Culture

Téléréalité : business, influences, idoles

Que nous aimions ou non la téléréalité, il y a forcément un moment où nous y avons été confrontés : en zappant, pendant les vacances, par simple curiosité, ou bien par habitude, même si certains parfois ne l’avouent pas. Comme l’affirme le journaliste Jeremstar dans sa récente autobiographie, la téléréalité a pris un tournant grâce à l’avènement de Snapchat, Instagram et Twitter. Les candidats ne prennent plus part à la télé-réalité pour l’expérience, mais pour l’argent, le business.
Métier : candidat de téléréalité. Vraiment ?
Aussi incroyable que cela puisse paraître, être candidat de téléréalité est devenu un métier à temps plein. Bronzer autour d’une piscine, faire la fête en boîte de nuit, se mettre en couple à l’écran, voire être trompé sont des activités très lucratives. Les réseaux sociaux deviennent de véritables extensions des programmes qui nous sont proposés. Chaque candidat utilise son Snapchat, son Instagram pour recréer une sorte de nouvelle téléréalité. Il en est le réalisateur et évidemment, le principal acteur. En ouvrant leurs stories, nous pouvons découvrir un format semblable aux émissions. Un processus communicationnel narcissique et divertissant, mais plaisant pour le spectateur, qui se sent plus proche de la personnalité qu’il a pu apprécier à l’écran. Il se sent invité à vivre son quotidien avec lui, en dehors des programmes. On assiste alors à une scénarisation de leur vie (ou du moins la partie qu’ils veulent bien montrer) qui est rythmée par leurs sorties en clubs, leurs règlements de compte truffés de grossièretés avec d’autres candidats, ou encore leurs vacances dans des lieux bucoliques.

Puis, comme dans un média traditionnel finalement, les vidéos éphémères sont entrecoupées de nombreuses pauses publicitaires. Sont présentés avec des codes promotionnels, des kits de blanchiments dentaires, des thés détox, des produits et accessoires de beauté en tout genre. Mais tout ceci est loin d’être du bénévolat : les candidats sont rémunérés pour leurs placements de produits, et très grassement selon leur notoriété. Nous entrons ici dans une logique de course aux followers : plus le candidat « buzz » et fait parler de lui dans un programme, plus il est suivi sur ses réseaux sociaux, plus les marques veulent établir de juteux partenariats avec lui, et ainsi de suite… Certains évidemment, « coûtent » plus cher que d’autres et ont réussi à se faire un nom dans le monde de l’entreprise. C’est le cas de Julien Tanti, qui a sa propre marque de vêtements, une pizzeria, un salon de coiffure et de tatouages… Ou encore sa comparse des « Marseillais », Jessica Thivenin, qui a son propre salon de beauté. Ces candidats très populaires se sont hissés au sommet de cet empire du vide. Ils font de leur propre personne un véritable commerce, une marque à part entière, et gagnent de 3000 à 50 000€ par mois. Astronomique pour des personnes qui sont surtout connues pour leurs perles dans les zappings tv, n’est-ce pas ? Dès lors, nous pourrions les considérer comme des self-made men, des artisans de leur propre réussite à partir de presque rien, à la vue de leur ascension fulgurante en seulement quelques années.

Les nouvelles idoles des jeunes ?
Certains articles sur ce sujet affirment que la tranche d’âge concernée par la téléréalité serait les 15-30 ans. C’est là qu’ils se fourvoient. Les personnes ayant entre 20 et 30 ans actuellement ont, certes, grandi avec la téléréalité : des programmes comme Secret Story ou la Star Academy ont agrémenté leur enfance ou leur adolescence. Mais les idoles de l’époque étaient plus Lady Gaga, Pitbull ou encore les héros de High School Musical, que les candidats de téléréalité.
En revanche, dans la nouvelle téléréalité, qui est devenue un business et non plus un simple jeu, ce sont les 10-18 ans qui sont le plus concernés. Nous pouvons le constater tout simplement en regardant les réseaux sociaux des candidats : les commentaires et les réactions sont ceux des plus jeunes. Le plus souvent, ceux qui font le déplacement lors de rencontres, de meet-up, sont des préadolescents, des adolescents, voire parfois des plus petits.
Que nous le voulions ou non, la téléréalité fait parler d’elle et fait partie des mœurs. Ce n’est pas un succès éphémère comme certains l’avaient prédit. Cela va bientôt faire 17 ans, depuis avril 2001, date de la première diffusion du Loft Story sur M6, que des programmes en tout genre rythment nos vies et exercent une certaine influence. Des candidats, voire des « personnages » se sont démarqués, ils font désormais partie intégrante de la culture populaire. Les téléspectateurs, quant à eux, ne semblent pas se lasser d’un concept qui est pourtant lassant, tant il reprend sans cesse les mêmes thèmes, schémas et structures. Le déclin de l’empire financier et culturel du vide va-t-il être provoqué par un manque de renouveau ?

Florence Arnaud
LinkedIn : Florence Arnaud
 
Sources :

Jeremy Gisclon. Jeremstar par Jeremy Gisclon, ma biographie officielle. Éditions Hugo Doc, 2017. ISBN : 9782755632057.
Mustapha Kessou. Star de la télé-réalité, un métier en or, Le Monde, publié le 10/06/2017. Consulté le 31/10/17.
Agnès Chauveau. La téléréalité, l’opium des jeunes ?, Huffington Post, publié le 24/10/2013. Consulté le 31/10/2017.
Jean-Baptiste Duval. Les Marseillais vs le Reste du monde : le vrai business des stars de l’émission de télé-réalité, Huffington Post, publié le 04/09/2017. Consulté le 31/10/17.
Amandine Pointel. Le placement de produits, nouveau business pour les candidats de télé réalité, Le Parisien, publié le 22/02/17. Consulté le 31/10/17.

 
Crédits photos :
N°1 : Fanch Drougard / W9
N°2 : Capture d’écran de la chaîne YouTube « Snapchat Red » qui recense les vidéos Snapchat polémiques des candidats.
N°3 : Capture d’écran d’une photo provenant du compte Instagram de Jessica Thivenin.
N°4 : France 3 Champagne-Ardenne / A.Blanchard
 

Société

Twitter, de liberté à despotisme ?

Natifs des années 90, sommes-nous déjà dépassés ? C’est l’impression que bon nombre d’entre nous pourrait ressentir face à Twitter. Pour nous, ce réseau social n’a longtemps été qu’une alternative sans intérêt à Facebook, utilisée principalement par nos petits frères de l’an 2000 qui y écrivaient sans retenue ce qui leur passaient par la tête. Pourtant, si en ce début 2016 toutes les entreprises, marques et personnages publics sont sur Twitter, c’est que son pouvoir d’influence est reconnu. A l’heure où même le gouvernement s’exprime en tweets, une question mérite d’être posée : Quelle place occupe Twitter dans le développement de l’identité des marques ? Focus sur sa puissance infinie.
Un réseau social décomplexé
Les « twittos » expriment leur avis sur tout, de la météo aux programmes télé, n’hésitant pas à être moqueurs ou à montrer leur désaccord sur tel ou tel sujet. Sujet qui se situe le plus souvent dans l’actualité de masse, du moins en ce qui concerne les tweets qui font le buzz. Là se cache d’ailleurs le secret du pouvoir dangereux de Twitter : la liberté totale, sans aucun scrupule, d’expression. En 140 caractères et sans autre forme d’analyse, les utilisateurs lambda n’hésitent pas à donner leur avis sur le dernier discours du premier ministre, ou encore la dernière campagne publicitaire de telle entreprise. D’ailleurs, le but de Twitter est initialement de pouvoir partager rapidement les derniers faits d’actualité : les twittos cherchent ainsi à faire le buzz en écrivant avant les autres le jeu de mots, la réflexion, la tournure de phrase qui collera parfaitement avec une situation du quotidien, ou bien le tout dernier scoop.
Un tweet qui réussit à faire le buzz, c’est un tweet qui fait rire par son sarcasme, auquel les utilisateurs du réseau social s’identifient. Un bon tweet réunit les twittos autour d’une pensée générale, dans la logique du « on est tous dans le même panier et on se serre les coudes ». Les entreprises ont vite compris comment exploiter cette tendance, de sorte que nous pouvons être certains que chaque grande entreprise, soucieuse de maîtriser son identité de marque, possède aujourd’hui son compte Twitter géré par une équipe de community managers. En twittant, l’entreprise interagit en effet directement avec ses potentiels clients ou collaborateurs, et renvoie ainsi une image d’entreprise moderne et soucieuse de répondre aux besoins de ceux-ci. En plus de mieux cibler ses consommateurs et leurs attentes, être active sur Twitter permet également à l’entreprise d’y contrôler son image…

Cauchemar des entreprises
Le problème, c’est que les twittos n‘hésitent pas à râler s’ils ne sont pas satisfaits, et que certains hashtags créés deviennent rapidement viraux, ternissant ainsi devant la twittosphère entière l’image de telle ou telle entreprise. Voulant alors re-fidéliser leurs consommateurs et redorer leur image, les entreprises suivent de très près les hashtags populaires les concernant, et s’en inspirent directement pour modifier une campagne, un produit, et même leur politique. Pensons au récent énorme scandale, sous le nom du hashtag #wheresrey, qui s’est produit sur Twitter. Suite à la sortie du film Star Wars VII, de nombreuses photos des rayons jouets ont circulé sur le réseau social. La raison ? Parmi tous les produits dérivés du film, presque aucun d’entre eux ne fait référence à la nouvelle héroïne de la saga, Rey. L’exemple le plus frappant est l’absence de Rey dans le jeu de Monopoly produit par Hasbro.

Les twittos ont dénoncé un sexisme rétrograde de la part des industriels du jouet et ceux-ci, ayant pris conscience de l’ampleur des dégâts, se sont emmêlé les pinceaux dans des excuses et des explications qui ne tiennent pas la route. Hasbro a finalement annoncé qu’une nouvelle vague de jouets, notamment de Monopoly, serait bientôt disponible avec, cette fois-ci, Rey bien présente (ce qui serait la moindre des choses).

Lucasfilm a d’ailleurs retardé la sortie de Star Wars VIII à mai 2017 afin de pouvoir y développer davantage l’importance du rôle de l’héroïne… Ainsi, si les twittos ont le pouvoir de faire plier Lucasfilm, on peut penser qu’ils ont un certain pouvoir de décision sur n’importe quelle entreprise.
Les bourreaux des plus grands, 53% d’adolescents ?
Plus de la moitié des utilisateurs de Twitter sont des adolescents. Des enfants de 12-13 ans dirigeraient alors le monde du business ? Pas exactement. Très actifs en matière de tweets et de création de hashtag viraux, les adolescents de Twitter ont une influence énorme sur ce dont ils sont consommateurs, comme certains programmes télé ou les producteurs de jeux vidéo. C’est ainsi qu’après avoir en septembre 2014 dit que ceux qui jouaient aux jeux vidéo « n’avaient rien d’autre à foutre de leur vie », l’animateur de Canal+ Antoine de Caunes avait dû trois jours plus tard s’excuser publiquement d’avoir tenu de tels propos. Ou alors que Microsoft a dû en 2013 revenir sur certains aspects de la Xbox one (notamment la connexion obligatoire à Internet) après sa commercialisation.
Alors les twittos, des despotes 2.0 ? Le terme est un peu fort, surtout qu’ils seraient plutôt des despotes inversés puisque ici, c’est la masse qui réussit à influencer et faire changer d’avis les « puissants » que sont les grosses entreprises. Sur Twitter, la démocratie a atteint son paroxysme : la masse fait peur et a le dernier mot. Les marques n’imposent plus leur produit à un public passif, mais s’adaptent aux caprices de ce public. Cependant, ne nous réjouissons pas trop vite : nous parlons là d’entreprises ou de personnages publics qui s’inspirent de Twitter pour construire leur identité de marque. Les vrais despotes, eux, n’ont que faire des hashtags les concernant, aussi viraux soient-ils.

Camille Pili
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Sources :
L’Obs, Xbox one: le grand cafouillage de Microsoft, 23/05/2013 
XboxFrance.com, XBOX one: la polémique sur les jeux d’occasion, 20/09/2013 
Le Figaro, Xbox one: face à la colère des joueurs, Microsoft fait marche arrière, 20/06/2013
Vidéo YouTube: CRUSOE 3 – Ep.18 : L’AVIS D’INTERNET ! – Fanta et Bob dans Minecraft
Syfantasy.com, Du Where is Rey au report de Star Wars VIII: Lucasfilm aurait-il sous estimé ses personnages ?