« On vit une tragédie, la tragédie de la corruption »
« On vit une tragédie, la tragédie de la corruption »
– Le juge Joao Pedro Gebran Neto à l’issue du procès de Lula da Silva
« On vit une tragédie, la tragédie de la corruption »
– Le juge Joao Pedro Gebran Neto à l’issue du procès de Lula da Silva
Après plusieurs bandes annonces attrayantes diffusées quotidiennement sur les chaînes TF1 et LCI, le premier débat de la primaire de la droite s’ouvrait enfin devant 5,638 millions de téléspectateurs le jeudi 13 octobre dernier à 20h45, pour plus de deux heures d’antenne. L’un des évènements majeurs de la vie politique française en cette fin d’année 2016 est ici imagé pour la première fois : ce premier débat rassemble les sept candidats à la primaire qui a pour but d’élire le représentant de la droite et du centre à l’élection présidentielle de l’année 2017. Seul objectif, donc : conquérir un électorat.
Plusieurs voix, une seule voie
Après une brève présentation digne d’un show télévisé prononcée par Gilles Bouleau, un générique dynamique et ambitieux sur fond de musique entraînante laisse apparaître un par un les visages des candidats à la primaire des 20 et 27 novembre prochains. Comme si l’on assistait à l’ouverture d’une émission de télé-réalité ou de jeu télévisé, les candidats sont présentés succinctement : alors que les couleurs patriotiques que sont le bleu, le blanc et le rouge jaillissent aux yeux des téléspectateurs, chacun voit son identité dans la campagne présidentielle résumée peu ou prou par la diffusion d’une phrase choc, prononcée auparavant lors de meetings politiques.
Le débat ne pourra commencer qu’après l’énonciation des règles à suivre durant celui-ci : le show est réglé au millimètre, presque de manière scolaire. Chaque candidat dispose du même temps de parole : une minute pour chaque réponse, trente secondes pour rebondir sur l’intervention d’un adversaire.
Après avoir précisé que l’emplacement des candidats ainsi que l’ordre de prise de parole avaient été tirés au sort, Gilles Bouleau introduit auprès du public ses deux voisins pour la soirée : Elizabeth Martichoux de RTL et Alexis Brézet du Figaro. Selon eux, les objectifs sont, pour les candidats, de « clarifier leurs propositions pour la France ». Ainsi, Isabelle Martichoux ouvre le bal avec cette question : « Pourquoi voulez-vous devenir Président ou Présidente de la République ? ».
Le classique et le moderne connectés
Parmi les sujets abordés lors de ce premier débat, l’originalité n’est pas au rendez-vous ; l’économie et le régalien, eux, si. Pour chaque candidat, il s’agit moins d’affaiblir ses rivaux que de gagner des points en exposant ses propositions : aucune annonce n’est réellement novatrice, l’objectif principal étant de faire connaître ses idées. Selon Alexandre Lemarié, journaliste au Monde, en charge du suivi de la droite et du centre, on parle plus de « round d’observation » que de débat.
Toutefois, le format du débat, lui, est novateur et se distingue par sa modernité. Là aussi, le modèle social de la pratique des médias s’impose : participation, interactivité et commentaires sont les bienvenus et l’importance des réseaux sociaux est ici soulignée. En effet, durant toute la durée du débat, les téléspectateurs ont pu réagir et adresser leurs questions grâce au hashtag #primaireledébat, ainsi que sur les pages Facebook TF1, RTL et LeFigaro. En outre, le plateau lui-même prend une forme inédite : rappelant plus celui du Maillon Faible que celui des précédents débats politiques, celui-ci donne à ce débat de la primaire un caractère moderne et innovant. La stratégie est claire : on attend des questions simples, émanant de tous et accessibles à tous, pour des réponses simples, claires et concises, également audibles par tous.
Quand l’habit fait le moine
Stratégie médiatique, certes, mais aussi stratégie de l’image. En effet, l’image est un élément fondamental de la communication : au-delà du discours, elle véhicule un message, qui diffère de candidat en candidat. Sept candidats, six couleurs : chacun de nos prétendants s’est choisi une apparence bien à lui, dans un effort de différenciation par la tenue vestimentaire, et plus particulièrement par la couleur de celle-ci.
Nicolas Sarkozy choisit de rester classique : cravate de couleur bleue marine, celle d’un ancien Président de la République, mais aussi celle de sa campagne de 2012. Couleur de la sagesse, écho d’un certain passé.
François Fillon porte une cravate violette, couleur de la vérité, de l’honnêteté, valeurs qu’il défendait déjà en 2007 avec L’Etat en faillite.
Alain Juppé opte pour le noir, une couleur qui rassemble par sa neutralité et sa sobriété.
Jean-François Copé, lui, fait le choix d’une cravate bleu ciel : il s’agit d’attirer le regard, de
rappeler sa présence et sa légitimité.
Tout comme la cravate de Jean-Frédéric Poisson, Nathalie Kosciusko-Morizet arbore une couleur non moins attirante : le rouge du pouvoir et de la conquête, s’éloignant des six costumes masculins.
Enfin, Bruno Le Maire, candidat du renouveau, choisit de se démarquer par l’absence de cravate, mettant ainsi en valeur le blanc immaculé de sa chemise et soulignant l’atout qu’il brandit le plus souvent : sa jeunesse. Alors, à chacun sa stratégie : se démarquer ou s’affirmer, se faire connaître ou se faire reconnaître, par l’image ou par la gestuelle chez un Juppé calme et serein ou un Sarkozy tendu et agité
Si ce débat a pu prendre les aspects d’un évènement de télé-réalité ou de show télévisé, les couleurs politiques ont su rester au garde à vous. Entre continuités et nouveautés, celui-là a su annoncer la forme inédite que prend la campagne présidentielle à venir. Certains en sortent renforcés, comme Jean-Frédéric Poisson qui a su apparaître aux yeux des Français comme un candidat légitime, d’autres moins, mais rien n’est joué : la suite aux prochains rounds, les 3 et 17 novembre prochains.
Diane Milelli
LinkedIn Diane Milelli
Sources :
– LeMonde.fr : «Bilan du débat de la primaire à droite, C’était un peu le round d’observation » par Alexandre Lemarié
– LeMonde.fr : « Sept candidats, deux droites »
– Le Nouvel Obs : «Primaire de droite : les coulisses du premier débat sur TF1»
– Europe 1 : « Débat : l’analyse politique d’Antonin André »
Crédits photo :
– LCI, Primaire de la droite et du centre, revivre le débat en 2 minutes
– L’express, Primaire à droite: le premier débat télévisé était-il raté?
La diffusion de « Nicolas Sarkozy, Campagne intime » sur D8, mardi dernier, aura fait couler beaucoup d’encre. Le programme, présenté comme un documentaire inédit sur la campagne présidentielle de l’ancien chef de l’Etat, a en effet suscité de nombreuses réactions sur la toile. Décrié sur les réseaux sociaux, ressassé et analysé par les chaînes d’information et dans la presse, le programme a tout de même rassemblé 1,5 millions de téléspectateurs et enregistré 5,2% de part d’audience, à tel point qu’il devient légitime de se demander quel a été le véritable enjeu de sa diffusion. Stratégie de communication ou simple documentaire à regarder avec recul et second degré ? La question se pose, d’autant plus qu’il s’agit bien ici d’un reportage ambivalent.
Information ou communication ?
« Campagne Intime » retrace les mois de campagne précédant l’élection présidentielle de 2012 avec un objectif affiché : montrer ce que ni le public ni les journalistes n’auraient vu jusqu’ici.
Caméra à l’épaule, Farida Khelfa a en effet suivi le couple présidentiel dans des moments de vie quotidienne, ou intime, comme le titre du programme l’indique. Il est néanmoins possible de se demander si l’intimité n’est pas ici la grande absente, car bien qu’il soit présenté comme un film à caractère documentaire, le programme fait montre d’une subjectivité affichée. La réalisatrice, ex-mannequin et amie de Carla Bruni Sarkozy, nous donne ainsi à voir l’image d’un couple quasi parfait : elle, soutien sans faille toujours prête à pousser la chansonnette, lui, père attendrissant et homme politique engagé.
Une vision sans recul et pour le moins subjective qui nous laisse penser qu’il pourrait bien s’agir d’un outil de communication politique. Difficile en effet d’envisager qu’un homme politique puisse réellement être naturel face aux caméras, et c’est en cela qu’il devient légitime de se demander si la communication n’aurait pas ici pris le pas sur l’information.
De plus, si le but de ce documentaire n’est pas clairement établi, le choix de sa période de diffusion pourrait aussi être questionné. Dans le cas où l’on serait face à un reportage purement informatif, quel pourrait être l’intérêt pour la chaîne de le diffuser maintenant ?
L’hypothèse de l’outil de communication semble d’autant plus plausible si l’on tient compte du contexte politique actuel. Ainsi, dans le cadre d’une stratégie politique, il semblerait opportun pour Nicolas Sarkozy de véhiculer l’image d’un homme proche du peuple et digne de confiance, alors même que la communication du président actuel semble lui faire défaut et ne cesse de faire augmenter son impopularité. La chaîne affirme néanmoins qu’il ne s’agit pas ici d’une stratégie de communication ni d’une commande des équipes de Nicolas Sarkozy, accentuant ainsi l’ambivalence du programme.
Un relai médiatique pour le moins surprenant
Qualifié de « film de propagande, tourné avec le cœur et filmé avec les pieds » par Médiaslemag, « Campagne Intime » aura donc été vivement critiquée et tournée en dérision par les téléspectateurs et les journalistes.
Pourtant, le dispositif médiatique mis en œuvre autour du reportage semble lui conférer la légitimité et le sérieux d’un véritable événement politique. Un teasing important a ainsi été mis en place sur la chaîne D8, mais le reportage a surtout fait l’objet d’une analyse postérieure sur la chaîne d’information i>télé. Un débat a ainsi été proposé en seconde partie de soirée, décryptant le documentaire et rappelant les analyses proposées lorsqu’un événement politique important survient.
Et les chaînes publiques n’étaient pas en reste puisqu’au lendemain de sa diffusion, France 2 commentait le programme dans son journal de 13 heures, mettant en exergue son caractère exclusif. Le reportage a été relayé et commenté par les chaînes d’information, au même titre que les évènements politiques majeurs. Ce qui peut sembler paradoxal puisque toute ambition politique est ouvertement niée.
Nicolas Sarkozy, le retour ?
En conclusion, il semble important de souligner l’ambivalence d’un tel documentaire qui, malgré une volonté affichée de simplement faire découvrir au public la face cachée d’un homme politique, participe au retour de Nicolas Sarkozy dans la conscience collective. En témoigne notamment la réapparition du hashtag #SarkoNostalgie le soir même de la diffusion du reportage.
Un caractère ambivalent qui pourrait notamment expliquer les critiques virulentes des téléspectateurs et autres journalistes, habitués à ce genre d’exercice communicationnel. En effet, l’initiative de dévoiler les coulisses d’une campagne n’a rien de novateur. Bon nombres d’hommes politiques avaient déjà jugé judicieux de se mettre en scène durant leur campagne. Car il s’agit véritablement ici d’un exercice de mise en scène au travers duquel l’acteur principal cherche à véhiculer une certaine image ; en l’occurrence celle d’un homme serein, engagé et authentique aussi bien en politique que dans l’intimité.
Les enjeux communicationnels d’un tel outil semblent ainsi avoir été identifiés par le public, conscient que ce qu’on lui donne à voir ne reflète pas nécessairement une réalité objective, mais qui semble pourtant se prêter au jeu, comme en témoignent les scores d’audiences.
Néanmoins, le documentaire « Nicolas Sarkozy, Campagne intime » semble se différencier nettement de ses prédécesseurs dans la mesure où l’enjeu politique et communicationnel n’y est pas assumé. Il semble donc légitime de se demander s’il s’agissait ici de préparer un possible retour en politique de l’ex président.
Amandine Verdier
Sources :
Europe1.fr
Nouvelobs.com
Huffingtonpost.fr