Société

Blanc sinon rien

Votre peau de couleur vous dérange ? Pas de problème ! Grâce aux comprimés Snowz de Seoul Secret, votre peau sera blanche comme neige. Plus rapide encore, rendez-vous sur l’application FaceApp qui vous fait un ravalement de façade en quelques secondes. Quant à Nivea, il y avait de quoi affoler la Toile en mars dernier avec son slogan « White is purity ». Entre badbuzz, incompréhension culturelle et véritable tendance — le blanchiment de la peau inquiète.
 
« Être blanc, c’est être un gagnant »
Avoir une peau claire est un critère de beauté répandu depuis des siècles parmi les aristocraties japonaise et française qui se distinguaient ainsi des paysans travaillant en plein air. Aujourd’hui encore, les ombrelles se multiplient en Asie dès les premiers rayons de soleil. Le culte de la blancheur est aussi visible dans certains pays d’Afrique depuis le XVIIIème siècle, période où les colons ont diffusé les canons de beauté européens. Ce symbole de succès et de beauté pousse les femmes à éclaircir leur peau au plus grand plaisir des marques et de leur portefeuille.
La marque Snowz a fait beaucoup de bruit lors de la sortie de son spot publicitaire en janvier 2016 avec le slogan “Être blanc, c’est être un gagnant”. Cette publicité jugée raciste par les internautes et qui a fait scandale en France semble en revanche n’avoir pas fait de vague en Thaïlande, pays d’origine de l’égérie de Snowz. Certes, les critères de beauté sont différents d’une culture à l’autre, mais aller jusqu’à dire qu’avoir la peau noire relève d’un manque d’hygiène, cela ne relève plus seulement de spécificités culturelles mais de racisme. Il y a ici de véritables enjeux sociétaux et sociaux relatifs au respect de soi et d’autrui dans un monde globalisé où toutes les différences sont des richesses.

 
“White is purity”
Le 31 mars 2017, on a pu penser – peut-être à tort – que Nivea voulait s’emparer de la tendance du blanchiment de la peau avec sa dernière promotion sur Facebook. Néanmoins, on s’interroge sur la véritable intention de la marque au vu du slogan plus qu’explicite « White is purity ». En voulant promouvoir son déodorant « Invisible for Black & White » au Moyen-Orient, la marque Nivea a fâché nombreux consommateurs qui se sont indignés sur les réseaux sociaux jusqu’à accuser la marque de racisme.

Ce sont les suprématistes blancs qui ont salué la publicité en commentant la publication par des images d’Hitler ou de Pepe the frog.
 
Nivea has chosen our side and the most liked comments are glorious. »
Nivea a choisi notre bord et les commentaires les plus aimés sont glorieux. »
 
Cela dit, contrairement à Snowz, Nivea s’est empressée de retirer la publicité en présentant ses excuses pour cette publication « trompeuse ».
“Nous sommes profondément désolés que quiconque ait été choqué par ce post. Après avoir compris que ce post était trompeur, nous l’avons immédiatement retiré. La diversité et l’égalité sont des valeurs fondamentales de Nivea.” Porte-parole de Nivea, site de la BBC.
 
Plus beau, plus blanc
Dans un autre registre, l’application FaceApp tout juste lancée en janvier 2017, a aussi été accusée de racisme. Elle devait simplement rendre les utilisateurs “beaux” en les faisant sourire, vieillir ou rajeunir mais l’ajout d’un filtre “hot” (sexy) a fait le buzz puisque ce dernier blanchissait la peau. La blancheur de peau a effectivement été assimilée par l’application comme un signe naturel de beauté.

Le fondateur de FaceApp, Yaroslav Goncharov, s’est excusé face aux médias et a qualifié l’incident de « problème sérieux ». Pour apaiser les tensions en vue d’une rectification de l’application, le filtre a été renommé « spark » (étincelle).
 
Oups, je n’ai pas fait exprès, …
Ces exemples font état d’une tendance inquiétante qui continue de croître et où le type caucasien devient la norme de beauté dans le monde. Des femmes vont même jusqu’à enduire sur leur visage des préparations maison contenant de l’eau de javel.
Des marques comme Seoul Secret, Nivea, FaceApp et bien d’autres qui suivent cette tendance essaient de répondre à un besoin alimenté par la mondialisation et l’industrie audiovisuelle mais cautionnent par la même occasion ces pratiques contre nature et racistes.
Les marques sont de plus en plus proches de leurs consommateurs et ont donc, par leur pouvoir d’influence et de prescription, une véritable responsabilité notamment en matière de santé. Ainsi, les followers des blogueuses beauté n’hésitent pas à se couvrir le visage de produits conseillés par les youtubeuses. Néanmoins, en octobre 2015 les fans d’EnjoyPhoenix ont fait les frais d’un masque recommandé par la blogueuse, à base de cannelle qui causait des brûlures. Suite à ce scandale, beaucoup de youtubeuses ont pris conscience de cette responsabilité qui les incombe envers leurs fans, qui sont pour la plupart des adolescent(e)s.
Par ailleurs, au vu des valeurs de Nivea, qui promeut toutes les formes de beauté féminines, il était très étonnant de retrouver la marque au cœur d’un pareil scandale de racisme. Lapsus ou réelle erreur de communication? La question demeure car ce n’est pas la première fois que Nivea est accusée de la sorte. En 2011, la marque de cosmétiques incitait déjà les américains à se « reciviliser » en abandonnant barbe et coupe afro.

Buzz ou badbuzz, on parle des marques et elles s’en réjouissent. De plus, il semble que, dans ce contexte d’alerte permanente, la véritable catharsis a lieu à travers le scandale. Celui-ci devient le défouloir de toute une société avide de mouvement, d’intolérable et de diversion face au morne quotidien. Les foules peuvent prendre les marques comme boucs émissaires de leur violence et surtout de leur liberté d’expression quand elles ne les considèrent pas comme leurs plus proches amies.
Le badbuzz est généralement craint par toute entreprise, cependant on se demande parfois s’il n’est pas voulu. Dans certains cas, cette exposition médiatique semble même révéler les fantasmes cachés des marques. Chassez le naturel, il revient au galop.
 
Voiry Flore
 
Crédits :
http://nofi.fr/2015/09/le-blanchissement-de-la-peau-un-complexe-dinferiorite/23216
Capture d’écran compte Twitter Nivea
Capture d’écran compte Twitter FaceApp
Publicité Nivea
 
SOURCES :
• LEFRANÇOIS Carole
Publié le 02/03/2016
“Sur les docks” : la mode du blanchiment de la peau auscultée par France Culture »
 
• DUVAL Jean-Baptiste
Publié le 20/04/2017
Comment les grands groupes se transforment en machines à bad buzz malgré eux »
 
• BAPAUME Virginie
Publié le 16/03/2017
« Beauté noire : les dangers du blanchiment de la peau »
 
• La rédaction de France TV
Publié le 06/04/2017
« »Le blanc, c’est la pureté » : accusé de racisme, Nivea retire une publicité »
 
• La rédaction Il était une pub
Publié le 12/01/2016
« Scandale : la pub thaïlandaise raciste pour Snowz »
 
• La rédaction Le Monde
Publié le 25/04/2017
« L’application à succès FaceApp, qui rend les gens « sexys », accusée de racisme »
 
• LORRIAUX Aude
Publié le 19/08/2011
« Nivea retire une publicité accusée de racisme »

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