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Société

Dites moi pas que c'est pas vrai !

Le 7 janvier 2015. Une date qui fait froid dans le dos et échauffe les esprits. Ce n’est pas seulement la presse qui a été « punie » d’avoir blasphémé le prophète, c’est aussi et surtout les valeurs qu’elle représente et véhicule. Par conséquent, le #JeSuisCharlie résonne comme une prise de parole à la fois individuelle et collective qui revendique la liberté de l’expression sous toutes ses formes. Le slogan est entré en peu de temps dans la mémoire collective. A tel point que les marques l’ont récupéré.
Vous n’allez pas oser ?
Et si ! Elles l’ont fait ! Comment ont-elles pu ? Pourquoi les marques ont-elles arboré fièrement le slogan JeSuisCharlie pour en faire un logo ?
Le slogan #JeSuisCharlie reprend les codes publicitaires les plus basiques : une formule brève, percutante, qui concerne tout un chacun et implique toutes les mentalités. Une formule qui devient virale, se propage jusqu’à toucher tous les continents. Pourquoi se priver de l’opportunité de se donner bonne image, bonne conscience tout en saisissant une bonne occasion de s’en mettre plein les poches ? Les marques ont bien saisi la perspective pécuniaire qui leur était ouverte par les événements d’une actualité sanglante et émotionnelle. Avouez que vous aussi vous avez été stupéfait, choqué, interloqué, bref complètement atterré quand vous avez vu cette image :

 La marque a voulu montrer visuellement sa solidarité vis-à-vis des victimes et de leurs familles. Il s’agissait de faire sa bonne action tout en construisant une image de marque compatissante, solidaire et surtout engagée qui milite pour les droits et les libertés des citoyens du monde. Rien de tel pour attirer de la clientèle en masse !
De même, « jesuischarlie.net », boutique en ligne de goodies griffés JeSuisCharlie, a eu la vie courte. En effet, quelques heures seulement après sa création, le site a dû fermer face à l’indignation générale. Le concepteur et gérant du site a dû présenter ses excuses. L’homme affirme avoir voulu « aider le journal » financièrement.

Autre exemple : les sites de vente en ligne comme ebay ou encore leboncoin, mettent en place une stratégie de vente aux enchères des numéros de Charlie Hebdo. Certains exemplaires atteignent les 75 000 euros !

Indignation, excuses bidons et condamnation.
On l’a déjà vu dans les articles de Pauline Flamant et Marie Mougin, les réactions qui font suite aux attentats ont un caractère mondial qui s’exprime notamment via les rassemblements de masse et les réseaux sociaux. Or, suite à la récupération commerciale et marchande du « logo » JeSuisCharlie, pléthore de commentaires indignés ont inondé les réseaux pour exprimer leur mécontentement. Joachim Roncin, le directeur artistique de « The Stylist » qui a créé le logo déplore l’utilisation commerciale que l’on a pu faire de JeSuisCharlie.
La marque Les 3 Suisses a même été parodiée de manière à en montrer l’abjection, l’opportunisme et l’indécence voire l’immoralisme face aux événements.

Le Petit Journal a lui aussi dénoncé en vidéo cette récupération commerciale jugée inacceptable.

De tels commentaires et parodies sont plus que déplorables pour la marque dont l’e-réputation a été entachée au plus haut point. En effet, une opinion favorable est vitale pour une marque qui ambitionne ici de devenir un géant de la vente en ligne. Sans cela, la marque bât de l’aile et adieu les clients, les ventes et les recettes, on ferme la boutique ! Par conséquent, Les 3 Suisses ont essayé de prendre en compte les critiques pour ne pas négliger l’impact irrémédiable que celles-ci pouvaient avoir sur l’image de marque. Une communication de crise était essentielle pour calmer la foule. Et voici ce qu’a répondu la marque sur son compte Twitter et Facebook :
La marque a choisi de s’excuser platement en en disant le moins possible tout en donnant des justifications quelque peu vaseuses. Mais ces justifications sont-elles de bon aloi ?
Vous avez dit « newsjacking » ?
Le « newsjacking », ou marketing en temps réel, est cette tendance à surfer sur l’actualité pour la tourner à son avantage. C’est savoir et pouvoir s’approprier l’actualité pour soi afin de servir ses intérêts et créer le buzz. Aujourd’hui les marques savent très bien saisir l’air du temps et s’en jouer. Le cas des 3 Suisses est intéressant car il illustre bien de façon aussi bien positive que négative cette tendance. La marque avait su profiter de la bévue publicitaire de La Redoute en 2012 qui avait laissé échapper un arrière-plan quelque peu imprévu sur l’une de ses publicités. La marque Les 3 Suisses avait tiré profit de la situation en jouant la carte de l’humour.

 
Mais toute l’actualité n’est pas forcément bonne à utiliser dans une stratégie de communication. Et les attentats terroristes ne peuvent définitivement pas servir impunément la notoriété d’une marque. Comment le pourraient-ils quand on sait que JeSuisCharlie porte une identité qui n’a absolument rien à voir avec celle de la marque de vêtements ? L’identité de JeSuisCharlie est symbolique, elle représente une collectivité. Même si le cas est éminemment français, c’est la communauté la plus grande qui soit, celle des citoyens du monde, qui s’est sentie agressée par les terroristes islamistes. Or, en voulant fusionner son identité de marque à celle de JeSuisCharlie, la marque des 3 Suisses s’est mis à dos cette communauté créant ainsi un véritable bad buzz. Si #JeSuisCharlie peut se comprendre comme une image de marque devenue stéréotype à laquelle adhère un collectif, elle ne peut tout bonnement pas entrer dans une logique marchande. Déjà parce-que c’est contraindre une forme d’énonciation collective à faire l’objet d’un processus marchand. C’est donc entrer en collision avec le corps social. Ensuite, c’est profiter d’une situation scandaleuse et dramatique pour la tourner à son avantage, se réapproprier ce qui est vécu collectivement pour son propre bénéfice individuel, égoïste et égocentrique. Que les choses soient claires, mettre ça sur le compte de la charité financière ou de l’expression d’une forme de solidarité n’est définitivement pas une excuse valable.
Le mieux aurait été d’afficher le logo JeSuisCharlie, façon discrète de communier aux évènements à son échelle. L’heure n’était pas à la recherche à tout prix d’une forme d’originalité dans la douleur qui se traduirait par une mise en avant singulière de soi, mais à la discrétion, ce que Pierre Zaoui appelle « l’art de disparaître ». La discrétion ou la possibilité de faire l’expérience la plus authentique et donc la plus réelle du monde. L’occasion de participer anonymement aux évènements qui ont atteint et ébranlé la sphère publique.
Jeanne Canus-Lacoste
Sources :
leblogducommunicant2-0.com
konbini.com
latribune.fr
tempsreel.nouvelobs.fr
lesechos.fr
Crédits photo :
leparisien.fr
europe1.fr
Capture d’écran du site en ligne «jesuischarlie.net», finalement supprimé le 8 janvier 2015
Capture d’écran d’une vente aux enchères du dernier exemplaire de Charlie Hebdo sur eBay
lilavert.com
leblogducommunicant2-0.com
leplus.nouvelobs.com
les-perles-du-net.fr
ladepeche.fr

Photo du site La Redoute
Publicité et marketing

The Naked Man, quand le bad buzz devient positif

L’affaire de l’homme nu de la Redoute ne vous a certainement pas échappé. Ou alors c’est que vous vivez enfermé depuis deux mois, sans la présence d’un quelconque média autour de vous. Dans le doute, et avec ma grande bonté, je vous la résume : début janvier, un homme nu a fait son apparition en arrière-plan d’une photo de vêtements pour enfants, sur le site du magazine de vente par correspondance : la Redoute.
Le gag paraît tellement énorme qu’on se demande comment personne n’avait pu s’en rendre compte jusqu’ici. La Redoute s’est platement excusée et a supprimé la photo – objet de la honte – de son site internet.
 
L’écho retentissant de l’affaire
 
Mais le mal était fait, et les internautes se sont hâtés de se saisir de cet énorme fail, pour s’en amuser, le détourner à n’en plus finir, glisser ce malheureux homme nu dans toutes les photos possibles. L’homme nu a vite basculé du côté des mèmes, aux côtés de Chuck Norris ou du Nyan Cat, et autres éléments que le web ne se lasse pas d’utiliser et d’utiliser encore, jusqu’à plus soif.
Plus d’un mois après son étonnante apparition, l’homme nu ne cesse de sévir, certains l’auraient même vu sur l’affiche de campagne de notre président candidat…

Mais les internautes n’ont pas été les seuls à se saisir de ce Bad Buzz, d’autres enseignes ont également sauté sur l’occasion, comme Les 3 suisses, le concurrent direct de la Redoute, qui a rhabillé l’homme nu avec un de ses maillot de bain, mais aussi Tipp ex (parce que, comme ils l’ont très justement dit, « On Redoute tous de faire des erreurs »), Orangina, etc.
L’histoire aurait pu s’arrêter là : l’affaire de La Redoute plus ou moins excusée, son homme nu continuant de tourner sur le web en souvenir d’un incident qui fait plus sourire qu’autre chose.
 
La réponse de La Redoute
 
Mais La Redoute en a décidé autrement, et, pour redoubler le buzz, a rebondi sur l’affaire avec une vidéo au second degré plutôt réussi, que je vous laisse découvrir.

Insister sur ses propres erreurs, c’était un choix de communication risqué à un moment où l’affaire avait encore toute ses chances d’être plus ou moins enterrée et où La Redoute pouvait reprendre ses activités normales, sans avoir perdu trop de clients. Mais c’était tout de même un pari à tenter, une bonne manière de montrer son sens de l’humour et de l’autodérision, de prouver son ancrage dans l’air du temps et sa compréhension de la culture web : de la viralité, des buzz, des mèmes, de ce besoin constant des internautes de se moquer ou tout simplement de rire de tout, de détourner sans jamais s’arrêter.
 
Le bilan
 
Alors, la stratégie de La Redoute a-t-elle été bonne ou mauvaise ? La marque aurait-elle mieux fait de se taire ? La vidéo au ton solennel, mais dont on comprend vite qu’il s’agit d’humour, de la marque a très rapidement tourné sur la toile, donnant à l’affaire de l’homme nu un nouveau rebondissement, un nouveau buzz qui a surpris les internautes d’une manière plutôt positive, sans doute attirés par le côté ludique que proposait la vidéo. Le jeu a réellement été mis en place : La Redoute avait caché dans son site 14 photos truquées que les internautes devaient retrouver.
Et en effet, il semble que le bilan ait été plutôt positif pour La Redoute. D’après le Petit Web*, la mise en place du jeu aurait généré un trafic croissant sur le site de la marque, une augmentation du nombre de fans sur sa page Facebook, ainsi que de nombreux échanges de tweets aux contenus en grande partie positifs.
Produire du commentaire et de la conversation, n’est-ce pas le principe d’un buzz réussi ?
Il semble donc que s’emparer de son propre bad buzz pour le tourner à son avantage ait été un succès pour la marque : elle a montré son sens de l’humour et a généré un important trafic sur son site internet. Tout bénef pour elle.
Elle peut donc remercier le monsieur qui se baladait tout nu les pieds dans l’eau ce jour-là, et on peut en faire autant : on n’ira pas forcément s’acheter des vêtements chez La Redoute grâce à lui, mais au moins, on a bien rigolé !
 
Claire Sarfati
Source :
Petitweb.fr
Crédits photos et vidéos :
©La Redoute

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