BARBIE
Culture

Barbie se met en formes

« Now can we stop talking about my body? » D’un revers de sa main de plastique, Barbie balaye les questions relatives à sa … plastique, en Une du magazine Time. Le groupe Mattel l’annonce dans l’hebdomadaire américain : Barbie fait sa révolution, et se refait une, ou plutôt des beautés. Après des mois d’études de marché, de tractations en interne et de tests auprès de ses (très) jeunes client(e)s, Barbie accueille dans son monde merveilleux trois variations de la fameuse sylphide blonde et longiligne créée en 1959, ainsi qu’une multitude de nouvelles carnations et textures de cheveux.

mannequinHM
Société

Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est la plus belle

 
Face à la dénonciation croissante de l’utilisation de la maigreur comme égérie de la mode, la marque suédoise H&M a créé l’événement en introduisant des mannequins taille réelle dans le rayon lingerie d’un de ses magasins en Suède. Par cette action symbolique, le pays a ainsi démontré son ouverture d’esprit et son émancipation face aux diktats de la mode. En effet, si la Suède a sauté le pas, la majeure partie du monde de la mode ne semble toutefois pas encore disposée à valoriser une image de la femme et de la beauté dont le critère majeur serait autre que la minceur. De cette façon, l’initiative de la marque a eu immédiatement son effet sur les réseaux sociaux et nombreux sont les internautes (hommes et femmes) à saluer cette action :
« Enfin des personnes qui savent apprécier ! Beauté ne rime plus avec maigreur … »
« Enfin ! Si cela pouvait arrêter cette folie anorexique chez nos adolescentes ! »
En effet, cette image de la beauté véhiculée par l’ensemble des médias n’est pas anodine et sans conséquences, notamment concernant les adolescentes, qui seraient plus enclines à sombrer dans l’anorexie. Nombreuses sont ainsi celles qui ripostent sur les réseaux sociaux pour dénoncer ce diktat d’une beauté uniforme, valorisant un type unique de morphologie plutôt que les spécificités de chacune.
The perfect body
Cependant, si le géant du vêtement semble vouloir changer peu à peu les choses en matière de représentation féminine, il n’en est pas toujours de même ailleurs. La célèbre marque américaine de lingerie Victoria’s Secret s’est en effet récemment illustrée dans un scandale lié à sa dernière campagne de communication, The Perfect Body, illustrant toute une ribambelle de femmes prenant la pose en sous-vêtements. Jugée comme inacceptable par bon nombre d’internautes, la campagne fait alors un tollé et provoque la création d’une pétition, qui récolte plus de 14500 signatures. Victime d’un véritable bad buzz, la marque s’est ainsi retrouvée assaillie de critiques négatives, à tel point que cette dernière a dû faire marche arrière, préférant « A body for everybody » à son précédent slogan, jugé trop polémique.

« Vous être superbe bien entendu, mais ils aimeraient en publier une de vous en t-shirt »
Dans le même registre, on se souvient de Brooke Birmingham, cette jeune illinoise de 28 ans, ancienne obèse, ayant réussi le pari de perdre durablement plus de 80 kilos. Jeune femme désormais épanouie, fière de son nouveau corps et bien dans sa peau, son histoire a tout d’une success story comme en raffolent les médias. Lorsque le magazine Shape la contacte pour raconter son histoire, la jeune femme y voit alors l’occasion d’y partager son histoire, porteuse d’optimisme. Et pourtant. Brooke déchante rapidement lorsque le magazine décide de censurer la photo où elle pose en bikini, les mains sur les hanches, fière d’un corps portant les signes de sa métamorphose. « Vous être superbe bien entendu, mais ils aimeraient en publier une de vous en t-shirt ». La jeune femme comprend alors rapidement la triste réalité à laquelle elle fait face : même avec 80 kilos de moins, son corps ne correspondra jamais à l’idéal prôné par les médias.

Face à ce diktat de l’apparence, l’actrice Keira Knightley s’est récemment insurgée contre cette maladie de la retouche Photoshop dont elle a de nombreuses fois fait les frais. « J’ai vu mon corps être malmené tant de fois et pour tant de raisons différentes, que ce soit par des paparazzi ou sur des affiches de films. Je suis d’accord pour faire des shootings topless, tant qu’on ne me retouche pas, moi ou mes seins. Parce qu’il me semble important de dire que ce n’est pas la forme qui compte ». L’actrice, qui ne semble visiblement pas apprécier de voir son physique retouché à maintes reprises sans raisons valables si ce n’est pour les besoins du marketing, a ainsi accepté de poser topless pour le magazine Interview à la seule condition que son corps ne soit absolument pas retouché par la suite. Magazines, vous voilà prévenus.
« I want to show that average is beautiful » : making Barbie a real woman
Prenant le contrepied de ces dérives de la presse magazine, le designer américain Nickolay Lamm s’est récemment lancé dans la création d’une poupée aux proportions plus réalistes que celles de notre chère copine Barbie. Avec sa silhouette élancée et ses longs cheveux blonds platine, la Barbie avec laquelle nous avons grandi est en effet loin de ressembler à la majorité des femmes. C’est la raison qui a poussé Nickolay Lamm à créer Lammily, un équivalent de Barbie version réaliste, qui a été conçue selon les mensurations moyennes d’une jeune fille de 19 ans établies par le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (la principale agence gouvernementale américaine en matière de protection de la santé et de la sécurité publique).

Pour le côté réaliste de sa poupée, Lamm a dans un second temps créé une palette de stickers qu’il est possible de coller et d’enlever à sa guise : taches de rousseur, cicatrices, boutons, pansements adhésifs, tatouages, blessures, ou encore piqûres de moustiques, à vous de customiser comme il vous plaît votre poupée. Avec ce nouveau modèle, Lamm espère montrer que les différents types de morphologies sont à la fois naturels et beaux. Il dénonce la forte ressemblance de toutes les poupées, raison pour laquelle il souhaite leur donner une touche réaliste.
Si l’ensemble de ces revendications ciblant le diktat d’une beauté féminine uniforme encouragent visiblement l’évolution des mentalités, les médias – et particulièrement les magazines – s’inscriront-ils également dans cette voie du changement ? On peut espérer que les défenseurs d’une beauté non standardisée finiront par obtenir gain de cause, mais il est cependant encore trop tôt pour l’affirmer. Affaire à suivre.
Pauline Flamant
Sources :
express.be
thecreatorsproject.vice.com
facebook.com/minutebuzz
buzzfeed.com
journaldesfemmes.com
dailymail.co.uk
huffingtonpost.fr
Crédits photos :
Victoria’s Secret
brookenotadiet.com
nickolaylamm.com

Barbie
Culture

I’m a Barbie girl

 
Quoi de neuf au pays merveilleux de Barbie ? Il y a quelques semaines, la plus célèbre poupée de 29 cm semblait se la couler douce avec son amie Victoria Beckham. Cette dernière s’est en effet lancée dans une vaste entreprise de revalorisation de son image ; et quoi de mieux pour Posh qu’une séance photo avec la copine de Ken pour paraître plus cool, décontractée, détendue ? « Life in plastic, it’s fantastic », isn’t it ? Ce genre de campagne de self-branding semble en tout cas témoigner d’une réalité indéniable : Barbie peut devenir un véritable outil de communication. Rien d’étonnant lorsque l’on sait que Mattel a vendu en 1997 sa milliardième poupée (apparue en 1959) et, qu’aujourd’hui, environ cent cinquante deux exemplaires sont achetés chaque minute.
Surfant sur ce succès mondial non démenti, le site américain Plus-size-modeling.com, spécialisé dans les mannequins rondes, a enflammé la Toile le 18 décembre en postant sur Facebook une photo comparant la Barbie traditionnelle avec son pendant XXL.

Dès le 18 décembre, donc, les réactions ne se font pas attendre. Pas moins de 37 000 likes accueillent la publication et nombre de commentaires s’y ajoutent. La question soulevée par le site – devrait-on commercialiser une telle poupée au physique moins conventionnel ? – est simple ; et pourtant, elle se heurte à un certain paradoxe qui alimente les débats houleux.
Les critiques classiques que reçoit Barbie tournent continuellement autour des mêmes sujets. Ce jouet contribuerait à répandre une image précise de la femme au physique stéréotypé. Difficile alors pour les petites filles d’accepter leur propre apparence lorsque les canons de beauté définis comme idéaux sont si strictes et difficiles à atteindre. Et que dire du rôle social réservé à une telle figure féminine qui a tous les traits d’un simple fantasme masculin, à la limite du pornographique ? « You can touch, you can play, if you say, I’m always yours » : Barbie est encore bien loin du modèle plus féministe de femme libérée. Mais cette poupée XXL n’est-elle pas la porte ouverte à toute une série de nouveaux clichés ? Ce double, voire triple menton -n’ayons pas peur des mots-  est-il réellement représentatif d’un physique plus standard ? D’après certains commentaires nous serions plutôt face à une caricature des femmes rondes. Et il y a encore plus grave.
Est-il nécessaire de rappeler que l’obésité est, parfois une maladie, du moins toujours dangereuse ? Ainsi, si on craint que les jeunes filles ne s’identifient à la Barbie taille XXS, est-il préférable qu’elles imitent la Barbie XXL ? A une autre échelle, pour soutenir une petite fille malade, Mattel avait créé il y a quelques années une Barbie chauve. Certaines associations encourageaient alors à la commercialisation de telles poupées. Mais si l’entreprise est louable et touchante lorsqu’elle reste ponctuelle, il devient bien plus malsain d’encourager les enfants à jouer avec des miniatures atteintes de cancer.

On pourrait alors même craindre que le projet de Barbie ronde n’ait plus de véritable portée éthique, mais devienne un simple objet de communication : à l’heure où les enseignes vestimentaires se doivent d’élargir leurs gammes de vêtements pour toucher des cibles plus corpulentes, ce genre de jouet pourrait devenir un support publicitaire idéal.
Face à ces dénonciations concernant les modèles qu’elle impose, l’entreprise Mattel pourrait rétorquer qu’il ne s’agit aucunement de communiquer un quelconque imaginaire et que Barbie reste un jouet, donc forcément une stylisation. D’ailleurs, ses proportions ne sont en rien réalistes : si Barbie sortait de son « Barbie World », elle ressemblerait à une espèce de monstre difforme, en rien désirable, comme l’a montré une étudiante américaine en 2011.

Oui mais justement, c’est là que le bât blesse. Depuis sa création, Barbie s’est targuée de véhiculer une certaine image positive de la femme à travers le monde. Dès 1967, et plus fréquemment à partir de 1980, la poupée s’est par exemple diversifiée selon les types ethniques. Lorsque l’on se vante de symboliser la diversité, forcément, les impératifs et les controverses deviennent plus systématiques. De même, à partir des années 70, Barbie voit ses professions et ses loisirs se multiplier afin de symboliser le plus fidèlement possible la diversification du rôle de la femme.  Dans les années 80, on peut même lire le slogan « We, Girls, can do anything. Right Barbie ? ». Barbie féministe qui assure que les femmes peuvent avoir accès aux mêmes métiers que les hommes ? Laissez nous rire.
Pour échapper aux polémiques, il faudrait alors que la marque Mattel se positionne : sa Barbie est-elle un simple jouet innocent ou un vecteur de communication d’une certaine image de la femme ? C’est peut être la première question à se poser avant de se demander s’il est nécessaire de commercialiser des poupées de corpulence variée.
Mais si l’on en juge par le happening organisé par l’ONG Peuples Solidaires le 10 décembre, à savoir placer une poupée ouvrière de deux mètres de haut sur les Grands Boulevards pour sensibiliser les passants aux conditions de travail chez les sous-traitants de Mattel en Chine, il semblerait que la popularité de l’indémodable Barbie en fasse un support parfait de communication. Une Barbie engagée deviendrait un excellent moyen de toucher le grand public. Serait-il alors temps pour la « blond bimbo girl » de sortir de son « fantasy world » ?
 
Margaux Putavy
Sources
HuffingtonPost
LeFigaro 
Magrandetaille