Société

Gogglebox : Ces britanniques qui regardent leurs compatriotes regarder la télévision.

 
A l’heure des superproductions aux budgets faramineux, la recette du succès pourrait tenir à bien peu de choses… Prenez un échantillon représentatif du peuple britannique, ajoutez-y un canapé plus ou moins miteux et une série de programmes triés sur le volet. Agrémentez  selon votre convenance le décor de junkfood et de quelques boissons. Placez-le tout  devant un écran de télévision.
Vous obtenez la nouvelle émission phare de la chaine Channel 4.
L’idée  de Gogglebox (littéralement, « la boîte à yeux » soit  le « petit écran »), est si simple qu’elle en est presque impertinente. Il s’agit pour le spectateur de regarder d’autres spectateurs regarder la télévision en se délectant de leurs réactions.  Rien n’est écrit, tout est spontané, seul le choix des programmes est réalisé en amont par la production. Divers et variés, ces derniers, qui peuvent traiter de cuisine comme de politique, ont en commun leur cible grand public. De X Factor aux pubs John Lewis en passant par le dernier discours de David Cameron,  chaque épisode de Gogglebox compile les évènements marquants du paysage audiovisuel des sept derniers jours.
Sans scénario, sans action et sans équipe de tournage, le programme n’a pas à rougir face à la concurrence. Non seulement son concept incongru  rassemble plus de deux millions de spectateurs chaque mercredi, mais il est aussi le nouveau chouchou des réseaux sociaux. Une vague de réactions succède immanquablement à chaque diffusion et le buzz fonctionne tant et si bien que l’émission devrait désormais être suivie en prime time le vendredi soir.
Si l’on sait la téléréalité capable de battre des records d’audience, l’engouement que suscite Gogglebox peut néanmoins surprendre. Comment une mise en abyme aussi banale peut-elle captiver un public si étendu ?
La réponse est peut-être à chercher du côté de ses créateurs… Stephen Lambert (directeur du studio éponyme), a pensé l’émission comme un laboratoire social, un documentaire sur la « réalité observable ». A la fois miroir de l’actualité du pays et immersion dans l’intimité de ses citoyens, Gogglebox bénéficie d’un double ancrage propice à l’identification.  D’autant que si les moyens dédiés au tournage sont dérisoires, le soin accordé au choix du casting est au centre de toutes les attentions. Quatorze ménages ont été retenus selon des critères bien spécifiques. D’âge, de sexe et de groupes socioprofessionnels différents, les familles et groupes d’amis ayant accepté de se prêter au jeu  incarnent une Angleterre aux multiples facettes.
Quinquagénaires huppés propriétaires d’une maison d’hôtes dans le Kent, coiffeurs homosexuels installés à Brighton, immigrés habitants de Derby, couple de retraités vivant à Liverpool, copines chômeuses du quartier londonien de Brixton, la distribution est volontairement hétéroclite. Débordants de spontanéité, les protagonistes sont des plus attachants. Nul besoin d’artifices pour que le charme opère. Tour à tour engagées, émouvantes, excessives ou franchement hilarantes, les interactions ont de quoi séduire le spectateur avide de parlers francs et de discours sans langue de bois.

Si le programme est évidemment novateur en matière de feedback – faire de la réaction des spectateurs face aux programmes un programme à part entière, il fallait y penser-, il entraîne aussi son lot de polémiques. Certains jugent le concept malsain et crient au voyeurisme, d’autres sont simplement atterrés par l’intérêt motivé par un programme… qui n’en a pas. Or, les critiques à l’égard de Gogglebox tendent à être tempérées par la mouvance actuelle. L’émission n’est en effet pas la seule à donner à voir ce qui, de prime abord, parait trop commun pour être médiatisé.  En Corée du Sud, il est possible de payer pour regarder des filles manger sur Internet. En Norvège, la chaine NRK, spécialiste de la slow TV, diffuse des feux de cheminée et des paysages apaisants sur les écrans.  Sans scénarisation ni montage, cette nouvelle forme de télévision vise moins à distraire le spectateur qu’à le relaxer.
Au-delà des jugements de valeur, ces programmes sont aujourd’hui les principaux témoins de l’évolution des usages de la télévision.
 
Marine Bryszkowski
Sources
TheGuardian
Radiotimes
Libération
STYLIST, numéro 42, 27 mars 2014

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Mark Zucherberg
Société

MARK ZUCKERBERG, ENCORE COOL ?

 
Mark Zuckerberg, fondateur et PDG de Facebook, et qu’il est désormais inutile présenter depuis que le biopic du réalisateur David Fincher (The Social Network) le fait figurer au Panthéon des plus grands Self-Made Men de ce monde, vient de racheter le casque de réalité virtuelle Oculus pour plus de deux milliard de dollars. Mais cette fièvre effervescente, cet engouement pour des nouvelles technologies de pointe et des programmes prometteurs n’est pas non plus sans susciter un tollé général parmi les internautes. Que dire de l’image du patron de Facebook, après les réactions qu’ont suscité son récent rachat d’Oculus Rift, casque de réalité virtuelle conçu par le jeune prodige Luckey Palmer ?
 En effet, à l’annonce de ce rachat, mardi 25 mars, Mark Zuckerberg et Luckey Palmer ont dû faire face à un déchaînement de commentaires plus amers les uns que les autres. Facebook, dans son appétit démesuré, ne se contenterait plus d’Instagram, de Whats App, mais chercherait à conquérir également le domaine de la réalité virtuelle. Que penser des dérives tentaculaires de Facebook lorsqu’il cherche à investir un tout nouveau domaine et à s’arroger une découverte qui semblait réservée au gamers ? Se pourrait-il que des dérives publicitaires du casque de réalité augmentée ne viennent occulter ce côté « cool », initial dont il semble que peu à peu Facebook se détache via sa progressive monétarisation et publicitarisation ?
 Serait-ce parce qu’on est en avril qu’une des plus jeunes fortunes du classement Forbes, Mark Zuckerberg, intègre l’adage ne te découvre pas d’un fil en cherchant à se vêtir de tous nouveaux vêtements virtuels ? C’est la question que se posent les internautes, Facebook, n’est-il plus vraiment « cool », frais, sans pub, du tout ?
 Matthieu Parelon

Société

Le ridicule : arme fatale contre le sexisme ?

 

A l’occasion de la journée mondiale de l’égalité salariale du 18 mars, l’agence Mortierbrigade a réalisé deux vidéos « ridicules » pour le compte du parti politique belge Zij-kant. Dans la lignée des Femmes Socialistes, ce parti souhaitait sensibiliser le public à propos d’une réalité peu reluisante : en moyenne, les femmes belges gagnent 21% de moins que les hommes.
La campagne s’appuie sur des clichés aberrants, non pas sexistes mais racistes ou intolérants de manière générale. Le point central de cette campagne est en effet de dénoncer le « ridicule » par la comparaison. La démonstration se veut simple : on met en scène à l’écran un cliché grotesque avec une voix off complaisante pour expliciter les choses. Rires ou malaise – du moins on l’espère, le spectateur constate le ridicule de la chose. La première vidéo reprend des clichés racistes tels que « les noirs ne savent pas conduire », « les noirs sont fainéants » tandis que la deuxième s’en prend aux personnes obèses, avec toujours pour conclusion de la voix off : « et c’est pour ça qu’ils devraient être moins payés. »
Apparait alors le message final : « Ridicule ? Pas plus que de payer les femmes 21% de moins que les hommes. »

Ridicule VS Choc ?
Le ressort du ridicule est de rendre risible une personne ou une situation et, à ce titre, ces deux courtes vidéos sont efficaces. Pour autant, le ridicule n’est pas choquant, contrairement aux usages courants de « Vidéos Choc anti X » de campagnes de sensibilisation qui ont recours à cette méthode dans le but de faire réagir toujours plus de monde. C’est là un bon moyen de faire le buzz et de créer une communication virale autour du message que l’on a à faire passer via les réseaux sociaux. Tant que le but reste de sensibiliser l’opinion publique à un enjeu important, le choquant peut aller loin. Nous pouvons penser par exemple à la très dérangeante et donc assez efficace vidéo 14 millions de cris, avec notamment Alexandre Astier et Julie Gayet en acteurs principaux, contre le mariage forcé de jeunes enfants.
Ceci nous amène à interroger l’impact de ces deux vidéos sur la perception de l’écart salarial hommes-femmes, mais aussi à questionner la banalisation des contenus « choc » des campagnes de sensibilisation. Les clichés exposés à l’écran font sourire ou provoquent tout au plus un sévère froncement de sourcil. Il semble que la réaction provoquée chez le spectateur ne soit pas l’indignation souhaitée à la hauteur de l’injustice dénoncée. Mais aborder le plafond de verre et trouver des solutions concrètes est difficile tant que l’ampleur de la situation n’est pas révélée au grand public. On observe justement un mouvement de protestation contre ces inégalités dont on ne peut que louer la démarche. Néanmoins, l’impact apparaît faible tant l’aspect « ridicule » et comique prend le pas sur l’indignation. A titre de comparaison, la précédente vidéo de Mortierbrigade sur ce sujet a rencontré un franc succès et jouait davantage sur l’aspect « choc » pour faire passer le message.

Une question demeure alors : avons-nous absolument besoin d’images « CHOC !» pour réveiller notre conscience et nous engager dans la lutte contre les inégalités ?
 
Rimond Leïla
Sources
LaRéclame
CreativeCriminals

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Twinstagram
Société

Quand le petit oiseau bleu ne gazouille plus trop

 
C’est une petite nouvelle qui en dit beaucoup sur l’état des réseaux sociaux à l’heure actuelle, du moins aux États-Unis. Twitter serait en train de se faire devancer par l’application Instagram. En effet, un sondage réalisé par le cabinet d’analyse E-marketer et commandé par le Financial Times nous rapporte qu’au cours de l’année 2013, près de 35 millions d’utilisateurs américains se sont servis d’Instagram au moins une fois par mois par le biais de l’application mobile, contre 30,8 millions pour Twitter. Un fossé de près de 5 millions d’utilisateurs qui se creuse de plus en plus chaque jour, si l’on en croit la réalité des faits.
Il est vrai que depuis quelques temps, on avait un peu l’impression que Twitter s’effaçait derrière des réseaux sociaux comme Snapchat ou Instagram, dont les mécanismes reposent sur une importance de l’image ; éphémères pour l’un, filtrées pour l’autre. Et l’application Instagram, rachetée par Facebook il y a pile un an, a assez vite été rendue populaire par la diffusion et la vulgarisation de ses propres codes. Même le hashtag, qui relevait d’abord avant tout du « jargon Twitter » s’y est vu repris plusieurs fois, avec pléthore de petites expressions récurrentes telles que le fameux #nofilter ou #selfie. Instagram a développé et mis au centre de sa stratégie ce que Twitter avait esquissé: une manière branchée de raconter sa vie à la face du monde. Et maintenant que Twitter ne conserve parmi ses utilisateurs plus que, pour la plupart, des personnes davantage intéressées par la diffusion d’informations, il est difficile pour ce réseau social de conserver son importance dans une société de l’image, où les réseaux sociaux sont aussi et surtout beaucoup utilisés pour se mettre en valeur, parler de soi et donner une bonne image de soi à la face du monde, à grands renforts de selfies. Ainsi, un sondage réalisé auprès des Américains ( rappelons que 54 % des utilisateurs de Twitter sont américains ) place l’oiseau bleu en 11ème position de leurs réseaux sociaux préférés, loin derrière Facebook et Instagram ( respectivement premier et deuxième ). Constat d’autant plus inquiétant pour Twitter puisque, désormais, les annonceurs et les agences de publicité se tournent vers Instagram pour véhiculer et mettre en valeur leurs produits. Le 10 mars dernier, Instagram a ainsi signé un contrat avec Omnicom, un grand groupe de publicité américain.
Trop compliqué, pas assez fun… Beaucoup de reproches sont aujourd’hui faits à Twitter. Comment le réseau social va-t-il pouvoir s’en sortir face à la compétition accrue menée par Instagram, Vine, Snapchat et toutes ces applications de l’image? L’avenir de Twitter, qui semblerait néanmoins assez assuré grâce à ses 240 millions d’utilisateurs, est tout de même incertain. Et si l’oiseau bleu finissait par se brûler les ailes?
Camille Gross
Sources :
Stratégies

Rémi Gaillard
Société

Est-ce en riant de tout qu’on fait n’importe quoi ?

 
La nouvelle vidéo de Rémi Gaillard, intitulée « Free Sex », fait partie des derniers bad buzz en date sur la toile. Cependant, le concept de la vidéo en question, somme toute assez simple, fait débat : par un jeu visuel de perspective dont il a le secret, l’humoriste montpelliérain du web mime l’acte sexuel avec des inconnues qui ne savent pas de quoi il en retourne.

Si au vendredi 28 mars la vidéo a déjà enregistré 1,8 millions de vues sur YouTube, elle est loin de faire l’unanimité. En témoignent les articles sur le site de Libération Next ou du Plus du Nouvel Obs, mais aussi les commentaires très partagés, et souvent cinglants, des internautes, dans un français certes pas toujours très correct, sur la vidéo et les réseaux sociaux. Sur YouTube, la vidéo a même été interdite au moins de 18 ans.
Deux types de polémiques concernant la vidéo, relativement distinctes et totalement liées, peuvent ici être identifiées.
D’abord, une polémique qui rejoint en bien des points le « slut-shaming » déjà traitée par FastNCurious la semaine dernière. Elle oppose celles et ceux qui voient dans cette vidéo une énième provocation sexiste et une culture du viol à ceux qui y voient un nouveau pied de nez de l’humoriste anticonformiste et une blague franchement drôle.
Le deuxième type de polémique qui ressort des articles et commentaires semble plus essentielle à la nature même de la grande majorité des buzz et clashs sur le web et tient dans la question suivante : peut-on rire de tout ? Les partisans du oui se réclament souvent d’un Desproges et s’en prennent de façon véhémente sur le web à celui et ou celle qui osera critiquer la vidéo, en lançant un absurde quoiqu’efficace « tu n’as qu’à aller voir ailleurs si ça ne te plait pas ». A l’inverse, les partisans du non, qui sont ici, pour la plupart, des partisanes mais pas seulement, se réclament de principes dits supérieurs en rapport avec la dignité humaine et la libération de la femme, et s’en prennent avec dédain à ceux dont l’humour est affublé du qualificatif d’écervelé. Des exemples ci-dessous – parmi tant d’autres :

Il ne s’agit pas ici de dire qui a tort ou a raison, pas plus que de dire si oui ou non on peut rire de tout. Nous ne pourrons tout au plus que vous renvoyer à une vidéo de Minute Papillon qui apporte quelques éléments de réponse intéressants à cette dernière question.
Car ce qu’il faut peut-être vraiment voir dans cette vidéo, c’est le virtuose de Rémi Gaillard, non pas tellement dans son humour, mais dans son utilisation et dans sa compréhension de la nature du web 2.0, sur lequel il a fondé tout son succès. Moqueur des plateaux télé et autres émissions, l’humoriste s’est toujours tenu à distance du petit écran, plus à l’aise sur son terrain de jeu initial dont il maitrise les ressorts.
Celui-ci ne semble en effet pas du tout s’émouvoir des réactions négatives, et semble même désireux d’alimenter la polémique :

En effet, le web 2.0 se focalise sur la relation et les utilisateurs. C’est le principe même des réseaux sociaux et de l’user-generated-content, qui sont les clés de voute de l’humoriste, mais aussi de toutes les autres stars actuelles du web. Mais avec la relation vient toujours sa dégénérescence, et c’est souvent le conflit et sa mise en spectacle qui prennent le pas sur le partage. Pas étonnant que fleurissent sur Internet des commentaires injurieux dans des clashs collectifs en tout genre, qui s’éloignent souvent toujours un peu plus des thèmes de départ.
Or, peut-être faut-il rappeler ici que l’humoriste a récemment sorti un film, « N’importe-qui », qui n’a malheureusement fait que 130.000 entrées. Un échec commercial qui n’a rien d’étonnant si l’on considère la nature de la notoriété de Rémi Gaillard, consubstantielle de l’avènement de cette nouvelle ère du Web.
Alors, l’humoriste en mal de popularité, qui maitrise largement les arcanes de ce vaste espace médiatique, aurait-il volontairement orchestré le Bad buzz ?
Mais plus important encore : l’avènement du web 2.0 se conjuguerait-il avec celui d’une interactivité essentiellement conflictuelle ?
 
Clarisse Roussel
Sources :
Leplus.Nouvelobs.com
Next.liberation.fr
Leparisien.fr
Unejeuneidiote.tumblr.com
Cinetelerevue.be

oculus rift
Société

Réalité virtuelle par Facebook : lubie ou stratégie ?

Oculus VR, une start-up visionnaire
Deux milliards de dollars, c’est la somme déboursée par Facebook pour l’acquisition d’Oculus VR, jeune start-up californienne dont le principal produit est le casque Oculus Rift, outil de réalité augmentée permettant une véritable immersion dans un monde virtuel. Autant dire que le fantasme de tous les amateurs de science fiction devient possible.
Palmer Luckey, 21 ans, est le jeune prodige derrière ce premier prototype. Dans son garage californien, lieu de toutes les grandes innovations faut-il croire,  le jeune homme ne s’attendait pas à voir son projet se concrétiser aussi vite.
Initialement conçu et imaginé pour le monde des « gamers », le rachat par Facebook ouvre de nouvelles possibilités avec des applications aussi diverses que celle d’assister à un cours, à des concerts,  permettre le contact entre proches, ou même effectuer des consultations médicales, etc.
Si des objets similaires existent déjà, leur champ d’application reste souvent limité à quelques domaines tels que la médecine ou même l’armée américaine, vu les coûts élevés que cette technologie exige. Palmer Luckey voulait promouvoir la réalité augmentée auprès du grand public, l’offre de Facebook vient peut-être exaucer ce souhait.

Ce à quoi pourrait ressembler une application de l’Oculus Rift à Facebook
Facebook, le serial buyer
En quelques mois, Facebook a fait plusieurs fois la Une pour ses récentes acquisitions  aux prix effarants. En effet, après 750 millions déboursés pour Instagram en 2012, 19 milliards pour Whatsapp en début d’année, sa tentative ratée de l’achat de l’application Snapchat puis les rumeurs d’achat autour de Titan Aerospace*, l’entreprise de Palo Alto semble s’être lancée dans une course à l’armement. Il est vrai que ses rachats semblent éloigner le réseau social de sa principale activité. On pourrait se demander alors, quelle stratégie vient sous-tendre cette frénésie ?
D’un côté, le fondateur de Facebook est le premier à prédire la saturation des réseaux sociaux, d’où le besoin d’élargir son périmètre d’actions. L’objectif étant d’anticiper les nouvelles tendances, investir dans celles-ci afin de s’assurer un avenir pérenne. Facebook souhaite donc renforcer sa présence aux côtés des géants du secteur (Google, Amazon…) qui semblent adopter une stratégie similaire**.
C’est ainsi que  Mark Zucherberg déclarait après le rachat d’Oculus : « Le mobile est la plateforme d’aujourd’hui, et maintenant nous nous préparons pour les plateformes de demain. »
 Par ailleurs, au delà d’acquérir des start-up, leurs innovations ou leurs brevets technologiques, Facebook investit surtout dans des équipes d’ingénieurs talentueux qui seront amenés à terme à développer leurs idées au sein de l’entreprise mère.
 Facebook ne redoute-t-il simplement pas de tomber dans la désuétude ?
A un moment où l’inventivité bat son plein, où les réseaux sociaux thématiques fleurissent et où les jeunes semblent quelque peu se désintéresser de cet ancêtre du social, le défi est de taille.
Néanmoins, le réseau social reste fort de sa base d’abonnés et de la quantité d’information qu’il détient. Monnayée à prix d’or, la publicité représente la majorité de ses revenus et lui assure le « cash flow » lui permettant d’enchainer les conquêtes.
Avec Oculus Rift, il vise désormais à être aux avant-postes de la prochaine révolution, celle des interfaces immersives. Cet achat, qui représente le premier investissement dans le Hardware, est sans doute la réplique aux Google Glass bientôt disponibles sur le marché. Cependant, les lunettes de géant de Mountain View semblent avoir une longueur d’avance : plus fonctionnelles, plus connectées, plus discrètes sur le nez, notamment après un récent partenariat avec Ray Ban.
 En fin de compte, personne ne peut prédire le prochain bouleversement du monde des nouvelles technologies. La stratégie de Mark Zucherberg sera-elle payante ? Elle a tout du moins le mérite d’assurer un portefeuille de brevets qui ne risquera plus de tomber entre les mains d’un concurrent. Il est bien là le nœud de la guerre, la concurrence farouche que se livre les géants du secteur leur impose de constamment se remettre en question, de se réinventer sans cesse. Conscient que sa puissance est éphémère, Facebook cherche à se diversifier, à explorer de nouveaux marchés, au risque parfois de surprendre.
 *fabricant de drones solaires pour son projet Internet.org destiné à étendre l’accès Internet aux endroits isolés de la planète.
**En 10ans Google a réalisé 230 acquisitions.
 Salma Bouazza
Sources :
Lemonde.fr
Nouvelobs.fr

Looking
Société

Tinder, Grindr, etc. : la drague 2.0 fête ses cinq ans

 
C’est fini ce temps-là. Le temps où on convoitait l’être cher pendant des semaines, où on suait à pleine gouttes rien qu’à l’idée de s’en approcher et où on bégayait au moment où – enfin ! – on avait réuni le courage nécessaire pour lui proposer un rancard.
Aujourd’hui, la drague ressemble de plus en plus à ça :
« – Je peux recevoir now. T’es chaud ?
– Ouais, à fond.
– Tiens mon adresse et mon tel, à toute ».
Ou comment nous sommes passés d’une communication traditionnelle romantique à une consommation charnelle chronophage.
Retour sur un phénomène qui fête tout juste son anniversaire.
Déjà cinq ans de bons et loyaux services
La première application qui s’est lancée dans la brèche a aujourd’hui cinq ans : Grindr, l’application de drague phare du milieu gay, apparaît en effet sur l’App Store le 25 mars 2009.
Le principe est simple : « l’homme idéal est à portée de clic ». Il suffit d’accepter que le programme ait accès au service de géolocalisation de votre téléphone et vous avez soudainement accès aux profils de tous ceux qui sont connectés autour de vous. C’est alors qu’un nouvel éventail de possibles s’offre à vous : soit vous décidez d’engager la conversation ou de vous laisser aborder ; soit vous échangez quelques photos ou bien vous prenez le courage d’esquisser deux-trois mots ; soit vous vous rencontrez autour d’un verre ou alors vous vous retrouvez pour un moment chaud.
Chacun est libre de faire ce qu’il veut de son corps, après tout.
Un concept repris par des dizaines de concurrents
Fière de son succès, Grindr compte pas moins de six millions d’utilisateurs dans les 192 pays où l’application est disponible. Chaque jour, pas moins de 10 000 nouveaux utilisateurs se joignent au mouvement. L’ampleur est telle que pendant les jeux olympiques de Londres en 2012, l’application tombe en panne suite à l’affluence d’athlètes sur le réseau.
Sans surprises, il n’a pas fallu longtemps pour que le phénomène quitte le gaytto pour entrer dans le quotidien de tout-un-chacun. Entre copies et innovations, place aux tristement célèbres AdopteUnMec, Blendr et autres Tinder.
C’est aujourd’hui un fait, les sites de rencontre sont devenus has been : les utilisateur ne veulent plus passer des heures à éplucher les profils que proposent Meetic ou eDarling. Avec l’explosion du numérique et des réseaux sociaux, ce que l’individu lambda attend, c’est que l’instantanéité qu’il observe au quotidien s’exprime également dans les sphères où il ne la trouve pas encore.
L’amour manquait à l’appel, mais il en fait aujourd’hui partie et ce succès est indéniable. Les athlètes de Sotchi en témoignent d’ailleurs de manière édifiante : « tout le village olympique est sur Tinder ! », raconte Jamie Anderson, qui vient tout juste de remporter la médaille d’or de snowboard slopestyle.
Un changement en devenir des relations
Auparavant, s’il fallait maîtriser les codes de la spontanéité, de la conversation et de la galanterie pour toucher l’autre, c’est désormais à travers d’autres enjeux que la communication amoureuse s’instaure et fonctionne.
Tout d’abord, il faut noter que le premier contact se fait maintenant à travers une simple photographie, nourrissant toujours davantage cette société du « spectacle dans l’image et [de] la spectacularisation de l’image », comme la qualifie Maria Giulia Dondero. En effet, l’essentiel de notre temps consiste désormais à nous entr-observer, à nous exposer, à voir si nous sommes vus et – bien sûr – à espérer l’être.
Puis, c’est l’usage des mots qui sont déterminants. Olivier Aïm insiste sur cette dimension en disant que « le mobile consacre […] le fantasme d’une communication totalement contrôlée ». Catalina Toma, professeure de Communication à l’Université du Wisconsin, affirme que ces échanges virtuels manquent cruellement de ces signes non-verbaux, comme le sourire, qui permettent aux interlocuteurs d’indiquer que le courant passe. Sur ces réseaux, il devient donc indispensable de savoir manier à la fois l’humour mais aussi la créativité et la répartie pour marquer l’écran de l’autre.
Substituer à la recherche de l’amour celle du sexe facile
Bien que l’ensemble de ces applications se présentent comme un intermédiaire entre vous et votre âme-sœur, il n’en demeure pas moins que les bonnes vieilles méthodes ne sont pas – encore – à jeter. Et oui, comme en témoignent ces avis, la seule chose que puisse vous apporter votre smartphone, c’est vraisemblablement du sexe.

Plus qu’une aide à la communication romantique, ces applications sont des tremplins à la consommation physique. Décomplexés, ludiques, rapides, addictifs et terriblement efficaces, ces nouveaux outils de communication ont tout pour vous satisfaire – ou pas.
 Il n’empêche que ce succès est révélateur d’une mutation de la société. Pascal Lardellier, professeur en sciences de l’Information, dit de ces applications qu’« on a envie de [les] regarder tout le temps, d’aller dans les quartiers où il y a du monde », si bien que l’on serait dans une « forme de réhabilitation de l’instinct sexuel, de la pulsion ».
 Il s’agirait ainsi d’être prêt à chaque instant : le tout est de savoir si vous, vous l’êtes.
David Da Costa
Sources :
Lexpress.fr
20min.ch
Lapresse.ca
Persee.fr 
Crédits photos :
Bannière : HBO

cyber-sécurité
Société

La course à la cyber-sécurité, une quête sans fin

 
 
« Grâce à la liberté des communications, des groupes d’hommes de même nature pourront se réunir et fonder des communautés. Les nations seront dépassées. » Nietzsche
 Le développement des nouvelles techniques de l’information et de la communication a marqué un tournant dans notre façon de communiquer.
Accélération des échanges, diminution de la temporalité, nos médias sont dorénavant immédiats, au point qu’aujourd’hui, un sentiment d’ubiquité nous anime. Le terme ATAWAD, cher à Xavier Dalloz prend alors tout son sens : « AnyTime, AnyWhere, AnyDevice ».
Cette ubiquité n’a aujourd’hui plus de limites, et va au delà de la « simple » communication planétaire pour rejoindre celle de l’intrusion, de la surveillance. Il est fini le temps des solitudes électroniques.
Que ce soit dans le domaine du privé ou celui de l’entreprise, de nombreuses actions sont mises en place pour faire face à ces intrusions non désirées, à cet espionnage d’un nouveau genre, tout droit sorti du 1984 de George Orwell.
Cette intrusion se traduit de manière différente qu’il s’agisse d’une organisation, d’un Etat ou alors simplement d’une personne privée.
Aujourd’hui, il est facile d’écouter un téléphone portable. Les intrusions dans la vie privée des personnes et des entreprises sont considérables. Nos systèmes électroniques ne sont pas entièrement fiables.
Récemment, 100 millions de cartes de crédit  et de comptes bancaires ont été piratés en Corée du Sud déclenchant un scandale dans le pays. De manière semblable, il y a un mois la majorité des cartes de crédit à Bruxelles ne fonctionnait plus. Ce genre d’exemples laisse place aux idées les plus folles, quand on sait que notre identité numérique implique que nous dématérialisions de plus en plus d’éléments de notre communication quotidienne.
D’un côté, les États ont un rôle important à jouer, puisqu’ils sont des régulateurs. Ils peuvent instaurer de nouvelles règles de fonctionnement.
Sur le plan de la sécurité des données, la France reste un des Etats les plus performants, que ce soit avec l’aide de Thales, ou encore celle d’Amesys dans le cadre du développement de système à capacité cryptologique. Pourtant, on apprenait il y a peu que la France faisait partie du plan de la collecte massive d’écoutes de l’Agence de Sécurité Nationale des Etats-Unis (NSA).
Sur un tout autre plan, les applications telles que Viber, Skype, Lien permettent de passer des appels audios par le biais d’Internet, rendant caduque une mise sur écoute. Mais n’importe quel individu ayant les connaissances suffisantes peut avoir accès, par exemple, au serveur tiers et prendre pleine possession des données des utilisateurs ; c’est d’ailleurs ce qu’ont connu dernièrement Orange et Snapchat pour ne citer qu’eux.
Aussi, de véritables outils pour Smartphones se développent, comme TrustCall, qui, moyennant une certaine somme mensuelle, permet de rendre la totalité des communications téléphoniques cryptées.
Plus loin encore, la société BlackPhone met à disposition un téléphone « anti-NSA » au prix d’un Iphone, permettant de chiffrer directement les communications et détruisant la totalité des informations du téléphone lors d’une intrusion.
Qu’ont ces outils en commun ? Leurs failles. Ils ne permettent pas une protection totale, ils font barrage jusqu’à un certain point,  à commencer par ce téléphone « anti-NSA » qui ne permet pas d’empêcher la collecte de métadonnées de connexion, qui s’opère au niveau du réseau.
Si certains tendent à croire que le manque de solutions à ce problème d’intrusion au niveau de l’Etat est de l’ordre d’un conflit générationnel, ce n’est pas totalement véridique.
C’est une remise en question globale sur la manière dont nous utilisons ces nouvelles technologies de la communication et de l’information qui doit être effectuée ; une prise de conscience de ce qu’est le réseau, non dans sa forme positive qui est celle de la multiplication des échanges, mais dans sa forme intrusive, qui est celle de l’interconnexion.
Il ne faut pas oublier que ces outils développés par l’homme et pour l’homme évoluent chaque jour, et la recherche d’une confidentialité totale est une quête illusoire et irrémédiablement sans fin.
 Romain Souchois
Sources :
01net.com
Lemonde.fr
Crédit photo :
Media.melty.fr

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Société

Buzz, clash, slut… Viens dans mon comic strip du web !

 
Il y a de cela deux semaines, la chroniqueuse web Jack Parker a créé du remous sur la Toile avec la publication d’un article sur son Tumblr relatant l’agression sexuelle dont elle a été la victime dans le métro. Alors oui, encore un buzz, et qui commence à dater de surcroit, mais sur lequel il faut quand même revenir.

Suite à la publication de son expérience, la bloggeuse a en effet reçu de nombreux messages extrêmement violents, voire profondément haineux, incriminant sa tenue et son comportement qui justifieraient selon certains internautes une telle agression. Des commentaires qui incarnent bien un nouveau phénomène qui a fait son apparition sur les réseaux sociaux, à savoir le slut-shaming (ou humiliation des salopes). Le slut-shaming consiste à culpabiliser et stigmatiser certaines femmes pour leur comportement ou leur habillement, jugé immoral et censé encourager l’irrespect, ou même le viol. Cette stigmatisation qui entretient l’idée que le sexe serait dégradant pour les femmes a été d’abord l’objet de dénonciations dans la rue (avec les slutwalks de féministes canadiennes et américaines), avant d’infiltrer comme de coutume le World wide web. Le phénomène est désormais en pleine expansion sur les réseaux sociaux où des adolescentes notamment se transforment en moralisatrices outrées qui s’emploient à dégrader l’image de filles « dévergondées », quitte à les amener au suicide…(1)

 
En plus d’incarner un regrettable retour vers des valeurs archaïques, ce type de harcèlement psychologique pose le problème des nouvelles formes de violence qui fleurissent sur Internet. Confortés par un sentiment d’anonymat et d’impunité, certains internautes se lancent dans des croisades discriminatrices et pimentent les forums de propos injurieux, moqueurs ou carrément vindicatifs. Tout cela renvoie à une culture du clash qui fait réellement système. De l’émission d’Hanouna « Touche pas à mon poste ! » à la télévision, aux tweet-clash en politique en passant par des articles incendiaires comme ceux de la journaliste Liz Jones, le clash est bel et bien devenu une institution communicationnelle. Devenue nouveau théâtre d’une catharsis généralisée, la toile s’avère être le lieu idéal pour l’expression de paroles extrêmes, notamment grâce à l’avènement de Twitter qui ne laisse pas l’occasion de faire dans la dentelle avec ses 140 caractères… Encourageant la parole instantanée, et les échanges sur le chaud, ce type d’application ne donne pas le temps de construire un discours réfléchi et argumenté, les raccourcis vont bon train, et le ton monte alors aisément. Peu étonnant qu’on se retrouve confrontés à des amalgames douteux, et des conclusions hâtives. En bref, Godwin avait raison (2).
Et le plus étonnant dans tout ça, c’est que l’on se complait dans ce phénomène de haine comme fond de commerce, qui n’existerait pas sans son corollaire, le « hate-reading ». Cela consiste à consulter volontairement des sites internet dont on sait pertinemment que le contenu va nous mettre hors de nous. On entretient alors un mépris exacerbé pour son auteur, ce qui n’est pas sans rappeler notre comportement face aux émissions de téléréalité actuelles systématiquement visionnées avec dédain et distance critique. De quoi faire que la haine sur le net s’auto-entretienne efficacement en somme.
Si l’on en revient au cas initial de Jack Parker, il permet de soulever une dernière aberration, à savoir le fait que le féminisme est devenu associé à des revendications extrémistes émanant de femmes jugées hystériques. S’il est vrai que de nombreuses inégalités subsistent et méritent d’être combattues, il n’en reste pas moins que le combat féministe demeure bien légitime lorsque l’on sait que les femmes sont payées en moyenne à poste et qualifications égales 25% de moins que les hommes, et que leur libération sexuelle est sérieusement remise en cause. Il ne semble alors pas absurde de s’y intéresser un tant soit peu. Après tout, cela concerne tout de même la moitié de l’humanité, non ?
 
Elsa Becquart

Sources :
Madmoizelle.com
Le « Slut Shaming »
Slate.fr
Bienbienbien.net
(1) Une jeune américaine de treize ans s’est suicidée en mai dernier après des mois de harcèlement. Des filles avaient écrit « slut » sur son casier, et elle avait reçu des menaces de viol.

(2) Godwin a établi une loi empirique qui pose que plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1.

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Société

La database du selfie

Le selfie, cet autoportrait 2.0, fait depuis quelques mois l’objet d’un usage massif et développé sur les réseaux sociaux. C’est dans ce contexte de popularité du selfie qu’a émergé le projet « Selfiecity », une étude scientifique visuelle ayant pour ambition d’étudier cette pratique de sous l’angle de la recherche et de la science.
La méthode : des savants ont ainsi rassemblé et analysé des milliers de selfies trouvés sur Instagram, provenant de cinq villes différentes (Moscou, Berlin, Sao Paulo, New York et Bangkok) pour élaborer une véritable database des types de selfies à travers le monde. Les résultats de la recherche soulignent par exemple l’adoption d’un certain angle d’inclinaison de la tête selon les pays et le type de population.
L’objectif : comprendre le phénomène du selfie et tenter de produire des connaissances sur la fonction des images que nous publions sur les médias sociaux en général. « Selfiecity » se veut être un projet de recherche scientifique qui vise à se détacher de tout jugement de valeur (notamment l’a priori selon lequel le selfie serait le signe d’un narcissisme générationnel) pour l’étudier comme un moyen de communication et comme un fait social comportemental à part entière (nous reproduirions les normes sociales et comportementales qui nous entourent). L’initiateur du projet, Lev Manivich, conçoit le selfie comme « nouvelle manière pour la société de se commenter », ce serait une pratique révélatrice d’une démarche réflexive que nous aurions les uns avec les autres.
Un tel projet révèle l’essor des recherches sur le phénomène du Web social encore récent et dont les pratiques attendent d’être éclairées pour faire avancer la connaissance sur ces nouveaux outils dont nous sommes familiers mais dont la compréhension nous échappe encore.
 
Alexandra Ducrot
Pour les résultats de l’étude scientifique visuelle du selfie : Le site du projet Selfiecity
Sources :
http://www.konbini.com/fr/tendances-2/entretien-selfiecity-base-de-donnees-selfie/
http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2014/02/24/sans-filtre-selfiecity-la-base-de-donnees-du-selfie/
Crédits photo : Selfiecity

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