Vente pyramidale, Herbalife dans la tourmente
Herbalife International est depuis le mois de décembre 2012 la cible du fonds activiste Pershing Square Fondation l’accusant de fraude pyramidale. Bill Ackman, son président, reproche au groupe de réaliser plus de chiffre d’affaire grâce à l’enrôlement de nouveaux distributeurs que par la vente de ses produits. De quoi s’agit-il exactement ?
Depuis 1980, Herbalife est un des spécialistes dans la vente de produits nutritionnels pour contrôler son poids, offrir une nutrition ciblée par des compléments alimentaires ainsi que des produits de soins du corps et du visage. Des scientifiques et des experts en nutrition conçoivent les produits et Herbalife compte 2,3 millions de Distributeurs Indépendants qui les commercialisent par la vente directe. Chaque membre du réseau paie pour entrer dans le système, se fournir en produits et en matériel nécessaires. Son recruteur perçoit alors une part de ce droit d’entrée. Cette commission augmente si le simple distributeur est devenu au fil du temps recruteur, puis recruteur de recruteur… C’est une technique de marketing très efficace et économique car Herbalife n’a besoin ni d’un budget publicitaire, ni d’organiser des rayons dans les supermarchés. Tout se passe par le classique bouche à oreille et fonctionne très bien aux États-Unis.
Cependant, le terme de vente pyramidale désigne une forme d’escroquerie dans laquelle le profit ne provient pas d’une activité de vente comme on pourrait le croire, mais surtout du recrutement de nouveaux membres. Les initiateurs du système sont au sommet de la pyramide et en profitent en spoliant les membres de la base. L’argent coule vers le haut et les premiers 0,05% des distributeurs ont gagné 337 000 dollars en 2011. Bill Ackman a acheté 20 millions d’options de vente, c’est-à-dire des titres boursiers dont la valeur augmente si l’action de l’entreprise – Herbalife dans ce cas – baisse. Or, les prévisions de celui-ci sur la chute des actions s’est vue confirmée ; l’action a dégringolé jusqu’à atteindre 26,06 dollars le 24 décembre dernier. Elle remonte un peu jusqu’à ce que le 31 décembre, un autre acteur entre en jeu : Daniel Loeb, fondateur de Third Point, un fonds activiste qui décide de soutenir Herbalife et d’en acheter 8,9 millions d’actions. Une enquête de la Security and Exchange Commission (SEC) est ouverte. Les deux hedge fund tentent de défendre leur cause le mieux possible. Herbalife quant à lui, se retrouve acculé à une communication de crise qui l’oblige à justifier son fonctionnement et son bien-fondé.
La technique de communication d’Herbalife est très simple, presque simpliste : description des effets bénéfiques de ses produits sur son site. La promotion se poursuit sur Facebook par le biais de vidéos-conseils diététiques dans lesquelles des nutritionnistes d’Herbalife s’adressent directement au consommateur. Ajoutez-y le bouche-à-oreille et le consommateur de se sentir lié à la marque et de s’en rapprocher.
En début de crise, le 19 décembre, Herbalife publie ses communiqués de presse sur son site. Ceux-ci ne cherchent guère à être rassurants et positifs sur l’affaire, ils s’apparenteraient plutôt à des procès verbaux très factuels et chiffrés. Des phrases très courtes et hiérarchisées par des tirets. Une transparence abrupte comme dans un bilan, pour ne pas avoir à y revenir. La page Facebook est uniquement bombardée de conseils diététiques. Au cours de la conférence de presse du 10 janvier, le PDG Michael O. Johnson dément les accusations et fait intervenir deux arguments par le biais de figures d’autorité pour réaffirmer la probité de l’entreprise. Tout d’abord, Ann Coughlan, consultante et professeur de marketing à la Northwestern University School of Management a expliqué que l’entreprise qu’elle a étudiée, n’a aucune des caractéristiques d’un système de vente pyramidale. Le Dr Vasilios Frankos, quant à lui, ancien haut responsable de la Food and Drug Administration a défendu l’éthique scientifique d’Herbalife dont il est aujourd’hui l’un des dirigeants. L’engagement de ces deux personnes avec l’entreprise dévoile l’intérêt qu’ils servent : Herbalife. Vient en dernier lieu, la vidéo publiée après la conférence qui croise les regards émerveillés des distributeurs, clients, sportifs sponsorisés, scientifiques et dirigeants d’Herbalife. Tout est beau dans le meilleur des mondes, les valeurs de l’entreprise sont réunies. Le paysage est très vert, presque transparent, une vraie merveille. Et puis il y a Michael Johnson qui rappelle à ses consommateurs qu’il travaille pour leur assurer une bonne nutrition, bâtir de nouvelles opportunités de travail, mener les gens vers la compagnie sans les y forcer : « not selling product, selling a good nutrition to people ». Un contraste surprenant avec leurs communiqués de presse froids, secs et télégraphiques. Le retard pris par les communicants pour adopter une stratégie efficace montre bien le grand problème posé par la communication de crise qui impose anticipation et adaptation.
Félicia de Petiville
Sources :
Financial Times « Spotlight falls on Herbalife cash source »
Le Monde « Herbalife, au cœur d’une guerre entre investisseurs activistes »
Site d’Herbalife USA