Long, court, serré, sans sucre…?
Vous l’avez vu en marchant dans le métro, et vous avez adopté deux réactions très différentes. La première : l’indifférence la plus totale, comme si elle était entièrement construite de déjà-vus ; la deuxième (la mienne) : vous êtes restés pantois, fascinés, hypnotisés.
La publicité SKYN de Manix transcende tous les codes, en effet. En communication on recycle souvent les composantes médiatiques pour faire du neuf, on hérite d’une histoire graphique, sociale, publicitaire : SKYN se situe à l’exact milieu entre les pubs L’Or Expresso, et les pop-up de sites porno qui apparaissent sur les sites de streaming. A L’Or, elle reprend les couleurs, la rhétorique des sens, le packaging et même en partie la typographie. Au pop-up elle reprend la pose lascive du modèle, la citation en exergue, et l’utilisation très objectivante du corps féminin. Ca y est ? Vous arrivez enfin à dissiper le sentiment étrange provoqué par cette pub ? Comme si elle était à la fois surprenante et invisible, exactement comme le produit qu’elle vend… Eh oui : Manix a banalisé le fait qu’on pouvait vendre du sexe (et implicitement la femme qui va avec) comme du café.
Pourtant, leur campagne en ligne était si loin de cet échec publicitaire ! Il y a le spot « SKYN REVOLUTION » à regarder plus bas, qui développe plusieurs arguments avec un humour douteux, mais dans l’ensemble plus subtil que l’affiche :
Et la campagne se décline avec des acteurs différents pour chaque pays. Se joignent à cela une tournée de soirées promotionnelles, un jeu de plateforme en ligne qui enjoint les utilisateurs ou les utilisatrices à attraper des préservatifs pour augmenter leur baromètre de sensations, et enfin la possibilité de devenir testeur officiel de la marque. Alors pourquoi –mais pourquoi ?- ces affiches ?! Il faut maintenant préciser que les publicités françaises ont comme phrase en exergue : « 97% des personnes qui essaient SKYN le recommande* », et l’astérisque précise que l’étude a été menée sur 244 hommes et femmes entre 16 et 50 ans (ce qui déshumanise peut-être encore plus la femme présentée, par rapport à l’affiche anglaise).
Alors pour comprendre, tentons de voir quel pourrait être l’objectif de cet affichage. On note d’abord la forte volonté de faire plus luxueux, plus sophistiqué (couleur noir et or), comme si tous les grains du latex avait été sélectionnés avec attention et amour, et enfermés avec tendresse dans une seule capsule pleine de saveur ! On ne peut s’empêcher de remarquer le graphisme qui se veut caricaturalement « oriental », ainsi que la peau métissée du modèle : cherche-t-on à nous vendre de l’exotisme ; vise-t-on une niche ? Enfin l’argument principal reste très bien résumé dans les termes « sensations » et « peau » : « SKYN » ça ne s’invente pas, et cette phrase « closest thing to wear nothing », ou « la sensation de ne rien porter », nous font bien comprendre que la cible principale reste le public masculin, en quête d’une révolution technologique de la protection sexuelle, et selon les publicitaires, incapables de considérer la femme autrement que comme l’opercule d’une capsule de café.
Il aurait pu être intéressant, cependant, de rassurer sur la qualité du produit : s’ils sont si fins qu’on ne les sent pas, pourquoi ils ne seraient pas plus fragiles que les autres ? Autre question : pourquoi avoir gardé une campagne plus ouverte et humoristique sur Internet et un affichage machiste, sexiste et insultant dans le métro ?
Marine G.
Sources :
Le site publicitaire de SKYN et la chaine Youtube Manix
Merci à Adèle S., Rui F., Noémie S., Xavier B., et tout ceux qui ont bien voulu parler de cette affiche avec moi.