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Mikado Stick, le mystère résolu

Alors là, ça va trop loin. Voilà la phrase qui pourrait résumer la grande majorité des réactions suscitées dans un premier temps par la surprenante campagne #MikadoStick, supposée promouvoir un petit nouveau dans la gamme de biscuits Mikado. Ces dernières semaines, les citadins ont en effet vu se multiplier dans les transports en commun des affiches vantant les mérites d’un étrange biscuit, entouré de « rien d’autre que du biscuit », tandis que tous ceux qui allumaient leur télévision y découvraient des spots publicitaires relayant eux-aussi l’information. Peu à peu, grâce à un effet boule de neige, à base de « non mais t’as vu le dernier mikado ? », le mikado stick était dans tous les esprits et dans toutes les conversations autour de la machine à café. Un mikado sans chocolat. Une hérésie marketing, un scandale aux yeux de tout amateur de cacao, mais surtout, une énorme blague de la marque dont le but était en réalité de relancer son Mikado King Choco, en manque de visibilité depuis son lancement.
Surprendre et innover
C’est à la créative agence Romance, connue pour son offre axée sur le digital, que Mikado a confié cette opération. Ayant compris les enjeux des médias sociaux dans la communication moderne, l’agence a donc choisi de tout mettre en œuvre pour inciter les internautes à parler de la marque : et quoi de mieux pour cela que de créer un débat, dont on sait combien les amateurs de réseaux sociaux sont friands. Il s’agissait donc de lancer une bombe, une information rompant avec la logique du produit (un mikado, c’est depuis toujours un biscuit enrobé de chocolat), mais aussi avec la logique tout court (enlever au lieu d’ajouter, c’est aller à contre-courant des stratégies mises en œuvre dans le secteur des biscuits). Cela étant fait, au moyen d’une accroche courte et surréaliste poussant le consommateur à s’interroger (« 0% chocolat, 100% plaisir »), le publicitaire incite ce dernier à se rendre sur les réseaux sociaux et notamment sur twitter, en intégrant dans les prints comme dans les spots télévisés le hashtag #MikadoStick. La marque bénéficiant d’une communauté de fans très active et très engagée, il n’est pas étonnant que le buzz recherché ait parfaitement fonctionné : le #MikadoStick est rapidement devenu le premier trending topic en France sur twitter.

Moquer la publicité traditionnelle pour créer de la connivence : rire « avec » le consommateur, non à ses dépens.
Mais ce qui semble le plus intéressant dans cette opération originale c’est que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le but de Mikado n’était pas de piéger le consommateur en lui faisant réellement croire à la sortie d’un mikado sans chocolat. Comme le rappelle Christophe Lichtenstein, co-fondateur de l’agence Romance, la marque a toujours fait appel à l’intelligence de ses consommateurs, avec lesquels elle a entretenu une relation adulte et forte au gré des campagnes publicitaires. Il s’agissait donc de s’amuser avec les internautes, de faire monter le suspens autour de ce qui se cachait réellement derrière le Mikado Stick, grâce à un community management efficace Ainsi, durant toute la phase de mise en avant du Mikado Stick, les réactions sur twitter ont été nombreuses, et Mikado extrêmement réactif pour rebondir sur les blagues des twittos (8 personnes à temps complet produisant des contenus en temps réel pendant 4 jours) : pour ne donner qu’un exemple, lorsque l’un d’eux s’amuse à lui proposer de « vendre des bouts de bois », la marque répond par un montage humoristique reprenant les codes de ses prints.

Au-delà d’une stratégie digitale efficace, dont l’humour devait déjà alerter le consommateur et le faire réfléchir à la crédibilité de ce nouveau produit, les spots télévisés venaient parfaitement compléter la stratégie de mikado. Reprenant les codes de la communication alimentaire pour mieux les détourner (« la petite faim » de Kinder, l’image de l’enfant héros devenue la marque de fabrique des biscuits Prince …), ces spots humoristiques laissent peu de place au doute. Cependant, force est de constater que beaucoup de clients se sont laissés prendre au piège, notamment les consommateurs peu actifs sur les réseaux sociaux et qui n’ont été confrontés qu’aux prints : malgré le discours de la marque, cette campagne joue donc à fond la carte de l’ambiguïté, créant malgré tout un doute, et donc une attente.

Relancer une innovation produit : un défi
Mikado ne cherchait pas à palier un manque de visibilité de sa marque, mais bien de l’un de ses derniers produits : le Mikado King Choco, dont la particularité est justement d’avoir… deux fois plus de chocolat ! Trois jours après le lancement de la campagne #MikadoStick, de nouveaux prints sont ainsi apparus, mettant en avant le Mikado King Choco et arborant fièrement le slogan « Maintenant, vous savez où on a mis tout le chocolat ». Tout s’expliquait. Après la première phase autour du Mikado Stick, la marque est donc entrée dans une deuxième phase, celle du « mass média » dont le but est de redonner de la visibilité à ce produit, et ainsi de booster les ventes. S’il faudra attendre un peu pour mesurer l’impact de l’opération sur les ventes du King Choco, l’agence Romance estime déjà que l’activité des consommateurs sur les réseaux sociaux de la marque aurait progressé d’environ 300% depuis le lancement. En attendant, vous reprendrez bien une double dose de chocolat ?

Sarah Revelen
Sources
Blog du modérateur
L’ADN
Crédits photo
La réclame
Meltybuzz
Twitter
lulechampdespossibles

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La meilleure blague de Carambar ?

 
Qui que soit votre interlocuteur, si vous lui demandez ce qu’évoque pour lui Carambar, il vous répondra probablement les fameuses blagues inscrites sur l’emballage de la sucrerie. Elles constituent en effet un profond marqueur identitaire, d’autant plus qu’elles renvoient à l’enfance de l’utilisateur. Cet imaginaire collectif de Carambar est du pain béni pour la communication de la marque qui depuis toujours joue sur son image ludique, « fun » et conviviale (avec le fameux slogan « Carambar, tous barrés »), bien que, il faut se l’avouer : peu importe la tendresse qui nous lie aux fameuses friandises, les blagues ne soient ni toujours drôles, ni d’un bon goût affirmé.
Or, le 21 mars 2013, après quelques effets de teasings (« le changement c’est bientôt »), Carambar fait une annonce qui va raviver les passions des cibles de la marque ; fini le temps des bonnes vieilles blagues, fini le temps où on lisait ses blagues à tour de rôle, la bouche pleine de Carambar goût caramel, place à l’éducation ! Carambar proclame le temps des questions éducatives ouvert, en donnant quelques exemples de ce que deviendra l’emballage. La teneur des questions, ainsi que les propositions de réponses, mettaient cependant déjà la puce à l’oreille. Entre les épellations douteuses et dignes d’un académicien, on trouvait également des questions telles que « Qu’est-ce qu’un goulag ? »

On pouvait à la limite toujours se dire qu’à défaut de conserver l’aspect blague, Carambar gardait celui de mauvais goût. Mais tout de même, suggérer à nos chères petites têtes blondes qu’un goulag pourrait être une viennoiserie ou un sport nordique, cela avait quelque chose d’étrange voire de dérangeant. Jusqu’aux couleurs de Carambar qui se pare, plutôt que d’un jaune vif, d’un gris ardoise plutôt déprimant agrémentant le nouveau slogan : « Carambar, c’est du sérieux ».

La communication de Carambar a sur ce coup-là très bien joué : tout, hormis le contenu même des questions/réponses proposées, rendait crédible cette annonce. La page Facebook, qui en a été le principal berceau, nous montre bien que ce poisson d’avril était préparé depuis longtemps, notamment au travers de rappels constants d’un changement à venir et de faux spots publicitaires qui ont même circulé. L’annonce décevait, surprenait, choquait, mais on y croyait quand même un peu tous, simplement parce que la communication autour de la fausse annonce semblait sérieuse et complète (et pour cause, elle l’était) : pourquoi se donner tant de peine pour un fake ? Les outils utilisés par Carambar sonnaient redoutablement juste, à grands coups de dossiers de presse, d’annonces publicitaires,…

À ce moment-là, l’annonce Carambar est à la fois une réussite et un flop : la marque fait parler d’elle en brassant les imaginaires du public, en le dérangeant dans ses habitudes, mais justement à cause de cela, le changement n’est pas bien reçu (ce qui était sans aucun doute prévu par les communicants de Carambar). On ne peut s’empêcher de penser que ces derniers ont dû bien s’amuser en observant les réactions des fans, massives sur les réseaux sociaux, et si l’on n’est pas trop pétri de fierté et qu’on est beaux joueurs, on ne peut que leur donner raison. Les plus orgueilleux d’entre nous vous affirmeront qu’ils avaient vu la chose venir, qu’ils n’avaient jamais pris l’annonce au sérieux, mais ne nous voilons pas la face : avant l’annonce, plus personne ne s’intéressait à ce que pouvait faire Carambar, en conséquence, surpris par ce revirement, nous sommes tous tombés dans le panneau, la presse au même titre que les autres.
Et pour cause beaucoup de journalistes enragent, car ils ont été volontairement dupés par la marque, en témoigne un article dans Le Parisien, qui pose la question du mensonge marketing. On aura beau dire, pourtant, la marque a réussi son coup. L’afflux de commentaires et de réactions, le respect de la tradition, car après tout il s’agit d’une blague, peut-être la meilleure de Carambar, représentative de la ligne de conduite de la marque, tout cela permet une réussite, mais une réussite que beaucoup ont du mal à admettre. La communication était soignée, bien vue, mais elle n’en était pas moins mensongère. Et surtout, avouons-le, le discours de Carambar sonnait beaucoup trop bien dans l’ère du temps, ce qui en soi est déjà inquiétant lorsqu’on entend des phrases du genre : « conscient que les enjeux de la transmission du savoir vont bien au-delà de la mission de l’école, Carambar a décidé de participer à l’éducation des plus jeunes » ou « aujourd’hui de nombreuses études prouvent qu’associer la transmission des savoirs aux moments de plaisir et de détente favorise la mémorisation et l’apprentissage », discours consensuels et bien pensants, qui, bien que particulièrement irritants, sont actuellement à la mode.

Mais que l’on se rassure ! Quatre jours après cette annonce qui a bouleversé les habitués du Carambar, la marque nous invite avec son slogan « la fin des blagues #cetaituneblague » à revoir nos récriminations, il ne s’agissait bien là que d’un poisson d’avril avant l’heure. Et la communication du dévoilement, autant que celle de l’annonce, est tout aussi solide et travaillée : vidéos youtube, making of de la supercherie, nouveaux spots en négatif de ceux de la blague, site internet consacré. On est cependant en droit de se demander si cette blague un peu trop préparée (six mois de travail selon le service communication), n’est pas comme les bons mots auxquels on songe pendant quelques minutes avant de les dire dans une conversation : bien pensés, certes, mais pas si drôles que ça…

 
Noémie Sanquer
Sources :
Letelegramme.fr
Le Parisien
Carambar.fr
Le Figaro
La page Facebook de Carambar

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