Société

Touché… Coulé !

Si les bad buzz de Touche Pas à Mon Poste font bien souvent le buzz, celui du 18 mai s’abat tel une épée de Damoclès sur l’émission phare de C8 et en particulier sur le présentateur Cyril Hanouna. L’affaire secoue les médias, les annonceurs, les associations LGBT, les téléspectateurs, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA)… posant ainsi la question de la survie de l’émission ou du moins de la légitimité du présentateur à garder sa place. Il n’est pas ici question d’entrer dans le débat de savoir si oui ou non le canular de Cyril Hanouna était homophobe mais bien d’adopter une vision communicationnelle des faits.
« J’aime charrier, c’est même devenu ma marque de fabrique » Cyril Hanouna
Comme le confie le présentateur, la provocation est emblématique de TPMP. Malgré son succès que l’on évalue à 1,5 million de téléspectateurs chaque soir, les limites sont trop souvent franchies, ce qui confère à l’émission une réputation de plus en plus controversée. Un des faits les plus marquants fut le baiser (forcé) du chroniqueur Jean-Michel Maire sur les seins de Soraya Riffi. Mais pourquoi l’émission continue-t-elle à jouer avec le feu vous demandez-vous ? C’est en partie parce que cette « prise de risque » demeure un moyen efficace de maintenir l’audience pour une émission dans laquelle le contenu n’a pas de réel fondement.

Quel mécanisme se cache derrière tout ça ? Ce modèle s’inscrit dans une stratégie bien construite, qui rappelle notamment celle de la télé-réalité et qui consiste en la mise en scène du clash. En effet, le scandale, le voyeurisme ou encore le croustillant sont autant d’éléments qui attirent les téléspectateurs et qui incitent par la même à la critique. TPMP ne cherche pas l’adhésion de tous mais bien au contraire la confrontation, les élans médiatiques ou encore le bouche-à-oreille ; et c’est en cela que l’émission est alimentée jour après jour comme si de rien n’était. Ce mécanisme participe d’une forme d’économie du remplissage incarnée par l’omniprésence du commentaire que l’on retrouve également dans les émissions de télé-réalité.
 
L’heure est grave !

Lu, Chanel, EasyJet, DisneyLand, Petit Navire, Bosch, Décathlon, Pringles, Guerlain, Orange, SFR, et bien d’autres encore ont ancré sur Twitter dès le lundi 22 mai leur volonté de retirer leurs publicités du créneau horaire de l’émission. Une des questions que l’on se pose est : l’émission phare de C8 va t-elle survivre ? Le monde médiatique est orchestré de telle sorte que sans l’apport financier des annonceurs, il est compliqué de survivre.
Pour avoir un ordre d’idée, TPMP coûte à la chaîne 80 000 euros par jour et les rentrées quotidiennes des investissements publicitaires s’élèvent d’ordinaire à 150 000 euros (selon les chiffres du journal Le Monde). Suite à l’annonce mercredi 24 mai de la régie publicitaire de Canal +, Touche Pas à Mon Poste a été diffusée sans aucune publicité. Cyril Hanouna prend la situation avec le sourire. Néanmoins, comme le soulève Pierre-Jean Bozo, directeur général de l’Union des annonceurs, « les marques vont demander des engagements du producteur et de la chaîne pour qu’il n’y ait plus ce genre de dérapages » avant de revenir.

 
Un déferlement médiatique

 

Si lors des précédents scandales le malaise était déjà présent, la donne n’est pas de la même ampleur pour celle du 18 mai. Les articles fusent dans la presse généraliste, les internautes se déchaînent sur les réseaux sociaux, le CSA intervient sur Twitter, les youtubers n’hésitent pas à manifester leur avis cinglant sur les faits, les associations LGBT suivent l’affaire de près, les chroniqueurs radio rebondissent sur le scandale… Vous l’aurez compris, le monde médiatique (au sens large) a les yeux rivés sur cette affaire.
Il suffit simplement de se rendre sur l’outil Google Trends pour se rendre compte statistiquement que le l’intérêt pour le sujet a subi une montée faramineuse.
Si à première vue l’émission semble être au plus bas, il est possible que la médiatisation massive de ce bad buzz serve finalement la promotion de l’émission et permette une rétention des plus fidèles téléspectateurs.

 

Un rythme d’accusation contrasté
Le contraste entre les délais d’instruction du CSA et les réactions sur les réseaux sociaux, ainsi que le retrait massif des publicités des annonceurs est frappant. Dans un monde où l’information passe par une oreille et ressort immédiatement par l’autre, une mise en cause tardive de TPMP aura nécessairement un impact moindre que si elle était effectuée à « chaud ». Le CSA n’a pas attendu d’utiliser Twitter pour diffuser un message de redirection vers sa page destinée aux plaintes mais désormais les 25 000 individus veulent des résultats.

 

Nous observons alors une contradiction temporelle entre la viralité que permet le réseau social et les moyens d’actions du CSA. En effet, comme nous pouvons le constater sur le communiqué de presse du 23 mai, il ne peut agir sans l’intervention d’un rapporteur indépendant.
 
Une tentative d’apaisement ?
La lettre ouverte de Cyril Hanouna publiée dans Libération le 23 mai a été tardive mais entendue, de même que les excuses de la patronne de la régie, Francine Mayer, auprès des annonceurs. La nouvelle secrétaire d’État, Marlène Schiappa, a de son côté annoncé vouloir rencontrer Cyril Hanouna : « au lieu d’appeler à sa démission, je souhaite être dans un dialogue avec lui » affirme t- elle. Marlène Schiappa considère que devant une audience composée en grande majorité de jeunes, l’homme a une grande responsabilité à tenir.
À suivre…
 
Pauline Baron
www.linkedin.com/in/pauline-baron-45826a136
Sources
Joël Morio, « C8 à la merci de Cyril Hanouna », Le Monde, 26/05/17, http://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2017/05/26/c8-a-la-merci-de-cyril-hanouna_5134483_1655027.html

Cyril Hanouna : «Ce sketch n’avait pas lieu d’être», Libération, 23/05/17, http://www.liberation.fr/futurs/2017/05/23/cyril-hanouna-ce-sketch-n-avait-pas-lieu-d-etre_1571758
Marin Chassagnon & Anthony Berthelier, « La liste des annonceurs qui lâchent Hanouna et TPMP s’allonge, C8 essaye de sauver les meubles », Huffington Post, 23/05/17, http://www.huffingtonpost.fr/2017/05/23/la-liste-des-annonceurs-qui-lachent-hanouna-et-tpmp-sallonge-c_a_22105066/
« Affaire Hanouna, que fait le Conseil supérieur de l’audiovisuel ? », Le Monde, 27/05/17, http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/05/27/affaire-hanouna-que-fait-le-csa_5134727_3232.html
Jamal Henni, « La publicité dans les émissions de Cyril Hanouna suspendue « pour un temps » », BFM Business, 25/05/17 http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/la-publicite-dans-les-emissions-de-cyril-hanouna-suspendue-pour-un-temps-1171788.html
« Homophobie dans TPMP : la secrétaire d’Etat Marlène Schiappa veut rencontrer Hanouna », Le Parisien, 27/05/17, http://www.leparisien.fr/culture-loisirs/tv/homophobie-dans-tpmp-la-secretaire-d-etat-marlene-schiappa-veut-rencontrer-hanouna-27-05-2017-6988647.php
 
Crédits photo
http://www.lexpress.fr/actualite/medias/hanouna-et-l-homophobie-l-animateur-multiplie-les-sequences-jugees-humiliantes_1909903.html
http://images.midilibre.fr/images/2017/05/23/1511371_772_une-hanouna_667x333.png?v=1 Capture d’écran Twitter Orange France https://twitter.com/Orange_France/with_replies Capture d’écran Twitter Guerlain, https://twitter.com/Guerlain/with_replies

Capture d’écran Google Trends, https://trends.google.fr/trends/explore?date=today%203-m&q=%2Fm%2F0h96rwf
Captures d’écran Twitter CSAudiovisuel, https://twitter.com/csaudiovisuel