CILIT BANG
Société

Spontex, Cif, Mir … Des campagnes qui déménagent !

Il fallait bien un jeu de mot aussi subtil et comique que celui-ci pour parler d’un sujet aussi grave et terrible que les campagnes publicitaires des marques de produits ménagers. Car oui, c’est tout à fait dramatique d’allumer son poste de télévision pour assister, une fois de plus, à une énième pub au cheap repoussant comme celle-ci :

 
NON
Non, non, non, ce n’est plus possible. Vanish et les taches qui s’évanouissent comme par magie devant nos yeux, précédées d’une scène scolaire d’un kitsch sans nom. Non, vraiment, ce n’est plus possible.
Fort heureusement, quelques-unes de ces marques ont compris que s’inscrire dans un secteur hyper concurrentiel comme celui des produits d’entretien implique un minimum d’inventivité pour se faire remarquer. Voici donc une sélection de publicités qui nettoient pour notre plus grand bonheur les codes publicitaires propres à cette douce catégorie qu’est le produit ménager.
Un humour décapant : Cillit Bang – The Mechanic (BETC – janvier 2016)

 
Qui n’a jamais fait son ménage en musique ? Ce spot d’une grande ingéniosité montre qu’il est tout à fait possible de montrer l’efficacité du produit avec style. Dès le début, le générique et les couleurs nous indiquent que nous avons affaire à un véritable court-métrage. Un charmant Apollon, le danseur Daniel Cloud Campos (notons que la représentation « Homme + Ménage » est encore peu courante dans les publicités) se voit alors attribuer une mission, qu’il accomplira sur une chorégraphie dingue, tout en écoutant une musique entêtante et absolument connue de tous. On peut dire que BETC a réellement cassé le moule des publicités habituelles de ce genre de produit. Le site de l’agence stipule que les créateurs du spot se seraient inspirés de cette vidéo farfelue devenue virale sur les Internet. Quoi qu’il en soit, il est clair qu’avec The Mechanic, l’agence a absolument rajeuni, modernisé et glamourisé l’image de Cillit Bang.
Mais aussi :
– Dish Therapy – Tattoo‬ (2015 – Grey Argentina)
– Wahou de Spontex (2001 – TBWA)
L’originalité par l’évènementiel : Mir Restaurant (octobre 2015 – Ubi Bene)

 
Partir sans payer au restaurant est désormais possible grâce à Mir. Enfin… à condition de faire la vaisselle ! L’agence Ubi Bene a en effet proposé un concept original : rebaptiser un restaurant parisien Mir Restaurant, qui a proposé durant 3 jours à ses clients de déjeuner ou dîner gratuitement s’il lavent leurs assiettes. L’objectif de cette campagne étant de promouvoir une gamme de différents parfums de produits vaisselle, les clients du restaurant ont donc pu à la fois vivre une expérience amusante et agréable, puis tester les produits Mir. Un site internet (www.mir-restaurant.com) ainsi qu’un #MirRestaurant ont été mis en place pendant la durée de l’opération.
Mais encore :
– Cif efface le racisme des murs roumains (2014 – McCann)
Des campagnes interactives axées sur le digital : Ajax nettoie votre Facebook (janvier 2014)

 
Pour mettre en avant ses nouvelles lingettes Spay n’Wipe en Australie, Ajax propose de résoudre un des grands maux du siècle : effacer spams et faux-comptes résultant de nos likes et follow compulsifs sur nos réseaux sociaux préférés Facebook et Twitter. Pour cela, il suffit de se connecter au site http://www.ajaxsocialwipes.com, de sélectionner les pages honteuses ou inutiles dont nous voudrions nous débarrasser, et en un coup de lingette magique, Ajax fait notre bonheur ! Une campagne digitale cocasse, qui prolonge l’expérience de marque par le digital. La publicité semble avoir eu de bonnes retombées : « 200 000 personnes s’étant désabonnées à des pages Facebook et  20 000  à des ‘bots’ (faux comptes automatisés) sur Twitter, une semaine après le lancement de l’opération » (source : Vanksen).
Mais aussi :
– Le Compte Twitter le plus propre de Spontex (2015 – Kids Love Let Lag / Fred & Farid)
Comme souvent en publicité, l’originalité et la créativité sont essentielles pour sortir du lot. Ces exemples montrent que prendre du recul par rapport aux codes publicitaires du secteur marchand auquel la marque appartient est possible et permet une refonte de l’image très positive.
Mathilde Dupeyron
LinkedIn 
Sources :
– Matthieu Hoffstetter, Bilan.ch, « Mir propose de payer son restaurant en faisant la vaisselle », 22 Octobre 2014, http://www.bilan.ch/economie-plus-de-redaction/mir-propose-de-payer-restaurant-faisant-vaisselle
– Site de l’agence Ubi Bene, « Mir vaisselle et Ubi Bene créent le premier restaurant où l’on paie… en faisant la plonge! », http://ubi-bene.fr/blog/2014/10/20/mir-vaisselle-et-ubi-bene-creent-le-premier-restaurant-ou-lon-paie-en-faisant-la-plonge/
– La Réclame, « Produits ménagers : pubs et campagnes de communication », http://lareclame.fr/produits+menagers
– ComGom, « CIF supprime les graffitis racistes de la Roumanie », 07 juin 2014, http://com-gom.com/2014/06/07/cif-supprime-les-graffitis-racistes-roumanie/
– Helene Bourgois, BETC Pop, « Cillit Bang, ou quand le ménage devient une partie de plaisir », 04 janvier 2016, http://betcpop.com/2016/01/04/cillit-bang-ou-quand-le-menage-devient-une-partie-de-plaisir/
– Solange Derrey, Blog de l’agence Vanksen, « Ajax nettoie même vos réseaux sociaux ! », 28 janvier 2014, http://www.vanksen.fr/blog/ajax-nettoie-meme-vos-reseaux-sociaux/
Crédit image :
www.Adweek.com

Société

Un Ricard sinon rien !

 
Désespérément gris, le ciel parisien depuis Mai n’épargne personne et le moral semble être au plus bas. Dans ce climat morose, et alors que l’été se fait désirer, rien de tel qu’un rayon de soleil directement venu du Sud – Ricard l’a bien compris.
Du jaune soleil, du bleu méditerranéen : c’est bien ce que traduisent les affiches de la dernière campagne de Ricard, orchestrée par l’agence de publicité BETC.
Jaune avec un grand R

Ricard, c’est la boisson anisée née en 1932 à Marseille, celle du Sud et du soleil dont la teneur en alcool est de 45°. L’année dernière, pour son 80e anniversaire, la marque avait mis l’accent sur la tradition et l’authenticité de sa recette, retraçant avec humour l’histoire de Ricard avec la campagne « 80 ans et toujours jaune ». La recette reste inchangée depuis sa création, et c’est ce qu’illustraient les visuels. La marque explique qu’ «en préservant la même recette depuis sa création, Ricard défend son savoir-faire et la qualité de son produit ». Notons au passage qu’en temps de crise, miser sur la tradition et la constance reste une valeur sûre.

Cette année, Ricard mise à nouveau sur le secret de sa recette, avec des slogans de ce type : « Dans la recette du Ricard, la réglisse vient d’Orient, l’anis d’Extrême Orient et les glaçons du réfrigérateur » ou encore « À Marseille, on entend dire que le Ricard est composé de 1345 plantes différentes. C’est un tantinet exagéré ». Rappelons que Ricard est la première marque de spiritueux en Europe et leader mondial des anisés.
Ricard choisit des calligrammes pour mettre à l’honneur sa boisson et véhiculer ses valeurs, et notamment ses origines marseillaises. Les lettres forment en effet des contenants, tels que le verre ballon, la carafe ou le broc.
Petite symbolique des couleurs
De jolis calligrammes jaunes sur fond bleu foncé, pour un rendu final gai et coloré. Pour mieux analyser l’impact que peuvent avoir les couleurs sur le spectateur, un peu de symbolique des couleurs.
Le bleu, tout d’abord. Couleur du ciel et de la mer, il est implicitement lié au rêve et au calme ; ici, il représente le bleu de la Méditerranée. Le jaune quant à lui est la couleur du soleil, mais aussi celle de la fête et de la joie. Chaleureuse, elle est généralement associée au contact social, à l’amitié et la fraternité. Et c’est précisément là une des valeurs de la marque Ricard, boisson populaire et proche de ses consommateurs, qui véhicule des valeurs du sud de la France comme la détente, le soleil, les vacances à la mer. Pour le grand public, le consommateur type de Ricard est un homme jovial et épicurien, originaire du Sud et amateur de pétanque.

Associé au jaune, une des couleurs les plus joyeuses qui soient, le bleu Méditerranée constitue donc un cocktail parfait pour traduire la chaleur et la joie du Sud, et a posteriori les valeurs de la marque. Simplicité, chaleur, détente, voilà les maîtres mots d’une marque et d’une campagne
Finalement, un pari réussi pour cette campagne simple et efficace qui apporte son brin de soleil dans le métro parisien. En attendant l’été…
 
Clara de Sorbay
Sources :
Geeksland.com
Actupub.com
Le Monde Marketing
La Veilleuse Graphique

Société

Sephora – Rayonescence

 
Rayonescence, fascinance, bombassitude et glamourisme, attractionnisme ou sublimitude.
Autant de néologismes que vous avez eu l’occasion de voir ces derniers temps avec la dernière campagne Sephora. Que ces barbarismes agacent, amusent ou étonnent, ils ne laissent pas indifférents et suscitent de vives réactions, aussi bien élogieuses que critiques.
Alors, « massacre de la langue française » ou créativité audacieuse ?
Néologismes barbares ?
Sephora invente un nouveau « langage de la beauté » avec six visuels pour le moins étonnants. « Glamourisme » remplace le trop édulcoré « glamourous », « bombassitude » peut évoquer le pendant féminin de la « bogossitude ». Tous les termes employés font référence à l’univers de la beauté et de la séduction. Regardons d’un peu plus près l’étymologie de ces néologismes pour tenter de comprendre le message que cherche à faire passer la marque. Les mots en « -isme » connotent la scientificité, ils font généralement référence à un dogme ou une idéologie (« Attractionisme », « glamourisme »). D’après le dictionnaire, le suffixe « -itude » est utilisé pour créer des mots impliquant l’idée d’une revendication ou d’une attitude (« bombassitude », « sublimitude »).

Le suffixe en « -ence » quant à lui se réfère au domaine de l’action (« fascinance », « rayonescence »). Il semblerait donc que Sephora donne ici une définition bien précise de la beauté, vue comme une manière d’être – voire comme une qualité morale. Il s’agit presque d’une revendication, qui a trait au domaine de l’action.
Cette provocation langagière a déclenché une vague de réactions critiques face à ces « atteintes à la langue française ». De fait, les français restent globalement attachés à leur langue et se montrent plutôt conservateurs lorsqu’il s’agit d’y toucher. Parmi les nombreuses critiques, on peut lire celle d’un certain NIKKO, qui écrit sur un blog : « Dommage, la méconnaissance de la langue par nos publicitaires conduit à la création de ces formes aussi barbares que ridicules ! » (17/02/2013). On peut aussi relever l’indignation de la rédactrice de « La plume à poil » qui s’insurge contre ces barbarismes et conclut avec perplexité : « Mais où vont-ils chercher tout ça ? »
Psychédélique !

Sephora innove, donc, et ses barbarismes inédits font parler d’eux. Mais au-delà de la critique facile, reconnaissons la créativité de la campagne, qui à mon sens a d’abord le mérite d’être surprenante. En effet, elle se situe en rupture avec l’univers très codé de la beauté, généralement lisse et figé. Ici, c’est une explosion de couleurs et de formes qui attirent le regard. D’après Florence Bellisson, directrice de création de BETC, l’ambition de la campagne est de retranscrire à travers les visuels l’expérience en magasin, celle-ci ayant construit le succès de la marque. Elle se différencie de ses concurrents dans la mesure où dans les magasins, la cliente a la liberté d’essayer les produits, qu’elle peut toucher, tester et sentir elle-même. C’est ce que la mise en abîme cherche à retranscrire : une expérience tactile, euphorisante, un sentiment d’excitation, ou du moins d’effervescence lorsqu’on pénètre dans ce temple de la beauté. D’après l’annonceur, l’expérience que vivent les femmes lorsqu’elles entrent dans un magasin Sephora est « si particulière, si difficile à décrire que BETC a choisi d’inventer un nouveau langage visuel et verbal ». Malgré tout, si Sephora regroupe un grand nombre de marques de beauté, elle n’est pas vraiment considérée elle-même comme une marque à part entière par les consommateurs. Le but à travers cette campagne est donc de créer une personnalité et un univers propres à l’univers Sephora.
La beauté à l’honneur
Les effets de mise en abîme mettent l’accent sur des regards scrutateurs et intenses. Ce procédé tend à créer un effet captivant et une perte de repères chez le spectateur. Ici, ce sont des plans serrés exhibant des visages de femmes de diverses origines, maquillés (peints) avec art et originalité. Hypnotiques, vertigineux, ces visages happent le regard et captent l’attention du promeneur distrait. Ils ne sont pas sans évoquer un univers mystérieux, celui d’une magie mêlant langage crypté et techniques artistiques. La beauté devient un jeu où chaque femme peut exprimer sa créativité propre, contre les diktats imposés.

Résolument festive, la campagne de Sephora propose donc une approche créative de la beauté. Qu’elle soit critiquée ou appréciée, elle attire les regards et fait parler d’elle. Face aux critiques des puristes linguistiques, apprécions l’originalité de visuels déroutants qui proposent une relation décomplexée à la beauté. La provocation des barbarismes pourrait même avoir un effet marketing positif et se transformer en un code fédérateur pour les clientes, une sorte de « dictionnaire » Sephora. La campagne surfe sur la tendance de l’hyperféminité, féministe et futuriste. Colorée et fantaisiste, elle propose une vision exubérante de la beauté qui apporte un souffle nouveau aux codes figés traditionnels.
 
Clara de Sorbay
Sources :
Laplumeapoil.com
E-marketing.fr
Darkplanneur.com
Archéologie du futur et du quotidien

Dossiers et conférences

Les Revenants envahissent FastNCurious, Introduction

 
Fort de plus d’une année d’articles, FastNCurious veut aller plus loin dans la curiosité en proposant une série de dossiers qui analyseront un objet de communication sous différents angles spécifiques à l’enseignement du CELSA.
Pour la première édition notre regard s’est tourné vers Les Revenants, dernière création originale de Canal +. Entre fiction et réalité, série et cinéma, tradition française et international, cette série a tout d’un OVNI culturel et communicationnel. Quatorze rédacteurs volontaires ont proposé d’étudier la série sous les angles marketing, médiatique, culturel et symbolique.
La série Les Revenants, adaptée du film éponyme de Robin Campillo, débute avec une idée simple : quelles pourraient-être nos réactions face à l’inconcevable ? Comment réagir si un jour nous apprenons que les morts reviennent à la vie ? Et comment, eux, pourraient vivre à nouveau une vie normale ?
D’emblée, un constat récurent apparaît : la série Les Revenants est toujours située dans un entre-deux. D’abord dans le contenu : que ce soit au niveau de l’histoire, du symbolique et du culturel, le spectateur est toujours perdu entre réalité et fiction, vivants et morts. De manière plus surprenante, ce jeu entre des dimensions opposées se retrouve également dans tout ce qui est extérieur à la série : que ce soit d’un point de vue marketing ou médiatique, elle hérite d’un modèle sériel américain qu’elle applique aux traditions sérielles françaises, créant un objet hybride. Bref, Les Revenants ne sont jamais noirs ou blancs, tout l’un ou tout l’autre, mais dans un entre-deux.
Le second élément qui frappe est la dimension assumée des emprunts culturels et stratégiques de la série présente sous tous les angles d’analyse. Bien loin d’être un simple plagiat, le génie des Revenants est de composer avec cet héritage multiple, revendiqué et de proposer un nouveau modèle, une empreinte en devenir sur le paysage télévisuel français. Les Revenants incarnent le renouveau de la série française.
Voici ce que nos Curieux tenteront de vous démontrer cette semaine. Lundi sera consacré à la stratégie marketing mise en place par l’agence BETC, suivie par l’analyse de la stratégie médiatique Mardi. L’aspect culturel sera à l’honneur Mercredi, la symbolique des Revenants sera scrupuleusement analysée Jeudi. Enfin, Vendredi, un invité nous réserve son point de vue particulier.
Nous vous souhaitons une très bonne lecture.
 
Camille Sohier
Arthur Guillôme

1