrait comparer cette stratégie avec celle mise en place par le site de rencontre Attractive World. Sur les sites de rencontres en ligne comme dans la vraie vie non virtuelle, il existe des exclus : les gros, les moches, les analphabètes etc. Ceux qu’on ne veut pas forcément voir dans sa boutique. Alors on instaure des filtres pour ne garder que les « célibataires exigeants ». Attractive World exclut donc les moches pour contenter sa cible haut de gamme. Si vous cherchez du prêt à porter et de la rencontre en ligne passez votre chemin, ici on parle haute couture. Exclure pour mieux cibler. Revendiquer pour mieux être contesté. Et en même temps c’est en se positionnant comme une marque sélective, réservée à une sorte d’élite de la beauté que l’on suscite l’envie d’appartenir à cette élite chez le consommateur. Les personnes correspondant aux mensurations de A&F se sentiraient donc comme faisant partie d’une classe supérieure, plus belle, plus musclée. Et tant pis pour les autres.
 « Dans chaque école, il y a les enfants cools et populaires et il y a les autres. Nous, on va chercher les enfants cools. Seules certaines catégories de personnes peuvent acheter et porter nos vêtements. Excluons-nous des gens ? Absolument »
La position de Mike Jeffries est entièrement décomplexée. Et si en tant que stratégie marketing elle peut fonctionner un certain temps, le bad buzz fini par nuire à la marque. L’initiative de Greg Karber en est la preuve, et si le mouvement continue à grossir via les réseaux sociaux (déjà 5 500 000 vue sur Youtube en 5 jours), le préjudice causé ne sera pas que symbolique. #FitchTheHomeless
 
Margot Franquet
Sources :
Le Vif
Le Point
Business Insider
La Voix du Nord
Le Nouvel Obs
Le Plus – Nouvel obs
Rue89
Métro

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Gleeden : femme infidèle, femme fantasme ?

 
Vous pouvez voir en ce moment, à quelques stations de métro, une nouvelle affiche pour Gleeden, ce fameux site de rencontres extra-conjugales « pensé par les femmes », dont FastnCurious vous parlait déjà l’an dernier. Non pas que j’aime particulièrement remâcher des sujets déjà traités, ou que je fasse une fixation sur l’image de la femme dans les procédés de communication, mais il me parait intéressant de parler de cette affiche, assez révélatrice d’une société qui se ment.
Parlons visuel : une jeune femme en robe de mariée, absolument charmante et mutine, nous tourne le dos pour nous montrer les doigts croisés de sa main droite. L’imaginaire du spectateur est aussitôt convoqué ; sa main gauche posée sur l’épaule, montrant que le mariage est probablement terminé et que l’échange des alliances est déjà fait, tandis que de sa main droite, elle dément tous les serments qu’elle a fait durant la cérémonie. Pensons par exemple au Truman Show et au moment où Jim Carrey, alias Truman, découvre sur une photo de mariage que celle qu’il pensait être sa femme, également en robe de mariée, croise les doigts.
Comme à son habitude, Gleeden frappe fort en montrant que la femme infidèle a prévu de l’être dès son mariage. Alors, ses raisons pour se marier quand elle songe déjà à rompre ses engagements paraissent quelque peu étranges ; ce doit sans doute être une femme vénale, pour rester dans les clichés. Mais fermons cette parenthèse empreinte de moralité désuète. Gleeden garde donc pour figure féminine Eve, la femme pècheresse, comme le prouve leur logo en forme de pomme croquée et leur nom même. Les gérantes du site auraient-elles oubliés qu’Eve a pêché par avidité de connaissances et non par luxure ? Que nenni, à en entendre les témoignages, c’est la connaissance des plaisirs sexuels qui poussent des femmes blasées par leur vie en couple à s’inscrire sur le site. C’est aussi l’absence d’hypocrisie qui séduit les adhérents du site : quand on s’inscrit, on sait ce qu’on va faire. Et puis, franchement, qui a dit que tromper sa femme ou son mari était un problème ? Pourquoi la jeune femme de l’affiche ne croise-t-elle pas les doigts sous le nez de son mari ?
Oui, mais :
Parlons peu, parlons bien. Pas d’hypocrisie, pas de gêne, mais tout de même une grande promesse de discrétion absolue. Comment ça ? On aurait honte d’avouer à son conjoint qu’on va voir ailleurs parce qu’il ou elle ne nous satisfait pas ? Après tout si Françoise Hardy et Jacques Dutronc le font, c’est qu’ils doivent avoir raison. En revanche, si les deux partis du couple marital sont d’accord, on ne peut pas y voir réellement d’inconvénients. Mais dans un contexte de discrétion absolue, le sont-ils vraiment ?
C’est autre chose, dans cette campagne, qui m’a autrement plus gênée que des problèmes moraux qui ne concernent finalement que le million d’infidèles inscrits sur le site. Non, ce qui me gêne, c’est ce slogan, brandi comme une figure de proue : « Le 1er site de rencontres extraconjugales pensé par des femmes ». Quand on le lit comme ça, on a la vague impression que de fait, il est conçu pour les femmes, dans le respect le plus total de leur intégrité : une phrase presque féministe finalement, pour un site désinhibé. Certes. Au regard de leur nouvelle affiche, je ne peux m’empêcher d’avoir un léger doute sur la femme libre de contraintes. Car la contrainte, outre celle d’être unie à un mari qu’elle veut tromper, reste le regard de l’homme. Comment, me diriez-vous, pourrait-on arriver à cette conclusion ? Facile, regardez attentivement l’affiche. Regardez le bras de la jeune mariée. Entièrement photoshopé. Pour une femme qui assume son infidélité, ne pas assumer son bras est assez étrange. Ce léger détail entraîne une prise de conscience. Quelle naïveté de croire qu’on cherchait à attirer les femmes !
Non, non, mesdames, vous n’êtes pas la cible de ces femmes qui ont pensé le site et qui vous parlent en bonnes copines complices. Non, vous, vous n’êtes qu’un fantasme pour ces hommes qui rêvent de vous sortir de votre insatisfaction sexuelle. Oui, vous serez des reines sur le site, car vous êtes minoritaires face à une marée d’hommes cherchant à flatter leur ego et à soigner leurs complexes en battant votre mari. Triste constat que de voir les femmes se faire objets de fantasmes en se voilant plus ou moins la face. La jeune femme de l’affiche n’est que la personnification d’un fantasme, brandi devant les hommes comme un saucisson pendu dans une boucherie qui vous attendait déjà lorsqu’il était encore sur le cochon. A peine mariées, des femmes attendent déjà le secours de chevaliers blancs de la sexualité. Ce que nous dit l’affiche est encore pire : puisque la femme songe déjà à être infidèle avant même d’être mariée, c’est que cela est dans sa nature. Ah bon ? Trouvez-moi de mauvaise foi, je ne fais qu’imiter celle de Gleeden.
L’infidélité est un thème décidément prisé de nos jours, alors qu’il est de plus en plus simple de divorcer, ce qui nous montre bien qu’il s’agit d’un fantasme pour les hommes comme pour les femmes, pensez à l’affiche de « The Great Gatsby » qui n’est pas si différente de la nouvelle campagne de Gleeden.
 
Noémie Sanquer
Sources

http://www.gleeden.com/news/elle-fr_878.html
http://fastncurious.fr/guestncurious/gleeden-ou-laffichage-de-la-rhetorique-trompeuse-2.html
http://www.gleeden.com/

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The Great Gatsby at Tiffany’s

 
Deux mythes qui se rencontrent pour célébrer « le chic et le swing » avec la récente adaptation du roman de Fitzgerald au cinéma pour laquelle le célèbre joaillier Tiffany a créé une collection inédite de bijoux.
Catherine Martin, la styliste du film explique que la production a établi ce partenariat car Fitzgerald était un de leur client et que Louis Comfort Tiffany avait, comme Gatsby, fréquenté les cercles de Long Island. Ses créations se rapprochent donc du style du film. Certains bijoux ayant été repris de très anciennes collections et d’autres ayant été créés spécialement pour l’occasion. L’actrice principale, Carey Mulligan, évoque également l’influence de ces bijoux si délicats sur son allure et son jeu d’actrice.
Le film est une fabuleuse vitrine pour Tiffany qui est présenté comme le parfait joaillier pour cette mission. Grâce à la couverture médiatique qui touche la sortie du film, Tiffany fait un retour aux années 20, raconte à nouveau son histoire et revient sur le devant de la scène, s’affirmant comme le joaillier éternel qui sait façonner les bijoux à la perfection.
Depuis 1837, Tiffany, joaillier d’avant-garde
Charles Lewis Tiffany ouvre sa boutique d’objets de fantaisie à New York en 1837. C’est depuis la découverte d’un diamant jaune et après que la marque lui ait donné son nom que Tiffany est assimilé à l’empire du diamant. Louis Comfort Tiffany, son fils, un designer visionnaire et romantique rêvant à la « perfection of spectacular beauty », hisse la marque au sommet et l’impose comme une figure de proue de l’Art Nouveau.
Tout un mythe réside dans ces bijoux : celui de susciter en nous la vision de bijoux à la fois exceptionnels et issus d’une tradition, d’un passé américain.
Un joaillier en perte de vitesse ?
En mars 2013, Le Monde, assez critique à son sujet, titre un de ses articles « Tiffany profite peu de l’engouement mondial pour le luxe ». Le jugement tombe : « trop classique, trop américain, le joaillier a vu son bénéfice chuter de 5% en 2012 ».
En effet après des résultats décevants en 2012, la marque a accumulé cinq profits warning (avertissements destinés aux investisseurs informant que les résultats seront moins bons que prévu). Avec une hausse du prix de l’argent dans la joaillerie, qui représente un quart des ventes du Tiffany, la marque ne peut augmenter indéfiniment ses prix sous peine de perdre une grande part de sa clientèle, qui a l’habitude d’acheter des bijoux pour moins de 500$.
L’imaginaire créé par Tiffany
Malgré des problèmes financiers, Tiffany communique et pour ce faire, joue toujours avec sa couleur phare : le bleu Tiffany ou PMS 1837 est devenu son code privilégié d’expression. Il peut quelque fois s’agir uniquement d’une page bleue avec un message du type « something perfect wrapped in blue » laissant la curiosité du consommateur en suspens.
Ces publicités jouent sur l’image de la tradition Tiffany et celles qui paraissent souvent avant Noël ou la Saint Valentin se fondent sur le même modèle : une photo assez sombre d’un couple chic, glamour, sous la neige, au bord de l’eau ; une mère et son enfant ; une petite fille. Aucun texte, rien, ou juste la Blue Box cachée dans un coin. Tout est dit. Sans dévoiler le produit, Tiffany laisse le choix au consommateur de ce que la Blue Box pourrait contenir.
Deuxième image et plus importante encore, 1961, Audrey Hepburn dans Breakfast at Tiffany’s devant la vitrine de la boutique sur la 5e Avenue. « Nothing very bad could happen to you there. If I could find a real-life place that’d make me feel like Tiffany’s, then – then I’d buy some furniture and give the cat a name! *»
Le succès était tellement prévisible qu’Audrey Hepburn portait déjà le diamant jaune, monté sur collier et découvert par Charles Lewis Tiffany sur les photos publicitaires prises pour la sortie du film. Ce film a donné toute son aura à la marque et fait encore d’elle un lieu mythique à New York.
La sortie de The Great Gatsby ajoute un élément de plus à l’imaginaire des clients, suscite de nouvelles envies : les fans du film seront fans des bijoux. L’impact joué par le cinéma est très fort et permet à une marque de créer le buzz. Espérons que le film continue de transmettre de manière plus ou moins explicite le mythe du joaillier américain et qu’il ne finisse pas comme l’avait écrit Fitzgerald : « so we beat on, boasts against the current, borne back ceaselessly into the past ** ».
Félicia de Petiville
* Si tranquille, si majestueux que l’on sent que rien de grave ne peut vous arriver dans un tel endroit. Moi si un beau jour je trouvais un appartement qui me fasse le même effet que Tiffany, eh je le prendrais, je le meublerais et je donnerais un nom au chat instantanément.
**   Et nous luttons ainsi, barques à contre-courant, refoulés sans fin vers notre passé.
 
Sources :
Financial Review
Tiffany & Co official website
Vidéo Youtube: The Tiffany Jewels of the Great Gatsby

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Desigual, original vous dites ?

 

En matière de publicité, le sous-entendu est roi. C’est ce que nous prouve la dernière campagne publicitaire Desigual, qui met en scène, dans de courts spots télévisuels, quatre femmes dans leur routine matinale. Censuré par l’ARPP pour son contenu jugé « inapproprié », la version diffusée sur M6 et TF1 se passe de scènes trop explicites, la vue d’un sein, et floute celle d’un sextoy. Décision marginale dans le paysage télévisuel européen qui ne voit rien à redire dans le comportement des représentantes de la marque (Espagne, Allemagne, Italie diffusent le spot dans son intégralité). Le hashtag de la campagne, #faislelematin, lui non plus ne cache pas sa connotation sexuelle. A vrai dire, il ne comporte pas réellement d’autre sens que celui-ci.

Qui est Desigual ? Adepte du street-marketing, la marque est connue en Espagne, et depuis peu en France, pour son goût du buzz. Sa communication se veut profitable et à bas prix, ainsi son ancien PDG, Manel Adell, se targue de n’allouer que 4% de son budget global à la publicité, un record pour une marque qui explose depuis quelques années. Son succès peut en partie s’expliquer par une identité forte : la marque se veut légère, originale et affirmée, selon le principe du « simplifying luxury » (ressemblance avec des grands créateurs).
Un discours parfait pour incarner cette femme moderne ; un savant mélange d’héroïne de sitcom et de bienséance consumériste qui envahit les écrans. La précédente campagne, #jaiunplan, nous faisait déjà partager l’intimité de trois femmes, une homosexuelle prête à se déclarer, une working girl qui veut séduire son boss et une autre qui lâche tout pour partir « vivre en liberté comme les sauvages » en Thaïlande. Le message est clair, la femme Desigual est libérée, indépendante et prête à tout.
Pour #faislelematin, le message reste le même, mais sans le texte. Pas de narration, mais toujours cette même femme, calibrée. Elle est jeune, mince, blanche et hétérosexuelle. La condition de modernité de cette image passe alors exclusivement par une sexualisation poussive, symbole d’une indépendance à la frontière de la pudeur. La vida es chula (« la vie est chouette »), c’est avant tout un « je fais ce que je veux ». Car la femme Desigual n’a pas de contraintes, elle envoie tout en l’air, les tabous comme les billets de banque. Le message d’origine est positif, mais son traitement laisse sceptique. Après tout, la femme Desigual existe-t-elle ? Probablement pas, d’autant que la communication tente de recentrer la marque sur son cœur de cible, les 25-35ans, tout en constatant que les ventes concernent plus largement les 15-55ans.
#faislelematin provoque une douce polémique sur ce qu’il convient de montrer au grand public, mais aussi finalement sur l’image de la femme qui est véhiculée dans ce spot.
Est-il possible de construire une représentation moderne de la femme qui n’en appelle pas au sexe et à l’affirmation autocentrée ? Plus seulement mère ou épouse, la femme de publicité devient alors un corps libéré et hyper-sexualisé, au nom de l’indépendance et de l’affirmation de soi. En cela, la campagne « desigual » n’a malheureusement rien de « différent ».
 
Clémentine Malgras
Le site de la marque :
Un article décodage : http://www.womenology.fr/fr/reflexions/desigual-la-feminite-exuberante/
Une interview du PDG (en anglais) : http://www.fashionfromspain.com/icex/cda/controller/pageGen/0,3346,1549487_5857812_5857549_443078_1,00.html

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Il faut que je t’avoue quelque chose…

 
La carte de l’humour
« Comment ça tu as revu ton ex ? »

Sentiment de culpabilité, accélération du pouls, mains moites : en réaction à certaines phrases ou situations stressantes, le mécanisme de transpiration s’enclenche, facteur d’odeurs corporelles indésirables.
Pour le lancement de sa nouvelle gamme de déodorants « Stress protect », Nivea joue la carte de l’humour. La marque a fait appel aux services de l’agence DRAFTFCB pour sa campagne publicitaire, dont les affiches sont actuellement visibles dans le métro parisien. S’appuyant sur les petites phrases du quotidien qui sont facteur d’anxiété, Nivea met en scène les moments stressants et banals de la journée.
Sur les réseaux sociaux, la stratégie semble payante puisque les visuels trouvent grâce aux yeux des internautes, avec des commentaires du type « Bien joué, ça sent le vécu » ou « Oui on le sent bien » (Facebook).
D’autre part, Nivea avait créé le buzz avec son opération de caméra cachée « Stress test » à Mexico et dans l’aéroport de Hambourg. La vidéo de l’opération, diffusée le 12 février sur You Tube, a été visionnée plus de 5 millions de fois en deux semaines, avec près de 15000 impressions et plus de 1700 commentaires.
Comme quoi, l’humour paie (cf l’article de Marie-Hortense Vincent à ce sujet).
Un discours scientifique
Davantage que le simple humour, Nivea souligne discrètement sa vocation scientifique à travers cette nouvelle campagne. Rappelons que « L’Observatoire Nivea », constitué d’un comité scientifique, a été créé en 2006 dans le but de diffuser la recherche sur le corps.
En effet, sur son site (ici), Nivea explique de manière détaillée le processus de la transpiration, avec des explications de type scientifique : « On peut distinguer 2 formes majeures de transpiration : La première, la plus connue, est la transpiration thermique. Sa fonction principale est de réduire la température corporelle (…), elle vient des glandes sudoripares dites exocrines. La seconde est la transpiration due au stress ou transpiration émotionnelle. »
Et de conclure, sans surprise: « Il est prouvé que NIVEA STRESS PROTECT offre une protection efficace contre la transpiration due au stress. »
Dans les visuels, la connotation « médicale » est soulignée par les courbes graphiques du battement cardiaque, dont le rythme s’accélère en raison du stress.
Image et identité : de la tendresse au stress
Avec cette campagne d’affichage, Nivea rompt avec son image traditionnelle. En effet, la marque communique habituellement sur l’archétype maternel ou paternel, à coups de touchantes scènes de tendresse entre une mère et son nouveau-né à la peau douce. Un univers familial et rassurant, dominé par l’image maternelle et la symbolique de la caresse.

Ici, on passe à un tout autre style. Le monde de protection et de bien-être laisse place au stress et à l’anxiété. La marque rompt avec son identité visuelle, traditionnellement bleue et blanche, abandonnant ses belles photographies pastelles au profit de simples phrases de couleur blanche écrites sur fond violet.

Comment ne pas évoquer la stratégie de certaines campagnes pour rencontres extra-conjugales, et notamment celle de Gleeden ? Les allusions à l’infidélité ne manquent pas – soulignons que dans la symbolique occidentale, le violet est associé à la jalousie – et les sentences en forme de maximes (« Je dois t’avouer quelque chose », « Comment ça tu as revu ton ex ? », « Il faut qu’on parle ») ne sont pas sans évoquer les aphorismes de Gleeden.
De la tendresse à l’anxiété, de la famille à l’infidélité, du bleu rassurant au violet tourmenté. Avec cette campagne, l’identité visuelle de Nivea change du tout au tout. Reste à savoir si les consommateurs apprécieront.
Alors, flop ou stratégie gagnante ?
 
Clara de Sorbay
Sources :
La fiche du produit
L’Observatoire Nivea
Meltybuzz
Vanksen.fr

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La meilleure blague de Carambar ?

 
Qui que soit votre interlocuteur, si vous lui demandez ce qu’évoque pour lui Carambar, il vous répondra probablement les fameuses blagues inscrites sur l’emballage de la sucrerie. Elles constituent en effet un profond marqueur identitaire, d’autant plus qu’elles renvoient à l’enfance de l’utilisateur. Cet imaginaire collectif de Carambar est du pain béni pour la communication de la marque qui depuis toujours joue sur son image ludique, « fun » et conviviale (avec le fameux slogan « Carambar, tous barrés »), bien que, il faut se l’avouer : peu importe la tendresse qui nous lie aux fameuses friandises, les blagues ne soient ni toujours drôles, ni d’un bon goût affirmé.
Or, le 21 mars 2013, après quelques effets de teasings (« le changement c’est bientôt »), Carambar fait une annonce qui va raviver les passions des cibles de la marque ; fini le temps des bonnes vieilles blagues, fini le temps où on lisait ses blagues à tour de rôle, la bouche pleine de Carambar goût caramel, place à l’éducation ! Carambar proclame le temps des questions éducatives ouvert, en donnant quelques exemples de ce que deviendra l’emballage. La teneur des questions, ainsi que les propositions de réponses, mettaient cependant déjà la puce à l’oreille. Entre les épellations douteuses et dignes d’un académicien, on trouvait également des questions telles que « Qu’est-ce qu’un goulag ? »

On pouvait à la limite toujours se dire qu’à défaut de conserver l’aspect blague, Carambar gardait celui de mauvais goût. Mais tout de même, suggérer à nos chères petites têtes blondes qu’un goulag pourrait être une viennoiserie ou un sport nordique, cela avait quelque chose d’étrange voire de dérangeant. Jusqu’aux couleurs de Carambar qui se pare, plutôt que d’un jaune vif, d’un gris ardoise plutôt déprimant agrémentant le nouveau slogan : « Carambar, c’est du sérieux ».

La communication de Carambar a sur ce coup-là très bien joué : tout, hormis le contenu même des questions/réponses proposées, rendait crédible cette annonce. La page Facebook, qui en a été le principal berceau, nous montre bien que ce poisson d’avril était préparé depuis longtemps, notamment au travers de rappels constants d’un changement à venir et de faux spots publicitaires qui ont même circulé. L’annonce décevait, surprenait, choquait, mais on y croyait quand même un peu tous, simplement parce que la communication autour de la fausse annonce semblait sérieuse et complète (et pour cause, elle l’était) : pourquoi se donner tant de peine pour un fake ? Les outils utilisés par Carambar sonnaient redoutablement juste, à grands coups de dossiers de presse, d’annonces publicitaires,…

À ce moment-là, l’annonce Carambar est à la fois une réussite et un flop : la marque fait parler d’elle en brassant les imaginaires du public, en le dérangeant dans ses habitudes, mais justement à cause de cela, le changement n’est pas bien reçu (ce qui était sans aucun doute prévu par les communicants de Carambar). On ne peut s’empêcher de penser que ces derniers ont dû bien s’amuser en observant les réactions des fans, massives sur les réseaux sociaux, et si l’on n’est pas trop pétri de fierté et qu’on est beaux joueurs, on ne peut que leur donner raison. Les plus orgueilleux d’entre nous vous affirmeront qu’ils avaient vu la chose venir, qu’ils n’avaient jamais pris l’annonce au sérieux, mais ne nous voilons pas la face : avant l’annonce, plus personne ne s’intéressait à ce que pouvait faire Carambar, en conséquence, surpris par ce revirement, nous sommes tous tombés dans le panneau, la presse au même titre que les autres.
Et pour cause beaucoup de journalistes enragent, car ils ont été volontairement dupés par la marque, en témoigne un article dans Le Parisien, qui pose la question du mensonge marketing. On aura beau dire, pourtant, la marque a réussi son coup. L’afflux de commentaires et de réactions, le respect de la tradition, car après tout il s’agit d’une blague, peut-être la meilleure de Carambar, représentative de la ligne de conduite de la marque, tout cela permet une réussite, mais une réussite que beaucoup ont du mal à admettre. La communication était soignée, bien vue, mais elle n’en était pas moins mensongère. Et surtout, avouons-le, le discours de Carambar sonnait beaucoup trop bien dans l’ère du temps, ce qui en soi est déjà inquiétant lorsqu’on entend des phrases du genre : « conscient que les enjeux de la transmission du savoir vont bien au-delà de la mission de l’école, Carambar a décidé de participer à l’éducation des plus jeunes » ou « aujourd’hui de nombreuses études prouvent qu’associer la transmission des savoirs aux moments de plaisir et de détente favorise la mémorisation et l’apprentissage », discours consensuels et bien pensants, qui, bien que particulièrement irritants, sont actuellement à la mode.

Mais que l’on se rassure ! Quatre jours après cette annonce qui a bouleversé les habitués du Carambar, la marque nous invite avec son slogan « la fin des blagues #cetaituneblague » à revoir nos récriminations, il ne s’agissait bien là que d’un poisson d’avril avant l’heure. Et la communication du dévoilement, autant que celle de l’annonce, est tout aussi solide et travaillée : vidéos youtube, making of de la supercherie, nouveaux spots en négatif de ceux de la blague, site internet consacré. On est cependant en droit de se demander si cette blague un peu trop préparée (six mois de travail selon le service communication), n’est pas comme les bons mots auxquels on songe pendant quelques minutes avant de les dire dans une conversation : bien pensés, certes, mais pas si drôles que ça…

 
Noémie Sanquer
Sources :
Letelegramme.fr
Le Parisien
Carambar.fr
Le Figaro
La page Facebook de Carambar

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Pitche-moi la Cité Rose

 
Intégrer le public dans sa communication et transformer les fans en ambassadeurs de marques, voici la stratégie choisie par Julien Abraham et Sadia Diawara pour le lancement de leur film La Cité Rose, sorti en salles le 27 mars 2013.
La Cité Rose : plus qu’un film, un concept
Comment se mettre le public dans la poche ? Sur Twitter, le community manager retweete tous les internautes qui parlent de La Cité Rose : « Allez voir le film, lourd ! », « @Laimyssgegen : La Cité Rose c’est une tuerie j’ai pleuré mdrrr » ou encore « @Ibrahim_wiz : Pour une fois on est fier de notre quartier comme quoi il n’y a pas que de mauvaise chose dans le hood LA CITE ROSE ». Sur Facebook, les membres de l’équipe du film « likent  » les commentaires et les publications des fans : « MOI JE DIS BRAVO CE FILM TIENT TOUTE C PROMESSE UN BIG UP A MES POTES D’ENFANCE… », « Super le film, bravo !!! J ». Toutes les manifestations des internautes sont relayées et encouragées. Ainsi, le fan se trouve considéré et se transforme en porte-parole du film.
Ce dernier s’est constitué une armée de fans qui communiquent tous dans leur environnement. Le cœur de cible reste les habitants de la Cité Rose, c’est-à-dire ceux d’Ile-de-France et par extension, les personnes ayant grandi dans un environnement similaire. Il y a eu Banlieue 13, fantasme de la banlieue dangereuse et marginale, il y a désormais La Cité Rose, peinture d’un quartier difficile à travers le prisme de l’enfance avec tous les rêves et désirs qu’elle suscite. C’est ce message que porte le film et qui se retrouve dans la campagne marketing.

En somme, les gens se reconnaissent dans le film, ils peuvent s’identifier aux personnages (enfants, adolescents et adultes) et ainsi donner de la légitimité à l’œuvre, se porter garants de la véracité du film et de la réalité qu’il dépeint. En parlant du film sur les réseaux sociaux, les ambassadeurs parlent en fait d’eux-mêmes en ce qu’ils décrivent leur réalité et leur expérience de vie. Le message que la campagne transmet au public est le suivant : si le film connait un succès, c’est aussi le vôtre car c’est votre histoire. Lorsque l’on parcourt la page Facebook , on a accès à des centaines de photos qui présentent les contenus, des acteurs aux réalisateurs, des cadreurs aux perchistes. Encore une fois, le message est clair : vous avez l’habitude de vous déplacer au cinéma, aujourd’hui, le cinéma vient vers vous, dans votre cité, dans votre quotidien.
L’objectif de la production est de récupérer ces témoignages et ces contenus d’utilisateurs pour les exploiter en créant du brand content. Lors de l’avant-première à Lille, le réalisateur Julien Abraham et le co-producteur Sadia Diawara, ont apporté une caméra qui leur a servi à récolter les impressions et les avis du public pour les partager sur Facebook. Une bonne campagne marketing doit raconter une histoire, non pas le scénario du film, mais le scénario de sa réalisation. Le public doit pouvoir identifier une chronologie qu’il viendra compléter par son propre visionnage du film en salles. Sur la page Facebook de la Cité Rose, la production multiplie les rendez-vous (avant-premières, projections spéciales et conférences de presse) et chacun de ses meetings est exploitable. Contrairement à d’autres pages marketing qui veulent rester « clean », la production n’efface aucun commentaire, ne supprime aucun post, même négatif : la page doit transpirer le vécu et l’émotion.
«  Pitche-moi la Cité Rose »

Innovation marketing, la production diffuse toutes les semaines des courts films intitulés « Pitche-moi la Cité Rose ». Ici aussi il est question de recueillir l’expérience du public mais cette fois-ci, ce sont des célébrités françaises qui décrivent le film : Mélissa Theuriau, Arié Elmaleh ou encore Thomas Ngijol. Le choix des personnalités n’est pas anodin : ce sont des acteurs, journalistes et comédiens qui touchent en général un public populaire avec le même cœur de cible que le film. La vidéo se sépare en deux temps distincts : d’abord, ils racontent le film, puis ils donnent des arguments pour inciter le public à se rendre en salles. Cette stratégie donne du crédit au film et contribue à l’élargissement de l’éventail des cibles susceptibles d’être touchées.
La CitéRose présente la vie de quartier de manière différente et le public ne s’y trompe pas. Que ce soit en salles ou sur Facebook, il communique sur la banlieue et la banlieue le lui rend bien.
 
Steven Clerima
Sources :
http://www.marketing20.fr/marketing-communautaire-marketing-social/comment-creer-et-animer-un-programme-dambassadeurs-de-marque/
http://www.themavision.fr/jcms/rw_259422/ambassadeurs-de-marque-une-nouvelle-generation-de-marketing-participatif-qui-prend-de-lampleur

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La gastronomie française ou le positionnement de marque

Pour débuter ce dossier sur le Made in France, Com’ des chefs, le pôle gastronomie du CELSA nous propose son point de vue sur ce label ambigu. Parce qu’il fait partie du patrimoine immatériel français dans le cas de la gastronomie, il est réputé authentique. Cette authenticité, enviée par certaines marques, devient alors un véritable positionnement stratégique de marque.
Historiquement, la cuisine pré-existe à la gastronomie. La singularité française provient de la richesse de ses sols et de la diversité des produits qui en découle, mais aussi de l’aspect politique de la bonne cuisine française. Elle était celle des châteaux, des cours royales et des moines rabelaisiens. Nicolas Fouquet réunissait les grands chefs pour Louis XIV comme le célèbre François Vatel. Ce dernier symbolise la perfectionnisme gastronomique français dans la mesure où il n’a pas hésité à mettre fin à ses jours voyant que le poisson du dîner du roi avait du retard.
De manière générale, la gastronomie serait l’appréciation de la nourriture, mais elle renvoie en fait à l’écriture sur la cuisine. Elle est l’art de faire un bon repas et naît à partir du moment où les écrits sur la cuisine se développent au XVIIIe siècle. Selon l’historien Pascal Ory, elle serait donc à la cuisine ce que le critique est à la littérature.
Ainsi la gastronomie française s’est construite sur tout un imaginaire collectif, lui donnant un rôle essentiel de relais de l’idée nationale auprès des villages que rien n’unissait encore. Avec entre autre le désenclavement des campagnes, l’unification de la langue dans une lutte contre les patois, la gastronomie participe à l’élaboration de la nation française. La gastronomie française est donc (comme la nation) un discours unificateur, sujet à une instrumentalisation politique, idéologique ou culturelle.
Dès lors, le Made in France en gastronomie est d’autant plus important qu’il permet d’ancrer une marque dans une tradition vieille de plusieurs siècles et reconnue dans le monde entier. Le film de Sofia Coppola (Marie Antoinette) et ses scènes de banquets fastueux témoigne bien de l’imaginaire bien présent autour de la cuisine française.

Le label Made in France, une étiquette ambiguë
Avec la gastronomie, le Made in France devient véritablement patrimoine immatériel. Le vin, le fromage, le pain, les pâtisseries font incontestablement partie de la culture française. Pour ce type de produits, le besoin de se rattacher à un label se fait peu sentir puisqu’ils sont la tradition.
Mais certaines marques ont bien compris la dimension politique (au sens large) actuelle de la nourriture et ont choisi de surfer sur la tendance du made in France. Par exemple, Michel et Augustin, marque au nom très français, n’ont pas à proprement parler le label Made in France mais ils se revendiquent « experts du goûts » et soulignent sur leur package l’origine hexagonale de leurs produits. Ils jouent en fait sur l’authenticité. Même sans label, c’est bien cet argument développé en introduction du dossier qui est mis en avant. L’authenticité, la promesse de vérité et de proximité est argument de vente, elle est présentée comme une garantie d’un bon goût, car d’un goût d’une qualité française.
Au contraire, la marque Charles et Alice (yaourts aux fruits) possède bien le label Made in France mais le met peu ou moins en avant, sur son site comme sur son packaging.
Finalement, le Made in France est avant tout devenu un choix de positionnement par rapport aux autres produits, aux concurrents.
En effet, l’imaginaire autour de la cuisine française possède une force de persuasion indéniable. Nous l’avons vu, il est le fruit d’une culture vieille de plusieurs siècles. Et surtout, il s’est popularisé et ne concerne plus uniquement une élite châtelaine, ou uniquement les femmes. La gastronomie est devenue une culture populaire, comme le démontre le succès des émissions comme Top Chef, Un dîner presque parfait ou Master chef. Les marques ont bien compris cet engouement, largement exploité dans leurs stratégies marketing.
Ladurée ou le made in France comme success story
La Success Story de Ladurée est là pour en témoigner. Fondée en 1862 par Ernest Ladurée ce n’est au départ qu’une petite boulangerie qui va devenir l’un des premiers salon de thé de la capitale, puis proposer ses célèbres macarons. Il compte aujourd’hui 800 employés dans le monde et compte 14 maisons dans 5 pays, dont 6 en France. Si son PDD refuse de donner son chiffre d’affaires actuel, il est estimé à près de 80 millions d’euros en 2010.
 

Le logo de Ladurée perçu de l’étranger s’ancre dans le Made in France, pourtant aucun label n’y figure, ni même un drapeau tricolore. En effet Ladurée cherche plutôt par son esthétique à s’ancrer dans le Paris du Second Empire. Ce sont des feuilles de lauriers qui viennent rappeler le règne de Napoléon III, avec en dessous un “Paris” qui fait gage de qualité dans le milieu du luxe, parce que oui, Ladurée est une marque de luxe.
Car c’est aussi ce que véhicule cette marque française au grand savoir-faire : la légitimité de prix très élevés. C’est ce que Ladurée cultive avec ce style propre au Second Empire, et ces différents symboles qui savent rappeler régulièrement au consommateur qu’il s’agit d’une expérience unique.
Rien de mieux que d’apparaître dans le film de Sofia Coppola déjà cité plus haut pour s’inscrire dans une tradition de luxe, d’excellence et de raffinement typiquement français aux yeux du monde entier.
Sur le site internet http://www.laduree.fr/ c’est aussi le parisianisme et le caractère français de la marque qui sont mis en valeur. La page d’accueil est une immersion dans la boutique parisienne, nous sommes sur les Champs Elysées et pouvons interagir avec les divers éléments présents.
Made in France ou Made in Local ?
Mais si ce n’est pas le Made in france en lui-même qui est à l’honneur dans une marque aussi importante que Ladurée, et plutôt un certain raffinement lié à la parisienneté, il faut dès lors se poser la question de la résurgence du local.
La notion de terroir est de ce point de vue un élément fondamental. Elle revient sur le devant de la scène depuis une dizaine d’années. Il s’agit de redonner sa place au savoir-faire des régions. Face à des produits alimentaires lissés par la mondialisation, et toutes les angoisses qu’elle provoque, le consommateur se tourne vers ce qui est fiable : le local.
La marque Reflets de France et son histoire sont à cet égard particulièrement significatifs. Elle est créée en 1997 par le groupe Pomodès qui veut redécouvrir les recettes propres à chaque région de France. Aujourd’hui la marque fait figure de succès en tant que marque de distributeur facteur de fidélisation de la clientèle de Promodès et Carrefour.  Ses consommateurs types sont les plus prisés par les grandes marques nationales : jeunes, urbains et intéressés par une assiette plus ancrée dans la culture française.
Un enjeu de légitimation de l’entreprise et du prix
L’enjeu est important, aussi bien pour les entreprises que pour les régions. Pour Pomodès, et pour les grands groupes distribution, il s’agit de légitimer territorialement une gamme de produits mais aussi un groupe de distribution d’échelle nationale qu’il faut réhumaniser. Considérant l’explication de la fonction de la légitimité selon Laufer : « une organisation a besoin de se justifier comme étant au service du groupe et d’assurer ses responsabilités en tant qu’acteur ayant une influence sur la société », c’est bien ce qui résulte de cette préférence du consommateur pour le local, qui lui fait acheter français et positionne la marque comme acteur responsable sur le plan social et environnemental. Les recettes de nos grands-mères n’ont jamais pollué la planète et en plus, créent de l’emploi. C’est aussi une question de rapprochement avec le consommateur, qui est à même de prouver son attachement à la culture locale en achetant en moyenne un produit deux fois plus cher que la gamme traditionnelle des distributeurs. Cela n’est pas sans rappeler le mécanisme à l’œuvre chez les produits bio, mais il est rare de rencontrer un produit qui fasse les deux.
Les produits Reflets de France et autres mets des locavores, avec leurs appellations d’origine contrôlée et certifications origine France en tous genres, sont exemptés de toute justification sur le plan environnemental, et on ne compte plus sur la toile le nombre de blogs de nos amis écolos cherchant désespérément comment manger local et bio avec les mêmes produits. Le site des 2 Vaches pose ainsi dans un article datant du 29 janvier la question du choix entre bio et local, qui pour le cas des produits laitiers est vite résolue puisque la production de lait est concentrée dans 4 régions en France. D’où cette simple question : le « France washing » n’est-il pas la suite du green-washing et aussi un aveu d’échec de ce dernier ?
Anne-Gaëlle Nicole, Judicaëlle Moussier
 
Sources :
http://www.lecommercedulevant.com/affaires/h%C3%B4tellerie-amp-tourisme/none-liban/david-holder-%C2%AB-les-libanais-m%E2%80%99ont-donn%C3%A9-envie-d%E2%80%99ouvrir-%C3%A
http://www.francetvinfo.fr/video-le-made-in-france-devient-tendance-dans-l-alimentation_159583.html
http://institut-gestion.univ-larochelle.fr/IMG/pdf/Les_MDD_du_terroir_facteurs_de_Legitimation_le_cas_Reflets_de_France.pdf
http://www.strategies.fr/actualites/marques/179067W/2-6-4133/le-renouveau-du-made-in-france.html

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Plus redoutable que l’épreuve des poteaux ? La gestion de crise chez TF1

 
Épreuve de la mort subite
Il y a quelques jours, TF1, grande chaîne nationale, a dû faire face à une situation sans précédents. Si au début, il s’agissait seulement d’une rumeur circulant sur Twitter et qui s’est retrouvée dans les Tendances françaises en l’espace de quelques minutes, la chaîne et la production l’ont ensuite confirmée par un communiqué officiel : « Gérald Babin, 25 ans, participant de la 16e saison de Koh Lanta est décédé ce jour d’un arrêt cardiaque lors de la première journée de tournage au Cambodge. Toutes les équipes d’ALP, de TF1 et Denis Brogniart sont effondrés et s’associent à la profonde tristesse de la famille de Gérald. Toutes leurs pensées vont vers ses parents, sa sœur, sa compagne, ses proches. Il a aussitôt été décidé d’arrêter le tournage et de rapatrier dès que possible toutes les équipes à Paris. »
Ce drame qui a eu lieu la première journée de tournage d’une émission de télé-réalité phare, a déclenché une tempête médiatique qui nous amène à nous poser plusieurs questions. Qu’en est-il du futur de l’émission ? De la télé-réalité elle-même ? Ce drame aurait-il pu être évité ? Est-ce la faute des jeux d’aventures peut-être trop dangereux ?
A l’épreuve d’immunité, TF1 arrive dernier
Koh Lanta appartient à un genre de télé-réalité plus qualitatif que celles d’enfermement de type Secret Story ou Les Anges de la Télé-réalité. La dernière saison avait récolté 33 millions de recettes publicitaires et environ 30% de parts de marché soit environ 7 millions de téléspectateurs réunis chaque vendredi en Prime time devant l’émission. Il serait donc dommage pour la chaîne d’arrêter la diffusion d’un programme qui, depuis 2001, connaissait une très forte audience qui n’avait jamais vraiment reculé malgré l’aspect et le contenu répétitif de l’émission d’une année à l’autre. Si la saison 2013 a été finalement amputée, la chaîne demeure silencieuse quant au futur du programme. Si beaucoup espèrent que Koh Lanta continuera, on a quand même du mal à imaginer Denis Brogniart revenir sur nos écrans un an plus tard avec 15 autres candidats et prononcer les phrases cultes du programme : « Ils ont décidé de vous éliminer, leur sentence est irrévocable » ou « A la fin, il n’en restera qu’un. » Difficile pour les proches et surtout l’image de la chaîne qui serait alors considérée par tout le monde comme une chaîne qui ne cherche qu’à faire de l’audience. TF1 a déjà une image négative auprès du public en raison de certains de ses programmes jugés un peu « limites », voir qualifiés de « télé poubelle » par certains. Ainsi, perdre le programme le plus regardé en prime time après The Voice et qui s’adressait à un public très large, serait un coup dur pour la chaîne. Mais en même temps, si l’émission continuait comme si de rien n’était, TF1 commettrait alors un suicide médiatique. Cela ternirait son image et confirmerait alors ce que beaucoup disent déjà de TF1, la chaîne ne serait plus grand public mais « complètement Trash ».
Comme à la réunification, place à la stratégie… De com’
Pour le moment, TF1 gère cette situation de crise plutôt bien et se bat justement pour ne pas véhiculer cette image « trash ». La chaîne, dans ce déferlement médiatique, tente plutôt de privilégier l’aspect humain. Il est donc l’heure de la compassion chez TF1 qui, dans son communiqué, a humanisé la victime en indiquant son nom et en présentant ses condoléances à la famille. Chez ALP, la production, ils déclarent : « On privilégie à 400% l’humain. » La chaîne a donc pris en charge les proches et les a aidés à se rendre au Cambodge, ils sont attendus sur le lieu du tournage pour une bénédiction et pour qu’ils puissent ainsi faire leur deuil. De ce fait, en ne lésinant pas sur les messages de condoléances envers la famille du défunt, la chaîne respecte un fondamental en matière de communication de crise, c’est-à-dire, faire part de respect et de compassion lorsque il y a malheureusement eu des victimes. La famille devrait même recevoir la visite du PDG de la chaîne et recevoir l’aide d’un psychologue.
Au « conseil » de la télé-réalité, on a décidé de vous éliminer
Maintenant, il est temps pour la chaîne de prendre des décisions mais également répondre à plusieurs questions, que beaucoup se posent, en étant totalement transparente. Tous les tests médicaux nécessaires ont-ils été faits ? Ont-ils lésiné sur les précautions à prendre pour la sécurité des candidats ? Est-ce la faute des jeux d’aventures, trop imprévisibles et donc trop dangereux ? Etc. Lorsque l’on a pris connaissance du décès d’un candidat par arrêt cardiaque, on a tout de suite imaginé un sexagénaire, un peu fatigué qui n’aurait pas tenu le coup lors d’une épreuve physique. Après les explications de la chaîne, c’est le choc. On ne comprend pas vraiment car on sait que la chaîne fait passer des tests médicaux draconiens et alors on pense aux footballeurs qui se sont éteints très jeunes, en plein match, sur le terrain. Pourtant nous ne sommes pas ici dans un cadre sportif mais dans un cadre de télé-réalité et c’est ce qui choque. Gérard Babin est la première victime directe de la télé-réalité en France. Avant lui, on se rappelle malheureusement de François-Xavier (FX) qui s’était suicidé après Secret Story ou Jean-Pierre de « Trompe-moi si tu peux » (émission qui n’avait pas vu le jour en raison de son suicide justement). Mais à l’étranger, dans des émissions de même format que Koh Lanta, d’autres décès sont à déplorer. Ainsi, en 2009, dans la version bulgare, Noncho Vodenicharov, âgé de 53 ans, décède d’une crise cardiaque aux Philippines. La version pakistanaise connaît le même drame la même année avec Saad Khan, 32 ans, qui se noyait en Thaïlande. Le nombre de victimes à déplorer nous amène à nous interroger sur la dangerosité du programme et de ce type de jeux d’aventures. Une affaire et une polémique qui peuvent poser problème à l’heure où M6 s’apprête à diffuser la nouvelle saison de Pékin Express, un jeu d’aventure presque aussi éprouvant que Koh Lanta. Pourtant, ce genre d’émissions a du succès pour ces raisons, pour les risques que prennent les candidats. Les téléspectateurs veulent les voir « trimer », souffrir et pour ceux qui l’avouent, même se blesser. C’est ce qui permet aux chaînes de mettre les spectateurs en haleine. On l’a vu dernièrement dans l’émission Splash, que beaucoup ont avoué regarder en espérant que les candidats se ratent.
Tous ces dangers ne concernent pas seulement les jeux d’aventures mais la télé-réalité en soi : aujourd’hui, on élève le nombre de victimes de la télé-réalité à 12, la plupart s’étant suicidée. Est-il temps d’arrêter la télé-réalité qui continue pourtant de connaître un succès fulgurant ? Il est peu probable que les chaînes sautent le pas. La télé-réalité semble encore avoir de longs jours devant elle, ce qu’on ne peut pas dire dans le cas de Koh Lanta en revanche. Le scénario le plus probable pour la chaîne est de trouver un autre concept d’émission proche de Koh Lanta mais sans l’animateur star de TF1, Denis Brogniart étant associé directement au programme dorénavant entaché par l’incident. Si la chaîne ne trouvait pas de remplaçant à celui-ci, cela pourrait poser problème financièrement à TF1 sur le long terme puisqu’elle devra dire adieu à 33 millions de recettes publicitaires.
 
Sabrina Azouz
Sources :
Le JDD
L’entreprise.com