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Bodyform : la réponse en image

 
Personne n’avait jamais, jusqu’à présent, remis en cause ces publicités bien connues des produits hygiéniques pour femmes qui, soyons honnêtes, se ressemblent toutes. Les femmes ayant leurs règles et utilisant la serviette hygiénique de telle marque ou le tampon d’une autre, se retrouvent toujours harnachées d’un parachute dans un avion, prêtes à sauter, galopant sur un superbe étalon dans les dunes du désert de Gobi, ou faisant de la gymnastique dans les rues de New-York. Richard Neil, lui, l’a fait : il a dénoncé ces métaphores mensongères présentes dans les publicités, et ce non sans humour.
Dans un commentaire sur la page Facebook de Bodyform, l’équivalent de Nana en France, cet homme raconte sa fascination pour les publicités de la marque, qui ont forgé sa connaissance en la matière. Et, c’est avec un ton facétieux qu’il expose sa révélation : non, les menstruations ne sont pas des moments de bonheur intense pour la femme, ni pour l’homme précise-t-il. Cette publication a récolté en à peine 10 jours 90 000 likes. Apparemment, nombre d’internautes ont trouvé en lui un porte-parole digne de l’affront des publicités pour serviettes hygiéniques.
Personne n’avais jamais, jusqu’à présent, vu un sujet tel que l’hygiène féminine générer un phénomène viral. Bodyform l’a fait. En effet, loin d’ignorer cette publication décalée, la marque y a trouvé l’opportunité d’intégrer ses fans dans sa stratégie de communication. Ainsi, avec une réactivité incroyable, la marque a sorti une vidéo moins de dix jours après l’intervention du plaignant (devenu célèbre depuis), qui met en scène la présidente de Bodyform, jouée par une actrice piquante. Elle y explique, en s’adressant personnellement à Richard, les raisons des choix stratégiques de Bodyform, avec un ton sarcastique et une auto-dérision assumée. En jouant sur ses propres stéréotypes (le fameux liquide bleu n’a pas été oublié), la marque réussit un véritable exploit de community management . En effet, la vidéo est entièrement adaptée au commentaire de Richard, tant dans le contenu, qui reprend ses arguments, que dans la forme : le second degré domine. Et pour parler d’un sujet plutôt tabou comme les menstruations, Bodyform n’a pas hésité à en rajouter une couche, avec un humour ciblé au niveau de la ceinture…
Le buzz de cette vidéo est sans précédent pour Bodyform, qui stagnait à trois ou quatre likes par jour, et une plate-forme vidéo Youtube carrément vide. Plus de 2 millions de curieux se sont empressés de voir la réponse de la marque, en une journée seulement.
On pourrait croire que le sujet a longtemps été évité par les consommateurs car la vidéo a engendré plus de 13 000 commentaires, dans lesquels les internautes déballent leurs propres expériences. Les femmes étalent leurs déboires hormonaux tandis que les hommes s’étonnent de leur manque de culture à ce sujet. Mais la vidéo a aussi misé sur cette division de culture genrée : la solidarité féminine surgit forcément à propos de cette expérience que seules les femmes connaissent et, par ailleurs, le ton infantilisant de la CEO dans la vidéo s’adresse aux hommes exclusivement, et fait forcément réagir la virilité masculine.
Le succès de cette vidéo ne dépasse pas pour autant le record de pouces levés, battu il y a quelques semaines sur la page Facebook de Coca-Cola. En une dizaine de jours, le défi d’un internaute à la marque a récolté plus de 2 millions de likes, un véritable record sur Facebook. Coca-Cola n’a toujours pas réagi à cette opération virale, qu’il n’a pas sollicité, et ce mutisme pourrait laisser penser qu’il est dans l’embarras face au pari lancé.
A une publication d’un internaute qui ne se voulait pas sérieuse, Bodyform répond en ne se prenant pas au sérieux. Beaucoup de bruit pour si peu de sérieux. Tout porte à croire que le community manager de Bodyform a trouvé la recette idéale de communication dans cette « conversation personnelle ».
 
Marie-Hortense Vincent

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