nabilla
Société

Nabilla, we are watching you

Le 7 novembre dernier, à 8h du matin, grand coup de théâtre en France. Nabilla Benattia, star de télé-réalité aurait poignardé son compagnon, Thomas. Une nouvelle tragique et rapidement relayée faisant l’effet d’un raz-de-marée médiatique.
On l’a adorée ou détestée, certains ont été dingues d’elle, d’autres moqueurs. Une chose est sûre, Nabilla a été en l’espace de 3 ans une des personnalités médiatiques les plus marquantes du petit écran. Repérée dans l’Amour est aveugle sur TF1 par La Grosse Equipe, elle connait sa réelle ascension avec sa participation aux Anges de la télé réalité saison 4 et 5. Une émission où elle cumule phrases cultes et histoires d’amour. En 2013 elle défile pour Jean Paul Gautier, obtient son propre show la même année, et rejoint la bande de Cyril Hanouna en 2014. De prétendante à chroniqueuse sur Touche pas à mon poste, son parcours à la réussite fulgurante l’amène ainsi à être qualifiée de Kim Kardashian française. Cependant, tel Icare s’approchant bien trop près du soleil, Nabilla a brûlé ses ailes, chutant ainsi dans un nouveau bassin médiatique, celui de la prison, là où les retombées ne sont pas aussi avantageuses que celles de la télévision. Malheureusement pour toi Nabilla, tu n’avais pas vraiment prévu ça.
Nabilla, vedette de la médiologie
Lors de ses participations à diverses émissions de télé-réalité, Nabilla est rapidement devenue le centre d’attention, notamment par son corps et des spéculations autour de ce dernier. Une exhibition alors répétée et marquante ayant un impact médiatique de poids, que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans la presse. Une Nabilla épanouie dans la bonne époque, entre vidéosphère et hypersphère.
Dans son cours de Médiologie générale, Régis Debray introduit la notion de médiasphère qui divise en trois périodes l’histoire des systèmes de transmission culturelle. La troisième de ces périodes démarre avec l’invention de la télévision en couleur et se nomme vidéosphère, où le visible fait autorité et où l’immédiateté règne. Un temps propre à Nabilla où ses apparitions télévisées créent le buzz par son parler vrai, agitant ainsi systématiquement la twittosphère, où ses plus grandes et meilleures frasques sont immédiatement reprises et diffusées. Une quatrième période est proposée par Louise Merzeau, enseignante-chercheuse en Sciences de l’Information et de la Communication, l’hypersphère caractérisant une époque plus actuelle, où dominent les réseaux numériques. Un temps lié au développement d’internet, véritable outil pour la starlette connectée et proche de ses followers. Nabilla, bien dans son temps, peut alors jouir d’une forte présence médiatique faisant ainsi son succès.
Une prisonnière de la sphère médiatique
Que ce soit dans l’Amour est aveugle ou dans les Anges de la télé-réalité, Nabilla était une participante de programme répondant d’une logique panoptique. Concept proposé par Michel Foucault dans son ouvrage « Surveiller et punir », le panoptisme décrit les mécanismes de surveillance et discipline circulant dans les institutions de la société. Enfermée dans une villa, entourée de caméra, le regard des téléspectateurs est rivé sur elle, l’observant, la décryptant. Une surveillance pourtant jouée, valorisant le spectacle de l’émission et le corps même de ses participants. Une sphère dans laquelle Nabilla se situe et dont elle n’a pas le contrôle, non sans lui déplaire. Constamment filmée et analysée, Nabilla forge ainsi sa célébrité des retombées médiatiques de cette surveillance. Couverture de magazines people, plateaux tv, l’image Nabilla fait vendre et attire.
Mais suite à son altercation avec son compagnon, cette logique panoptique a pris une nouvelle tournure. L’épée de Damoclès s’abat. Du confessionnal à la garde à vue, de la villa à la prison, Nabilla bascule dans un autre univers qui au final ne sera pas si différent. Enfermée à nouveau, elle continue d’être observée et analysée par les médias. Cependant cette fois-là, ce ne sont plus ses forces comme son corps, qui sont mises en valeur, mais ses faiblesses, ses incapacités. Aucun contrôle, elle ne peut pas compter sur un montage pour la mettre en valeur. Nabilla est encore au centre de l’attention mais qui cette fois la dessert. La nouvelle de son incarcération, dans une période de vidéosphère, est immédiatement relayée, faisant une fois de plus le buzz, surmédiatisant alors à nouveau la starlette. On parle d’elle, mais cela n’est plus à son avantage. Les retombées médiatiques détruisent sa popularité là où auparavant elles la construisaient. Nabilla est alors une prisonnière, de la prison féminine de Versailles certes, mais également d’une sphère médiatique de laquelle elle ne peut s’échapper. Une sphère où elle est entrée avec la télé-réalité quatre ans auparavant et dont elle ne sortira qu’une fois que son actualité people cessera.
Vers une peopolisation à l’anglaise ?
Ce fait divers amène ainsi à une réflexion sur le futur de l’actualité, de l’information française. Arrivons-nous culturellement vers un modèle davantage anglo-saxon ? L’exemple de l’Angleterre est signifiant, où le yellow journalism* détient une part considérable du marché de la presse, avec une peopolisation de l’actualité qu’on retrouve notamment avec le journal The Sun, tiré à plus de 2 millions d’exemplaires chaque jour. Des faits divers, des informations offrant des records aux sites et journaux français. Comme le montre le Tube dans une émission dédiée à ce fait divers, l’affaire Nabilla, en quelques chiffres pour le mois de novembre, c’est plus de 6000 articles et 715 000 tweets. Le star system s’infiltre dans les médias supplantant ainsi des sujets davantage sérieux aux dimensions moins attrayantes, moins spectaculaires.
Si en ce mois de février, Nabilla est bien sortie de prison, elle demeure toujours enfermée dans cette sphère médiatique, avec une actualité – certes plus faible – portant toujours sur sa vie privée, avec un manager la poursuivant en justice, ou encore des rumeurs de mariage.
*presse à scandale
 Félix Régnier
@filgato
Sources :
Régis Debray – Les cahiers de médiologie
Olivier Aim – Une télévision sous surveillance
Louise Merzeau
Le plus
Le plus – NouvelObs
Le Tube
ledauphine.com

tweet seats fnc
Société

Mesdames et Messieurs, je vous prie de bien vouloir tweeter pendant la représentation

Les premiers tweet seats sont apparus aux Etats-Unis dans les années 2011-2012, dans les théâtres et dans les opéras une rangée de sièges au fond des salles devient exclusivement dédiée aux utilisateurs de Twitter. Ces spectateurs qui ne sont pas comme vous et moi, capables de multitasking pendant la représentation, y sont libres de tweeter à condition d’utiliser le hashtag officiel du spectacle. Une publicité apparemment efficace. Auparavant bannis, voilà que les smartphones sont les bienvenus dans les temples de la culture. La pratique s’est logiquement assez répandue, du Shakespeare Festival à St. Louis aux nombreux théâtres de Boston en passant par les orchestres symphoniques d’Indianapolis et de Cincinnati, et même au Public Theater de New York. Et elle est bientôt devenue un sujet de querelle passionnée pour les journalistes et les professionnels qui ont pour les uns loué cette adaptation aux outils modernes de communication ou bien se sont indignés, critiquant l’immixtion de pratiques marketing dans le temps sacré de la représentation.

Cela fait pourtant longtemps qu’au théâtre la représentation traditionnelle est en crise. La coupure sémiotique, selon Daniel Bougnoux, qui permet l’accès au symbolique et se matérialise dans le quatrième mur – la limite entre la scène et la salle – est fréquemment attaquée dans l’art contemporain. De Platon à Brecht, on a en effet cherché à dissimuler la présence réelle de l’acteur, aujourd’hui on la dévoile complètement, les coulisses, les dessous de la pièce font partie intégrante de la représentation. Les acteurs changent de costume sur scène, interprètent plusieurs personnages, changent les décors plateau allumé, les metteurs en scène deviennent eux-mêmes acteurs, feignant d’être simplement au milieu d’une répétition. C’est à présent la technologie qui participe de cette déconstruction des conventions théâtrales. La pratique du live tweet a même gagné la scène, comme au théâtre de Providence dans le Rhode Island où les acteurs tweetent et postent des photos depuis les coulisses pendant la représentation. Depuis le plateau également on semble apprécier ces retours instantanés, créant une nouvelle interaction avec le spectateur.
Les tweet seats pourraient en ce sens être un des éléments d’une réinvention des relations du spectateur au spectacle et ses artisans. Le théâtre, qui peine à renouveler son public, pourrait conquérir de nouveaux auditoires grâce au dépassement de la simple représentation. Toutefois, ces sièges ne sont pas tellement un outil publicitaire qui permet de toucher, au-delà des spectateurs habituels, des gens étrangers au théâtre. Une twittos interviewée par USA Today semble persuadée de pouvoir détourner les gens de l’horrible télé-réalité pour les faire aller au théâtre, pourtant ses followers sont des personnes éduquées à l’art qui ne se contentent pas de la télévision, c’est un public déjà conquis. L’initiative s’inclut tout de même dans ce mouvement qui entend repenser le rôle du spectateur, où il n’est plus question du théâtre comme un lieu quasi-religieux où l’on absorbe de manière passive : au Hutington Theater à Boston par exemple, un membre de la production répondra aux questions twitter, qui seront par ailleurs diffusées sur des écrans dans le hall du théâtre. Il est en fait question d’une interaction qui s’émancipe des codes traditionnels liés au lieu théâtral. Ce n’est cependant pas un renouveau si nouveau que ça. Le public antique n’était pas immobile et silencieux comme l’est notre public depuis un siècle : il mangeait, parlait, réagissait à haute voix, apostrophait les acteurs. Le théâtre devrait en définitive redevenir, grâce aux innovations communicationnelles numériques, un spectacle vivant des deux côtés et cesser d’être un art vertical.
Marc Blanchi
Sources
usatoday.com
Rue89.nouvelobs.com
npr.org
arstechnica.com
La crise de la représentation, Daniel Bougnoux
Crédits images
1.standaardcdn.be

aionmultijoueur
Société

Les jeux multi-joueur : le prix de la gratuité

The Elder Scrolls Online, MMO issu de la célèbre saga de Bethesda, vient de renoncer au format économique de l’abonnement mensuel, après son intronisation tapageuse qui débouche sur un bilan plus mitigé.
Face au multi-joueur se dressent des obstacles nouveaux : des consommateurs qui ont bien l’intention de tirer parti de l’offre surabondante, une concurrence asiatique très active, nourrie également par quelques géants scandinaves et américains, et une communauté de plus en plus exigeante, avec de nouvelles habitudes de consommation.
Le produit payant, un modèle de consommation menacé d’obsolescence ?
Le modèle d’abonnement mensuel, incarné par l’emblématique World Of Woarcraft (Blizzard), est en crise. Fort de ses dix années d’ancienneté, de son caractère et de sa communauté composée de plus de dix millions de joueur, Blizzard s’est taillé une place de choix sur le marché et a su garder sa place de leader, s’assurant un quasi monopole pendant une longue période. Néanmoins, de grands noms comme Eve Online parviennent à s’insérer sur le marché, en lançant un challenge à ses joueurs : payer l’abonnement, ou gagner le droit de jouer gratuitement par la performance. Allant plus loin dans la guerre des prix, le précurseur d’un mouvement pérenne, Guild Wars II, propose un modèle de paiement plus souple : le consommateur paie le produit de base, et dispose ensuite d’un temps de jeu illimité. En revanche, les mises à jours importantes sont payantes.
La norme aboutie de cette évolution : le modèle free-to-play. Ce modèle est à distinguer du freemium : même si ces deux phénomènes surfent sur la même dynamique, ils ne répondent pas à la même politique. Le freemium, également connu sous le nom de pay-to-win, est, comme son nom l’indique, la possibilité de bénéficier d’un régime de jeu facilité par le biais de l’achat. En d’autres termes, ce système permet d’améliorer ses performances sans fournir le moindre effort.
Le modèle free-to-play n’est pas nécessairement freemium. Il repose essentiellement sur une donnée délicate : l’envie de personnalisation. Il s’agit d’acheter du contenu individualisant destiné à sse démarquer des autres joueurs, mais qui n’a aucune influence sur les performances du jeu.
Si le modèle économique a changé, c’est parce que le consommateur s’est également métamorphosé. Moins fidèle, plus impératif, il papillonne d’un échantillon à l’autre sans s’attarder, et surtout, sans s’engager financièrement. Ou du moins, pas sans contrepartie immédiate. La nouvelle cible des studios de développement ne manque pas tant d’argent que de temps.
Lorsque Edouard Rencker évoque le postulat d’un produit prêt à être consommé à la seconde où il est désiré, avait-il à l’esprit le prodigieux essor du cash shop ? En somme, le consommateur achète un jeu paramétré pour lui, ses goûts, son emploi du temps. Cela n’est pas sans rappeler cette obsession générale dela consommation personnalisée…
Et c’est dans ce contexte que The Elder Scrolls Online s’élance sur le marché, la bataille perdue d’avance.

Le brand content, fer de lance du free-to-play
Surfant sur cette tendance de l’ultra-personnalisation, du gain de temps et de cette réticence à s’engager, un nouveau genre de jeu multi-joueur a vu le jour : le jeu gratuit. Au départ lancé par de nombreux MMO coréens, ce modèle connait une croissante fulgurante, multipliant les prouesses graphiques et les promesses d’inédit. Le principe est simple : il suffit de télécharger. Il est tout à fait possible de progresser et de profiter de la richesse du jeu sans débourser un centime.
Seulement, le joueur finit par payer. Comment arriver à persuader un joueur de payer s’il n’en a pas besoin ? Si on laisse de côté le système freemium, qui joue sur le gain de temps en utilisant le classique procédé de l’appât, tout le pouvoir de persuasion du free-to-play joue sur le désir de personnalisation. Reposant sur un des piliers du marketing, qui consiste à faire perdre de vue ses repères rationnels au consommateur pour l’amener sur le terrain de l’émotionnel, cette stratégie s’appuie sur un community management à l’écoute et le développement du brand content. Un bon exemple de cette stratégie est Blizzard, initiateur de conventions très médiatisées mêlant cosplay, démonstrations, promotions commerciales et festivités.
Cependant, le maître du brand content est probablement Riot, le producteur de League of Legends, égérie de l’e-sport.

Ce court-métrage produit par Riot bénéficie d’une bande-son créée spécialement pour l’occasion, et accumule quelques 5 000 000 de vues en trois jours sur la page Facebook de League of Legends.
Le jeu lui-même n’a rien à voir avec l’expérience audio-visuelle que représente cette vidéo, le seul lien étant l’un des personnages du jeu qui est mis en valeur par ce mini-film. Ainsi, la marque créé du contenu sans changer son support de base, ce qui représente pourtant une véritable valeur ajoutée pour celui-ci.
En plus de faire l’étalage des indéniables talents de la direction artistique de Riot, cette vidéo est porteuse d’un fort contenu émotionnel qui, pour tout joueur potentiel, est désormais connecté au jeu lui-même, facilitant la décision d’achat de contenu facultatif…Comme payer 4,99 euros pour débloquer le héros de cette vidéo. Cette stratégie marketing apparaît redoutable : ce jeu, pourtant free-to-play, est le premier mondial avec 67 millions de joueurs en 2014…et 946 millions de dollars de chiffre d’affaires la même année.
Pour parachever ce triomphe du modèle économique free-to-play, il faudrait y ajouter le facteur gain de temps… League of Legends, bientôt sur vos smartphones ?
Marguerite Imbert
Sources :
facebook.com/leagueoflegends
jeuxvideos.com
generation-nt.com
millenium.org
gameblog.fr
Crédits photos :
wccftech.com
quickmeme.com

Société

#OPCHARLIEHEBDO : Quand l'expédition punitive se conjugue au temps des réseaux

« La liberté d’expression et d’opinion est une chose non négociable, s’attaquer à elle, c’est s’attaquer à la démocratie. Attendez vous à une réaction massive et frontale de notre part car le combat pour la défense de ces libertés est la base même de notre mouvement. »
Voici la réaction du mouvement Anonymous suite à l’attentat terroriste perpétré dans les locaux du journal satyrique Charlie Hebdo, le 7 janvier. Le tweet, posté via un compte baptisé @OpCharlieHebdo, renvoyait vers une version plus longue du message, hébergée sur pastebin. Le format de 140 caractères du petit oiseau bleu paraît quelque peu étriqué pour le message des hackers les plus célèbres du net. Dans un premier temps, le mouvement présente ses condoléances aux familles des victimes et condamne la tuerie des frères Kouachi, qualifiant leur acte « d’assaut inhumain. » Ils se déclarent « écoeurés, choqués » et estiment qu’il est de leur devoir de réagir. S’ensuit leur formule légendaire :
« Nous sommes légion.
Nous n’oublierons pas.
Nous ne pardonnerons pas.
Redoutez-nous!  »
Ce message a été massivement retweeté. Il vise, implicitement, l’ensemble de la communauté djihadiste présente en ligne : sites d’organisations, comptes sur les réseaux sociaux notamment. Il constitue une véritable déclaration de guerre, c’est bel et bien un affrontement entre deux mondes, entre deux cultures latéralement différentes. L’étendue de bits et d’octets qui peuplent internet se travestit sans problème en terrain de guerre. Le mythe d’un média « worldwide » s’effrite. Force est de constater que ces pratiques enracinent encore plus profondément Internet et ses usages dans des logiques territoriales, d’opposition binaire entre le monde qui est occidental, et celui qui ne l’est pas.
Quel mode opératoire pour une expédition punitive virtuelle ?
Deux jours après l’attentat terroriste, les hacktivistes du collectif Anonymous ont mis leur menace à exécution. Plusieurs milliers de sites internet, des comptes facebook, twitter relatifs à la mouvance djihadistes ont été bloqués. Ils publient une vidéo sur le channel Youtube belge du collectif qui a été depuis supprimée. Elle est toutefois visible sur le site du telegraph. Les extraits s’adressent à Al-Qaida et aux membres de l’Etat islamique, en Syrie et en Irak : « Nous allons surveiller toutes vos activités sur le Net, nous fermerons vos comptes sur tous les réseaux sociaux. Vous n’imposerez pas votre charia dans nos démocraties.»

Le quartier général des membres du collectif se distille sur des centaines de canaux de chats IRC (un des protocoles de communication utilisables sur Internet) baptisés « Anonops ». La participation nécessite une connexion VPN (Virtual Private Network), ainsi que le navigateur Tor (The onion router) pour garantir l’anonymat des échanges.

Les hackers listent les cibles sur un document partagé en annexe. Les adresses des sites internet et réseaux sociaux d’organisations et de sociétés désignés par le collectif comme appartenant aux djihadistes sont identifiées et des attaques sont lancées (défacements ou attaques de déni de service la plupart du temps.) Selon un des hackers francophones, Sonic, quelques heures seulement après le début de l’opération #OpCharlieHebdo, les activistes islamistes ont contre-attaqué avec «une telle maîtrise et une telle rapidité qui prouvent que nous combattons des professionnels».
Une opération au succès mitigé
Face à cette stratégie d’attaque (et de communication, il faut le dire) bien ficelée, les experts en sécurité informatique restent dubitatifs. Dans la presse française, c’est la voix du blogueur Bluetouff, alias Olivier Laurelli qui s’est fait entendre via l’AFP. Selon lui, “Les Anonymous ont une organisation très transversale. Tout le monde peut se proclamer Anonymous.” A cela il ajoute : “C’est pas en lançant des dénis de service que l’on va régler quoi que ce soit.” L’expert remet en question l’utilité des actions menées par le collectif de hackers. S’agit-il de marquer les esprits de manière ponctuelle ou d’endiguer durablement le fléau djihadiste ?
Une autre ombre subsiste sur le beau tableau des Anonymous. “A partir du moment où on attaque les réseaux où les jihadistes communiquent entre eux, on interfère dans le travail des enquêteurs ”, a prévenu Olivier Laurelli. En publiant sur pastebin l’identité de terroristes présumés et en attaquant leurs sites, le collectif ralentirait le travail des policiers et rendrait disponible des informations dangereuses aux yeux des internautes civils, ou même d’autres djihadistes. C’est donc une prise de parole en demi-teinte de la part du collectif. Alors qu’ils œuvrent pour délivrer un message univoque et fédérateur, leurs actions révèlent en fait des intentions parfois mal coordonnées. Ils souhaitent faire avancer le combat contre le terrorisme mais entravent l’appareil d’état. Le discours mériterait de s’éclaircir s’il veut gagner en crédibilité.
La faute ne leur revient pas entièrement, dans la mesure où Internet est un média polyphonique par nature. Les comptes s’auto-proclamant « Anonymous » pullulent sur la toile, sur l’ensemble des réseaux sociaux. Le site web opcharliehebdo.com n’avait aucun lien avec le collectif, à l’origine de la supercherie, une agence de marketing spécialisée dans le « viral », rantic.com. Il est donc compliqué d’accéder à une information centralisée, et surtout, compliqué de croire à l’utopie communautaire qui anime ce mouvement, même en étant profondément attaché aux valeurs fondatrices d’internet. Rien ne nous garantit que certains des hackers faisant partie du mouvement Anonymous ont un passé de grey hat, voire de black hat.
Des hackers éthiques, mais pas trop.
Enfin, il reste un doute que seul le temps pourra éclaircir. Si l’on s’attarde sur le message publié sur twitter et pastebin, les éléments de langage propres aux messages du collectif Anonymous sont sensiblement identiques à ceux des gouvernements occidentaux : liberté d’expression et démocratie reviennent systématiquement dans leur discours. Le collectif s’est donc fait entendre de manière profondément consensuelle en réaction à l’attentat, mais le sera-t-il quand les gouvernements français et européens auront à renfoncer leurs dispositifs sécuritaires en réponse à la menace terroriste ?
Si l’on prend le projet de loi antiterroriste datant de septembre 2014, qualifié de liberticide par ses détracteurs, il est permis d’en douter. Le texte de loi prévoyait de renforcer les sanctions à l’encontre des initiateurs d’«attaques informatiques», qui seraient à présent jugés sous le régime de la bande organisée. Des peines de gardes à vue plus longues sont prévues, ainsi que des méthodes d’enquête plus poussées et des peines plus lourdes. De trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende, les peines iraient désormais jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 500.000 euros d’amende. La compatibilité entre l’idéologie libertarienne du mouvement et la politique sécuritaire de l’état semble assez faible.
Comme dit plus haut, le mouvement Anonymous épouse parfaitement l’idée de « l’utopie communautaire ». Ce terme évoqué par Patrice Flichy dans l’Imaginaire d’Internet décrit la culture des hackers qui refusent l’informatique centralisée, et voient dans Internet « un dispositif à mettre entre les mains de tous, capable de bâtir non seulement de nouveaux collèges invisibles, mais aussi une nouvelle société » (p.86).
Ils sont profondément habités par une idéologie qu’on peut qualifier de cyber-libertarienne. Leurs combats: défense de la vie privée, de la cryptographie, de l’accès libre à l’information. Ils incarnent avant tout une forme de « contre-démocratie » car ils n’hésitent pas à contourner la loi pour arriver à leurs fins, et se méfient du rôle de l’État en tant que régulateur. Ils se font justice eux-même. En somme, le collectif Anonymous incarne un mythe supplémentaire dans l’imaginaire d’internet, une communauté qui incarne l’esprit de partage, de société civile idéale.
Karina Issaouni
Sources:
Telegraph.co.uk
Patrice Flichy, L’imaginaire d’Internet, 2001, éditions La Découverte.
Letemps.ch
20minutes.fr
Nouvel obs.com
Pastebin
Crédits images
ibtimes.co.uk
wegecon.de/
letemps.ch

publicité caramel suisse
Société

Sexe faible, vous dites ?

La fin d’une ère sexiste et le début d’une égalité des sexes dans la publicité ?

Combien de fois a-t-on pu entendre des critiques virulentes sur l’image de la femme véhiculée par la publicité ? Combien de mouvements féministes crient au sexisme, au machisme et dénoncent l’instrumentalisation du corps devenu objet de celles qu’on appelle le « sexe faible » ? Il est à vrai dire impossible de le savoir. Il serait bien trop long de les dénombrer. En revanche, cela prendrait nettement moins de temps de compter les plaintes clamant une atteinte à l’image de l’homme dans la publicité : celles-ci sont quasi nulles.
Et pourtant, dans le monde publicitaire, l’homme semble aujourd’hui en prendre pour son grade, tandis que l’image de la femme paraît, elle, s’être nettement améliorée au fil des années. Le slogan « pour elle un Moulinex, pour lui un bon petit plat » de cette publicité vous semble le plus courant ? Et pourtant, il paraît loin de nous le temps où l’on représentait l’homme comme le maître de maison virile qui n’a qu’à mettre les pieds sous la table en attendant que son repas préparé avec amour par sa gentille femme ne soit posé devant lui. Aujourd’hui, la tendance s’est inversée, et, au regard de la pub, la formule « sexe faible » semble ne plus rimer à rien. Ou du moins, c’est ce que l’on pourrait croire. Prenons le temps de poser notre regard sur quelques publicités d’aujourd’hui et amusons-nous à y inverser les sexes…

Hommes, soyez soumis à vos femmes !

On est ici bien loin de l’homme dominant et fort.
Il est nu, sans défense et ses muscles n’y peuvent rien face à des femmes en surnombre.

Cette pub va plus loin encore : au placard la femme soumise à l’homme, elle le tient ici en laisse.
Les hommes sont animalisés et dominés par une seule et unique femme.

Homme, sois beau et tais-toi !

L’homme est ici l’objet qui vient attirer le regard. Ce ne sont plus les formes féminines généreuses qui font vendre : aujourd’hui, c’est l’homme qui devient un appât.
L’homme est beau, l’homme est musclé, on lui ferait vendre n’importe quoi… Même du thon !

Mais… derrière chaque homme faible se cache une femme
Hommes nus soumis à des femmes en surnombre, hommes réduits à l’état d’animal et traînés en laisse, hommes à la plastique de rêve qui ne servent qu’à exposer leurs muscles huilés… Voilà bien des images qui feraient hurler plus d’une association féministe si les sexes y étaient inversés. Et pourtant, rien ne se fait entendre du côté de la gente masculine. Est-ce parce que cette dernière se sent responsable des années de sexisme publicitaire ? Ou est-ce plutôt parce que cela fait tout simplement… Rire ? L’image d’une femme nue tenue en laisse choque, révolte, mais celle de l’homme fait sourire. C’est que, finalement, on ne croit pas à cette image, cette image n’effraie personne et surtout pas les hommes. Sur ces affiches publicitaires, c’est une réelle inversion des rôles qui est mise en scène. On ne crée pas une nouvelle forme de sexisme qui aurait ses propres codes et qui renverrait à la domination de la femme sur l’homme, on transpose tout simplement des stéréotypes sexistes féminins sur un autre sujet. Ainsi, lorsque l’homme est considéré comme faible, il est féminisé. C’est une femme qui se cache derrière l’homme faible car l’homme faible n’est finalement pas réellement homme.

Une nouvelle forme de sexisme ?
Ces publicités, plus que de prôner une avancée du féminisme et de l’égalité des sexes, ne font que renforcer cet imaginaire de l’homme dominant la femme. Si ces publicités fonctionnent, accrochent le regard et marquent les esprits, ça n’est pas parce qu’elles provoquent, comme le font habituellement les pubs sexistes envers les femmes, mais parce qu’elles font rire en référant à ce que l’imaginaire collectif considère comme étant « le sexe faible ». Lorsque l’on voit une publicité telle que celle que nous voyons juste en dessous, peu de personnes échapperont à l’idée qui se cache derrière l’image : ça n’est pas la place de l’homme d’être considéré ainsi, c’est habituellement celle de la femme. C’est en effet la femme qui est le plus souvent victime de harcèlement sexuel et la publicité joue sur cette inversion des rôles, ce qui provoque le rire.
Il serait faux de dire que ce spot publicitaire se moque des mouvements féministes, mais il serait également faux de dire qu’il dénonce réellement un harcèlement typiquement masculin. Cette publicité revendique bien l’existence d’un sexisme, elle admet la réalité du harcèlement sexuel, mais, en nous montrant un homme qui en est victime, elle nous dit bien « ceci n’existe pas » ou du moins, « ceci est rare, vous pouvez en rire, ce n’est pas une réalité condamnable ».

La réussite par l’humour
La publicité, en une simple image et une courte phrase, doit réussir à capter l’attention d’un passant, d’un téléspectateur zappeur, ou d’un lecteur publiphobe. La tâche est fastidieuse. Quelle meilleure façon alors que d’utiliser l’humour ? Mieux encore, quelle meilleure façon que de faire rire en faisant référence à une réalité connue par tous ? Si l’humour et la référence commune sont la clé de la réussite pour un publicitaire, les féministes devraient peut être également l’envisager de la sorte ?… Mieux vaudrait-il peut être rire de ces affiches sexistes où la femme est instrumentalisée ? Du moins, une chose est sure : l’égalité des sexes ne sera avérée que le jour où l’on rira autant d’une publicité sexiste s’attaquant à l’homme que d’une publicité sexiste s’attaquant à la femme…
Et puis… Honnêtement, cette publicité ne vous fait pas rire, vous ?

Valentine Cuzin
Sources :
topito.com
madame.lefigaro.fr
advertisingtimes.fr
igvm-iefh.belgium.be
image-de-lhomme-dans-la-publicite.blogvie.com
users.skynet.be

Crédits photo : 
advertisingtimes.fr (1) et (2)
vivelapub.fr
youtube.com
le-tigre.net
cafoutch.net
lematin.ch

istrat logo
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iStrat ou la fabrique d'intox

Le 2 janvier dernier, l’homme d’affaires milanais Andrea Bonomi met un terme à la bataille boursière qui s’est livrée pour l’acquisition du Club Med (Emmanuel nous en parlait dejà ici). En effet, il renonce à doubler le conglomérat chinois Fosun sur l’OPA qu’il a lancée visant le groupe dirigé par Henri Giscard-d’Estaing.
Cette actualité pourrait, a priori, passer inaperçue dans la jungle financière. Pourtant, le JDN (Journal Du Net) nous révèle qu’elle serait le fruit d’une campagne de manipulation d’opinion déloyale. Le 5 janvier, il est relaté qu’une opération de dénigrement, visant directement Adrea Bonomi, aurait été orchestrée par une société aux méthodes peu orthodoxes. Le cabinet d’intelligence économique en question, iStrat, a été mis en cause par Challenges et le JDN.

iStrat : l’éthique en moins
Le procédé est simple, iStrat l’a bien compris. Pour infiltrer les médias et ainsi orienter l’opinion, le cabinet génère une quantité de textes signés sous des identités fictives puis encensés par de faux universitaires. Le tout est liké, partagé par d’autres comptes appartenant à la société. L’opération a, en apparence, tout d’une communication virale réussie. Des avatars choisis au hasard sur le net sont même détournés à l’aide de logiciel de retouche d’image pour apporter aux comptes artificiels toute leur crédibilité. C’est ainsi que la promesse d’iStrat est conçue : influer sur l’e-réputation de ses clients en décrochant des articles favorables à leurs intérêts.
Cependant, l’affaire ne s’arrête pas là. Non contents d’utiliser les réseaux sociaux, Mathieux Creux et Arnaud Dassier, les deux dirigeants associés du cabinet, ont vu en Wikipédia l’opportunité de maitriser les notices de ses clients. A force de contributions sur des sujets divers, l’équipe d’iStrat a gravi astucieusement la hiérarchie des rédacteurs et peut désormais s’appliquer à flatter n’importe quelle notice de l’encyclopédie en ligne.
Ce business semble fleurissant car si le JDN a autant tenu à remonter la source de ces faux avis d’expert c’est qu’il s’y est laissé prendre et a manqué de vigilance quant à la teneur des textes proposés par ces contributeurs extérieurs. En l’occurrence, sans doute dans un soucis de réactivité, Les Echos, Challenges et le JDN se sont laissés berner par les contributions favorables au groupe chinois de Marc Fortin, un prétendu analyste financier dont le compte LinkedIn, CV compris, ont été monté de toute pièce.
Finalement, grâce aux adresses IP récupérées par le JDN, le lien avec iStrat a été rapidement révélé.
Pourtant, une fois contacté non sans peine, Arnaud Dassier récuse toute implication de son cabinet. Il explique que sa société offre une simple prestation de veille et de formation sur le net à ses clients. Il va même jusqu’à confesser qu’il ne connait pas l’identité des auteurs de la plupart des billets qu’il lit et que c’est chose monnaie courante sur la toile. On serait tenté de croire en la bonne foi du responsable si plusieurs modifications suspectes n’avaient pas été remarquées. D’une part, la page de présentation de l’équipe de direction d’iStrat a été supprimée juste après la parution de l’article du JDN. D’autre part, le compte twitter de Mathieu Creux ne mentionnait plus iStrat dans sa présentation pendant qu’Arnaud Dassier supprimait un tweet dans lequel il exprimait son contentement suite à la victoire de Fosun dans la prise de contrôle du groupe.

L’opinion : le nerf de la guerre des lobbystes
Malgré cette prise de conscience, l’activité d’iStrat n’en demeure pas moins perturbée par la méfiance dans grands hebdomadaires. En effet, les sites moins exposés tels que Sharknews ou 24hactu représentent pour elle une proie idéale : bien référencés et plus ouverts, ils offrent une certaine visibilité aux tribunes fabuleuses.
Au fait de l’affaire, Arnaud Bonomi émet la possibilité de déposer plainte. On peut manifestement supposer que l’affaire ne demeurera pas un cas isolé. A l’heure où chaque internaute représente un potentiel émetteur d’information, le cas d’iStrat apparait comme une piqûre de rappel : un œil critique et avisé doit éclairer la lecture de l’information en ligne. Il est clair que les cabinets de lobbying n’ont pas finis d’infiltrer la toile en usant d’un outil infectieux et modelable à souhait : l’opinion.
Thelma Cherpin
@thelma_chp
Crédits photos :
www.liberation.fr
www.challenges.fr
www.anaislailler.com
Sources :
lemonde.fr
challenges.fr
journaldunet.com
lefigaro.fr

maison connectée
Société

Embarquez pour le futur : votre maison vous y emmène !

Il semblerait que notre vieux monde empreint d’objets inanimés ait évolué. Il serait aujourd’hui en passe de devenir « pan-digitaliste » : les objets deviennent des émanations de cette substance suprême à laquelle on voue un véritable culte qu’est l’Internet. Son omniprésence concerne désormais ce qu’il y a de plus quotidien et de plus personnel à savoir notre maison.
Objets connectés, en veux-tu en voilà !
Youpi, je peux envoyer des SMS à mon four ou à mon frigo avec LG HomeChat ! Hourra mon aspirateur 360 Eye de Dyson sait tout seul où il doit nettoyer ! Génial mon Nest Learning Thermostat peut se réguler tout seul ! Que de beaux objets performants, utiles et sophistiqués, tous reliés entre eux et à mon smartphone ! Rappelons-nous cette publicité de SFR pour sa Box Home qui met en scène cette mère de famille, obligée de travailler dur et tard pour nourrir toute sa petite maisonnée, mais désormais capable de gérer à distance sa maison et donc de veiller au grain malgré l’orage qui gronde et une réunion qui n’en finit pas.

La maison connectée est à l’écoute, la maison connectée prend soin de vous, la maison connectée prévient des dangers, la maison connectée c’est l’avenir les amis !

La smart home ou maison intelligente ou encore maison connectée, bref cette maison du futur dans laquelle peut-être nous vivrons un jour (à condition d’être riche cela va de soi) est le pari que se donnent les nouveaux prédicateurs d’internet. Mais une telle innovation domestique fait débat. Se doter d’objets intelligents, capables de parler entre eux et d’anticiper les besoins de leurs consommateurs provoque le « oui » enthousiaste et confiant comme le « non » réprobateur et inquiet : la maison intelligente peut soit améliorer notre existence en nous facilitant la vie, soit la détériorer en nous rendant fainéants (sans compter les problèmes d’espionnage avec la collecte des données personnelles qu’elle requiert). Cependant, la maison intelligente et les objets connectés posent d’autres problèmes qui questionnent l’ensemble de la société.
Pourquoi connecter ses objets et sa maison ? Quand la curiosité est un vilain défaut.
Une question : pourquoi vouloir à tout prix connecter sa maison ? D’aucuns diront que c’est la recherche absolue du confort ou de la sécurité. En effet, quand on regarde le site materiel.net, la maison intelligente permet de sécuriser son habitation, la piloter, maîtriser sa consommation et garder un œil sur sa maison. Mais il y aurait d’autres explications.
D’abord, de tels objets ne sont pas d’une utilité nécessaire et vitale : rien ne m’empêche réellement d’ouvrir mon frigo pour me rendre compte de ce dont j’ai besoin. Par conséquent, démis de toute utilité fonctionnelle, les objets connectés entrent dans une logique de mode et de prestige. Bien plus que de l’utilité, on consomme une symbolique : celle de la « distinctivité ». C’est pour être différent et en quelque sorte supérieur que l’on consommerait les objets connectés.
Par ailleurs, de telles innovations domestiques témoignent de ce que l’on pourrait appeler une « gadgétisation » rendant le lien qui unit la maison à ses habitants fondamentalement magique. Pour Baudrillard, l’objet devient gadget quand « la technique est rendue à une pratique mentale de type magique ou à une pratique sociale de mode ». Expliquons-nous. Le rapport entretenu avec ces objets devient magique parce-que hautement fasciné. Il permet à son utilisateur de sortir de l’ordinaire et de pénétrer ainsi dans l’extra-ordinaire, c’est-à-dire rejoindre une autre réalité : celle de la science à laquelle il ne comprend rien mais dont il a l’impression de s’en faire le porte-parole légitime par le fait même qu’il achète ces innovations. Qui, à part le physicien agrégé, comprend réellement comment le radiateur peut se réguler seul ? Détenir de tels objets, c’est participer, à son échelle, aux trouvailles inédites et scientifiques en matière de « futurité ». C’est vouloir se faire le chantre de la modernité, du progrès et de ses valeurs. Un chantre un peu ignorant sans doute.
La ré-invention du quotidien
Avec la maison intelligente, c’est donc la vie quotidienne qui est transformée, rendue bien plus fascinante qu’elle ne l’est d’ordinaire. L’extraordinaire n’est plus seulement au coin de la rue, il est définitivement chez soi. Mieux, l’homme devient cet être extraordinaire, capable de recréer, réordonner, réagencer son quotidien comme il l’entend. Encore mieux, l’homme a désormais le don d’ubiquité. Il est à la fois ici et là, à son bureau et dans sa maison, il maîtrise l’espace comme jamais il ne l’a maîtrisé. Il n’y a plus ce que Bachelard dans La poétique de l’espace appelle « la dialectique de l’ouvert et du fermé » qui caractérise la structure même de la maison. Ici, la maison intelligente est réinventée, réorganisée selon une logique proprement ubiquiste. Le temps et l’espace semblent désormais malléables pour et par l’homme. L’homme aurait-il les cartes en main pour devenir cet être « divin » ? Par ailleurs, les objets connectés réinventent la notion de temps car ils en permettent une économie. Baudrillard, déjà, parlait des objets techniques comme du « temps cristallisé ». La maison connectée permet de satisfaire la volonté toute moderne de « gagner du temps ». Le temps est optimisé et optimal. Et le temps, on le sait, c’est de l’argent. La maison intelligente en faisant gagner du temps à son propriétaire, lui permet de consommer plus et mieux.
Mais la maison est toujours bien cette « puissance d’intégration pour les pensées, les souvenirs et les rêves de l’homme » dont Bachelard parlait. Surtout pour les rêves dirait-on aujourd’hui.
Jeanne Canus-Lacoste
Sources :
ANousParis #667
Courrierinternational.com
Jean Baudrillard, La Société de consommation
Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace
 Crédit image :
homo-connecticus.com

Société

Quand commence 2015…

Pour célébrer ce début d’année, nous avions préparé un petit éditorial pour vous présenter nos meilleurs vœux, vous parler de nos beaux projets à venir, en se remettant doucement de tous les excès attenants à ces fêtes de fin d’année. Celui qui aurait alors tiré la fève début Janvier se serait vu remis une belle couronne et aurait désigné notre blog comme roi incontesté de cette nouvelle année.
En effet, rien de plus séduisant qu’un blog qui revêt ses plus beaux habits pour commencer 2015 sous le signe d’une plateforme plus ergonomique et intuitive, afin de faciliter la navigation de ses rubriques.
Mais les récents évènements ont quelque peu bouleversé l’édito Royal que nous souhaitions publier. A notre échelle, nous partageons l’émotion qui envahit la France depuis ce 7 Janvier.
En tant que membres de ce blog, nous sommes chaque jour confrontés aux opinions de nos rédacteurs, plus ou moins tranchées et incisives, toujours propres à chacun. Certes, notre rôle est de modérer certains propos pour ne pas bafouer les valeurs de laïcité et de tolérance de notre école – le Celsa – mais il est aussi (et surtout) d’aider nos rédacteurs à affirmer leur identité via un style d’écriture et à exprimer leur convictions par le choix de tel ou tel sujet.
Nous sommes Charlie
Ainsi, « Nous sommes tous Charlie » en ce qu’il représente pour la liberté d’expression d’un pays pionnier en matière de démocratie, de liberté, de fraternité et de tolérance les uns envers les autres.
L’humilité nous pousse à dire que nous ne sommes peut-être pas encore Charlie en ce qu’il faut de courage et de ténacité pour oser affronter des menaces réelles et persistantes, qui plus est quotidiennes, en vertu de choix éditoriaux pointés du doigt parce que parfois acerbes.
De toute évidence, certains condamneront quelques propos de l’hebdomadaire parfois considérés comme insultants. Tout le monde n’a pas le discernement nécessaire pour savoir prendre de la distance et recevoir ces prises de position au second degré.
Cependant, on ne demande pas d’être d’accord avec tout ce que Charlie diffusait, mais simplement de voir, qu’au-delà d’un journal satirique, c’est la liberté de presse, la liberté d’expression et la liberté d’opinion qui sont entachées.
« Chers terroristes, nous sommes des milliers de gros lourds, à l’humour déplorable dans une salle de rédaction appelée Internet. Bonne chance… » @ploum
Ce tweet correspond en tout point au message que nous souhaitons vous faire passer : vous inciter, plus que jamais, à cliquer, twitter, partager, réagir, commenter, participer, vous affirmer et continuer à vivre cette belle aventure à nos côtés, dans le respect des individualités de chacun.
2015, année de la ?…
… Ainsi, nous aimerions profiter de cet espace pour vous souhaiter à tous, chers lecteurs, une très belle année 2015, qu’elle soit l’année de toutes vos réussites.
2014 fut une année extrêmement riche sur tous les plans, puisque FastNCurious n’a pas cessé de gagner en visibilité, et ces réussites nous poussent à poursuivre dans cette même lignée : les conférences Buzz Off ont repris, les dossiers également, et nous projetons de nouvelles surprises à venir dans les prochaines semaines.
Pour tout cela, nous vous adressons donc un grand MERCI puisque l’assiduité dont vous faites preuve à notre égard nous permet de continuer à faire vivre ce blog.
Et Monsieur FastNCurious nous l’a murmuré à l’oreille : ce n’est pas lui mais bien VOUS, les rois et les reines de cette histoire. Alors, vous reprendriez bien une petite part de galette, n’est-ce pas Monsieur Balkany ?
Charlotte Bavay, Mathis Bienvenu et Cloé Bouchart

Société

 Journalisme participatif et communication : le Club Med entre deux eaux

A l’issue de l’OPA la plus longue de l’histoire de la Bourse française (plus de dix-huit mois), le Club Méditerranée a été acheté, le 2 janvier dernier, par le conglomérat chinois Fosun. Si la décision de l’autre acheteur potentiel, l’homme d’affaires italien Andrea Bonomi, de retirer son offre a été saluée par la direction du Club et a suscité l’ire du Front National, ce sont les stratégies de communication à l’éthique douteuse mises en place à l’occasion de ce rachat qui nous intéressent ici. En effet, le Journal du Net a repéré sur plusieurs sites d’information en ligne (Challenges, Les Echos-Le Cercle, Mediapart, le Journal du Net lui-même…) des articles défavorables à l’offre de M. Bonomi, écrits non pas par des journalistes, mais par des contributeurs extérieurs à leurs rédactions sous la forme de tribunes libres.
Après enquête, le JDN a déterminé que ces tribunes étaient écrites sous de faux noms : leurs auteurs sont des prête-nom créés pour l’occasion, avec des profils LinkedIn ou Google+ et de faux diplômes. Il semble donc qu’une des parties prenantes de l’OPA ait tenté d’influencer les marchés en utilisant la désinformation. La tentative de désinformation, si elle est prouvée, pourrait faire l’objet d’un procès pour diffamation et faux et usage de faux, et d’une sanction de l’AMF qui contrôle les opérations boursières. Le propos de ce billet n’est pas d’accuser, qui plus est sans preuves, mais d’interroger à la lumière de cette affaire la pratique des espaces de libre expression sur Internet et les limites éthiques des relations publiques.

L’une des tribunes incriminées
L’expression libre, pour le meilleur et pour le pire
Pour les médias en ligne, les tribunes libres et autres blogs participatifs répondent à plusieurs objectifs : proposer des contenus plus nombreux et plus variés face à une concurrence pléthorique, donner la parole à des contributeurs experts sur des sujets pointus, intéresser leur lectorat par l’effet de proximité ou encore expérimenter des formes de journalisme citoyen. Comme l’illustre l’affaire du Club Med, ces formes d’expression sont plus vulnérables à la manipulation que les articles publiés par des journalistes, dont les auteurs sont connus, les sources vérifiées et qui mettent directement en jeu la crédibilité du média qui les publie. Mais pour l’usager des médias en ligne, il n’est pas toujours évident de différencier les deux types d’articles : Les Echos-Le Cercle ou les blogs du Journal du Net utilisent par exemple la même charte graphique que les articles de la rédaction de ces médias. En conséquence, les contributeurs invités profitent de la réputation du média qui les accueille, sans être soumis aux mêmes contraintes.
En outre, il est manifestement difficile pour les rédactions de contrôler l’ensemble des articles publiés sur leurs plates-formes participatives : la subjectivité de leurs auteurs est assumée, elle fait notamment partie intégrante de la forme éditoriale du blog. Dans ces conditions, et en particulier lorsqu’un article traite d’un sujet complexe, comment déterminer s’il est volontairement manipulateur ou seulement l’expression d’une opinion tranchée ? On peut supposer que dans l’hypothèse d’une manipulation, les rédacteurs, conseillers en communication rompus au style journalistique, soient habiles à camoufler leur intention trompeuse.
Relations publiques contre journalisme ?
La deuxième question soulevée par cette affaire concerne justement le rôle des relations publiques dans la production de l’information. Tout comme la publicité, pour capter l’attention et l’intérêt de ses cibles, cherche à adopter l’apparence de l’information ou du divertissement (le publi-rédactionnel en est un exemple), les relations publiques, qui promeuvent des intérêts politiques ou économiques, agissent avec davantage d’efficacité si les prises de positions qu’elles défendent sont relayées par des sources non intéressées, comme des journalistes, des blogueurs ou des experts. L’anonymat et l’identité virtuelle caractéristiques d’Internet permettent donc à des professionnels peu scrupuleux, comme le montrait une série d’articles du Journal du Net parue en 2013, de créer des experts fictifs qui bénéficient d’une présomption d’objectivité.
Mais cette pratique, outre sa légalité douteuse, est doublement néfaste sur le long terme aux professionnels de la communication. D’abord parce qu’elle nuit à la confiance des usagers dans les médias sur Internet, alors que ceux-ci souffrent encore d’un déficit de crédibilité notamment face à la presse papier ; mais aussi parce qu’elle court-circuite les journalistes, interlocuteurs privilégiés des relations publiques, accroissant leur méfiance vis-à-vis des métiers de la communication.
Emmanuel Bommelaer
 
Sources :
Challenges.fr 1 & 2
Journaldunet.com 1, 2, 3 & 4
bfmbusiness.bfmtv.com
Lemonde.fr
Tns-sofres.com
Lefigaro.fr

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3D zoom sur fnc
Société

Quand la science-fiction devient réalité !

 
Envoyer un outil par mail dans l’espace c’est possible ? Et bien oui.
Ce mois-ci, la NASA a envoyé les plans d’une manivelle par mail à la station spatiale internationale. Les équipes ont ainsi pu imprimer l’outil manquant grâce à une imprimante 3D. Cette innovation majeure met en exergue la rapidité de production, l’accessibilité croissante aux objets ainsi que de nombreuses possibilités que les marques semblent saisir de plus en plus.
Zoom sur les évolutions communicationnelles qui découlent de cette révolution technologique en marche vers toujours plus de personnalisation.
Barilla et TBWA intègrent la 3D
En effet, les marques ont saisi l’importance d’intégrer la 3D dans leur communication et redoublent d’efforts pour nous épater, nous satisfaire grâce au sur-mesure que propose cette technologie.
Barilla travaille donc sur un projet de pâtes personnalisables que l’on imprimera grâce à une cartouche contenant la mixture. Le client aura donc la possibilité d’exprimer sa créativité en choisissant les formes de celles-ci. Mais avons-nous tous ce désir de créativité ? Ne préférons-nous pas justement que l’on nous dicte ce qui est beau, nous facilitant ainsi la vie ?
Le philosophe Jean-Paul Sartre affirmait : « l’homme est condamné à être libre » ; ne serions-nous pas aujourd’hui condamnés à créer ?
Autre exemple : le « Toy Lab » proposé par l’agence de publicité TBWA Toronto. Ce Noël, l’agence canadienne a demandé à des enfants de dessiner leur jouet rêvé, puis a fait appel à des spécialistes qui ont reconfiguré ces dessins afin de les imprimer en 3 dimensions. Enfin, une vidéo émouvante a permis à l’agence de présenter les jouets et leurs créateurs qui affichaient un sourire jusqu’aux oreilles. Une opération innovante et réussie puisqu’elle montre étape par étape comment cette agence a su s’insérer dans ce tournant technologique et mettre à profit la 3D pour faire sa propre promotion.

 
Le mouvement Maker
Par ailleurs, la naissance de l’imprimante 3D va de paire avec un nouveau mouvement appelé « maker movement » qui peut être qualifié de « DIY (do it yourself) digital ». Il s’agit de créer des objets tangibles grâce aux nouvelles technologies ; une sorte de bricoleur 2.0.
Cette tendance s’allie à la mise en réseau des compétences, rendue possible notamment par internet. Elle permet ainsi aux « makers » de mettre en commun leur savoir-faire, par exemple grâce au système de tutorat. Il est donc plus facile de créer et de produire pour tout à chacun ce qui renverse l’ordre établi- ce rôle étant initialement attribué aux entreprises et autres structures de production.
Les « FabLab » (fabrication laboratories) illustrent également ce phénomène. Ces structures ouvertes à tous permettent à qui veut d’utiliser des machines (telles que des imprimantes 3D) et de profiter des compétences des autres visiteurs, dans le but de concevoir des objets. Preuve que ce concept se propage et surtout se démocratise : le Fablab « Maker/Seine » a cette année ouvert ses portes à Saint Paul, en plein cœur de Paris.

Un challenge pour les marques
Si les marques ont compris l’importance de la 3D, toutes n’ont pas encore intégré cette technologie dans leur communication.
Cependant, certains annonceurs commencent à l’utiliser, à l’instar de Coca-Cola qui a matérialisé ses clients en figurines à leur effigie. Une proposition créative et en totale adéquation avec leur campagne « enjoy a Coca-cola with a friend » entièrement tournée vers la personnalisation et l’individu, puisque les noms des consommateurs sont inscrits sur leurs fameuses canettes rouges et blanches.

De plus, une imprimante 3D coûte aujourd’hui entre 700 et 4000 euros. Ces machines deviennent donc de plus en plus accessibles aux « makers » mais aussi à un nombre croissant de personnes, comme par exemple les membres de la « génération y », qui intégreront cette technologie très aisément dans leurs pratiques futures.
Les marques devront donc relever ce défi technologique et créatif pour rester légitimes et essentielles dans la vie des consommateurs, signe que nous vivons désormais dans une société de plus en plus spectaculaire !
Clara Duval
Sources :
Influencia.net
Lemonde.fr
L’adn.fr
Wikipédia.fr
Crédits photos :
ladn.eu
Google.fr