Photo de Kevin Costner dans Waterworld sorti en 1995
Flops

La Box-office Bomb

S’il est un fait avéré, c’est que les événements les plus marquants sont souvent les plus réussis, mais aussi les plus ratés. Les fiascos, les flops.
Le terme de « flop » définit un produit, un événement, un concept dans lequel il a été investi une somme plus ou moins gigantesque (selon son époque) en production et en marketing, mais dont les retombées ont été, financièrement et spectaculairement, désastreuses.
Parmi les nombreux types de flop, il existe les « Box-Office Bombs ». Une Box-Office Bomb est un film de type « blockbuster », c’est-à-dire créé uniquement pour divertir et vendre, dont les profits bruts à sa sortie dans les salles obscures n’ont absolument pas suffit à couvrir les coûts de production et de promotion. Le titre de Box-Office Bomb s’acquiert suite à un calcul précis des pertes, toutefois un film peut, sur le long terme, devenir profitable suite à sa sortie en DVD, ou à ses produits dérivés par exemple. Néanmoins cela reste sur du très long terme.
En règle générale, ces films flops finissent par obtenir un certain statut de film culte, non pas par leur mauvaise qualité, mais par la mauvaise performance qu’ils font à leur sortie. Car les films les plus mauvais ne sont pas les plus grands flops. En effet beaucoup de flops sont devenus légendaires de part leur monumental échec commercial, le premier nom venant à la bouche de chacun étant Waterworld, sorti en 1995, dont la star n’était autre que Kevin Costner, tout juste oscarisé pour Danse avec les Loups.
Fait intéressant à noter : les flops les plus retentissants sont aussi les plus récents. La majeure partie des fiascos cinématographiques datent d’il y a moins de 10 ans. Si l’on regarde la liste des plus grandes Box-Office Bombs, dans le top 3 on trouve en troisième position : Pluto Nash sorti en 2002 avec Eddie Murphy, qui a couté 120 millions de dollars, pour n’en rapporter … que 7 ! Une perte nette de près de 113 millions de dollars.
En seconde position, on trouve Alamo sorti en 2004, qui a couté la coquette somme de 145 millions de dollars pour n’en rapporter que 25, ramenant les pertes à environ 120 millions de dollars.
Mais le titre de numéro 1 revient à L’île aux Pirates sorti en 1995, le plus grand désastre du cinéma qui représente une perte de 147 millions de dollars (chiffres ajustés avec l’inflation).  Ce flop retentissant a même sa place dans le Guinness Book of World Records.
Les bides du cinéma ne représentent que la partie visible de l’iceberg que sont les flops du monde. Bientôt vous pourrez apprécier les fabuleux et rocambolesques échecs et ratés qui peuplent notre belle petite planète, et qui, bien que cachés, ne demandent qu’a être révélés au grand jour.
 
Emilien Roche
Crédits photo : ©Universal Pictures

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Jacques a dit d’aller voir Intouchables

 « Pas de bras, pas de chocolat » ça vous dit quelque chose ? Si non, c’est sans doute que vous vivez dans un monde parallèle sans le moindre média, voire sans personne. En effet,  puisque Jacques l’a dit, ce sont plus de 10 millions de français qui ont gagné les salles obscures pour voir ce « phénomène ».
Impossible d’y échapper, le film d’Eric Toledano et Olivier Nakache est omniprésent  dans les médias. Ainsi, Philippe Pozzo di Borgo et Abdel Sellou, les personnes ayant inspiré le film, font l’objet de « portraits » tandis que leurs interprètes dans le film sont les invités de plateaux télé tels que le JT. Ces apparitions sont bien sûr relayées dans les réseaux sociaux. Par exemple ce tweet de ‘20hLFerrari’ : « Omar Sy et François Cluzet seront les invités mercredi 30 nov du 20H de TF1 pour les  10 millions d’entrées d’intouchables ». La page facebook du film compte actuellement plus de 200 000 « j’aime » et la presse écrite n’est pas épargnée (double page consacrée au film dans Libération).
Pourquoi un tel succès ? Tout d’abord, un sujet grave traité sur un ton léger plaît en ces temps de crise et de pessimisme. Le film cherche à délivrer un message de tolérance puisqu’il relate l’amitié inattendue entre un riche tétraplégique et un jeune de banlieue repris de justice. Stéréotypes me direz-vous ? Sans doute, mais le fait que le film est inspiré d’une histoire vraie ajoute une touche d’émotion et de compassion qui suscite l’adhésion des spectateurs. Ainsi, personne ne s’indigne lorsque Philippe Pozzo di Borgo et Abdel Sellou expliquent que les courses- poursuites avec les forces de l’ordre sont réellement arrivées, le regard porté sur eux est au contraire indulgent et bienveillant.
Comme tous les films français sortis récemment, Intouchables a bénéficié d’une promotion avant sa sortie en salle. Et le résultat est là. Cependant, contrairement aux autres films sortis à cette même période, la promotion s’est largement poursuivie, voire amplifiée après sa sortie. Alors, à la manière de l’œuf et de la poule, une question relative à la communication faite autour du film se pose : Est-ce la bonne promotion qui a attiré autant de  spectateurs ou est-ce au contraire l’incroyable succès du film qui a provoqué une telle médiatisation ? Autrement dit, lequel est arrivé le premier entre l’hyper-promotion du film et l’adhésion du public ? Désormais, lorsqu’on interroge une personne pour savoir si elle a ou non vu Intouchables, les réponses se répartissent souvent entre un « oui » enthousiaste et un « non, pas encore ». Pas encore, comme s’il était indispensable et évident qu’elle ne tardera pas à y aller.
Ce succès inattendu provoque également des débats dépassant (peut-être) le cadre du film. Le handicap est ainsi devenu un sujet très en vogue dans tous les médias. Alors que Le Parisien publie un supplément spécial handicap, le Petit Journal de Canal + interroge Mickaël Jérémiasz, le tennisman paraplégique, afin de connaître son avis sur le film, et au micro d’Europe 1, on demande à Dominique de Villepin s’il l’a vu. Le film pose également, dans une moindre mesure, la question des inégalités sociales. Autant de sujets mis ou remis au goût du jour grâce à un film, reste à savoir si la parenthèse sociale qui s’est ouverte ne va pas se refermer dès que le nombre d’entrées en salles s’essoufflera.
 
Manon Levavasseur

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Agora, Com & Société

La vague française

 
Je n’aime pas les films français (surtout les comédies). Peu subtils, et souvent envieux des productions d’outre atlantique, ils se retrouvent rapidement dans la catégorie « films que je n’irai jamais voir au cinéma ». Pourtant, cette rentrée 2011 fait office d’exception dans mon avis tranché et renfrogné. Les quatre derniers films que je suis allée voir ces deux derniers mois étaient français, et je les ai tous aimés.
Cette nouvelle saison a commencé en beauté, tous genres et nationalités confondus : « Drive », « La guerre est déclarée », « The Artist », « Les marches du pouvoir »… comme à l’accoutumée dans la dure loi qui régit le calendrier cinématographique, les films présumés bons sortent tous en même temps. Or, alors que les américains avaient une offensive de choix avec la super production spilbergienne, la consécration du sexy Ryan Gosling et la suite de la saga Twilight, le cinéma français d’habitude mauvais élève, devient premier de la classe, et éclipse les productions hollywoodiennes, tant sur le nombre d’entrées que sur la couverture médiatique. Dans le Top 10 du Box-Office France, huit sont de « chez nous » : devant des résultats si éloquents, je sens poindre chez les français une petite fierté nationale. La palme revenant évidemment au fameux « Intouchables », détrônant du même coup, « Tintin et le secret de la licorne ».
Beaucoup d’interrogations gravitent autour de cette vague, que dis-je, ce raz de marée français : Pourquoi est-ce que ces films, de genre différents marchent ? Y-a-t-il un renouveau du cinéma français ? Cette question nous intéresse particulièrement et nous replonge au cœur de la problématique d’un marketing cinématographique qui promeut des objets hybrides, entre produit de grande consommation et œuvre artistique : est-ce que la stratégie marketing sert ou dessert la promotion d’un film ?
 

 
L’exemple : « Tintin et le secret de la licorne »
Budget : 135 millions de dollars
Tout l’été nous avons été, et ce jusqu’à sa sortie, bombardés par une promotion proportionnelle au budget de tout blockbuster qui se respecte : à l’instar de notre Martine, Tintin, lui aussi peut tout faire: Tintin fait ses courses chez Carrefour, Tintin va au McDonald, Tintin roule en Peugeot, Tintin prend le Thalys etc…
En plus de cette stratégie commerciale massive, les distributeurs du film, Paramount et  Sony Pictures, ont bien travaillé leurs relations avec la presse, très partiale : pas moins de douze quotidiens ont réservés leurs Unes au reporter à la houppette.
 
Le contre-exemple, plus subtil : « Intouchables »
Budget : 9,6 millions d’euros.
Pour ce qui est de la promotion, une simple présence Facebook, une campagne d’affichage et surtout une couverture médiatique importante… après la sortie. Tous les médias s’intéressent à ce nouveau film événement : le bouche à oreille est lancé. Ce succès a même réussi à éclipser deux films américains très bien partis : « Drive » et « Les marches du pouvoir », tous deux menés par Ryan Gosling. Le film devient un phénomène de société, tout le monde en parle, tout le monde veut le voir et on se voit refoulé d’une séance déjà complète pour attendre la suivante en faisant la queue pendant 45 minutes. Intouchables est d’ores et déjà sacré « plus grand succès de l’année au Box Office français » – plus de 7 millions d’entrées oblige.
 
Ma conclusion est prévisible : nous avons ici une preuve que ce n’est pas la campagne marketing qui fait le succès du film. Comme tous produits mercantiles, le cinéma n’échappe pas à la règle de qualité : le produit doit être bon. Mais pas que. C’est également la rencontre de l’offre et de la demande, donc la réponse à un besoin particulier : les français auraient envie de rire. Pourtant, le succès des derniers films français de la rentrée ont des genres et des sujets différents : drame, comédie, film muet ! Cette diversité nous pose donc d’autres questions. Est-ce que la très bonne réception des films français a préparé un terrain favorable à « Intouchables » qui aurait alors bénéficié d’un élan d’affection pour les productions françaises – d’affection, ou de chauvinisme. Concernant le cas Tintin, est ce que finalement, cette stratégie marketing très agressive n’a pas desservit le film, provoquant habitude et lassitude avant même sa sortie en salle ?
C’est la fin de l’année. Espérons que les prochaines enquêtes et analyses sur cet intriguant sujet aideront à répondre aux interrogations soulevées par ces succès français !
 
Marine Plagne