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Société

Quand alcool rime avec art

Dom Perignon & Jeff Koons, Ruinart & Georgia Russel, Louis Roederer & Philippe Starck sont autant d’exemples de collaborations entre marques d’alcool et artistes. Ces associations suivent l’exemple du Château Mouton Rothschild qui confie dès 1945 à un artiste, le soin de customiser sa célèbre étiquette. Se succéderont ainsi, Dali, Chagall, Picasso, Niki de Saint Phalle, Pierre Soulages et Jean Cocteau entre autres, pour perpétuer la renommée artistique de la marque.
  
 

Un ressort de plus en plus souvent utilisé par les marques d’alcool
L’association entre artistes, designers et marques d’alcool est une stratégie de plus en plus utilisée. Ces partenariats diversifient les activités de la marque et tentent de cibler de nouveaux consommateurs via le monde de l’art. L’objectif est également de parvenir à contourner les mesures de la Loi Evin du 10 janvier 1991, limitant la publicité pour boissons alcoolisées à un discours purement informatif.
 
Dans cette perspective, co-branding et « celebrity marketing » modifient le packaging du produit ou des accessoires qui lui sont reliés – en témoigne par exemple le sabre à champagne revisité par Ross Lovegrove pour G.H. Mumm – et lui donnent ainsi une nouvelle identité. Cet argument esthétique permet à la marque de se rapprocher du consommateur.

 
 
Par des investissements dans le monde de la musique, les marques deviennent des mécènes soutenant de jeunes artistes prometteurs, et plus globalement la création artistique. Si cette activité s’apparente à du sponsoring, force est de constater qu’elle est aujourd’hui la bienvenue car elle pallie au déficit des aides publiques. Par le biais de ces activités, et en s’abstenant d’afficher clairement son nom, l’ADN de la marque est très présent lors de ces manifestations (couleurs, symboles, goodies, consommations), le but premier étant l’association entre les deux entités.
Ainsi, le Pression Live de Kronenbourg ou la Green Room de Heineken et les plateformes dédiées incarnent parfaitement cette tendance. En effet, Pression Live et Kronenbourg sont totalement dissociés d’un point de vue juridique, respectant ainsi les contraintes de la Loi Evin. Il existe cependant d’autres liens stratégiques : Pression Live assure la promotion des événements au cours desquels les produits Kronenbourg sont majoritairement présents avec une programmation musicale établie selon le profil type du consommateur Kronenbourg.

 
Ces actions jouent sur l’argument de l’éphémère, du précieux par des concerts uniques, une production en édition limitée, sur une période donnée, à un prix plus élevé que d’habitude. Les coffrets réalisés par Jeff Koons pour les cuvées rose vintage 2003 et vintage 2004 de Dom Pérignon, inspirés d’une de ses sculptures « Balloon Venus » sont limitées à 650 exemplaires dans le monde, dont 30 en France, vendus 18 000 euros pièce.

Au-delà du gain en termes de visibilité, quels sont les avantages de ces partenariats ?
Les marques se positionnent en amont des tendances, comme découvreuses de jeunes artistes. Le produit devient une création artistique chargée en émotion dont l’aspect négatif lié à l’alcool est éludé au profit de ses attributs artistiques. Par cette collaboration, il entre dans le patrimoine de la marque et devient une œuvre d’art accessible aux consommateurs. Les fans de l’artiste constituent une communauté que l’entreprise transforme en consommateurs.
 
De plus, les aspects de communication ne se limitent pas au design de la bouteille : chaque collaboration donne naissance à une communication 360° et à des opportunités de branding autour du travail de l’artiste, de ses inspirations, de son œuvre, de son envie de collaborer avec la marque. Une histoire s’écrit et est racontée aux consommateurs.
Le site Ruinart raconte sa relation avec Georgia Russel, artiste plasticienne écossaise, autour des Crayères et du Grand Livre consignant les performances fondatrices de la maison Ruinart depuis 1729 qui ont inspiré l’artiste. S’ajoutent à cette communication, des événements organisés autour des projets. Ainsi, ses œuvres ont été présentées dans de nombreuses foires d’art contemporain, dont Ruinart est partenaire (Art Basel Miami Beach, Art Basel Hong-Kong, Masterpiece London).

 
 
 
 
 
Comme le souligne Olivier de Cointet, consultant auprès de marques de luxe et fondateur de Pluris : « Les créateurs sont devenus des médias. Les maisons qui collaborent avec eux s’achètent leur audience. Regardez les cas de Jeff Koons et Karl Lagerfeld, leurs collaborations ont permis à Dom Pérignon de toucher un public international. Pour les plus petites maisons, « s’offrir un artiste », quelle que soit sa notoriété, c’est aussi le moyen d’intégrer le cercle des marques de luxe.»
 
Au-delà de ce récit proposé aux consommateurs et aux médias, le choix de l’artiste répond à un besoin stratégique qui dépend directement des objectifs commerciaux de l’entreprise.
La marque de cognac Hennessy a donc choisi de collaborer avec le rappeur Nas pour toucher le marché américain. Selon son président Bernard Peillon : « Le cognac incarne l’anti-establishment, l’anti-scotch. Et la communauté afro-américaine, avec l’émergence du rap, s’est appropriée Hennessy. C’est d’ailleurs la marque la plus citée dans les paroles de hip-hop. D’où cette collaboration avec Nas. »
 
Ainsi, par la musique ou par l’art, la marque entre en contact avec le public d’une manière différente, plus originale. Cette nouvelle facette rend la marque plus attractive aux yeux des consommateurs. Le seul risque demeure l’effacement du produit au profit de son emballage ou de son mode distribution original. Valoriser le contenu d’un produit devenu une œuvre d’art signée semble en effet s’apparenter à une opération complexe.
 
Quelles sont les réactions associées à ces événements ?
Dans le monde musical, si les consommateurs rejettent la publicité, ils acceptent l’association entre marques et manifestations culturelles en raison de la gratuité des concerts qu’elle entraîne.
Les festivaliers rejettent la communication Heineken mais sont de plus en plus nombreux à participer aux événements Green Room. En effet, 65,2% des festivaliers pensent que les marques permettent une meilleure expérience du festival.
Pourtant, les effets de cette présence sont nuancés : en effet selon une étude Green Room, seulement 31% des festivaliers se déclarent plus sensibles aux marques après leur présence sur un festival.
 
Ainsi, ces partenariats répondent à des exigences plus stratégiques et commerciales que réellement artistiques. Ils ont pour but principal une hausse des ventes et de la reconnaissance de la marque par le public. A terme, on peut se demander si une bouteille de designer n’en chasse pas une autre en emportant avec elle l’acte d’achat de nouveaux consommateurs ?
Le véritable enjeu demeurant l’évaluation de la visibilité de ces actions et leurs répercussions en termes d’achat et d’image de marque.
Clarisse de Petiville
@: Clarisse de Petiville
 
Sources :
e-marketing.fr
guycouturier-mcmanagement.com
lemonde.fr
slideshare.net/constancegros
toutelaculture.com
greenroomsession.fr
 
Crédits photo :
ftape.com
designboom.com
ruinart.com
particuledeluxe.com
whitewallmag.com
greenroomsession.fr
danstapub.com
observer.com
chateau-mouton-rothschild.com
brasseries-kronenbourg.com