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Mais t'es où ? Pas là ! – L'absence en communication

L’éclipse, selon le prisme que l’on prend, peut tout à la fois désigner une disparition ou une occultation. On parle d’éclipse médiatique lorsqu’un évènement est tellement relayé qu’il vient recouvrir toutes les actualités restantes. Mais il est également intéressant de voir, en jouant sur les mots, qu’il existe d’autres formes d’éclipses médiatiques : celles savamment orchestrées où l’on disparaît, et où l’on joue de l’absence pour créer du désir.
Alors quel sens à l’absence ?
Un ogre nommé média

Les médias se caractérisent par l’abondance, ils se nourrissent en permanence et, comme les tonneaux des Danaïdes qui se vident à mesure qu’on les remplit, les médias ne sont jamais pleins. Ce flux continu se caractérise par la hantise du vide et de l’absence. Si le contenu vient à manquer, le média se meurt. Leur existence dépend de ce qui est présent, de ce qui est là, voire de ce qui a été là. C’est bien la définition de la trace photographique, présence disparue, dont parle Roland Barthes et son « ça-a-été » dans La Chambre claire.
Les médias, jamais rassasiés, dépendent donc d’une présence pour exister ; la présence les anime, les nourrit, les conduit. Et l’effet de médiation crée lui-même une présence (une compagnie, une communauté, une assiduité, un message etc.). A ce titre, dans « Si j’étais médiologue… », Daniel Bougnoux rappelle que le propre du média est de se faire oublier en simulant une présence immédiate : « Les médias ont le même fonctionnement autoraturant que les signes : le téléphone ou la télévision, quand ils débitent bien, m’apportent l’illusion de la présence vive; de même, au comble de l’émotion participative, j’oublie le volume imprimé du roman ou la salle de cinéma. » Ainsi le média s’auto-annule en se faisant oublier, il s’auto-rature.
Mais là où les médias y voient l’échec et la mort, certains perçoivent les qualités de l’absence, à l’image des couples pour qui « le manque entretient la passion ». Prendre le contrepied de cette omniprésence médiatique peut faire de l’absence un outil communicationnel fort. Le but de cette absence orchestrée est alors de générer du manque : un manque que les médias ne supportent pas et qu’ils vont se dépêcher de combler.

« On m’voit, on m’voit plus »
L’absence est proche du sacré et du mystique. Le spectre, le fantôme n’est pas autre chose qu’une présence absente (ou une absence présente). Et la star des absents omniprésents, c’est Dieu, bien sûr. Dans la pièce de Beckett En attendant Godot, eh bien, on attend Godot mais il ne vient jamais. Qu’incarne God(ot) si ce n’est Dieu lui-même ? Ce grand absent est néanmoins présent avant même d’avoir vu, ou même lu, la pièce et c’est un personnage dont l’absence a fait couler beaucoup d’encre. La représentation pose ainsi la question d’une absence que l’on pallie en rendant présent, choix pour lequel Beckett n’opte délibérément pas. Grande absente du 21ème siècle, Lady Diana est pourtant présente chez les grand-mères anglaises et dans les médias. Puisque représenter est rendre présent, la dualité entre sa mort et sa présence médiatique procède d’une sacralisation de sa personne.
En communication politique, on retrouve cette idée de l’absence sacrée lorsqu’une personnalité politique programme son absence de la scène médiatique. Il disparaît volontairement quelque temps, les médias se questionnent. Lorsqu’il revient, en présentiel, ce nouvel homme providentiel est plus présidentiel que jamais. Cette « traversée du désert » (expression biblique par ailleurs) qu’a expérimentée De Gaulle dans les années 1950 fait de l’absence un outil politique important, se soldant par une présence médiatique renforcée (surtout quand on en profite pour écrire ses Mémoires).

C’est sur ce modèle disparition/apparition, peut-être, que Radiohead a récemment et volontairement disparu de la toile le temps d’une journée. Page blanche sur Facebook, Twitter et Instagram, le groupe fait une sortie remarquée. Radiohead a disparu pour mieux réapparaître le lendemain, sous les projecteurs, avec la diffusion d’un clip exclusif. Orchestrer son absence crée le désir, et le groupe a pu de ce fait profiter du focus médiatique. Dans l’absence se dissimulent alors des enjeux de pouvoir et de maîtrise de la relation. Quelques semaines plus tard, c’est d’ailleurs l’absence de la présentatrice Maïtena Biraben au Grand Journal qui fait parler d’elle : conflit avec l’équipe ? mise à pied ? démission ? Des suppositions toutes démenties par la principale concernée, mais qui en disent long sur les connotations polémiques de l’absence.
Daft Punk ? – Présents !
Les « Daft Punk » sont un cas d’école. Toute leur communication repose sur l’opposition absence/présence. Ils jouent de leur absence. Sans parler du peu d’images que nous avons d’eux, ils ne donnent jamais d’interview, leurs concerts sont très rares et leurs actualités ne sont liées qu’à leurs albums. En 2013, un simple visuel lâché sur les réseaux sociaux a suffi à alerter la planète entière de leur retour. Même lorsqu’ils sont là, leur présence n’est pas entière à cause des masques (à quoi ressemblent-ils aujourd’hui ? Est-ce bien eux derrière leurs casques ?, autant des questions qu’on pourrait poser). Pourtant, malgré cette absence manifeste, les Daft Punk ont une aura médiatique importante et ils demeurent perpétuellement présents via leur musique.

Leur absence symbolise ainsi l’effacement derrière l’œuvre. Leur musique existe et demeure lorsqu’eux ne sont que rarement présents. La rareté entretenue par le groupe galvanise et crée un tel manque qu’à leur retour, l’engouement public et médiatique est exemplaire.
C’est en jouant sur cette rareté de l’œuvre d’art que le réalisateur Robert Rodriguez présente – ou plutôt ne présente pas – son nouveau film « 100 years » au Festival de Cannes. Le concept de ce film repose entièrement sur l’inaccessibilité et l’absence. En effet, il ne sera présenté, et disponible, qu’en 2116. Autrement dit, aucun de nous ne le verra. Pourtant, les acteurs, John Malkovitch par exemple, en font la promotion, et un premier teaser, assez opaque, a été diffusé. Le coup de maître est de mêler à nouveau présence et absence : il y a promotion et exposition (il voyage de pays en pays dans un coffre) d’un film absent, dans le sens où personne ne le voit. Personne ne sait d’ailleurs si ce film a réellement été produit et réalisé. Ce film se réduit dès lors à son objet, sorte d’arche perdue (le teaser rappelle cet univers de l’aventure) et devient un pur objet d’exposition et de désir.

Ainsi l’absence n’est pas toujours synonyme d’échec ou d’oubli dans les médias. Au contraire, lorsqu’elle est maîtrisée, elle se révèle souvent être un outil communicationnel hors-pair. A l’heure où apparaissent le « 0 % », le glutenfree et les expos d’art sans œuvre exposée (héritières du « 4’33’’ » de John Cage), on peut questionner l’absence comme nouvelle tendance pour se garantir une empreinte médiatique et sociale.
Emma Brierre
LinkedIn
Sources: 
« Du désoeuvrement : Blanchot ou l’absence… », Florence Chazal, Tangence, n° 54, 1997, p. 18-28.
Libération, Pourquoi vous ne trouvez pas beaucoup de vidéos de Prince, 21/04/2016, Gurvan Kristanadjaja
L’Express, Daft Punk: le buzz programmé par l’absence, Loïc Le Clerc, 16/01/2014
Kulture Geek, Radiohead retour sur internet avec un clip totalement barré, 3/05/2016
Y.JEANNERET & E.SOUCHIER, L’image absente de Diana, Communication et Langage, Année 1997, Volume 114, Numéro 1, pp. 4-9
Crédits: 
L’espace littéraire, Blanchot 
Columbia
Dreamworks – 9gag
Tumblr degau2le
Youtube

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Feu vert pour Coca-Cola ?

En 2015, Coca-Cola se veut vert et sain.
Après le coca light, le coca zéro ou encore le coca cherry, la famille de la bien connue entreprise d’Atlanta s’agrandit en France avec la commercialisation du Coca-Cola Life. Un nouveau soda dit naturel qui depuis 2013 fait déjà ses preuves en Argentine et au Chili. Mais quelle est sa différence ? Plus léger qu’un Coca classique, plus calorique qu’un light, cette nouvelle gamme est composée de stévia, une plante dont l’extrait se substitue à l’aspartame, célèbre pour son aspect néfaste sur notre santé. Un nouveau Coca qui en fera sourire plus d’un au vu de la réputation peu écologique de la marque américaine. Alors soif d’avidité pour la multinationale ou bien réel intérêt pour la santé du consommateur ? Cette nouveauté parviendra-t-elle à se hisser au même rang que ses sœurs light et zéro ou figurera-t-elle dans la déjà longue liste des innovations peu convaincantes de la marque et déjà oubliées de tous ? (Quelqu’un se souvient-il du Coca-Cola BlāK corsé intense ?)
Dorénavant pour Coca-Cola, green is the new red.
Se diversifier, toujours
Depuis maintenant deux ans, les ventes de produits Coca-Cola connaissent une baisse de régime. Si en 2012 celles de la gamme classique progressaient de 3%, en 2013 elles n’atteignaient que 1% en moyenne. Face à ce déclin, Coca-Cola innova avec la campagne « Partagez un coca avec » : Un véritable succès qui reboosta les ventes. Qui n’est pas déjà parti à la recherche de son prénom dans les rayons d’un commerce de proximité ? Coca-Cola Life se présente alors comme un nouveau moyen de relancer les ventes et ainsi conquérir un public jusqu’à présent peu exploité sur ce terrain.
Ces derniers temps la tendance voulait que les consommateurs dépensent moins en sodas classiques pour davantage se focaliser sur ceux « naturels ». Un nouveau segment marketing qui commence à gagner de l’ampleur et où Coca-Cola, avec sa nouvelle boisson, pourrait s’imposer comme première référence. Coca-Cola Life apparait donc comme une décision avant tout très stratégique. Un réel intérêt de Coca-Cola pour ses consommateurs ou bien une action purement marketing dans le but de valoriser le sien ?
Pour que chaque goutte compte
Coca-Cola a toujours réussi à s’adapter à la demande de ses consommateurs: une version light pour les femmes ou encore une zéro calorie pour une cible davantage masculine. Mais avec cette nouvelle version, qui est principalement visé par la multinationale ? Une cible plutôt compliquée à définir sachant que l’étiquette Coca-Cola ne se marie pas très bien avec celle du bio ou du vert. Un challenge pour la firme qui s’aventure dans ce marché où les consommateurs font attention à leur corps, à leur environnement et se méfient des produits chimiques ajoutés aux produits alimentaires industriels. Coca-Cola Life permettrait également d’améliorer son image en Europe, affectée par les campagnes anti-aspartame plombant les ventes de son Coca-Cola Light. Coca-Cola s’adapte alors aux transformations de la consommation tout en conservant les plus fidèles à la marque. Une idée d’adaptation qui se retrouve notamment dans les spots publicitaires argentins « Primer Beso » et « Ser Padres »

La compagnie nous propose ainsi de « découvrir notre nature » aux travers d’étapes marquantes de la vie, le premier baiser, devenir parent. Des publicités remplies d’émotions jouant sur les codes classiques de Coca-Cola tels que la famille, les joies du partage ou la réunion des générations.
Reste à savoir si à présent les réticents aux produits du géant d’Atlanta souvent perçus comme mauvais pour la santé seront séduits par cette boisson naturelle.
Coca-Cola Life, le prochain New Coke ?
A peine son nouveau produit lancé, Coca-Cola semble d’ores et déjà faire quelques erreurs qui pourraient lui être fatales. Commercialisées depuis le 4 décembre, les bouteilles de Coca-Cola Life se font rares dans nos rayons ainsi que sur nos écrans de télévision. Coca-Cola communique certes sur sa nouvelle boisson, mais cette communication demeure assez restreinte. Il faudra alors attendre le 22 décembre pour voir apparaître un premier spot très sobre d’une vingtaine de secondes pour Coca-Cola Life.
Quant à son élaboration, Coca-Cola Life a le mérite de se vouloir sain, mais cela traduit une erreur dans son message, une tromperie marketing. En Europe, l’usage de la stévia pure étant interdit, il s’agit en réalité de l’usage de sa substance édulcorante, la rébaudioside, dont l’extraction n’a en définitive rien de naturel…

Quelques points noirs qui pourraient faire préjudice à l’entreprise américaine qui dans le passé a déjà eu à faire à des échecs commerciaux qui lui coutèrent cher. L’exemple le plus emblématique est évidement le New Coke qui devait concurrencer Pepsi mais qui, finalement, fut l’une des plus grandes erreurs de Coca-Cola. Cette quasi absence de communication pourrait donc être vue comme une décision venant de la multinationale afin de limiter un possible échec et ainsi ne pas tomber de haut.
Comme le dit l’entreprise avec son slogan, les choses sont meilleures avec un Coca-Cola, mais le seront-elles encore plus avec de la stévia ?
Félix Régnier
@filgato
Sources :
leplus.nouvelobs.com
rtl.fr
lefigaro.fr
dailymail.co.uk
huffingtonpost.com
cocacolaweb.fr