Politique

10 jours pour signer

FastNCurious prend position en soutien à Amnesty International 
10, 9, 8, 7, 6, 5, 4… il reste trois jours à Amnesty International France pour récolter un maximum de signatures dans le cadre de son rendez-vous annuel 10 jours pour signer, grande campagne de sensibilisation en faveur de ceux dont les droits sont bafoués (du 2 au 11 décembre). Bien plus qu’un appel à la tolérance et à la compréhension de la part des dignitaires et responsables politiques de chaque pays concerné, signer, c’est reconnaître la responsabilité de certains régimes vis-à-vis de leurs citoyens, les privant de leur droit le plus fondamental : la liberté de s’exprimer.
Signer, c’est dire non aux persécutions que journalistes, reporters, blogueurs, écrivains, photographes, musiciens, graffeurs, instituteurs, et l’ensemble de la société civile subissent au quotidien dans leur pays. Signer, c’est dire non aux arrestations pour contestation et critique d’un régime, c’est dire non à l’emprisonnement sans jugement, c’est dire non aux exactions commises à l’égard de minorités privées de droits.
Mais signer, c’est aussi dire oui. Dire oui à la démocratie. Dire oui aux bouffées d’air frais dans un monde où l’asphyxie est alarmante.
« Liberté, j’oublie ton nom »
Eric Chol, du Courrier International, en introduction d’un dossier en soutien à l’action menée par Amnesty International, écrit qu’ « entre l’essor des classes moyennes et la propagation de nouvelles techniques de communication, les dictateurs n’avaient qu’à bien se tenir. Un quart de siècle [après la victoire du libéralisme politique] la roue a tourné… sans faire progresser les libertés. Nous vivons une grande régression ». Le constat est probant : le désir de démocratie s’essouffle, les voix des peuples sont étouffées et des plumes trop libres sont censurées sans aucune justification.
C’est face à ce virage totalitaire tragique qui laisse un grand nombre de victimes en hausse derrière lui, que l’Organisation Internationale Non Gouvernementale (OING) Amnesty International se mobilise pour mettre en lumière dix situations inhumaines contre lesquelles il est de notre devoir de s’insurger.
Du lanceur d’alerte Edward Snowden sur les pratiques illégales des services de renseignements américains, à l’ex-journaliste turque Eren Keskin, opposante au régime d’Erdogan et défenseur des droits des kurdes, en passant par le photojournaliste égyptien Shawkan, le camerounais Fomusoh Ivo Feh ou encore la communauté homosexuelle maghrébine, les portraits des victimes de persécutions et de l’absence de protection juridique sont détaillés sur amnesty.fr.

Le pouvoir de la société civile est grand, ne le sous-estimons pas. C’est ensemble que nous inverserons les tendances : la dictature du nombre au service du bien commun. C’est en substance le message d’Amnesty International, qui donne la possibilité à tout un chacun de rallier une cause par le biais d’une signature 2.0. Une fois le nombre de soutiens recommandé obtenu – qui semble varier en selon l’ordre de priorité que confère l’OING à chaque situation – des signaux d’alarme seront envoyés aux autorités dirigeantes des pays en question, par courrier ou via les réseaux sociaux, afin de les interpeller sur leurs pratiques.
Notre regard est une arme beaucoup plus puissante que ce que l’on croit
A cela, viennent s’ajouter un ensemble d’actions collectives organisées par les pouvoirs publics, les associations, les entreprises, visant à sensibiliser un public à petite échelle autour d’ateliers, et à récolter des signatures papier. Il est important d’apporter un soutien moral à ces personnes afin qu’elles continuent à se dresser contre le joug de l’oppresseur, à se battre pour défendre et faire valoir leurs droits. Nos droits, auxquels sera consacrée la journée du 10 décembre prochain.
Notre contribution est bien maigre, mais elle a le mérite d’exister.
On signe, et vous ?
Antoine Heuveline
 
Sources :

Courrier International
amnesty.fr

 
Crédits images :

Writeathon

 

Publicité et marketing

Amnesty International, 50 ans de campagnes choc

Depuis plus de 50 ans, l’ONG Amnesty International dénonce les attaques à l’encontre des droits de l’homme dans le monde, et cherche à avertir le public  par le biais de campagnes de communication violentes et dérangeantes sur des sujets aussi variés que graves. Dans un contexte d’hypermédiatisation et d’hyper-information, le message en lui-même ne suffit plus malgré un message porteur de sens et doit s’accompagner d’une stratégie de communication parfois plus évènementielle. Comme chaque année, le 10 décembre, journée mondiale des droits de l’homme, l’ONG lance des campagnes pour inviter les citoyens du monde à réagir face aux libertés bafouées.
Un contexte et une démarche particulière
Afin de faire connaitre leurs actions, sensibiliser le public aux causes qu’elles défendent mais aussi récolter des fonds, les ONG doivent s’assurer une vaste couverture médiatique, on remarque cependant depuis plusieurs années différents facteurs qui viennent impacter leur communication : elles font face à une multiplicité des associations défendant des causes locales aussi diversifiées que complexes. Par ailleurs, les médias avec lesquels elles travaillent sont de plus en plus internationalisés et contribuent à une augmentation de la vitesse de diffusion et de réaction de l’audience de plus en plus fragmentée. Alors que quelques années auparavant, un spot de 20 à 30 secondes au moment des pics d’audience suffisait pour convaincre, aujourd’hui il leur faut se démarquer à travers des choix stratégiques et théoriques.
Amnesty International a décidé d’utiliser une stratégie de communication spécifique pour chaque pays : chacun des 80 bureaux relaie les informations transmises par le siège de l’organisation. Une politique globale est mise en place et diffusée au travers de moyens de communications modernes et novateurs.
Les choix stratégiques et créatifs
L’ONG s’illustre par son utilisation du « street marketing » une stratégie marketing qui utilise la rue et le paysage urbain pour surprendre les gens et ainsi bénéficier d’une meilleure diffusion dans l’opinion. L’exemple le plus emblématique fût la campagne « It happens when nobody is watching » en 2009, qui sensibilisait aux violences conjugales : un panneau d’affichage d’abribus équipé d’une caméra eye tracking* diffusait le visuel d’un homme battant sa femme. Dès lors qu’un regard se posait sur celui-ci la scène de violence s’arrêtait et laissait apparaître l’image d’un couple d’apparence paisible et serein. L’association donne ainsi un aspect événementiel à sa campagne en créant le buzz et en générant de nombreuses retombées presse. C’est cette étrangeté choquante et puissante qui créé l’impact auprès des médias qui vont alors démultiplier son importance en en parlant.

Malgré des campagnes similaires au fil des années, le shockvertising (stratégie de communication qui par le biais du choc vise à accroitre l’attention du destinataire et la mémorisation du message dans le but de provoquer une réaction) initialement destiné aux politiques et aux publics, est de plus en plus tourné vers les médias et la volonté non masquée de faire parler.
Les nouvelles technologies permettent de faire le buzz, et Amnesty International ne cesse de les utiliser pour réinventer sa communication et toujours être à l’avant-garde. Tous les supports sont bons à utiliser pour sensibiliser. Ainsi, en 2011 lors de son 50ème anniversaire, l’association lance une application nommée « Bulletproof » pour sensibiliser les utilisateurs d’iPhone à la défense des droits de l’homme, le but est d’arrêter les balles lancées par un peloton d’exécutions sur l’accusé – le joueur.  Conçue par l’agence La Chose, le but de la vente de cette application est de rappeler la cause principale de l’association : la lutte contre la peine de mort.
L’audace marketing de l’association semble porter ses fruits puisqu’à plusieurs reprises les publicités de l’ONG ont été récompensées par des prix, c’est le cas en 2011 avec la campagne « La peine de mort est destinée à disparaitre » récompensée du grand prix de la campagne citoyenne (ayant pour but de promouvoir les campagnes de communication dont la vocation est d’améliorer un comportement individuel ou collectif), et primée lors du grand prix de la publicité presse magazine. C’est de fait une des preuves de l’efficacité du shockvertising quand il mêle impact et justesse des propos.
Les lendemains
Amnesty International continue sur cette lancée, et se fait notamment remarquer en 2014, lorsque le siège belge dévoile sa campagne pour dénoncer la torture. Déclinée sous forme de triptyque  représentant Iggy Pop, Karl Lagerfeld et le Dalai Lama le visage tuméfié à la suite de torture proférant des propos chocs tels que « l’avenir du rock’n roll c’est Justin Bieber », « Un homme qui n’a pas de Rolex à 50 ans a raté sa vie » avait pour message principal de dire « torturez un homme, il vous racontera n’importe quoi ». Valérie Michaux, la directrice du bureau de la communication Belge s’est félicitée de ce buzz « La campagne a eu un succès fulgurant dans les médias et sur les réseaux sociaux. On a pu atteindre 2 millions de personnes et les médias du monde entier nous ont relayés. »**

Le public est sans cesse sollicité et pris à parti, c’est le cas dans une campagne contre les mariages forcés pour laquelle Amnesty International a utilisé et détourné les sites de rencontre tels que Tinder, l’association a créé son propre compte le 8 mars (la journée mondiale de la femme) et a posté des photos avec l’idée que certaines personnes n’ont pas toujours le choix, la liberté de choisir ou non son partenaire n’étant malheureusement pas un choix pour bon nombre de femmes dans certains pays. Cette sollicitation se retrouve plus récemment dans la campagne de décembre 2015 nommée « 10 jours pour signer » et qui vise à mobiliser l’opinion publique sur 10 situations emblématiques de violation des droits humains. Dans une vidéo traitant de la torture le public se retrouve à la place du spectateur qui détient entre ses mains le pouvoir de faire changer les choses et de stopper la séance de torture qui se passe face à lui.   

Cette stratégie de communication choc semble avoir porté ses fruits puisqu’elle permet de faire parler de l’ONG et ainsi de diffuser au plus grand nombre ses messages  et ses combats. Elle permet de diffuser un message cohérent face à des médias de plus en plus diversifiés. Ce choix du shockvertising n’est pas seulement utilisé par les ONG mais aussi par des grands groupes tels que Benetton dont les publicités sont souvent l’occasion de dénoncer des problèmes de société, telles que l’anorexie et les violences faites aux femmes. En cherchant à se démarquer et à créer du buzz Amnesty International semble avoir frôlé certaines limites. En effet la campagne contre la torture utilisant des photographies de personnages publics a provoqué une vague de contestations de la part de leurs agents, dans la mesure où les personnes représentées n’avaient pas été informées de l’utilisation de leur portrait dans une campagne de communication. Malgré les excuses d’Amnesty International, on peut se demander si son statut d’association agissant pour la bonne cause lui permet de repousser les limites tolérées dans le monde de la communication et par l’opinion publique.
Notes :
*: Technique utilisée pour repérer où se pose l’œil du consommateur lorsqu’il regarde un message publicitaire. Ainsi le message principal pourra être placé là où il convient. (définition de Linternaute)
**: Réaction suite à l’utilisation des images de célébrités et réponse de Valérie Michaux:
Le soir, Même sous la torture Iggy Pop veille à son image, 26/06/2014
Arianna Delehaye
 
Sources : 
Le Monde marketing, La nouvelle campagne de sensibilisation d’Amnesty International, 8/12/2015 
Ionisbrandculture.com, Étude de cas Amnesty International 
Crédits photos: 
Puretrend.com
itele.Fr
PMDstatic.com
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