Société

Sausage party: tant qu'il y a du scandale, c'est pas fini

Sausage Party, le nouveau film d’animation de Seth Rogen et Evan Goldberg, est sorti en France le 30 novembre 2016. C’est l’histoire d’une petite saucisse qui s’embarque dans une quête dangereuse pour découvrir ses origines. D’autres thèmes d’actualité et de société — et même de géopolitique, notamment à travers le conflit israélo-palestinien — sont abordés. Les réalisateurs Seth Rogen et Evan Goldberg étant avant tout les grands maîtres de la stoner comedy (genre cinématographique dont l’intrigue montre l’utilisation du cannabis) et de l’humour subversif, il en résulte par conséquent un dessin animé qui se rapproche plutôt d’American Pie que d’une production Disney.
La stratégie de communication du film d’animation présentait un double enjeu. D’une part, il était important de mobiliser le public autour de la sortie du film, qui à l’origine n’était pas prévue en France mais pour direct to video, la décision du lancement fut encouragée par la mobilisation des fans de Seth Rogen. D’autre part, après sa sortie, La Manif Pour Tous, s’est mobilisée et a bruyamment dénoncé l’hyper-sexualisation du dessin animé. Revirement stratégique : il a fallu faire profil bas pour normaliser Sausage Party par rapport au reste des sorties. Cet événement témoigne surtout de la difficulté de communiquer autour des films d’animation en France, ceux-ci étant éternellement perçus comme des films pour enfants.
Une communication officielle potache mais tardive et ambiguë…
En France comme aux USA, les producteurs avaient misé sur une communication bon enfant, presque familiale, en revenant aux fondamentaux du film : montrer la vie d’aliments qui, comme les jouets dans Toy Story, se réveillent dès que les humains ont le dos tourné. La société française chargée de la distribution s’est donc appuyée sur le synopsis du film pour en assurer la communication, notamment en utilisant la marque « Morteau Saucisse ». Étant donné que le héros du film est une saucisse, le lien était tout trouvé et permettait à la marque alimentaire de s’offrir une image plus jeune et une visibilité nouvelle en magasin.

Par ailleurs, pour le distributeur, il s’agissait aussi de s’offrir les services d’un groupe qui avait su marquer les esprits lors de sa campagne de pub dans le métro parisien. Celle-ci assurait en effet « 20 cm de bonheur » aux acheteurs d’une saucisse chez Morteau. La stratégie communicationnelle mise en place, tout en s’approchant du type d’humour développé dans le film, a donc contribué à rendre celui-ci plus accessible aux consommateurs.
Paradoxalement, le fait que Cyril Hanouna ait été choisi pour doubler un des personnages, brouille un peu ce message : il est un des animateurs préférés des adolescents et pré-adolescents, or cela donne l’impression que ce public pourra se retrouver dans le film. Mais ce n’est cependant pas le cas. De plus, en France, la communication autour de la célébrité des doubleurs a plutôt lieu lors de la sortie de films d’animations pour enfants, ce qui contribue donc au renforcement de l’ambiguïté autour du public réellement visé.
…pour un film sorti dans un contexte social peu propice
Refusant de tomber dans l’oubli à l’approche des présidentielles, La Manif Pour Tous a vu dans la sortie de ce film l’occasion de revenir sous les feux des projecteurs et de faire réentendre son message. Ce n’est pas la première fois que le mouvement ou une de ses dérivées, cherche à préserver les « chères têtes blondes » (selon leurs propres termes) des affres du cinéma, qu’il s’agisse des affiches ou du contenu d’un film. La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche et ses scènes jugées trop explicites par certains spectateurs, ou encore L’inconnu du Lac d’Alain Guiraudie et son affiche un peu trop suggestive, ont eux aussi connu les foudres des associations familiales. Il s’agit en quelque sorte d’une spécificité française puisque ces trois œuvres cinématographiques sont sorties à l’étranger, également avec des restrictions de diffusion selon l’âge des spectateurs, mais sans jamais susciter de telles polémiques.
Cette mobilisation est en fait basée sur les revendications plus politiques de La Manif Pour Tous. Leur communication sur Twitter mentionne en effet la récente campagne anti- VIH du gouvernement français mettant en scène des couples homosexuels, qui serait choquante pour les enfants. En interpellant tout d’abord le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (qui ne gère pas les affaires liées au cinéma) puis le Conseil National du Cinéma et de l’Image animée, il semble que ce soit plus largement le gouvernement qu’ils ont souhaité pointer du doigt, et plus particulièrement, sa politique concernant la famille. Plus que le film en lui-même, c’est donc une certaine image de la sexualité dans la société que le mouvement dénonce.

Mais pour quel effet ?
La méthode utilisée est paradoxale et rappelle le phénomène du Streisand effect, du nom de Barbara Streisand : plus l’on cherche à cacher quelque chose, plus il y a un risque que cela gagne en popularité. En effet, pour mettre en garde les spectateurs potentiels du film sur sa dangerosité pour les enfants, ceux qui s’opposaient à sa sortie ont diffusé les deux minutes les plus polémiques du film, augmentant ainsi le risque pour les plus jeunes d’y être exposés.
Finalement, le peu de signatures recueillies sur les pétitions (moins de 3 000 pour le premier résultat Google au 11 décembre 2016) semble signaler que cette présence importante sur les réseaux sociaux n’est pas forcément représentative d’un réel engagement. Une petite minorité convaincue parvient à se rendre visible, sans pour autant réellement mobiliser les masses autour de cette cause.
Malgré la tentative de succès en voulant surprendre le public afin de susciter la polémique, le film n’aura fait que 40 000 entrées la première semaine, se plaçant à la 11e place du box-office. Finalement, les fans du films mobilisés pour sa sortie ont été satisfaits et aucun des spectateurs n’a été traumatisé, comme le pensent les opposants : plus de bruit que de mal !
Justine FERRY
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Sources :
• http://www.mesopinions.com/petition/enfants/censurer-sausage-party-dessin-anime- pornographique/26528 (pétition créée le 28/22/2016, consultée le 10/12/2016) –
• https://fr.wikipedia.org/wiki/Sausage_Party (consulté le 11/12/2016) -Assaoui, Sofian (publié le 22/11/2016) http://france3-regions.francetvinfo.fr/franche-comte/ saucisse-morteau-ambassadrice-du-film-sausage-party-1136847.html (consulté le 10/12/2016)
• Couston, Jérémie (publié le 01/12/2016, mis à jour le 02/12/2016) : http://www.telerama.fr/ cinema/sausage-party-comment-la-manif-pour-tous-fait-tout-un-plat-avec-une-saucisse, 150892.php (consulté le 09/12/2016)

Culture

Monstres & Cie : le numérique au service du film

 
Tout miser sur la durée
L’un des points clés d’une bonne stratégie de communication concerne la bonne gestion du temps. A quelle date lancer la campagne, sur quels supports et pour quelle durée ? Cette obsession de maîtriser le planning communicationnel n’est en aucun cas un gage de réussite pour une marque, mais elle assure a minima la maîtrise des messages diffusés. D’ordinaire, pour un produit culturel tel qu’un film, la promotion commence de 3 à 6 mois avant la sortie de celui-ci. Cette période représente le temps nécessaire pour attirer le spectateur en lui fournissant au compte-goutte des anecdotes de tournage, quelques trailers et la bande-annonce.
Ce temps est encore davantage raccourci lorsqu’il s’agit de films d’animation. C’est pourquoi, FastNCurious s’intéresse aujourd’hui à la dernière campagne de Monstres and Cie dont le nouvel opus sortira en juin prochain. Leur campagne de communication a commencé il y a plus d’un an, en mai dernier, lors de la sortie aux Etats-Unis de « Rebelle ». Face à ce choix plutôt inhabituel on peut se demander les raisons qui ont motivé Pixar à entamer une campagne de promotion autant en amont. Ce pari était assez osé dans la mesure où le risque était élevé de voir leur stratégie s’essouffler auprès du public.
Le grand retour de Mike et Sulley
La principale raison ayant motivé une préparation si minutieuse de la part des studios est la relative ancienneté du dernier Monstres and Cie. Le premier volet du film nous narrant les aventures de Mike Wazowski et James Sullivan à Monstropolis a été réalisé il y a bientôt dix ans. En règle générale, les autres films tels que Cars, Shrek ou Madagascar ont profité de l’engouement populaire autour de leurs héros pour sortir une suite dans les quelques années qui ont suivi. Après une si longue absence, le danger était que les spectateurs aient « oublié » Mike et Sulley. D’autant que le synopsis du nouvel opus, est, il faut le reconnaître assez pauvre puisque le film nous raconte la rencontre à l’université des deux personnages principaux qui se détestaient avant de devenir les meilleurs amis du monde. L’enjeu était donc de recréer du contenu sur les réseaux sociaux avec le peu d’informations disponible, sans spoiler le film (ni le lancement des autres films Pixar) tout en entretenant la flamme des spectateurs sur la durée.
La Monsters University : une stratégie de brand content
La campagne a été lancée par la création d’une fanpage appelée Monsters University (je vous encourage à aller y jeter un petit coup d’œil) qui est un bon exemple de communication dynamique sur les réseaux sociaux. La page ne fait pas concurrence à la page officielle de « Monstres and Cie ». Les deux ont leur identité propre. Celle consacrée à l’école parvient à fournir du contenu aux internautes tout en diffusant des vidéos promouvant la vie sur le campus, des messages officiels du doyen. Surtout, elle renvoie au site internet spécialement créé pour l’occasion. Ce site imite en tout point ceux des vraies universités américaines. Outre un plan du campus, un programme détaillé des cours ou les témoignages des anciens étudiants vous trouverez également un onglet pour vous y inscrire. Au passage, Pixar n’a pas oublié d’y intégrer un espace boutique qui permet de s’acheter des goodies à l’effigie du logo de l’université.
Cette stratégie numérique s’est accompagnée aux Etats-Unis d’une large campagne de relations presse relayées par des magazines tels que Entertainment Weekly. En France, peu de sites se sont intéressés à cette campagne qui est pourtant un très bon exemple de la manière dont on peut mobiliser une communauté de fans avant la sortie d’un film.
 
Angélina Pineau
Sources :
Le site de l’école
Message vidéo du doyen
Page Facebook de la Monsters University

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