ARTE
Société

1914 : Dernières nouvelles

 
Adepte des webproductions et active sur les réseaux sociaux, Arte propose à ses téléspectateurs des immersions dans des univers à part.
Après La fabrique à candidat, un jeu où l’on crée le chancelier idéal à l’Allemagne  et son partenariat avec le « jeu documentaire » Fort Mcmoney de David Dufresne (un serious game sur l’industrie pétrolière au Canada), Arte lance en cette année centenaire de la Première Guerre Mondiale 1914 : Dernières nouvelles.

Tous les jours, le site Internet de Arte nous propose une photo et plusieurs articles retraçant le quotidien d’il y a 100 ans, une idée qui apporte une nouvelle vision de la guerre et de la vie d’antan. Pour la chaîne franco-allemande, ce dispositif est un teasing sur de futurs documentaires et permet d’associer le Web à ses programmes.
Arte apparaît comme la chaîne de télévision qui intègre le mieux le numérique dans sa stratégie. Ainsi, pour la série Real Humans (l’histoire d’un futur où humains et robots humanoïdes vivent ensemble), la chaîne avait créé une fausse boutique en ligne de robots : quand Internet devient prolongement de la télévision.
 
Pierre Halin
Sources :
Arte.tv
Future.arte.tv
1914derniesnouvelles.arte;tv

Société

Arte : artifices ?

 
La chaîne franco-allemande Arte s’illustre en ce moment. D’abord, il y a quelques semaines en diffusant l’ambitieux documentaire  Une contre-histoire des Internets. Un objet qui allie le loufoque, respectueux de la déjantée culture web, et le très sérieux. Rarement avait on vu autant de grands hommes – et femmes -, pionniers et intellectuels des Internets, réunis en seulement 87 minutes. Réalisé par Jean Marc Manach et Julien Goetz, deux anciens d’OWNI, il a été plébiscité par l’ensemble des internautes et a évidemment figuré parmi les sujets les plus traités sur Twitter.
Mais qui dit documentaire sur Internet dit aussi… Internet. Arte ne s’est pas contentée de diffuser ce documentaire, à une heure précise, avec la traditionnelle idée d’un début et d’une fin précises. La temporalité des grilles télévisées n’est pas celle d’Internet. Il fallait les harmoniser, et plus encore, faire la jonction entre des publics et des usages très différents. Rappelons que si en 2007, 3 millions d’Américains n’avaient pas de télévision chez eux, ils sont aujourd’hui 5 millions. La moitié de ces individus a moins de 35 ans, or c’est la tranche d’âge la plus représentée sur Internet.

Arte a su faire preuve d’ingéniosité pour rassembler les publics et répondre aux diverses attentes, en déployant une stratégie de communication plus qu’attrayante. Elle a en effet exploité tous les fantasmes dont est chargé Internet : la participation, la transparence, l’immédiateté, etc. et a également fait un important travail de séduction en développant une interface impressionnante et fluide. Les internautes se voyaient par exemple proposés de partager leur « première fois sur le net ». Là encore, le vocabulaire, un peu provoquant, faisait un clin d’œil à la culture web, « libérée » des tabous, drôle et trash. A la manière du fameux phénomène de crowdfunding, où chacun peut donner un peu pour financer un projet, ils pouvaient « participer » à l’aventure en donnant de leur personne, ou bien, sur le modèle de Wikipédia, de leur savoir. Ici, Internet se présente comme une prolongation, une augmentation de la télévision : on y retrouve des contenus inédits qui n’ont pas été diffusés. Enfin, la chaîne a fait un geste notable : au lieu de ne proposer un revisionnage du documentaire limité à sept jours, elle a considérablement étendu cette durée : tout doit être accessible et libre sur Internet. Une belle communication donc, qui redore le blason d’une chaîne trop souvent considérée comme snob et inaccessible pour une grande frange de la population, notamment jeune.

L’expérience a été poussée encore plus loin pour le dernier grand projet d’Arte : Futur par Starck, qui avait pour simple ambition de « nous emmene[r] dans un voyage planétaire inédit à la rencontre des visionnaires qui imaginent le monde de demain. » Futuristique pour futuristique, autant adapter la forme au fond. Et à Arte de proposer un format de documentaire inédit. Le principe est simple. A l’heure où l’on ne parle que du potentiel du deuxième écran – cette tablette ou téléphone qui accompagne le téléspectateur un peu las d’être passif – Arte a décidé de faire plus que proposer un mot-dièse permettant de créer une « grande conversation » sur Twitter. Elle a repris le contrôle des écrans. A la télé, nous voyions le documentaire, avec des numéros en bas de l’écran rappelant les références pour les audioguides dans les musées. Sur notre ordinateur/tablette, nous disposions d’informations supplémentaires : qui est l’intervenant qui parle en ce moment, où le retrouver (site internet, compte twitter) et, coup de force de communication : des tweets tout-faits, citations choc de moins de 140 caractères que l’on n’avait même pas à recopier : un simple clic sur le bouton « tweeter » et nous en devenions auteurs.
Avenir de la télévision ou pas, complémentarité ou distraction, le débat fuse comme à son habitude. Quoiqu’il en soit, ces expériences étaient certes intéressantes, et on su séduire un public non télévisé. Entre des séries originales et des innovations de qualité, Arte change de visage. Reste à savoir s’il n’éloigne pas le public traditionnel.
Vous pouvez revoir les deux émissions sur les sites d’Arte qui leur sont consacrés :
http://lesinternets.arte.tv/
http://futur-par-starck.arte.tv/#home
 
Virginie Béjot

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Culture

« Real humans »

 
Le 4 avril 2013 sur Arte sera diffusée la série à succès suédoise « Real Humans » (Äkta Människor). Cette œuvre de science-fiction, diffusée pour la première fois en janvier 2012, se déroule en Suède, dans un futur proche, où les hommes cohabitent avec des hubots (androïdes inspirés des modèles actuels japonais). Compagnons utiles et intimes, les hubots prennent peu à peu visage humain, et deviennent capables de ressentir des émotions et d’accomplir des actions malhonnêtes.
En s’attachant au destin d’une famille et de ses hubots, le créateur de la série, Lars Lundström, s’échappe des représentations traditionnelles de la science-fiction pour accentuer la dimension dramatique de l’intrigue. Les scènes sombres, rappelant l’univers silencieux de la série Les Revenants, s’opposent aux décors pastel d’une banlieue futuriste, pour mieux accentuer la division de la société sur la question des hubots. La série se noue autour d’une intrigue avant tout policière, basée sur le quotidien de personnages ordinaires.
Ainsi, leur existence s’intègre parfaitement dans la fiction réaliste permise par l’intimité des foyers. Ce qui interroge le créateur, c’est avant tout le rapport social et les conflits psychologiques entre hubots et humains. Véritable miroir, la machine reproduit les réactions de son propriétaire, se soucie de sa santé et de son bien-être, allant même jusqu’à investir la place d’un amant ou d’une mère. Mais cette fonction de compagnonnage trouve ses limites dans le regard d’une partie de la société, qui fait front contre cette mixité dérangeante. Dénonçant les rapports amoureux et sexuels avec les hubots, les déviances du marché noir qui en fait d’idéales prostituées tout comme les couples affichés, « Real Humans » s’apparente aux groupes d’extrême droite. Ici, les parallèles avec notre société sont constants.
Real Humans est donc un excellent hybride des films de science-fiction, tel qu’ Intelligence Artificielle de Spielberg. Il s’agit de reproduire par la fiction les angoisses et les travers de la société. Derrière le masque grossier des hubots, se cache la sempiternelle interrogation : l’homme est-il bon ? Pourtant, là où True Blood accentue les vices et les imperfections, Real Humans semble hésiter. Le malaise grandit à mesure que le doute s’installe quant au rôle du hubot dans la société. L’homme doit-il aimer sa créature ou en avoir peur ? D’ailleurs, le sous-titre de la série, « Qu’avons-nous encore fabriqué ? » nous rappelle l’idée d’une science babélienne qui s’acharne à dépasser le divin. Ce thème de prédilection se retrouve dans la pensée de Mary Shelley avec Frankenstein ou le Prométhée moderne, où elle reproduit entre l’homme et sa machine l’idée du Créateur. Ce rapport conflictuel nourrit toute une mythologie parfaitement distillée dans la série, à l’image de la réponse d’un hubot sur la question de son origine : « Nous venons de vous, de votre imagination ».
En effet, l’étrangeté des hubots, avec leurs yeux bleus électriques et leurs visages lisses, est révélée dès les premières secondes de la série, lorsqu’ un groupe de hubots libres cherche à fuir la destruction. Dotés d’une conscience, d’opinions et d’initiatives, cette bande incarne l’innovation à son extrême, l’homme-machine parfait.
Cette hypothèse s’inscrit dans la continuité du mécanisme de Descartes et traverse les imaginaires collectifs depuis les premiers automates jusqu’aux avancés de l’électronique avec le courant cybernétique de l’après-guerre.
Aujourd’hui, le robot intrigue toujours, comme le prouve l’exposition achevée début mars au Musée des Arts et Métiers : Et l’Homme…créa le robot[1]. On pouvait y découvrir les progrès des robots chirurgiens, des prothèses nouvelle génération et s’interroger sur le robot de demain. Tout nous indique que le futur proche de Real Humans pourrait être le nôtre, et c’est sur cette vraisemblance que se joue l’intrigue. Proche de l’angoisse de la série Les Revenants[2], Arte développe à l’instar de Canal+, la dimension transmédia qui nourrit le succès attendu de la série. Ainsi, vous pouvez découvrir sur le site[3], dès la diffusion du premier épisode, le 4 avril 2013, le Hubot Market dans lequel il est possible de constituer son propre robot et de le partager sur les réseaux sociaux.
 Clémentine Malgras

 

[1] Le site de l’exposition :

[2] Lien vers le dossier Fast’NCurious consacré aux Revenants : http://fastncurious.fr/category/edito/dossiers

[3] Le site de la série Arte : http://www.arte.tv/fr/real-humans-100-humain/7364810.html

 

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