mark zuckerberg
Société

Mark, un ami qui vous veut du bien

 
« L’épidémie d’Ebola se trouve à un tournant critique. Le virus a contaminé 8400 personnes jusqu’à présent, mais il se répand très rapidement et certains prédisent qu’il pourrait contaminer 1 million de personnes, voire plus, d’ici plusieurs mois si rien n’est fait pour le combattre », a expliqué il y a quelques semaines Mark Zuckerberg, président de Facebook.
L’épidémie de cette fièvre hémorragique aurait déjà, selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé), causé la mort de 4800 personnes, principalement au Libéria, en Sierra Leone et en Guinée. Le PDG du réseau social le plus utilisé au monde (1,32 milliard d’utilisateurs) ainsi que son épouse, Priscilla Chan, avaient déjà annoncé le 14 octobre un don de 25 millions de dollars aux Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) pour lutter contre le virus. Ce n’est pas une première pour le jeune milliardaire de 30 ans qui avait été placé en 2013 en tête de la liste des plus grands donateurs de la planète par le journal américain The Chronicle of Philanthropy.
Sans doute parce qu’il est soucieux d’étendre ses ardeurs philanthropiques aux utilisateurs de son réseau social, est apparu sur Facebook, début novembre au sommet de votre fil d’actualité un nouveau bouton : « cliquez pour faire un don ».

De l’utilité du like responsable
Le simple pouce en l’air, symbole ultime du géant Facebook, a été remplacé par la même main tenant un petit coeur rose. Tout comme Marc Zuckerberg et sa femme, et comme c’est écrit, « nous pouvons participer à la lutte contre Ebola ». Nous, simples utilisateurs, pouvons faire comme eux, milliardaires. En d’autres termes, nous pouvons tous agir à notre niveau et Facebook nous facilite la tâche. Plus d’excuses et fini le slacktivisme : sur les réseaux sociaux il est particulièrement aisé de se donner bonne conscience en likant et en twittant les actualités d’une multitude d’ONG. En revanche, les actions concrètes et utiles qui en découlent sont rares.

Cette opération de collecte de fonds a été mise en place au profit de deux ONG : International Mediacal Corps et Save the Children. La première a pour but de fournir des traitements d’urgence sur place et de former les équipes médicales. Il s’agit de les « aider à stopper Ebola à sa source » et de « restaurer la santé et l’espoir chez des millions de personnes ». La seconde soigne les enfants et protège ceux dont les parents ont été emportés par la maladie. Les internautes qui souhaitent faire un don sont amenés à choisir l’une des deux. Cependant, pas question pour le géant du web de se faire de la gratte puisqu’il est précisé que « l’intégralité du montant » sera reversé à l’association.
Comme Mark Zuckerberg, Larry Page (directeur et fondateur de Google) a lancé sa propre collecte de fonds. Le principe est simple : « pour chaque dollar versé, Google donnera 2 dollars ». Le but est que la somme totale atteigne les 7,5 millions de dollars. Le mouvement a aussi été suivi par Bill Gates, co-fondateur de Microsoft.
Entreprises, humanitaire et image : une recette qui marche
Protéger et entretenir sa réputation est un enjeu majeur pour l’entreprise. Le maintien d’une bonne image de marque auprès du public et des actionnaires relève de subtiles stratégies. De plus en plus exposées et soumises à la rapidité des flux d’informations et des rumeurs, elles rivalisent d’inventivité pour se construire et véhiculer une image positive. Elles font face à des consommateurs de plus en plus méfiants et avertis qui cernent très bien leur « mauvaise foi » et la finalité commerciale de leurs campagnes. La communication corporate (ou communication institutionnelle) est d’autant plus utilisée par les géants de l’internet (Facebook, Google, Apple, Amazon). En effet, ils sont présents dans le quotidien des utilisateurs et doivent prouver à chaque instant leur légitimité et leur responsabilité sociale.

C’est dans ce contexte que l’utilisation de campagnes fondées sur l’humanitaire semble très efficace. Et les entreprises l’ont très bien compris. La cause humanitaire est difficilement critiquable. En effet, quoiqu’on en dise les résultats sont là : même si en poussant ses internautes à faire des dons, Facebook améliore son image, il n’en demeure pas moins que l’argent sera effectivement utilisé pour lutter contre Ebola. Même si Mark Zuckerberg s’est défendu de faire du marketing en répondant aux critiques sur son profil Facebook, le but est de donner au réseau social l’image d’une entreprise responsable et d’intérêt public qui se soucie des grandes causes sanitaires et sociales de son temps. Et justement, la firme en a besoin. Elle a récemment été secouée par différents scandales concernant la protection de la vie privée. En effet, le business-model de Facebook repose sur l’exploitation des données personnelles des utilisateurs et a donné lieu à de nombreuses polémiques. Outre sa supposée collaboration avec la NSA, il lui est principalement reproché de ne pas respecter la législation européenne sur la protection de la vie privée ce qui a conduit 25000 internautes à porter plainte en août dernier.

Concernant Facebook et Ebola, la véritable hypocrisie se cache ailleurs. Début octobre, un hacker, étudiant à Stanford, a révélé que Facebook était en train d’expérimenter un système de paiement entre utilisateurs sur son application Facebook Messenger utilisée par 200 millions de personnes à travers le monde. Il est fort probable que les transferts d’argent qui seront effectués grâce au « bouton Ebola » servent en réalité à mesurer la capacité du serveur à les supporter. Facebook cherche donc à investir le marché des transactions monétaires. Cela semble d’autant plus évident que le directeur de l’application Facebook Messenger n’est autre que que David Marcus, ancien PDG de Paypal.
Cette volonté de se positionner comme acteur de l’intérêt général et social au même titre qu’un Etat par son aspect paternaliste et protecteur, est très bien illustré par le slogan de Google depuis 2004 : « Don’t be evil » (« ne soyez pas malveillant » en français). Dans la charte de l’entreprise la plus puissante du monde il est d’ailleurs mentionné « il est possible de gagner de l’argent sans vendre son âme au diable »… En terme de culture d’entreprise, il s’agit du pilier identitaire central du groupe. Le comble du cynisme alors qu’en juin 2013, après les révélations d’Edward Snowden, Google ainsi que Facebook et Microsoft sont accusés de participer au programme d’espionnage de la NSA en livrant des millions de données personnelles relatives à ses utilisateurs. Ce n’est pas un hasard si Larry Page, le PDG de Google, a récemment exprimé vouloir changer de slogan.
Alice Rivoire
Sources :
bbc.co.uk
persee.fr
who.int/fr
lexpress.fr
leparisien.fr
Crédits photos :
facebook.com
taxjusticeblog.org
mailactu.net