Société

France 3 tire son irrévérence

Avant même d’avoir pu être diffusé sur les antennes, le dernier spot publicitaire conçu par France 3 a été censuré. Alors que le CSA s’est engagé à œuvrer pour la réduction des inégalités hommes/femmes dans la sphère médiatique, la chaîne télévisée produit une campagne publicitaire au contenu indéniablement irrévérencieux, jugé sexiste. Cette dernière nous donne à voir les images d’un foyer délaissé : four brûlant désespérément le repas du soir, chambre d’enfant désordonnée, scène de repassage cauchemardesque. C’est le fameux titre de Patrick Juvet qui nous révèle le nom du responsable de ce remue-ménage : la femme. Ce recourt au stéréotype du genre, qui n’a fait que décrédibiliser et transfigurer le message transmis, nous pousse à questionner la place du cliché dans la stratégie communicationnelle.
Jouer le cliché, un pari risqué

 

Sarcasme, facilité, résurgence de lieux communs et de topoï du genre exploités depuis des décennies : tous les éléments du cliché destinés à faire exploser une polémique virulente sont réunis. La campagne publicitaire lancée par France 3 aurait pu faire sourire. Mieux, elle aurait pu éveiller les consciences et attirer l’attention des téléspectateurs sur la réalité effective d’une avancée sociale majeure : la représentation des femmes au sein de l’enceinte médiatique de la chaîne. Mais la déprogrammation du spot signe son échec.
A quoi cet échec tient-il ? «Affirmer ses valeurs à travers cette nouvelle campagne qui met à l’honneur les présentatrices»: l’intention première de la chaîne était louable. Mais en s’attaquant à la destruction d’un cliché, cette campagne semble en avoir construit un autre. De plus, elle met en scène un schéma étroitement lié à des problématiques sociétales encore brûlantes. L’utilisation du cliché est rejetée, certainement parce qu’il est le reflet d’une réalité qui dérange et qui n’est pas encore dépassée. S’il avait été utilisé quelques années auparavant, peut-être aurait-il pu s’introduire dans l’espace médiatique sans faire de bruit, à la manière du spot lancé en 1995 par l’Équipe pour promouvoir un PSG-Barcelone.
 

« Pour une esthétique de la réception »
L’ambiguïté de la vidéo a provoqué des réactions violentes sur les réseaux sociaux, notamment de la part de la  secrétaire d’État chargée des Droits des femmes, Pascale Boistard. La stratégie communicationnelle de la chaîne s’est enlisée, sans doute du fait de la sous-évaluation du potentiel polémique du cliché exploité. Ce flop médiatique pointe du doigt la problématique de la réception qui se pose à chaque fois qu’il y a tentative de communication. Ici, le message transmis n’est plus le même que le message reçu. Le premier a été transfiguré par ceux qui en on fait une interprétation nouvelle. Mais comment croire que l’équipe de France 3 ait pu être naïve à ce point ? Comment croire que ce bad buzz ne soit pas intentionnel ? Après visionnage de la vidéo, le scepticisme est à son comble.

Pourtant, des réactions bien différentes ont émergé sur la toile. Certains déplorent l’explosion de la polémique et auraient volontiers choisi d’ironiser. Finalement, pourquoi ne pas se permettre de rire de ces représentations grotesques ? Pourquoi ne pas considérer que railler le cliché lui-même pourrait contribuer à amoindrir son ancrage réel dans la société ?
La fausse bonne idée ?
Le message véhiculé par France 3 s’impose dans un contexte où acteurs sociaux et société civile ont les moyens de se manifester et de se réunir contre toute forme d’abus de pouvoir, symbolique ou non. Grâce à la démocratisation de la parole publique étendue à l’échelle citoyenne, et suite au développement de supports médiatiques participatifs, chacun peut se rendre capable d’agir sur la déconstruction de représentations, idées reçues et clichés. Mais au-delà de son caractère polémique, le cliché semble pouvoir être un puissant moyen de se contrer lui-même. C’est par exemple avec ce regard cynique et critique que Ségolène Royal fait du stéréotype sexiste un instrument de communication politique impactant lors de sa campagne pour les primaires socialistes de 2011.

 
De part l’exercice de leur profession et leur présence active dans les coulisses de France TV, Delphine Ernotte Cunci (patronne de France TV) ou encore Dana Hastier (patronne de France 3) tendent à prouver que les femmes sont véritablement mieux représentées dans l’espace médiatique. Malgré tout, une forme de malaise demeure. Le 7 septembre dernier, l’invitation au départ de Claire Chazal ouvre une nouvelle fois le débat. La présentatrice a été conviée à « savoir passer la main ». 58 ans, il est vrai, ce n’est plus tout jeune!L’ironie nous tient quand on pense à Jean-Pierre Pernault, 65 ans, qui rayonne bucoliquement dans le 13h depuis 27 ans.
« Je pense qu’en télévision, on tolère plus les cheveux blancs des hommes que les rides des femmes », Léa Salamé a joliment résumé la situation, qui attend d’être résolue. Il est temps : révolutionnons l’usage des clichés pour les mettre au service de leur propre dénonciation, car comme l’énonce Roy Lichtenstein, ils sont « des modèles simples frappants, mémorables et faciles à communiquer. Ils peuvent signifier l’essentiel d’une idée. Ils ont la possibilité de devenir monumentaux. »
Émilie Beraud
Sources : 
INA
L’ADN
Madmoizelle
Le Monde
Crédits Photos :
Le Huffington Post

Application de rencontres Once
Société

Once upon a time …

Une « petite nouvelle » vient d’arriver dans le paysage à présent familier des applications de rencontres : Once compte bien tirer son épingle du jeu grâce à son concept résolument novateur. Exit le volume et la rapidité des actuelles applications de rencontres, Tinder en tête, place au « slow-dating ». Once, comme son nom l’indique, c’est une seule rencontre par jour.
WANTED : Prince charming
Chaque jour, à midi pile, l’application nous révèle le profil d’une éventuelle âme sœur. Comme sur Tinder, les deux personnes ne pourront rentrer en contact que si elles se « likent » réciproquement. Si notre âme sœur du jour n’obtient pas grâce à nos yeux, il suffit de décliner. Un compte-à-rebours s’enclenchera alors jusqu’à notre prochaine suggestion de rencontre, le lendemain à midi. Pour Jean Meyer, créateur de Once (un Français, soit dit en passant), cette lenteur que prône l’application est « un gage de qualité » puisqu’elle ferait fuir les célibataires qui ne seraient pas à la recherche d’une relation sérieuse. Car c’est sur ce créneau du « serious dating » que Once compte bien peser. L’application s’adresse, en effet, aux 20-35 ans à la recherche du prince ou de la princesse charmant(e)s, coincés entre Meetic qu’ils considèrent comme trop vieillot et Tinder qui ne leur a offert que des déconvenues (Sauf s’ils font partie des 65 couples mariés grâce à Tinder). Once serait ainsi la synthèse parfaite entre deux modèles : facilité d’accès et utilisation ludique des applications, d’une part, et caractère plus sérieux de Meetic, d’autre part.
Once, « l’anti-Tinder »
Once cherche à se positionner en prenant ouvertement le contre-pied du leader sur le marché : Tinder … Une stratégie qui pourrait s’avérer payante puisqu’elle convoque l’imaginaire de Tinder, bien connu de la cible que vise Once, et permet à l’utilisateur, par un effet de miroir inversé, de visualiser immédiatement ce que Once n’est pas, à savoir « un supermarché du cul » d’après Jean Meyer. « Tinder (…) est directement estampillé «sexe facile». L’application possède une aura très négative », explique-t-il dans une interview au Figaro. L’application aux « swipes » incessants commence en effet à lasser et l’introduction du service Freemium a bien du mal à convaincre les utilisateurs. Once semble donc arriver au bon moment. « Epuisé(e) des rencontres qui s’enchaînent à la vitesse d’un pouce ? » peut-on lire comme description de Once dans l’Apple Store. La référence saute aux yeux. Ce positionnement de l’application comme « l’anti-Tinder » se manifeste également par un romantisme assumé. « Nous, nous voulons recréer une dose de magie dans la rencontre » déclare son fondateur au Figaro. Le vocabulaire du jeu est abandonné : on ne parle plus de « match » mais de « rencontre ». L’étude des deux logos est, elle aussi, révélatrice de ce positionnement. Constitués tous deux d’un fond blanc, Tinder arbore une flamme rouge tandis que le logo de Once affiche une grenouille bleue avec une couronne sur la tête : une façon imagée de représenter le grand amour. Ainsi, le rouge et la flamme, symbolisant la passion, font place au prince charmant et au bleu, couleur du romantisme. Nul besoin de prouver que les imaginaires créés par les deux marques n’ont, en effet, rien en commun. Une seule interrogation persiste : comment ont-ils bien pu faire pour savoir que le beau / la belle Dominique (vive les prénoms mixtes !) était fait(e) pour vous ?

« Qui allons-nous choisir pour vous ? »
Le slogan de Once met en avant une des autres singularités de l’application par rapport à ses concurrentes. Le sujet « nous » ne renvoie pas ici à un algorithme mais à « des entremetteurs », en chair et en os, employés par Once pour sélectionner les profils susceptibles de nous intéresser (parmi une liste éditée tout de même par un algorithme). L’intervention dans le processus de sélection d’une personne réelle éloigne l’image froide que renvoient les algorithmes et permet à Once de s’afficher comme une marque originale qui s’implique véritablement dans le service qu’elle propose. Une agence matrimoniale 2.0 en somme. Les critères pris en compte par Once ne révolutionnent, en revanche, absolument pas le monde des applications de rencontres puisque le premier critère demeure le physique et le second, le groupe socio-professionnel (Bourdieu es-tu là?). Les intérêts en commun ne représenteraient, eux, que 10% des critères pris en compte par Once, ébréchant l’image « fleur bleue » que l’application souhaite se donner. Nous ne sommes pas si loin du « hot or not » de Tinder que Jean Meyer entend pourtant rejeter… Trouver le grand amour serait donc, avant tout, une question de physique et de milieu social. Réducteur mais néanmoins pas vraiment faux puisque l’homogamie, le fait de se marier entre mêmes catégories sociales, reste un phénomène largement dominant en France. Et pas la peine de faire l’hypocrite, le physique, s’il ne fait pas tout, compte quand même (beaucoup). Reste à voir si les personnes à la recherche du grand amour se tourneront effectivement vers l’application. Une chose demeure certaine : à défaut d’avoir trouvé votre âme sœur sur Once, vous n’aurez pas perdu votre soirée à éplucher inlassablement des profils sans jamais trouver la perle rare. Autant de temps que vous pourrez utiliser pour sortir et, qui sait, faire une belle rencontre…

Héloïse Bacqué
Sources : 

jouanito.com : http://jouanito.com/post/63583956990/tout-ce-quil-faut-savoir-sur-tinder-lapp-qui
JDN : http://www.journaldunet.com/ebusiness/internet-mobile/tinder-plus-payant-0502.shtml
Le Figaro : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/10/02/01016-20151002ARTFIG00073-le-drame-de-la-generation-y-est-que-nous-avons-trop-de-choix-dans-les-rencontres-amoureuses.php
20 Minutes : http://www.20minutes.fr/high-tech/1690207-20150930-once-nouvelle-appli-rencontres-dont-tout-monde-va-parler
Challenges : http://www.challenges.fr/high-tech/20150925.CHA9791/once-l-appli-de-rencontre-slow-dating-qui-prend-le-contrepied-de-tinder.html
L’Obs : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1411110-rencontrer-l-amour-sur-tinder-ou-happn-difficile-ses-applis-favorisent-l-ephemere.html

 
Crédits photos : 

Inkulte

Stylistic

Contre bien-pensants : Houellebecq, Zemmour, Finkielkraut
Société

Le Déclinisme a la côte !

Ils sont partout : sur vos écrans, dans vos journaux, à la radio, sur les réseaux sociaux… Ils sont pamphlétaires, romanciers ou encore philosophes. Ils s’appellent Alain Finkielkraut, Eric Zemmour, Michel Houellebecq ou encore Michel Onfray. Ils se revendiquent contre bien-pensants et ont pour ennemi commun la bien-pensance.
L’ennemi commun
Les contre bien-pensants se définissent en opposition à ceux qu’ils désignent comme étant l’ennemi du peuple français : les bien-pensants. De Bernanos à Finkielkraut, en passant par France culture, Zemmour et Dieudonné ou encore la droite, le terme « bien pensant » semble être devenu un « mot-valise ». Ce terme fortement lié à une critique de l’immigration, désigne aussi le politiquement correct ou encore pour Finkielkraut, un refus de la réalité, « tout ce que l’on n’a pas le droit de savoir ». Pour ce dernier, le contre bien-pensant est un marginal qui risque d’être qualifié de raciste. Le bien-pensant semble donc plutôt de gauche et on lui dispute la légitimité de sa parole morale.
L’assaut de l’espace public
Aujourd’hui le contre bien-pensant est partout. Il fait la Une de nos journaux, il est invité dans de nombreuses émissions. Il y a peu de temps, Libération titrait « Nos réponses à Michel Onfray », Le Point quant à lui annonçait « Régis Debray achève la gauche ». Ou encore plus récemment, L’Express faisait son dossier sur « La grande colère des intellectuels, Alain Finkielkraut contre les bien-pensants ».
La programmation de l’émission « On n’est pas couché » est particulièrement révélatrice de cette place grandissante. Les invités des dernières semaines n’étaient autre qu’Alain Finkielkraut, Michel Onfray et Michel Houellebecq.
Les contre bien-pensants plaisent. Ils sont aussi incorrects que structurés. Ils écrivent des livres et siègent à l’Académie Française avec Alain Finkielkraut. On a beau les détester, on ne peut que l’admettre : ils parlent bien. Finkielkraut écrit particulièrement bien, et Zemmour est un orateur remarquable. Ce sont de véritables « intellectuels médiatiques », comme on peut le lire dans Le Monde.

Une alternative aux politiques ?
Il y a quelques semaines, Valeurs actuelles faisait sa Une avec Zemmour et cette exclamation : « Zemmour Président ! ». Les penseurs médiatiques semblent avoir pris une telle place dans l’espace public, qu’on pourrait les envisager à la tête du pays : « Les hommes politiques ont peu d’importance, et plus on avance et plus ils reculent », scande Zemmour. La présence politique grandissante de Zemmour ou encore d’Onfray reflète le contexte de notre époque. La défiance dans notre pays est telle que l’on en vient à penser que ces personnes seraient sans doutes mieux placées pour nous gouverner, exit l’ENA. Une chose est sûre, ces intellectuels prennent désormais plus de place dans l’espace médiatique que les politiques.
Mais pourquoi ? Pourquoi sont-ils partout à l’instar des politiques ? Dans le milieu de la télévision on le sait, il ne faut pas trop de politiques, personne ne veut les regarder. Les raisons pour lesquelles ces intellectuels font systématiquement la Une de nos journaux sont similaires : nul doute que les ventes du Point se portent particulièrement bien en ce moment.

Les contre bien-pensants un mouvement ?
Dans son ouvrage Ce pays qui aime les idées. Histoire d’une passion française, Sudhir Hazareesingh, professeur à Oxford, soutient que ce qu’il se passe actuellement avec les contre bien-pensants en France est très particulier. D’abord parce que cela s’apparente à un mouvement très bien construit, « mouvement quasi philosophique du déclin ». Il s’agit d’un pessimisme qui s’inscrit dans une sorte de tradition nationale que nous connaissons bien : amour des raccourcis, de la diabolisation et des visions apocalyptiques qui tendent à dire que la France est en déclin. Si il existe beaucoup d’anti-modernes nostalgiques d’un certain âge d’or, d’une culture passée à travers l’Europe, cela reste des idées réactionnaires de droite. En France, ce n’est plus le cas. Il s’agit plus d’un mouvement à l’ambition intellectuelle au delà des clivages politiques, notamment avec Michel Onfray, dont certains se demandent si il n’est pas passé à droite. De plus, ce mouvement est très franco-français. En effet, Zemmour, Onfray ou encore Finkielfraut sont très peu lus à l’étranger. Ils écrivent à destination des français. La vie intellectuelle française est maintenant centrée sur la France et son rayonnement international relayé au second plan.
Une dynamique réactionnaire dépassée
Il ne fait aucun doute que nous avons besoin d’une critique construite de la bien-pensance. Le politiquement correct ne doit pas réduire de manière drastique notre liberté d’expression. Néanmoins, on peut douter de l’efficacité et de la justesse de celle des contre bien-pensants. Le plus étonnant chez eux, c’est qu’ils se réclament républicains et laïcs. Or, cela paraît en opposition totale avec leurs idées anti-modernes. Les valeurs républicaines ne sont-elles pas bâties sur la foi en le progrès et l’égalité ?
Ce mouvement s’est construit par opposition. Ces intellectuels élevaient leurs voix contre tous, se posaient en marginaux. Est-ce encore le cas ? La bien-pensance n’est plus le discours dominant en France, bien au contraire. Face à cette véritable invasion de l’espace public par les contre bien-pensants, qui y a-t-il en face ? Il n’y a plus de débat, car plus de contre-discours. Ces intellectuels contrairement à ce que beaucoup croient, n’ont pas un discours libérateur. C’est ce dont témoigne leur volonté avide d’ordre et de retour en arrière.
Yasmine Guitoune
Sources : 

Le Monde, « A droite comme à gauche, la bien-pensance n’est plus le discours dominant », Nicolas Truong, 26.09.2015.

Le Monde, « Quand les polémistes supplantent les politiques », Thomas Wieder et Ariane Chemin, 26.09.2015.

Le Monde, « Les antimodernes ont cannibalisé l’espace public », Thomas Wieder, 26.09.2015.

L’Express, « La grande colère des intellectuels », N°3353 semaine du 7 au 13 octobre 2015.

Marianne, « Réacs et bien-pensants », Jacques Juilliard, 10.10.15.

Crédits images : 

Photo de une : marclarge.fr. 
Libération
L’Express
Le Point
Valeurs actuelles

Bolloré Canal +
Société

Bollo', les pieds dans le plat

Rififi à la rédac’… Canal + se cherche et peine à renouer avec le fameux esprit éponyme sur lequel reposait toute la singularité du groupe. En effet, « l’esprit canal » a toujours résonné comme un appel à la liberté, à la pluralité des contenus et comme une possibilité de parler de tout, en disant tout enfin toujours… du moins jusqu’à l’avènement de l’ère Bolloré.
Vincent Bolloré, 63 ans -homme d’affaire et main de fer- est aujourd’hui pointé du doigt après qu’il ait saisi les ciseaux d’Anastasie afin d’effacer l’identité Canal pour imposer la sienne. Dès juillet 2015, son entrée en matière s’est faite sans manières puisque dès lors, les fameux Guignols étaient désignés comme irrévérents faisant ainsi de la moquerie un produit soumis à la prohibition à défaut d’être un plaisir de télévision.
De manière récurrente, journalistes et chroniqueurs réduisent l’art de communiquer sous le nom de « com », néanmoins, ces derniers ont fait preuve d’agilité afin de répondre à la censure de manière subtile -en usant de cet art. Yann Barthes annonçait la couleur dès les premières émissions de la rentrée 2015 en réduisant, durant l’émission, la chaîne Canal + au statut de simple “diffuseur” du Petit Journal.

Quand Bolloré interdit la diffusion d’un documentaire « Evasion fiscale, une affaire française » dans le cadre de l’émission Spéciale Investigation, le bras de fer se veut avant tout communicationnel et le Zapping de Canal + prend des allures de résistance ; effectivement l’intervention du milliardaire à la défaveur du documentaire a eu pour effet direct le rachat et la diffusion du doc par France 3. Le Zapping s’empare alors de l’occasion et diffuse de longs extraits de ce sujet sur l’évasion en plein milieu de la traditionnelle séquence du Zapping, un vrai pied de nez envers l’homme au bras long.
L’actuelle situation se veut assez cocasse, alors que Bolloré est taxé d’un cruel manque d’humour, c’est bien l’arme principale des rédacteurs de Canal : en rire. Quel plaisir de voir Catherine et Liliane (Alex Lutz et Bruno Sanches) tourner en dérision le côté « Big Brother » de leur nouveau PDG en mettant en avant la peur de se faire éjecter du groupe : « Fallait pas voler ce stylo bic, ça creuse le budget d’une chaîne, lui il fait ses calculs… il pense qu’à ça » … Le poids du stylo, de la plume face à la montagne financière : classique et toujours aussi efficace.
Confortablement assis, le spectateur de Canal assiste au triste spectacle consistant à voir Vincent Bolloré s’asseoir sur l’esprit de la chaîne. Étrangement, une horde de communicants entoure la classe politique, mais cette dernière ne se distingue dans cette affaire que par un cruel manque de communication. Timidement, Fleur Pellerin – Ministre de la Culture – murmure la nécessité de garantir l’indépendance… Inaudible.
« Ce n’est qu’un au revoir » disait ce semblant d’adage, mais finalement, va-t-on revoir cet esprit Canal ? Difficile d’y croire tant la chaîne a perdu de sa fougue, des Guignols en passant par les interventions un peu barrées de la miss météo, on ne s’y sent plus à l’aise : la décoration a été refaite au profit de plus de sobriété et cela résulte davantage à plus d’ennui.
On aurait pu s’attendre à une forme de solidarité des médias mais malheureusement ces derniers montent davantage au créneau pour parler d’une affaire de « chantage à la sextape » que pour déclamer le cruel manque de libertés, incompréhensible dans la France de 2015. Interviewé par RTL, Vincent Bolloré n’a subi que quelques égratignures gentilles et le débat est resté stérile. Ah si, il y a eu une annonce : le retour de l’ancien cryptage de Canal +, oui oui nous parlons bien du bruit atroce et de ces grosses bandes grisâtres qui ornaient nos écrans lorsque la chaîne était à l’heure cryptée … Quand Canal + figure avant-gardiste du new school, se retrouve enterrée par son « boss » dans … le old school.
Jordan MOILIM
Crédits images : 
– Canal +
– Claude Prigent

Sida fastncurious
Société

Moi, le sida : quand la communication devient vraiment virale

« Je suis là ». C’est tout simple, et pourtant, il a raison. On ne l’a pas oublié, mais à force de campagnes, d’émissions, de manifestations… il est devenu presque banal. On n’en parle plus autant qu’avant. C’est vrai, il fait partie du paysage, aujourd’hui. Puisqu’on parle moins de lui, l’agence WNP pour l’association AIDES, a décidé de redonner la parole au SIDA dans une toute nouvelle campagne. Le sida y parle de lui, de vous, de ses soirées… Personnage virtuel envahissant, et même assez flippant, il s’immisce dans votre vie virtuelle comme il le fait dans la vraie vie, sans prévenir, sans crier gare. L’objectif  de cette campagne de communication est clair : débanaliser le sida, et rappeler qu’il fait toujours 35 millions de victimes.
 
Le sida s’exprime – Il faut le faire taire.
La campagne se déroule en deux phases : du 1er mai au 8 juin, le sida est sur les réseaux sociaux. À 32 ans (pour rappel, il a été identifié en 1983), il est sur Facebook, Twitter, Instagram, Linkedin, Grindr, Tinder… Et il se fait connaître. Sur Facebook, il commente, like, raconte sa vie. Sur Twitter, nombreux sont ceux qui ont reçu la notification (pas forcément rassurante) « Le sida vous suit ». Le sida tweete, retweete, partage… Sur Tinder et Grindr, grâce aux étudiants du groupe ISEG, il est géolocalisé partout en France, et son profil peut apparaître dans votre périmètre. Sur Linkedin, il parle de son parcours professionnel, sur Intsagram, vous pouvez découvrir ce qu’il mange, ce qu’il voit, où il sort… Il évoque sa vie sexuelle dans le courrier du cœur des magazines féminins, et sur Leboncoin, il vend des boîtes de préservatifs périmés.
En somme, le sida est partout, et il le dit : canicule, Eurovision, bac 2015, affaire Carlton, Festival de Cannes… Tous les sujets d’actu le concernent. #Jesuislà.

Et depuis le 8 juin, il n’est plus seul à s’exprimer. Pour la deuxième partie de la campagne AIDES prend aussi parole : vidéo diffusée à la télévision et sur internet, spot radio, affichage, pétitions… Le message est simple : le sida est là, il parle, avec la voix de Gaspard Proust. Alors, « Pour le faire taire : AIDES.org ».

 

Une campagne innovante
L’atout principal de cette campagne se trouve dans son analyse du sujet lui-même : ses piliers sont la viralité, la parole, et l’intrusion… Comme le sida ! Aujourd’hui, pour continuer à sensibiliser sur le virus et les risques de transmission, il fallait qu’il s’exprime, et l’analyse faite par WNP est sur ce point se révèle pertinente. Tout le monde a déjà évoqué ce sujet, il fallait donc trouver un nouveau moyen innovant pour lui donner la parole. De plus, les campagnes de communication et de sensibilisation se développent de plus en plus aujourd’hui via les réseaux sociaux, outils de communication qui permettent une diffusion virale du sujet… Evidemment, le parallèle créé avec le VIH n’est pas innocent.
Enfin, l’intrusion dans la vie des gens organisée par cette campagne permet une prise de conscience individuelle. C’est bien le fait d’être suivi, liké ou d’avoir sa publication partagée ou commentée par le sida qui rappelle à chaque individu que le sida est toujours là, autant sur les réseaux sociaux que dans la vraie vie : le sida frappe à votre porte, le sida vous a « en ami », le sida « vous suit », personnellement.
En outre, le storytelling de cette campagne se construit au jour le jour, selon les réactions des gens sur les réseaux sociaux, selon l’actualité… L’objectif est donc double : sensibiliser les individus pour qu’ils se protègent eux-mêmes, et les inviter à faire taire le sida sur AIDES.org grâce à la pétition illustrée par Pénélope Bagieu (en rappelant les principes fondamentaux que l’on nous répète depuis 32 ans, mais qu’il est toujours nécessaire de rappeler) :

 
En somme, inviter chacun à être acteur de sa propre prévention et de celle des autres, et à être solidaire des personnes touchées… Une ambition renouvelée donc, à l’heure où le combat contre le VIH continue : un nouveau président pour l’association AIDES, Aurélien Beaucamp (qui, comme le sida, a 32 ans, puisqu’il est né le jour de la publication de l’article de l’équipe de l’institut Pasteur dévoilant la découverte d’un rétrovirus à l’origine de la maladie – ça ne s’invente pas !), une nouvelle forme de dépistage disponible dès la fin du mois de juin (il ne faut qu’un doigt, une petite goutte de sang et 30 minutes d’attente), des avancées sur un potentiel vaccin… Et si l’on parvenait à le faire taire, pour de bon ?
FastNCurious veut aussi faire taire le sida, et vous invite à visiter aides.org pour plus d’informations, pour signer la pétition et pour faire un don.
 
Léa Lecocq
Sources :
aides.org
cbnews.fr
metronews.fr
metronews.fr
huffingtonpost.fr
Crédits images :
tetu.com
Captures d’écran Facebook, Twitter, Instagram, Youtube…
Captures d’écran du dossier de presse : http://www.aides.org/node/2935
 

 

Société

Persona Synthetics: Quand la virtualité dépasse la réalité

« Persona Synthetics »
Cela ne vous dit peut-être rien mais, Outre-Manche, cette formule nébuleuse a semé la panique et le doute durant quelques jours sur les internets.
En effet, les twittos invétérés et autres cybernautes ont inondé les réseaux sociaux après la diffusion de ce spot, sur la chaîne britannique Channel 4:

Présentés comme des humanoïdes « multi-tasks » au service de l’Homme, dans un monde parallèle où technologie et quotidien s’entremêlent, ces Persona Synthetics sont la vitrine de la campagne de communication lancée à l’occasion de la diffusion prochaine d’une nouvelle « série console », produite par Microsoft et Channel 4, Humans.
Cette production est, en réalité, une adaptation de la série suédoise Real Humans dans laquelle l’usage d’androïdes à des fins domestiques et industrielles est devenu monnaie courante. Série destinée, au départ, à la plateforme internet de la Xbox.
Enfin, si Channel 4 et Microsoft se sont inspirés de l’intrigue du succès suédois, ils n’ont pas lésiné sur les moyens en ce qui concerne la campagne marketing afin de promouvoir ce nouveau TV show qu’elle diffusera en juin prochain sur les petits écrans.
Vous avez dit « buzz »?
Cette campagne est, en effet, digne de celle d’un blockbuster: ajouté aux canaux standards que sont le print et internet, le faux spot télé diffusé sur Channel 4, qui a mis le feu à Twitter, s’est vu complété d’un shop front en plein cœur de Londres annonçant l’ouverture prochaine d’une boutique Persona Synthetics. A cette occasion, les passants avaient la possibilité d’interagir avec les écrans installés à l’occasion via la technologie Microsoft Kinect.
De plus, les nombreux partenaires du projet ont, eux aussi, contribué à cette vague marketing, à l’instar d’e-Bay qui est allé jusqu’à mettre aux enchères deux « Synth », Charlie et Sally, sur son site internet. Un e-Bay shop sur lequel les internautes pouvaient, durant deux jours, « acquérir » les modèles d’humanoïdes, personnages phares de la série.
Les retombées de cette campagne ont été gargantuesques : plus de 100 000 recherches Google après la diffusion du spot TV et des milliers de tweets suivis du hashtag #Humans ont déferlé en quelques heures sur la toile.
Seule ombre au tableau : le buzz ne semble pas avoir dépassé les frontières britanniques malgré un dispositif 360.

Une « technolâtrie », symptôme de notre époque ?
Le succès de la série Real Humans confirme, par ailleurs, la folle obsession des Hommes pour ces machines, fabriquées à leur image
En attestent les propos de James Walker, responsable marketing de Channel 4 : « Le monde de Humans est peut-être plus proche qu’on ne le pense. Cette campagne cherche à faire réagir les gens au sujet de l’intelligence artificielle et toutes les questions que cette technologie soulève ».
En effet, les humanoïdes sont traités et marketés comme des objets de consommation standards et par là même appellent les consommateurs à s’interroger sur un futur déjà présent, celui d’un monde régi par l’omniprésente et omnipotente technologie.
On remarque aujourd’hui une plus grande utilisation des « robots » à des fins industrielles ; ils remplacent l’Homme dans un souci de gain de temps et d’argent.
Et c’est bien là le souci : l’arrivée des androïdes, robots et autres cyborgs peut, à terme, être l’alternative définitive au manque d’efficacité d’un simple être humain.
Certes, les avantages que présentent ces machines ne sont pas négligeables : vie quotidienne simplifiée, rendement et productivité plus importants, efficacité accrue. Cependant, les désavantages sont nombreux : tout d’abord le coût, leur utilisation industrielle aux dépens des hommes, la dépendance de nos sociétés aux nouvelles technologies mais surtout les questions d’ordre social, économique et éthique liées à cette révolution technologique.
En littérature et au cinéma, la « création à l’image de l’Homme » a été érigée en véritable mythe de la transgression: du fameux « Frankenstein ou le Prométhée moderne » à « Blade Runner » en passant par « Terminator », l’Homme a toujours appréhendé de manière pessimiste la cohabitation de l’espèce humaine et d’une forme d’intelligence artificielle. S’agit-il, au travers de fictions de plus en plus réelles, de nous faire réagir face à la place, de plus en plus prépondérante, que prend la technologie dans la société actuelle ?
Tout comme l’ont fait Fritz Lang ou encore Georges Orwell auparavant ?
« La technologie est l’opium du peuple »
Pour reprendre l’idée du magazine Humanoïde, la technologie tient une place plus qu’envahissante dans notre société. Cette dépendance est efficacement illustrée par leur campagne, lancée lors de la sortie du numéro 4 où l’on retrouve la notion d’addiction et le détournement des noms des « géants du secteur ».
Chaque époque a son vice : le nôtre est de totalement dépendre des gagdets et autres appareils qui nous simplifient la vie, nous rendant plus fainéants encore.
Jean-Marie Besnier, professeur à la Sorbonne, parle d’une « fatigue d’être libre et d’être soi » : se laisser peu à peu asservir par une nouvelle science dont la promesse d’une vie simplifiée est tenue.
A l’instar de Microsoft (plus précisément, Xbox Entertainment Studios) qui a, en réalité, racheté les droits de Real Humans afin d’en faire un remake, destiné, à la base, à la plate-forme internet Xbox : la plus grosse entreprise d’informatique au monde investit maintenant dans la production de séries télévisées afin de développer et d’offrir une « expérience virtuelle » augmentée.
Force est de constater qu’une certaine forme de posthumanisme alimente ce cercle vicieux et accompagne la révolution technologique qui est en train d’avoir lieu. Doucement mais sûrement.
Pour tous les fans de Sci-Fi et pour tous les autres, la série réalisée par Jonathan Brackley (MI-5) sera diffusée en juin sur Channel 4 et Xbox Live.
Toujours pas de nouvelles concernant l’arrivée de Humans sur les chaînes françaises. En attendant, voici de quoi vous donner envie ! Enjoy !
https://youtu.be/9zYQjR0wvxM
Alizé Grasset
Sources :
Laruche.com
Mirror.co.uk
Marketingmagazine.co.uk
Digitalspy.co.uk
Crédits Photos :
persona_synthetics.pentagonhosting.co.uk
i.ytimg.com
tfmainsights.com

technophobie fastncurious
Société

En guerre contre la troisième révolution industrielle

Baudelaire fustigeait le progrès : selon le poète, « cette idée grotesque » était le germe de la décadence, une funeste confusion de la matière et de l’esprit, ce qui finirait par avilir l’humanité au lieu de l’affranchir.
Du luddisme à la Silicon Valley
Bien avant l’arrivée des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), de la démocratisation d’internet et des smartphones, le sociologue Jacques Ellul parlait dès les années 1970 du basculement de la « société industrielle » vers ce qu’il appelait « la société technicienne ». Sa théorie : tout reposerait sur les réseaux d’information et non plus sur les circulations de marchandises. En somme : l’avènement de la société de communication, dont le plus grand promoteur est Jeremy Rifkin et sa notion de « Troisième Révolution industrielle », une nouvelle révolution qui se distinguerait par le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
A chaque révolution sa contestation. La technophobie contemporaine serait-elle une nouvelle forme de luddisme ? Au début du 19ème siècle, l’Angleterre connaît la révolution industrielle : les machines paraissent menaçantes. Les luddistes sont des artisans qui se réunissent pour briser les machines des manufactures de l’industrie textile, vecteur de déshumanisation et symbole du capitalisme. Deux siècles plus tard, les GAFA sont le nouveau visage de la classe capitaliste.

Un néo-luddisme apparaît en conséquence : destructions de Google Car, vols de Google Glass, immobilisation des bus des salariés de Google et Yahoo. Depuis l’année dernière, les militants de The Counterforce protestent contre les GAFA et la gentrification de San Francisco dont ils sont accusés. Le propriétaire capitaliste exploitant le prolétariat est dépassé, bienvenue au technocapitaliste qui exploite nos données.
Machine à textile, informatique… La « nouvelle » technologie présente toujours le même package de maux : aliénation, totalitarisme, déshumanisation. Est-ce réellement le destin de la société ultra-connectée ? Quelle vision adopter pour la société de demain ? Le clivage entre technophiles, ambassadeurs d’un monde meilleur connecté et technophobes, à la vision dystopique et craignant sans cesse l’ombre du grand Big Brother, fait de la technologie un enjeu politique.
L’innovation : une longue histoire
L’ectoplasme des « nouvelles » technologies plane sur nos esprits depuis au moins l’antiquité. Platon critiquait la technique de l’écriture en la présentant comme une menace pour la réflexion philosophique et la mémoire : « ce qu’il y a de terrible, c’est la ressemblance qu’entretient l’écriture avec la peinture. De fait, les êtres qu’engendre la peinture se tiennent debout comme s’ils étaient vivants ; mais qu’on les interroge, ils restent figés et gardent le silence. Il en va de même pour les discours. On pourrait croire qu’ils parlent pour exprimer quelque réflexion ; mais, si on les interroge, c’est une seule chose qu’ils se contentent de signifier, toujours la même. » En somme, l’écriture allait emmener la société vers un crash intellectuel.
 
Quelques siècles après, heureusement pour nous, la société continue d’évoluer, notamment dans une ère où les innovations sont marketées comme des symboles révolutionnaires, créant un clivage : il est ainsi de coutume d’opposer les technophiles, les « modernity enjoyers », aux technophobes, radicaux et réac, qui voudraient quitter le monde désincarné des smartphones en brandissant un Nokia 3310.

 
 
 
Homo connecticus
 
Cette idée de déshumanisation sociétale est prégnante dans nos médias. De multiples exemples, comme Stromae récemment, véhiculent l’idée selon laquelle le monde virtuel nous éloigne les uns des autres et arrache les individus du monde « réel ». Le progrès apparaît alors pour certains comme « subi ». La dernière tendance : la digital detox, proposée par des thalassos et des spas pour permettre un sevrage technologique en coupant toute connexion numérique pour « revenir à l’essentiel ». Le WIFI, l’empoisonnement 2.0 ?
 
Dans cette vision, Technologos, un groupe militant, a forgé sur le modèle du tabagisme passif le concept de « technicisme passif ». Leur manifeste mentionne : « Quiconque, dans son travail, se retrouve obligé d’utiliser un ordinateur pour exécuter des tâches futiles subit de plein fouet l’idéologie technicienne, qu’il le veuille ou non ». Le renversement économique qu’impliquent les nouvelles technologies correspondrait au bouleversement de l’équilibre moral de la société. Mais selon la vision antique grecque, la stabilité de l’univers est LA valeur intouchable, l’élément sacro-saint à préserver pour sauver l’humanité du chaos.

 
 
Bête noire
 
Ce scepticisme à l’encontre de l’avancée technologique ne date pas d’aujourd’hui. En 1840, l’historien Jules Michelet utilisait pour la première fois le mot « machinisme », qu’il assimile à la misère ouvrière et à l’appauvrissement intellectuel des foules. Platon es-tu là ?
 
Ainsi, à travers les siècles, les « nouvelles » technologies, particulièrement les médias, ont toujours représenté des dangers immenses pour le bien-être des sociétés. Cinéma, téléphone, télévision, internet : à chaque mode de communication sa prophétie. Pourtant, les dangers s’avèrent toujours les mêmes : les gens ne vont plus lire, les gens ne vont plus se voir, les gens s’abrutissent… A croire que l’humanité est menacée depuis des siècles.
 
Pour François Jarrige, maître de conférences en histoire contemporaine, « le progrès est idéologie ». Dans cette perspective, des journalistes ont comparé Apple à une religion, Google à un régime totalitaire. Le mythe orweillien de Big Brother n’a jamais été aussi présent qu’aujourd’hui : la technologie serait un instrument de pouvoir, de surveillance et de contrôle social. Mais un outil de communication reste un outil. Comme le couteau, la dangerosité d’un outil repose sur l’usage qu’on en fait. En réalité, personne ne craint les nouvelles technologies. C’est leur impact sur la société que l’on fantasme.
 
Thanh-Nhan Ly Cam
@ThanhLcm

 
 
Sources :

Mythologie et intertextualité, Marc Eigeldinger
elimcmaking.com
gizmodo.com
technologos.fr
internetactu.blog.lemonde.fr
britannica.fr
Crédits photos

I Robot, Twentieth Century Fox
Tara Jacoby
Ex Machina, Universal Pictures

meme internship fastncurious
Société

Les mains invisibles de la communication

Au printemps, un vent de fraîcheur agite les campagnes de com. Il est humain d’avoir un regain d’énergie lorsque le soleil caresse à nouveau les panneaux publicitaires, et dévoile leurs trésors d’inventivité aux yeux des passants… ou pas.

Qui n’a jamais eu envie d’exprimer son exaspération face à ce genre de campagnes, qui, au lieu de stimuler l’imagination, de faire rire d’un bon mot, somme toute de remplir leur rôle de séduction, se contentent de renouveler péniblement les clichés du genre ? Vous avez sans doute en tête un bon nombre d’exemples : ces flyers aux couleurs douteuses, ces logos qui semblent ne receler aucune signification, ces messages publicitaires mal photoshoppés.
Qui se cache derrière ces travaux douteux, cette communication de mauvaise qualité ?
Non, il n’est pas ici question d’une chasse aux sorcières. Ne tapez pas sur les petites mains.
Les stagiaires, une aubaine pour le secteur de la communication
Il y a deux ans, le Ministère de l’Education pointait du doigt le secteur de la communication, de la publicité et des médias. Selon son estimation, en agence de publicité, les effectifs se composent de 10 à 15% de stagiaires. 
Avancer des chiffres semblables est comme enfoncer des portes ouvertes ; cela semble définitivement inscrit sous la formule magique « C’est ça, l’entreprise. ». Il est déplorable que le stagiaire soit piégé de cette façon, entre l’enclume de l’obligation du stage (vanté comme étant le sésame de l’emploi) et le marteau de la rentabilité – cette fois tenu par l’entreprise elle-même, qui envisage rarement le stagiaire autrement que comme une source de profits fort bienvenue. Parfois enrobé d’un esprit « corporate » de bon aloi qui fait passer la pilule, souvent sur un mode décontracté grâce aux open-spaces aérés et au tutoiement, le travail accompli par le stagiaire s’échelonne la plupart du temps sur du 39h, et une rémunération minimale.
Qu’on se le dise, le stagiaire n’a pas le choix. Il est fort courant, dans le domaine de la com de tomber sur des offres de stage qui demandent un diplôme complet, plusieurs années d’expérience et si possible, une faible estime de soi. Alors quand une entreprise daigne tendre la main vers des jeunes étudiants pleins de bonne volonté, elle estime ne pas avoir beaucoup de comptes à rendre.
C’est ainsi que l’on se retrouve avec des stagiaires livrés à eux-mêmes, confectionnant des flyers pour des garages à l’écart du reste de l’équipe, ou encore rédigeant des rapports interminables sur les zones urbaines. Cela ne ressemble pas à un stage en communication ?
Mais on peut faire dire ce que l’on veut à ce mot, et les employeurs l’ont parfaitement compris. La communication peut, au sens large, correspondre à tout un tas de petites tâches ingrates. Certes, elles doivent être accomplies, mais de là à toutes les confier au stagiaire, il n’y a qu’un pas, franchi sans vergogne.
En outre, l’imprécision des missions de communication ouvre une brèche bien pratique pour l’employeur, qui peut ainsi demander à son stagiaire d’effectuer des tâches qui devraient être sous la responsabilité d’un professionnel.

Un professionnel, faut-il le préciser, dûment rémunéré pour ses 39 heures hebdomadaires.
La communication souffre de sa jeunesse….
…et ses jeunes aspirants en sont les premières victimes.
Il n’est pas rare d’entendre que le community management fait partie du job, sous prétexte que les réseaux sociaux seraient tout naturellement maîtrisés par la nouvelle génération. Oui, mais entre utiliser la toile comme client et passer de l’autre côté du miroir pour en comprendre les aspects techniques, il y a tout de même une marge.
Ces propos flirtent avec un certain mépris pour le métier de communiquant, assimilé peu ou prou à du charlatanisme et à des compétences limitées, relevant du pur bon sens.
Le manager, parfois de toute bonne foi, peut ainsi exiger de son stagiaire qu’il accomplisse des miracles, invente une notoriété à une marque. Seul et sans budget.
La communication est une science jeune, et à ce titre, elle est exploitée comme une excuse bien pratique. Le stagiaire en communication remplace le graphiste – après tout, il s’agit bien de communication visuelle ? Mais il est aussi community manager, il s’occupe des newsletters internes ; il organise des réunions ; il doit gérer des relations presse ; il se charge des événements…Et il est prié de le faire bien et vite, car une fois les idées sorties du chapeau, elles paraissent soudain relever de l’évidence.
Or, quelle est la première leçon qu’apprend un élève en communication ? Celle-ci ne résout pas tout.
Ce qu’on peut traduire ici par : le stagiaire en communication n’ayant pas achevé sa formation ne remplacera jamais un service entier.

L’encadrement est souvent dérisoire, et l’étudiant se retrouve dans la situation où c’est lui qui apporte à l’entreprise, sans rien en retour, courant après la carotte qu’on lui tend – souvent la réputation de l’entreprise, et l’inévitable course au remplissage du CV.
Le stagiaire s’aperçoit rapidement, en se jurant qu’on ne l’y reprendra plus, que la mention « doit être autonome » figurant dans l’offre de stage signifiait en réalité « capable de travailler comme un salarié sans en avoir les prétentions ».
Il serait temps d’adopter une vision plus progressiste du stage en communication : il s’agit d’un domaine où le sang neuf est primordial pour que l’entreprise soit « habitée » par sa génération, mais encore faudrait-il offrir à ces futurs -grands!- communicants l’opportunité d’apprendre des générations passées. On ne communique pas ex-nihilo, et, si la communication n’est pas une science dure, elle se nourrit pourtant d’expériences. C’est ce que le stage est supposé offrir à l’étudiant, qui, en retour, sous la tutelle d’un référent, accomplira ses premiers pas professionnels.
Marguerite Imbert

Crédits images :
collegecandy.com
brandandcelebrities.com
Source :
etudiant.lefigaro.fr

banniere american apparel fastncurious
Société

American Apparel, du scandale au paresseux

Le mois dernier, American Apparel a lancé sa dernière campagne de communication autour d’une nouvelle égérie. Cette fois ci, pas de jeune femme dénudée ni de peau dévoilée, mais une charmante femelle paresseux de 23 ans du nom de Buttercup. Originaire du Costa Rica, elle est la star du « Sanctuaire pour paresseux » tenu par Judy et Luis Avey-Arroyo. Lorsqu’en 1992 la petite paresseuse orpheline est déposée chez eux, le couple décide d’en prendre soin. Très vite, un deuxième paresseux esseulé les rejoint, et ils décident de faire de leur maison un refuge pour paresseux. Et c’est en 2015 que la consécration arrive pour Buttercup, qui avait déjà fait l’objet d’un buzz il y a quelques années (c’est bien elle que vous retrouvez sur ce gif ) : American Apparel souhaite en faire la mascotte de sa nouvelle campagne à l’occasion de la journée de la Terre (« Earth Day ») fêtée aux Etats Unis.
Après avoir fait un peu de teasing via la publication d’une photo de Buttercup accompagnée de la légende « Buttercup has a surprise ! Stay tuned. », et avec la mise en ligne le 9 avril dernier sur son compte Vine d’une vidéo de l’animal désormais célèbre et célébré, la marque a dévoilé un nouveau modèle de T-shirt.

Celui-ci, vendu 32$ dont 30% sont reversés au refuge costaricain, est l’occasion pour la marque de mettre en avant son engagement en faveur des artistes, des animaux sauvages, du coton bio et sans pesticide, et de manière générale pour la production éthique de ses produits… Et par là même de changer radicalement de stratégie de communication.

En effet, la marque n’est pas tant connue pour ses engagements éthiques que pour ses campagnes de communication provocantes et souvent scandaleuses (même si elle s’est souvent engagée, notamment pour la cause LGBT). Nous vous en avions déjà parlé ici . Censurée à plusieurs reprises dans certains pays, comme le Royaume Uni, American Apparel a souvent été accusée d’hypersexualisation de la femme, parfois même d’utiliser des images quasi pédopornographiques comme en août dernier, avec la campagne intitulée « Back to school ».

Ce changement (assez radical) d’orientation de la stratégie marketing d’American Apparel n’est pas difficile à expliquer. En effet, la marque a changé de PDG : abonnée au trash et à l’explicite sous la direction de Dov Charney, licencié en juin 2014 pour harcèlement sexuel et détournement de fonds, elle se réoriente sous l’impulsion de la nouvelle PDG, Paula Schneider. Celle-ci désire toujours voir la marque aussi provocatrice et séditieuse, mais sans qu’il soit nécessaire de montrer autant de peau dénudée. Elle explique que « Ça ne doit pas toujours être ouvertement sexuel. Il existe des façons de raconter notre histoire sans que ce soit offensant. C’est une marque qui sort des sentiers battus. Et elle continuera à sortir des sentiers battus. » Et la différence n’est pas difficile à voir :

Avant : une campagne menée par Dov Charney et Terry Richardson
Après : Buttercup prend la pose
Avec des poses aussi lascives que ses prédécesseurs, Buttercup assurerait ainsi le futur d’une marque dont les excès en matière de communication étaient le reflet des problèmes internes en matière de management et de finances. Espérons que ce tournant dans la communication d’American Apparel soit durable, parce qu’il n’est pas nécessaire de se montrer offensant pour vendre. La nouvelle PDG de la marque l’explique bien : « Il faut que ce soit un peu sexy. Nous vendons de la lingerie. Nous vendons des collants. Il faut juste être sûrs de ne pas aller trop loin. Cela devrait permettre de montrer des femmes libres, des gens libres ». Reste à voir comment American Apparel négociera ce virage…
Léa Lecocq
Sources :
lesinrocks.com
businessoffashion.com
ecrans.liberation.fr
madmoizelle.com
ticotimes.net
francetvinfo.fr
Crédits photo :
metrouk2.files.wordpress.com
style.lesinrocks.com
store.americanapparel.net
i.kinja-img.com
 
 

Société

#RoyalBaby It’s a girl !

L’Angleterre est en effervescence, l’Angleterre accueille une héritière, l’Angleterre pouponne. La future princesse, Charlotte Elizabeth Diana, quatrième dans l’ordre de succession au trône est née à Londres, le 2 mai à 8h34.
Cette naissance est orchestrée comme une véritable opération diplomatique, commerciale et médiatique. En effet, la famille royale s’illustre ici par la maîtrise quasi militaire d’un tempo médiatique rigoureux. Elle répond surtout au sentiment d’attente relayé sur les réseaux sociaux via le compte Kensington Palace, porte-parole officiel de la famille royale, et crée un buzz médiatique attendu : la naissance est l’événement qui a généré le plus de retweets et de favoris en 2015 (47 000 retweets pour la naissance, 45 000 favoris pour la sortie de la clinique).

Des enjeux qui dépassent la simple communication d’information : entre maintien de la sécurité et dopage de l’économie britannique
Le protocole d’annonce est clair et allie tradition et modernité : la famille proche est avertie de la naissance avant une annonce aux citoyens via une proclamation des médecins royaux placée sur un chevalet à Buckingham (ce chevalet a accueilli précédemment les proclamations des naissances de William et George). Aux réseaux sociaux, succède un message sonore : 62 coups de canons tirés depuis la Tour de Londres et 42 depuis Green Park, enfin le drapeau Union Jack sera hissé sur tous les bâtiments officiels.
 

 

En parallèle, la presse se prépare aux trois moments phares : hospitalisation, annonce de la naissance et sortie avec le nouveau-né. La mort de la princesse Diana a cependant introduit une rupture entre la presse et la famille royale. « Les gens ont peut-être une idée un peu obsolète de la meute de correspondants royaux. La réalité c’est que la presse britannique est devenue très respectueuse envers la famille royale, frileuse même, diront certains. » note Richard Palmer, correspondant royal pour le Daily Express.
Cet historique explique également la protection extrême de l’image du Prince George excepté lors de rares occasions. Le même sort attend la future petite princesse, après quelques instants de lumière éphémères, le rideau tombera.
 
L’annonce de cette naissance dépasse de simples enjeux d’information : cet évènement se veut également un important faire-valoir stratégique. En effet, elle promet un dopage de l’économie britannique, des marchés financiers et commerces divers. Si celle du petit Prince George a rapporté 247 millions de livres (344 millions d’euros) en vente de souvenirs, les prévisions cette année environnent les 70 millions de livres (97 millions d’euros). « Tout le monde voudra acheter les mêmes tenues que le bébé, ses jouets. Il y aura un impact long sur l’économie, surtout si c’est une fille, » remarque Joshua Bamfield sur le site Hello !. Des observateurs mentionnent également le lien entre le sexe de l’enfant et les indices boursiers, prouvé pour les naissances des princesses Anne (1950), Margaret (1930), Elizabeth (1926).
 
A Londres, l’effervescence gagne les foules, des célébrations s’organisent : baby shower royale au Park Lane Hotel, dégustation de champagne et pâtisseries au London Hilton ou croisière-conférence pour les bébés royaux sur la rivière Thames ?
Plus symboliquement, les enfants nés le 2 mai 2015 recevront, comme pour la naissance de George une pièce en argent sur laquelle figurera le portrait de la reine Elizabeth et la date du 2 mai. Ce symbole fait écho à la tradition anglaise consistant à déposer une pièce en argent dans la main du nouveau-né en gage de richesse et de bonheur.
Enfin, les bookmakers font des pronostics multiples sur le sexe, prénom, poids de l’enfant, sa date de naissance mais également le parent qui le portera en sortant de la clinique ou le lieu de sa première sortie officielle. Le prénom Charlotte était favori avec une cote de 3 contre 1, soit un gain de 3 livres pour 1 livre pariée.

Un lien symbolique entre le peuple et ses dirigeants assuré par une communication sans faute
Son prénom étant un hommage direct à la mère du Prince William, la naissance de la petite princesse nourrit la recherche d’une nouvelle Diana dans le cœur des anglais. Cependant, le journal The Guardian s’inquiète de ce lourd héritage pour les petites épaules de l’héritière : « Cet enfant serait non seulement le premier lien direct féminin avec le tsunami émotionnel que représentait Diana, elle aussi appartiendrait [dès sa naissance] au public ». Cette inquiétude laisse présager un avenir traqué et scruté par les médias.

A naissance royale, communication royale
Après une attente interminable sur les réseaux sociaux et aux abords de l’hôpital entre le 15 et le 30 avril, la naissance a été annoncée sur le compte Twitter @KensingtonPalace. De nombreuses célébrités ont félicité les parents, à l’instar de Barack et Michelle Obama : «Michelle et moi sommes ravis de féliciter le duc et la duchesse de Cambridge, sa majesté la reine et la famille royale, et tous les habitants du Royaume-Uni pour la naissance de la princesse royale», indique la Maison Blanche dans un communiqué.
 
A leur manière, les marques ont également célébré cette naissance sur les réseaux sociaux :

Une dizaine d’heures après l’accouchement et l’annonce de la naissance de l’enfant aux citoyens britanniques, le couple royal est apparu sur le perron de l’hôpital, accompagné de la petite princesse et du Prince George pour un premier bain de foule relayé par les médias du monde entier. Son prénom a été annoncé le 4 mai, plus de 48 heures après sa naissance, comme pour George (il a fallu attendre 7 jours pour connaître le nom de William et 1 mois pour celui de Charles).

Sur les plans marketing et médiatique, il apparait clair que tout est fait pour que les anglais adoptent et apprivoisent cette petite princesse comme, peut-être une future reine, 4ème dans l’ordre de succession, si son frère George n’a pas de fils. Pour finir, Welcome to Princess Charlotte Elizabeth Diana, and congratulations to her parents and family !
Clarisse De Petiville
Sources :
thisismoney.co.uk
theguardian.com
elle.fr
parismatch.com
vanityfair.fr I & II 
dailymail.co.uk
Crédits photos :
rtl.fr
lexpress.fr
huffingtonpost.fr
thestar.com
thestar.com
twitter.com
elleuk.com
francetvinfo.fr
ladn.eu