Société

Princesse au chômage recherche célébrité précaire

Le marketing genré s’affiche comme la formule magique des marques pour doubler les ventes. Cependant, face aux nombreuses critiques, notamment concernant les Disney Princesses, les marques tentent d’adapter progressivement leurs stratégies publicitaires, à l’image de Vaiana, nouveau film d’animation de Disney, au succès impressionnant. Actuellement, le marketing genré est-il toujours justifié ?
L’empire Disney Princesses
Créée en 1999, Disney Princesses, franchise de Walt Disney Company, vend toutes sortes de produits dérivés à l’effigie des princesses Disney, allant du simple dentifrice à la robe de mariée. Les héroïnes de ce clan très select – Blanche-Neige, Cendrillon, Aurore, Ariel, Belle, Jasmine, Pocahontas, Mulan, Tiana, Raiponce, Mérida et enfin Elsa – sont l’une des principales sources de rentabilité pour Disney.
La Reine des Neiges, film d’animation au plus grand succès, fait la fortune de Disney avec une licence à prix d’or, la plus chère sur le marché du jeu du jouet français en 2015. Mais quelle est la formule magique qui se dissimule derrière ces contes de fées ?
Top 5 des licences en valeur sur le marché du jeu et du jouet français en 2015

Mais quelle est la formule magique qui se dissimule derrière ces contes de fées ? Le marketing genré, formule magique ?
Exploitant le désir des femmes de se faire belles et d’exposer leur identité sexuelle, Disney le transforme en addiction. En témoigne l’omniprésence du mot « princesse » dans l’univers des petites filles grâce des techniques de marketing genré.
Le marketing genré ou gender marketing consiste à adapter la politique marketing en fonction du caractère masculin ou féminin de la cible, selon Bertrand Bathelot, professeur agrégé de marketing.
Très employé pour cibler enfants et adolescents, il permet de doubler les ventes au sein d’une même famille. Par exemple, pour une famille comportant un garçon et une fille, les parents n’achèteront plus un seul vélo mais un vélo « pour fille » et un vélo « pour garçon » !
Afin de marquer des jouets désormais sexués, la couleur rose n°241, paillettes et princesses sont au rendez-vous. Bienvenue sur la planète rose !
La culture girly (1) a pour objectif de fidéliser le consommateur dès son plus jeune âge. Couplée aux techniques de marketing genré, Disney effectue un marketing par âge. La culture girly ne s’arrête donc pas à l’arrivée de l’adolescence avec des célébrités comme d’Hannah Montana, Violetta ou Soy Luna.
À chaque âge son personnage ! Ainsi, le parcours du consommateur type commence avec Winnie L’Ourson suivi de Mickey. Le marketing genré apparaît vers 3 ans chez les filles avec les poupées Animator’s, à 5 ans avec les Disney Princesses, puis c’est les W.I.T.C.H et les programmes télévisés au début de l’adolescence.
Cette poupée, ce cadeau empoisonné
Déjà évoqué par Roland Barthes dans ses Mythologies, le jouet ou jeu d’imitation (2) – la dinette – permet à l’enfant d’intégrer certains rôles sociaux et de renforcer les stéréotypes de sexe.
Même si chacun est libre de dicter à Cendrillon sa destinée dans la cour de récré, son rôle premier, celui qui est fixé à l’écran, reste cependant déterminant dans la construction de l’imaginaire. Dans la plupart des cas, la poupée se transforme en jouet d’imitation, d’où l’importance capitale des rôles donnés aux princesses et actuellement très controversés.
Coupez-lui la tête !
Le rôle réducteur des princesses est fortement remis en question.
Très souvent, le mariage avec le prince charmant apparaît comme seul moyen d’épanouissement. Leurs activités sont peu modernes voire sexistes : travail obsessif sur leur apparence, taches ménagères et attitude passive.
Les relations interféminines sont souvent stéréotypées, conflictuelles et manipulatrices. Les femmes de pouvoir sont les « méchantes » : qui ne se rappelle pas la reine de Blanche Neige et d’Ursula de la Petite Sirène ? Même Elsa, traitée de sorcière, renforce le stéréotype attaché au lien entre pouvoir et féminité.
Leur physique, qui leur permet d’être repérées par le prince charmant, est conçu selon des standards inatteignables (minceur extrême, grands yeux, petits pieds). Loryn Brantz, graphiste américaine montre l’écart entre leur physique et une allure plus « normale », accusant Disney de participer à la création de complexes chez les jeunes filles.

À ces critiques s’ajoutent celles concernant la couleur de peau, l’absence d’ handicap ou de membres de la communauté LGBT. En mai 2016, les internautes s’étaient d’ailleurs mobilisés, via le hashtag #GiveElsaaGirlfriend pour qu’Elsa devienne la première princesse lesbienne.
Un vent d’ouverture apaise les tensions
Depuis quelques années, de nombreuses marques ont entrepris des initiatives innovantes, plus adaptées et à l’écoute des changements sociaux.
Ainsi, Mattel a modifié cette année ses Barbies en proposant des morphologies plus diversifiées et réalistes. GoldieBlox, entreprise américaine de jouets, propose aujourd’hui des jeux de construction pour filles. Et l’année dernière, les Magasins U ont lancé un catalogue de jouets sans distinction de sexe, avec des petits garçons jouant à la poupée ou une petite fille bricolant.

Parallèlement, une vague pro-féminine s’est emparée de certaines marques. À l’instar de Dove, Pantene, ou Always, la tendance est à l’empowerment, comme la campagne communicationelle d’Always « #CommeUnefille ». Certes, il s’agit toujours d’un marketing genré pour des produits s’adressant exclusivement aux femmes.

S’agit-il alors d’une avancée, ou seulement d’une régression déguisée sous des airs de « girl power » ?
Bientôt une nouvelle collection Disney Aventures ?

Le dernier film d’animation produit par Disney, Vaiana, est d’un tout nouveau genre. Pas de prince charmant à l’horizon, Viana n’a qu’un seul amour, l’Océan. Elle s’agrippe à ses rêves, prenant de nombreux risques pour vivre sa passion. Au physique bien plus « normal », Vaiana est authentique, franche et assumée.

Dans la même veine, le film franco-canadien Ballerina confirme cette tendance en mettant en scène une petite fille qui rêve de devenir danseuse étoile.

L’ambition est enfin à l’écran et cela plaît. Seulement quelques jours après sa sortie, Vaiana atteint déjà les 15.9 millions de dollars de recettes, devançant les résultats de la Reine des Neiges.
Avec ce virement stratégique prometteur, à quand une nouvelle collection Disney, avec de véritables métiers, pour que les petites filles d’aujourd’hui puissent se rêver en aventurières, astronautes, journalistes, avocates ou médecins ? Affaire à suivre….
Flore DESVIGNES
LinkedIn

(1) Culture girly : mouvement de mode, apparu au début des années 2000 qui désigne une attitude que les jeunes filles aiment se donner, obsédée par leur apparence et ultra féminine. C’est la culture du rose et des couleurs vives, des strass, des paillettes, de la fausse fourrure2, des jupes etc. Le mouvement girly se retrouve dans les séries de télévision, le cinéma, le maquillage, la musique, la mode, les blogs avec par exemple Hello Kitty, Katy Perry, Lolita, Disney Princesses.

(2) Jeu d’imitation : selon le Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le jeu d’imitation s’appuie sur la reproduction différée de scénarios de la vie courante.

Sources :

• DENJEAN, Cécile, “Princesses, pop stars & girl power”, Arte. Paru en 2012. Consulté le 29 décembre 2016.

• Princesses Disney, Wikipédia, Consulté le 29 décembre 2016

• L.D. “La Reine des Neiges ou : quand Disney avance d’un pas et recule de trois.”, Le cinéma est politique. Paru le 23 décembre 2013. Consulté le 29 décembre 2016.• SOTINEL, Thomas, “Chez Disney, la princesse a du mal à s’émanciper”, Le Monde. Paru le 19 novembre 2013. Consulté le 28 décembre 2016.

• LUCIANI, Noémie, “« Vaiana, la légende du bout du monde » : l’héroïne de Disney qui préfère la mer au prince charmant”, Le Monde. Paru le 25 novembre 2016. Consulté le 28 décembre 2016.
• HARRIS Aisha, “«Vaiana» ou la fin (tant attendue) des contes de fées chez Disney”, Slate. Paru le 30 novembre 2016. Consulté le 28 décembre 2016.

• LE BRETON, Marine, “Vaiana, la nouvelle héroïne Disney qui fait du bien aux petites filles”, Le Huffington Post. Paru le 27 novembre 2016. Consulté le 28 décembre 2016.

• CHARPENTIER, Aurélie, “Disney, le grand manitou du divertissement”, E-marketing. Paru le 1er avril 2007. Consulté le 28 décembre 2016.
• « Girly », Wikipédia. Dernière modification le 26 octobre 2016. Consulté le 7 janvier 2017.

Crédits:

• Alexsandro Palombo, Life is not a fairytale

• Top 5 des licences en valeur sur le marché du jeu et du jouet français en 2015, source panel Epsos, lsa-conso

• Loryn Brantz, graphiste et journaliste chez Buzzfeed

• Les Magasins U, Catalogue de Noël 2015

• GoldieBox

• Le Huffington Post, 27 novembre 2016

 

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Com & Société

L’impact d’Internet sur les pratiques

 
En Grande Bretagne, le marché publicitaire a basculé sur Internet à un taux d’investissement record de plus de 50% du marché, soit plus de 15 milliards d’euros en 2015. Ceci est révélateur des nouvelles tendances médiatiques et de l’importance qu’Internet prend dans l’esprit des journalistes et des consommateurs.
Qui n’a jamais consulté les commentaires d’un site pour pouvoir se positionner sur le choix d’un film ou d’un produit ? Mais, sur Internet les manipulations sont de toutes sortes. La tentation est forte pour les entreprises de créer des faux blogs, des faux utilisateurs ou de payer des blogueurs dits « influenceurs » pour relayer tel produit. On s’aperçoit que cette pratique de publicité mensongère est en forte progression et avoisinait pour l’année 2013 les 45% dans tous les secteurs d’activité. (D’après la DGCCRF qui a pour rôle de veiller aux conditions des échanges marchands entre les entreprises afin d’assurer la loyauté des transactions à l’égard des consommateurs. La publicité devient plus dissimulée, déguisée et donc plus efficace. Le buzz marketing peut être utilisé pour diffuser de la publicité sur les réseaux sociaux. Les stratégies de ces marques consistent à imiter les pratiques des blogueurs influenceurs et utiliser leur interactivité pour faire passer un message commercial.
On voit se développer sur Internet des blogs individuels de plus en plus influents. En effet nombre de blogueurs influenceurs se sont enrichis par ce canal, les retombées ont été si spectaculaires que les journalistes se sont appropriés l’idée et ont ensuite créé leur propre média.
L’augmentation de la pratique d’astrosurfing 
L’astrosurfing consiste à utiliser les systèmes de recommandations d’Internet afin d’accentuer les statistiques d’une vidéo, ou améliorer l’image d’un produit. Comme on l’a expliqué, de nombreuses entreprises cherchent à augmenter leur notoriété en créant ou achetant de faux fans, faux followers, faux commentaires. Un marché parallèle se développe pour aider les entreprises à mettre en place cette stratégie, comme c’est le cas de ce site.
Face à cette nouvelle donne, les consommateurs modulent leurs pratiques, à présent, la crédibilité corporate d’une entreprise se mesure à la diversité des opinions qui s’expriment. Les consommateurs vont alors rechercher plusieurs sources d’information pour se former leur propre opinion.
« La traditionnelle cohérence des messages recherchée par tout communicant,représentative d’une relation verticale entre marques et consommateurs dans laquelle les marques communiquaient vers les consommateurs, doit désormais cohabiter avec la divergence, représentative d’une relation horizontale entre marques et consommateurs dans laquelle les marques communiquent avec les consommateurs. » Christophe LACHNITT
Auparavant les publicitaires concevaient la publicité comme une relation horizontale où les marques communiquaient vers les consommateurs. Avec les mutations technologiques, les nouveaux comportements des consommateurs, les marques se sont adaptées et la relation a changé, les marques communiquent avec les consommateurs (comme par exemple sur Twitter où les consommateurs vont inter-agir en permanence avec les marques.)
Les stratégies d’influence des marques au travers des blogueurs influenceurs
La blogueuse ZOELLA permet à des marques de relayer des produits, ce qui lui permet de générer une audience de plus de 6,6 millions d’abonnés Youtube et 300 millions de vueset ainsi d’obtenir des retombées publicitaires. On peut voir que ZOELLA a réussi à créer une vraie marque et nouer une vraie relation commerciale directe avec ses souscripteurs. Elle représente l’incarnation d’un modèle numérique et vertueux de création de valeur. ZOELLA permet aux marques de profiter de sa communauté et d’avoir un rapport privilégié avec leur cible en « discréditant ou créditant » un produit plutôt qu’un autre. La publicité qu’elle réalise est le contenu-même de ses vidéos.
En voulant développer ses secteurs d’activité, elle s’est lancée dans la rédaction d’un roman. Celui-ci affiche des ventes record : 78 000 exemplaires en moins d’une semaine pour son roman « Girl Online ». Ce succès du web social démontre l’impact des stratégies d’influence et des stratégies de buzz marketing.

Cette youtubeuse arrive à créer une vraie relation de proximité avec les téléspectateurs, les internautes s’identifient à elle. ZOELLA est le coeur de cible des marques de cosmétiques, produits de beauté. Elle arrive à dissimuler la démarche publicitaire qui se joue en creux. C’est la quintessence du native advertising!
Le native adverstising est le publi-rédactionnel 2.0. C’est une réponse de l’industrie des médias au phénomène d’évitement publicitaire sur Internet. Les consommateurs ont identifié les zones publicitaires des sites et les évitent inconsciemment. C’est pourquoi, les publicitaires et les médias ont intégré ces publicités au sein d’un contenu rédactionnel. Il est intégré au coeur des contenus (par exemple dans votre fil d’actualité Facebook, ou alors au sein d’articles journalistiques). Ces publicités sont évoluées, c’est à dire qu’elles sont adaptées au contenu, elles sont personnalisées pour améliorer « l’expérience consommateur »*
Le native advertising peut être une alternative à la publicité, car il ne perturbe pas la navigation, il permet aux publicitaires d’avoir une communication différente sur le ton informatif et non plus uniquement commercial. Mais, la publicité étant intégrée au sein de contenus rédactionnels, sa nature peut s‘avérer difficilement détectable pour les non connaisseurs. On passe avec ces vidéos de la conversation, de la collaboration au marketing du buzz.
Une autre youtubeuse connait le même succès croissant. En démarrant à 13 ans, Bethany Mota à l’âge de 19 ans a aujourd’hui plus d’abonnés sur sa chaine youtube que Lady GAGA (elle dispose de 4,9 millions d’abonnés) ce qui lui permet de générer selon les estimations un revenu moyen de 40 000 $ par mois.
Elle a su attirer l’attention des marques et vient tout récemment de signer un accord pour une ligne de bijoux et de vêtements à son nom.

Tels des footballeurs achetés pour leurs compétences, ces youtubeurs sont achetés pourse faire le plaidoyer des grandes marques, constituant ainsi un véritable marché parallèle à forte valeur ajoutée. Ce phénomène existe aussi en France, Cyprien est très demandé par de nombreuses entreprises qui souhaitent faire des partenariats avec lui. Il est encontrat publicitaire avec la banque CIC pour réaliser de courtes vidéos.

En ce moment même,une polémique éclate sur l’humoriste. Comme le montre la longue enquête de l’Express, Cyprien a été payé par les marques pour faire la promotion d’un jeu vidéo Watch Dogs. Il avait été interrogé ici. Pourtant cette vidéo ne comportait aucune mention du caractère promotionnel de la vidéo, alors que la loi française l’impose. La publicité se doit d’être clairement identifiable.
A l’inverse de la France, le Royaume Uni a déjà statué juridiquement sur cette problématique du fait de l’importance du marché publicitaire sur Internet. Les Youtubeurs doivent faire figurer la mention « publicité » ou « sponsorisé » dès le titre de la vidéo afin d’améliorer la clarté des consommateurs.
La naissance de média individuel
La mutation des réseaux entraine un nouveau système de médiation culturelle. Aujourd’hui on observe l’émergence d’un nouveau phénomène, de nombreux journalistes créent leurs médias car ils ont observé la réussite des blogueurs influenceurs et veulent s’en inspirer. C’est le cas pour Andrews Sullivan, célèbre journaliste qui a créé son propre média payant sur Internet avec une formule à 19,90$
En effet, ces journalistes ne sont plus dépendants des moyens techniques et financiers de réalisation de l’information. Internet permet de prendre une certaine indépendance vis-à-vis des médias. Les journalistes peuvent à présent développer leur marque personnelle sans le support d’un grand média pour diffuser l’information et rivaliser entre eux. Dans ce nouveau modèle publicitaire le contenu devient le média, ce qui permet de croire que l’on peut remodeler la financiarisation des médias et d’Internet. Ces journalistes sont la preuve que les contenus de qualité peuvent attirer une audience rémunératrice et durable afin de garantir la viabilité économique de ce modèle. Celui-ci permet aussi de lutter contre la progression de la sur-information et le désengagement de l’attention du public. Il permet aussi de générer une communauté active et des membres participatifs.
Alexandra Montaron
@AlexandraMontar
Sources :

Lexpansion.lexpress.fr (1) & (2)
Economie.gouv.fr
E-marketing.fr (1)
& (2)
Arretsurimages.net
Telegraph.co.uk
Dish.andrewsullivan.com
Leplus.nouvelobs.com (1) & (2)
Superception.fr
*Pour en savoir plus:
Journaldunet.com (1) & (2)
Crédits images:
Youtube.com

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Société

Avec l’apatridie, Benetton renoue avec la stratégie de dénonciation

 
Benetton a dévoilé en Novembre #IBelong, une campagne de lutte contre l’apatridie associée au Haut Commissariat aux réfugiés. En effet, la campagne ne vend pas de vêtements mais un combat : la fin de l’apatridie d’ici 2024. Cette initiative n’est pas sans rappeler les autres combats menés par Benetton contre la faim dans le monde, les violences faites aux femmes, la guerre et autres formes d’injustice.
L’apatridie : bilan de la situation actuelle et stratégie de sensibilisation mise en place par Benetton
La convention de New-York de 1954 définit un apatride comme « une personne qu’aucun état ne considère comme son ressortissant par application de sa législation ». Ainsi, on dénombre environ douze millions d’apatrides, privés entre autres, du droit de se marier, de déclarer leurs enfants ou d’avoir une sépulture. Face à cette situation, la marque a créé une carte interactive et mis en ligne une lettre ouverte pour donner une voix aux apatrides du monde entier. Elle cherche par ce biais à atteindre 10 millions de signatures, sachant que selon l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés dix ans seront nécessaires à l’éradication de l’apatridie.

La polémique au cœur de l’ADN communicationnel de la marque
Cette campagne renoue avec le côté polémique de Benetton, car elle ne met pas en scène ses créations mais véhicule un message politique.
Elle reprend ainsi, dans une certaine mesure l’ADN Benetton composé de visuels chocs et de messages plus polémiques et politiques que commerciaux. Ce qui nous amène à nous interroger sur l’histoire de la marque et les choix de communication qu’elle a privilégiés.
La maison Benetton naît des créations de Giuliana, sœur de Luciano Benetton, fondateur de la marque, dans les années 1950. Sa valeur ajoutée repose alors sur la riche gamme de couleurs des pulls (50 coloris).
C’est en 1982 que la multiracialité apparaît comme le fil rouge qui fera de Benetton une entreprise « provocante » avec le slogan : United Colors Of Benetton (créé en 1985 suite à la déclaration d’un responsable de l’UNESCO : « ce sont les United Colors ici ! ». D’abord défini comme un mix de couleur, le thème flirte rapidement avec le brassage des races. Cette même année voit le début de la longue collaboration entre Luciano Benetton et le photographe Oliviero Toscani. Sa politique est simple : « Un pull a deux manches, la laine est la laine. Le produit est plus ou moins le même. La différence est dans la communication ». Dès lors, le sexe, la religion, les races, et l’opposition entre la vie et la mort deviennent les thèmes de prédilection qui imprègneront la quasi-intégralité des campagnes.
En 1989, les vêtements disparaissent pour laisser place aux nombreuses injustices dénoncées par Benetton. On quitte la publicité pour aller vers le photoreportage en concentrant les campagnes autour de nouveaux enjeux de société: l’emploi (Unemployed of the year, 2012), la drogue, le sida (HIV positive, 1994), la guerre, le racisme (La femme noire et l’enfant blanc, 1989) en référence à l’esclavage). Visuellement, des photos coup de poing, très réalistes estampillées du logo Benetton sont soumises à la vue du public.

Engagement ou action symbolique : une stratégie ambivalente
Le but de cette stratégie semble clair : bouleverser l’opinion publique et développer une conscience citoyenne. Cependant, au-delà des dénonciations symboliques émises par la marque, Benetton ne s’engage dans aucune action concrète pour apporter une solution aux problèmes soulevés et les actions de la fondation Unhate demeurent purement symboliques (pétitions, lettres ouvertes).
De plus, ce choix polémique crée une division entre les autorités de la publicité et les professionnels du marketing. Condamnées par François d’Aubert, président de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité et certains franchisés Benetton, les campagnes sont pourtant saluées par la profession et ont remporté le Grand Prix de la publicité presse magazine et le Grand prix de la communication publicitaire en 1985 pour la campagne Eldorado.

Le shockvertising, élément clef de la communication Benetton
Au-delà des polémiques et débats soulevés, ces campagnes ne correspondent pas aux codes classiques de la publicité et se rapprochent davantage du « shockvertising ».
En effet, le produit n’est pas mis en valeur : il est éclipsé par le message de l’entreprise et souvent associé à un thème ou événement connotés négativement. De plus, le visuel ne fait pas « rêver » le consommateur car il est composé de photos ultra réalistes et la plupart du temps choquantes : un nouveau-né tout juste sorti du ventre de sa mère, une nonne embrassant un curé, un uniforme de guerre tâché de sang (Marinko Grago, 1994), ou encore la photo d’un mourant agonisant dans les bras de sa famille.

 
A nouveau, le message est plus politique que commercial et les clichés montrant une dure réalité déclenchent souvent des réactions de refus (de la part des franchisés) ou de censure (de la part du Vatican dans le cadre de la campagne mettant en scène le Pape Benoit embrassant l’Imam Ahmed el Tayyeb – 2011).

Benetton dans la mondialisation : une cartographie des controverses ?
Cette communication s’inscrirait plutôt dans l’actualité de la mondialisation : Benetton opèrerait alors une cartographie répertoriant les tabous du monde. A cet égard, on peut prendre un exemple frappant : la dernière campagne réalisée par Olivier Toscani : Regarde la mort en face en 2000. Cette campagne met en scène des prisonniers américains condamnés à mort dans le couloir de la mort. Sont indiqués entre autres le nom du détenu, son crime, le moyen de son exécution. Ces clichés polémiques scellent la fin de la saga Toscani car elles touchent à la peine de mort, sujet particulièrement sensible aux Etats-Unis. Une campagne d’autant plus controversée, que les directeurs des prisons visitées et les familles des prisonniers photographiés n’auraient pas été mis au courant du projet de campagne.

Malgré les polémiques soulevées par ces campagnes, la marque fait figure de précurseur dans la lutte contre les injustices et il est important de souligner que cette communication demeure un cas unique en son genre. Dans cette optique, comment ne pas s’interroger sur la signification que revêt le fait de porter un pull Benetton ? Ces vêtements sont-ils une tribune de récrimination contre les injustices du monde ou ne servent-ils qu’à renforcer la visibilité de cette marque dont l’engagement reste symbolique?
Clarisse de Petiville
Sources :
lesartsdecoratifs.fr
Lesechosdelafranchise.com
persee.fr
bigbrowser.blog.lemonde.fr
lentreprise.lexpress.fr
lexpress.fr
Crédits photo :
ibelong.unhcr.org
Marketers.lu
Pubenstock.com 1, 2, 3, 4, 5,
Pressemagazine.com
lentreprise.lexpress.fr
bigbrowser.blog.lemonde.fr
adforum.com
benetton.over-blog.com

Com & Société

Auberge Made in Holland

 
Les auberges de jeunesse ne désemplissent pas ! En effet, quand bien même l’Europe serait vieillissante, les jeunes backpackers se retrouvent en masse dans ces fameux hostels. Aucune période  de l’année ne leur fait peur, aucune ville ne leur résiste, pas même la précarité d’un dortoir bruyant. L’auberge de jeunesse allie un coût économique avec les charmes d’un lieu à découvrir. Mais face aux prestations basiques dispensées, elle mise de plus en plus sur l’ambiance au sein de l’établissement.
C’est sur ce point que l’auberge Hans Brinker Budget tente de gagner la ferveur des foules. A Amsterdam, où elle se trouve, on ne compte plus ce type de logement peu cher. Il faut alors se démarquer des autres, mais aussi et surtout à gagner les cœurs et les avis des clients.
Trip advisor, Hostelbooker ou Booking.com utilisent sans modération les avis des utilisateurs mettant alors en avant le fameux rapport qualité/prix. Une logique de commentaire que le futur consommateur a naturellement tendance à écouter. En effet, les conseils virtuels des expérimentés sont parfois décisifs dans le choix d’une réservation. Ainsi les propriétaires se doivent de compter sur ce bouche-à-oreille virtuel qui n’en finit pas de faire ses preuves. Mais pour une auberge au prix bas et dépourvue de services de grande qualité il faut jouer sur d’autres tableaux.
L’auberge hollandaise en question a misé sur une campagne de publicité décalée et humoristique, utile pour se construire une image positive et améliorer son attractivité.
Elle a lancé une série d’affiches d’auto-dérision à propos de l’état des locaux du Hans Brinker Budget. On peut ainsi voir une affiche qui représente une chambre sale et sans vie au sein de laquelle se trouve un vieux matelas posé à même le sol. Une chambre miteuse, en décalage avec la phrase d’accroche : « Just Like Home ».
On peut aussi se délecter du slogan  « Hans Brinker Budget Hotel. It can’t get any worse »… « But we will do our best » qui insiste sur l’insalubrité volontaire des lieux.
Venir au Hans Briker Budget Hotel, c’est alors en accepter les conditions précaires, largement exagérées dans sa stratégie de communication : à la fois pour faire sourire mais aussi pour amoindrir les possibles critiques quant à l’aspect général de l’établissement. Cette parodie grinçante invite les voyageurs à rejoindre non seulement l’auberge hollandaise pour y dormir mais aussi pour y vivre quelques jours dans une ambiance décalée et amusante. Certainement une réussite.
 
Maxence Tauril