No way
Société

NO WAY

 
La campagne médiatique australienne anti-immigration «No Way» explose en 13 mois son budget de 15,7 millions d’euros prévu pour 4 ans. Des fonds titanesques au service d’une communication affolante.

Une politique anti-immigration solide
Le 7 septembre 2013, les élections fédérales australiennes sont remportées par la coalition libérale-nationale de Tony Abbot. L’argument majeur de la campagne est l’anti- immigration, le slogan : «Stop the boats». Le précédent gouvernement travailliste avait déjà négocié avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée le transfert de tous les demandeurs d’asile arrivant en Australie. Ce Regional Settlement Arangement, est réglé par une aide au développement. Se débarrasser des migrants moyennant finance publique ?
Une fois élu Premier ministre, Tony Abbot lance l’opération «Sovereign Borders», qui engage l’armée dans la lutte anti-immigration. 800 militaires, 12 bateaux spéciaux, 12 avions : un budget fédéral de 2,9 milliards de dollars australiens. L’opération développe également sa propre campagne médiatique intitulée «No way» : une chaîne Youtube, une bande dessinée, des messages dissuasifs transmis régulièrement à la radio et à la télévision, l’affiche «No way» publiée dans le pays et traduit dans plus de 17 langues. Dans un contexte d’opération militaire, le surcoût de la campagne médiatique semble dérisoire, mais le climat de terreur qu’elle génère ostensiblement est inquiétant.
Une esthétique de la terreur
L’agence publicitaire TBWA/TAL, qui a conçu la campagne «No Way» revendique une approche «disruptive» de la communication. Le produit est en rupture avec les habituelles représentations de l’Australie. L’image «No Way» ne propose pas un paysage australien confronté aux migrants, mais un espace au large, pris dans l’obscurité, sans rivage. Rien qui engagerait, aux premiers abords, le sentiment patriotique du citoyen. C’est bien le rapport traditionnel du pays à son océan qui est figuré : mais à contre-courant. Voilà l’Australie sous un autre visage ; celui qu’elle réserve aux embarcations illégales qui s’approchent de son territoire. L’affiche «No Way» peut se lire à deux niveaux. Le message anti-immigration est destiné aux pays émetteurs de migrants, mais également programmé pour alimenter les craintes et la rancoeur sur le sol australien. Comment le réalisme et le symbolisme sont mis au service de l’annonce d’un danger ou d’un appel à la haine ?
Les nuages noirs de la tempête et les ténèbres de l’océan encadrent l’image. L’horizon est couvert mais s’éclaircit au loin. C’est donc l’embarcation qui prend la direction des eaux troubles et les passeurs qui conduisent les migrants à la noyade. Maîtriser la géométrie classique et utiliser l’inconscient des destinataires pour se disculper de ses responsabilités ? L’affiche «No Way» est exportée et traduite dans les pays d’où proviennent ces bateaux. Le danger de la traversée au coeur de la tempête est un argument ambigu, mais prôné encore implicitement par le double-sens possible du slogan : c’est la noyade qui rendrait impossible la traversée ?

 
Le slogan imposant, aux couleurs rouges de l’interdiction, est là pour frapper le coeur de l’image. Considérons-le d’un point de vue australien : le but de la campagne s’affirme sans pudeur et ne dissimule pas sa lecture xénophobe : «No Way, vous ne ferez pas de l’Australie votre maison.» Le sigle du pays barré complète sans ironie le sens du message. Toute la violence de l’image s’inscrit dans une thématique ancienne : l’embarcation ne va pas seulement vers le danger, elle représente le danger. Les éléments qui se déchainent sont les prémices de l’arrivée indésirée des migrants ; comme si l’Australie, fille de l’océan indien et de l’océan pacifique, générait naturellement ses défenses contre ses ennemis. Un mur de tempête pour garder les «frontières souveraines», mais aussi et surtout, une tempête qui se lève à cause des migrants. Poésie guerrière : la dimension politique et militaire de l’image s’incarnent métaphoriquement dans les flots et les nuages menaçants. La solitude du bateau n’est pas anodine : il porte seul sa responsabilité d’embarcation maudite. Cette poétique insiste sur le naturel de l’opération. L’absence de rivage dans l’image, fini ici d’assurer qu’il n’y a pas d’autre issue à cette guerre du large que l’immigration zéro. L’encart le précise : ceux qui arrivent par la mer ne feront jamais partie de la nation australienne ; ni les migrants blessés, ni les enfants.

Les migrations de l’argent
En 2013, 20 000 réfugiés arrivés par la mer ont déposé une demande d’asile en Australie. Refusant catégoriquement de donner suite aux demandes, l’Australie cherche de nouveaux pays-partenaires pour évacuer les migrants et pour désengorger les anciens camps. Pour l’instant, seul le Cambodge a accepté, motivé par les 28 millions d’euros de compensation. Les organismes humanitaires s’alarment de ce transfert de personnes dans un pays pauvre et en proie à la corruption ; l’ONU y observant même en janvier 2014 des entraves aux libertés fondamentales. Pour 2014-2015, Canberra a voté l’une des plus hautes aides étrangères du Cambodge : 686 millions de dollars. Faut-il voir une pression financière, négociant, en dépit de tout, l’avenir des réfugiés ? Cette semaine, un président français s’est rendu pour la première fois sur le sol australien. La rencontre de François Hollande et du Premier Ministre australien Tony Abbott a misé sur une importante délégation d’entreprises françaises pour « renforcer les relations économiques ». Cette entente des gouvernements peut-elle conclure avec ironie les interrogations quant aux considérations humaines dans notre société ? Tony Abbot lancera à partir de juillet 2015 des permis de résidence permanents à tout individu pouvant investir plus de 15 millions de dollars australiens dans l’économie nationale. Finalement, il semblerait qu’il y ait un chemin.

 
Bettina Pittaluga
@PittalugaB
 
Sources :
 
courrierinternational.com
Youtube.com
australianimmigrationagency.com
Abc.net.au
Un.org
 
Crédits photos :
 
francetvinfo.fr
customs.gov.au
foreignpolicy.com

Les requins trop proches annoncés via Twitter
Les Fast

Les requins s’attaquent aux réseaux sociaux

 
L’organisme de sauvetage Surf Life Saving, situé sur la côte ouest de l’Australie, a développé une nouvelle méthode pour mettre en garde baigneurs et surfeurs de la proximité de requins : ceux-ci tweetent quand ils se rapprochent trop des plages.
Pour rendre cela possible, des chercheurs ont placé des émetteurs sur quelques 320 squales. Ces émetteurs se déclenchent quand ils sont à 400m des balises et envoient un tweet sur le compte de l’association, @SLSWA, avertissant les abonnés du danger.
La taille et l’espèce du requin sont ainsi précisées, avec l’heure et la zone de son passage, ce qui donne par exemple : « Fisheries advise: tagged Tiger shark detected at 2km off Scarborough receiver at 08:04:00 PM on 30-Dec-2013″.
Deux bémols sont cependant à signaler : tous les requins n’ont pas été équipés d’émetteurs (320 seulement sont concernés, sur des milliers) et ce système de géolocalisation pourrait permettre aux chasseurs de tuer les squales plus facilement. Néanmoins, ce procédé pacifique a le mérite d’apaiser la plupart des tensions entre pêcheurs et protecteurs de l’environnement.
En tout cas, cette méthode révolutionnaire souligne la nouvelle suprématie des réseaux sociaux face aux médias dits « traditionnels ». Les annonces étaient auparavant faites via les radios et journaux locaux, et donc souvent sues bien après le péril. A l’ère des tablettes et des smartphones, une annonce sur Twitter a bien plus de chances d’être vue au bon moment : « Consulter Twitter avant d’aller vous baigner pourrait vous sauver la vie », n’hésite pas à titrer The Diplomat.
 
Lucie Detrain
Sources :
YouTube – « Sharks on Twitter? GPS tags send alerts to swimmers »
Twitter – compte du Surf Life Saving WA
Courrier International – Les requins s’attaquent aux réseaux sociaux
Crédits photos :
Western Australia

Société

L'anticonformisme selon France 3

 
La rentrée 2012 a été riche en campagnes médiatiques et aujourd’hui on s’intéresse à celle de France 3. Si vous êtes passés à côté, elle ressemble à ça.
Créée par l’agence « Australie », cette campagne d’affichage, qui s’accompagne de supports radio et vidéo, a fait sensation sur les réseaux sociaux. Et pourtant, les afficionados de Twitter et Facebook ne sont pas le cœur de cible d’une chaîne qui traîne derrière elle une image « vieillotte ». Mais en 2012, France 3 se rebelle et décide de faire entendre sa voix à travers une campagne osée.
Problème : comment  parler, à une génération de trentenaires urbains, d’émissions pour la plupart regardées par nos grands-parents ? Et surtout, – même si l’agence ne le formule pas de cette manière dans son discours – comment faire passer l’idée que regarder France 3 est une activité socialement valorisante ? Tout simplement en jouant la carte de l’humour.
Avec des slogans faisant la part belle à l’ironie et au second degré la chaîne nous montre qu’elle n’oublie pas de prendre du recul par rapport à ses propres productions. Cependant, rajeunir l’image d’une marque est toujours une tentative périlleuse. Et dans le cas de France 3, le risque était grand de nier l’identité de la marque en cherchant à travestir ses valeurs. Or, l’intelligence d’ « Australie » a précisément été d’axer sa campagne sur six émissions phares de la chaîne parmi lesquelles  30 millions d’amis, Plus belle la vie ou Côté Jardin.
Faire preuve d’autodérision c’est bien, en profiter pour tacler la concurrence c’est mieux. Après D8, c’est donc au tour de France 3 de s’attaquer aux programmes de M6. Avec humour, un des visuels consacrés à  Des Racines et des Ailes  annonce « Quand on s’invite dans un lieu, ce n’est pas pour refaire la déco » — les intéressés apprécieront. De manière moins marquée, les autres chaînes du PAF en prennent pour leur grade avec des références à la télé-réalité ou aux émissions hyper-scénarisées.
Bref, à travers ces quelques affiches France 3 affirme son caractère décalé. Destiné aux jeunes urbains, leur message pourrait se simplifier en ces mots : regarder France 3 c’est bien car c’est anti-mainstream. La chaîne, plutôt que de se lancer dans une quête de reconnaissance, prend le contrepied des critiques. La 3 devient « tendance », précisément parce que ses programmes ne le sont pas.
Alors si vous souhaitez briller en soirée, n’oubliez pas, dites que vous regardez  Thalassa.
 
Angélina Pineau

N.B : et pour tous ceux qui s’intéressent au graphisme, une très bonne analyse de cette campagne est disponible ici sur le site d’OWNI.

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