je suis charlie fastncurious
Société

Dites moi pas que c'est pas vrai !

Le 7 janvier 2015. Une date qui fait froid dans le dos et échauffe les esprits. Ce n’est pas seulement la presse qui a été « punie » d’avoir blasphémé le prophète, c’est aussi et surtout les valeurs qu’elle représente et véhicule. Par conséquent, le #JeSuisCharlie résonne comme une prise de parole à la fois individuelle et collective qui revendique la liberté de l’expression sous toutes ses formes. Le slogan est entré en peu de temps dans la mémoire collective. A tel point que les marques l’ont récupéré.
Vous n’allez pas oser ?
Et si ! Elles l’ont fait ! Comment ont-elles pu ? Pourquoi les marques ont-elles arboré fièrement le slogan JeSuisCharlie pour en faire un logo ?
Le slogan #JeSuisCharlie reprend les codes publicitaires les plus basiques : une formule brève, percutante, qui concerne tout un chacun et implique toutes les mentalités. Une formule qui devient virale, se propage jusqu’à toucher tous les continents. Pourquoi se priver de l’opportunité de se donner bonne image, bonne conscience tout en saisissant une bonne occasion de s’en mettre plein les poches ? Les marques ont bien saisi la perspective pécuniaire qui leur était ouverte par les événements d’une actualité sanglante et émotionnelle. Avouez que vous aussi vous avez été stupéfait, choqué, interloqué, bref complètement atterré quand vous avez vu cette image :

 La marque a voulu montrer visuellement sa solidarité vis-à-vis des victimes et de leurs familles. Il s’agissait de faire sa bonne action tout en construisant une image de marque compatissante, solidaire et surtout engagée qui milite pour les droits et les libertés des citoyens du monde. Rien de tel pour attirer de la clientèle en masse !
De même, « jesuischarlie.net », boutique en ligne de goodies griffés JeSuisCharlie, a eu la vie courte. En effet, quelques heures seulement après sa création, le site a dû fermer face à l’indignation générale. Le concepteur et gérant du site a dû présenter ses excuses. L’homme affirme avoir voulu « aider le journal » financièrement.

Autre exemple : les sites de vente en ligne comme ebay ou encore leboncoin, mettent en place une stratégie de vente aux enchères des numéros de Charlie Hebdo. Certains exemplaires atteignent les 75 000 euros !

Indignation, excuses bidons et condamnation.
On l’a déjà vu dans les articles de Pauline Flamant et Marie Mougin, les réactions qui font suite aux attentats ont un caractère mondial qui s’exprime notamment via les rassemblements de masse et les réseaux sociaux. Or, suite à la récupération commerciale et marchande du « logo » JeSuisCharlie, pléthore de commentaires indignés ont inondé les réseaux pour exprimer leur mécontentement. Joachim Roncin, le directeur artistique de « The Stylist » qui a créé le logo déplore l’utilisation commerciale que l’on a pu faire de JeSuisCharlie.
La marque Les 3 Suisses a même été parodiée de manière à en montrer l’abjection, l’opportunisme et l’indécence voire l’immoralisme face aux événements.

Le Petit Journal a lui aussi dénoncé en vidéo cette récupération commerciale jugée inacceptable.

De tels commentaires et parodies sont plus que déplorables pour la marque dont l’e-réputation a été entachée au plus haut point. En effet, une opinion favorable est vitale pour une marque qui ambitionne ici de devenir un géant de la vente en ligne. Sans cela, la marque bât de l’aile et adieu les clients, les ventes et les recettes, on ferme la boutique ! Par conséquent, Les 3 Suisses ont essayé de prendre en compte les critiques pour ne pas négliger l’impact irrémédiable que celles-ci pouvaient avoir sur l’image de marque. Une communication de crise était essentielle pour calmer la foule. Et voici ce qu’a répondu la marque sur son compte Twitter et Facebook :
La marque a choisi de s’excuser platement en en disant le moins possible tout en donnant des justifications quelque peu vaseuses. Mais ces justifications sont-elles de bon aloi ?
Vous avez dit « newsjacking » ?
Le « newsjacking », ou marketing en temps réel, est cette tendance à surfer sur l’actualité pour la tourner à son avantage. C’est savoir et pouvoir s’approprier l’actualité pour soi afin de servir ses intérêts et créer le buzz. Aujourd’hui les marques savent très bien saisir l’air du temps et s’en jouer. Le cas des 3 Suisses est intéressant car il illustre bien de façon aussi bien positive que négative cette tendance. La marque avait su profiter de la bévue publicitaire de La Redoute en 2012 qui avait laissé échapper un arrière-plan quelque peu imprévu sur l’une de ses publicités. La marque Les 3 Suisses avait tiré profit de la situation en jouant la carte de l’humour.

 
Mais toute l’actualité n’est pas forcément bonne à utiliser dans une stratégie de communication. Et les attentats terroristes ne peuvent définitivement pas servir impunément la notoriété d’une marque. Comment le pourraient-ils quand on sait que JeSuisCharlie porte une identité qui n’a absolument rien à voir avec celle de la marque de vêtements ? L’identité de JeSuisCharlie est symbolique, elle représente une collectivité. Même si le cas est éminemment français, c’est la communauté la plus grande qui soit, celle des citoyens du monde, qui s’est sentie agressée par les terroristes islamistes. Or, en voulant fusionner son identité de marque à celle de JeSuisCharlie, la marque des 3 Suisses s’est mis à dos cette communauté créant ainsi un véritable bad buzz. Si #JeSuisCharlie peut se comprendre comme une image de marque devenue stéréotype à laquelle adhère un collectif, elle ne peut tout bonnement pas entrer dans une logique marchande. Déjà parce-que c’est contraindre une forme d’énonciation collective à faire l’objet d’un processus marchand. C’est donc entrer en collision avec le corps social. Ensuite, c’est profiter d’une situation scandaleuse et dramatique pour la tourner à son avantage, se réapproprier ce qui est vécu collectivement pour son propre bénéfice individuel, égoïste et égocentrique. Que les choses soient claires, mettre ça sur le compte de la charité financière ou de l’expression d’une forme de solidarité n’est définitivement pas une excuse valable.
Le mieux aurait été d’afficher le logo JeSuisCharlie, façon discrète de communier aux évènements à son échelle. L’heure n’était pas à la recherche à tout prix d’une forme d’originalité dans la douleur qui se traduirait par une mise en avant singulière de soi, mais à la discrétion, ce que Pierre Zaoui appelle « l’art de disparaître ». La discrétion ou la possibilité de faire l’expérience la plus authentique et donc la plus réelle du monde. L’occasion de participer anonymement aux évènements qui ont atteint et ébranlé la sphère publique.
Jeanne Canus-Lacoste
Sources :
leblogducommunicant2-0.com
konbini.com
latribune.fr
tempsreel.nouvelobs.fr
lesechos.fr
Crédits photo :
leparisien.fr
europe1.fr
Capture d’écran du site en ligne «jesuischarlie.net», finalement supprimé le 8 janvier 2015
Capture d’écran d’une vente aux enchères du dernier exemplaire de Charlie Hebdo sur eBay
lilavert.com
leblogducommunicant2-0.com
leplus.nouvelobs.com
les-perles-du-net.fr
ladepeche.fr

erdogan liberté de la presse
Politique

Turquie – la liberté de presse, oui mais…

Turquie – la liberté de presse, oui mais…
Mercredi 14 janvier, les rescapés de Charlie Hebdo, l’hebdomadaire satirique français victime d’une attaque meurtrière dans sa salle de rédaction le 7 janvier, publiaient le premier numéro de l’après-attentat. Ce même jour, le quotidien turc Cumhuriyet publiait dans ses pages un carnet spécial de quatre pages, reprenant un condensé de l’édition de Charlie. Après coup, la Turquie apparaît comme le seul pays musulman à avoir publié les dessins de Charlie Hebdo, en particulier la caricature du Prophète, mais les choses ne sont pas si roses.
Charlie Hebdo : après le soutien, la censure
Connu pour son ton indépendant et très critique vis-à-vis du gouvernement islamo-conservateur de Recep Tayyip Erdoğan, le journal Cumhuriyet a vu les forces de l’ordre faire irruption dans les locaux de l’imprimerie, dans la nuit du 13 au 14 janvier, afin de contrôler la parution du lendemain. Se contentant de vérifier la Une et le supplément consacré à Charlie Hebdo, les policiers n’ont pas vu la caricature du Prophète représentant Mahomet la larme à l’œil, portant une pancarte « Je suis Charlie », que la rédaction avait pris soin de ne pas publier en Une ni dans le supplément, et ainsi n’ont pas saisi la parution. Pour trouver la caricature, qui s’est glissée en petit format, mais tout de même par deux fois dans le journal, il fallait aller à la page 5 et à la page 12. En l’absence d’informations complémentaires sur le déroulement du contrôle, nous pouvons supposer que les forces de l’ordre n’ont pas été autorisées à ouvrir le journal pour en contrôler les pages.

Dès le lendemain les représailles ne se sont pas fait attendre. Sur Facebook, une organisation appelée « Jeunesse musulmane » s’est insurgée et a appelé ses membres à organiser des descentes dans les bureaux du journal. Du côté des politiques, la condamnation a également fusé. Le premier ministre Ahmet Davutoğlu que l’on avait vu dans les rues de Paris auprès des autres chefs d’État lors de la Marche Républicaine du 11 janvier, a affirmé le jeudi 15 « Nous ne pouvons pas accepter les insultes faîtes au prophète » et « La publication de cette caricature est une grave provocation. […] La liberté de presse ne signifie pas la liberté d’insulter. », avant de s’envoler pour Bruxelles.

Condamnation également de la part du vice-premier ministre Yalçın Akdoğan « Ceux qui méprisent les valeurs sacrées des musulmans en publiant des dessins représentant prétendument notre prophète sont clairement coupables de provocation. » Ainsi que du maire d’Ankara, Melih Gökçek, pour qui Cumhuriyet dépeint « les musulmans comme agresseurs à échelle mondiale ». Lui-même affirme que les attentats de Paris sont le fait du Mossad, comme s’il était incapable de reconnaitre qu’il puisse exister une branche de croyants qui interprètent l’Islam de manière intégriste et l’utilisent de manière condamnable. Le gendarme des médias RTÜK, pour Radyo ve Televizyon Üst Kurulu, Haut Conseil de la radio et de la télévision, mais aussi bien de tous les organes de presse, a appelé la Justice à se saisir de cette affaire. Et elle lui a donné raison : « Les mots, écrits, dessins et publications qui dénigrent les valeurs religieuses et le prophète sont une insulte pour les croyants. » Résultat, les adresses URL de tous les sites Internet qui ont publié la Une du Charlie Hebdo du 14 janvier furent bloquées : Birgun.net, Internethaber.com, Thelira.com et T24.com. L’accès à ces sites est devenu impossible pour toute connexion Internet basée en Turquie.
La censure des médias, dans les us et coutumes turcs
De telles mesures ont amené d’autres médias, qui n’étaient pourtant pas menacés directement, à s’autocensurer. Ce fut le cas du quotidien Milliyet qui a retiré de son site, le même mercredi 14 janvier, un édito sur l’Islam. La journaliste Mehves Evin y écrivait entre autres : « Les musulmans conservateurs doivent sortir de leur mentalité du 13ème, ils doivent faire leur autocritique, entamer une réforme, afin de faire entrer l’islam dans le XXIème siècle. »
Toutefois, de telles pratiques ne sont ni nouvelles ni spécifiques aux attentats de Charlie Hebdo. Elles s’inscrivent plutôt dans une tradition de censure des médias de la part du gouvernement Erdoğan. Les médias turcs ont régulièrement des « interdictions de couverture » de la part du gouvernement. Comme le démontre l’épisode des manifestations de la place Taksim, pour la défense du parc Gezi, dont FastNCurious vous parlait ici.
Au mois de décembre dernier, une vague d’arrestations s’est abattue sur une trentaine de journalistes, dont Ekrem Dumanli, rédacteur en chef du quotidien national Zaman et Fetullah Gulen le président de la chaîne de télévision « Samanyolu TV », avec comme accusation de « former un gang pour attenter à la souveraineté de l’État ». Le RTUK a également pour fâcheuse habitude de menacer de poursuites judiciaires les médias numériques transnationaux tels que Facebook, Twitter et Youtube, pour la diffusion de contenus qui ne lui plaisent pas. En novembre dernier par exemple, Twitter a été bloqué sur le réseau national pendant deux semaines et Youtube pendant deux mois, pour propagation de contenus accusant le gouvernement Erdoğan et ses proches, en particulier son fils, de corruption. Selon un rapport rendu disponible par Facebook, le gouvernement turc, lui, a fait 1 893 demandes de retrait de contenus aux cours du premier semestre de 2014. Et le rapport de Twitter sur le même sujet, tombé il ce mardi 10 février, a démontré que la Turquie est en deuxième position dans le top des demandes de retrait, juste après les Etats-Unis.
Pour en revenir à Cumhuriyet, le journal a vu sept de ses journalistes se faire assassiner en l’espace de cinq ans, entre 1990 et 1995, par des islamistes radicaux. Mais de toutes manières, il n’y a pas à s’inquiéter puisque, comme le dit le président Erdoğan, la presse turque est la plus libre du monde. Sinon, le journal The Yon Gazetsi paper remplace l’actualité de ses colonnes par des recettes de cuisines. Sur le site Milliyet News, Ferit Tunc affirme que le journal continuera sa protestation jusqu’à ce qu’il y ait une vraie liberté de presse. Mais c’est la parole d’un journaliste contre celle d’un président.
Marie Mougin
@mellemgn
Sources :
Turkey Threatens to Block Social Media Over Released Documents – NYTimes.com
BBC News – Turkey: Local newspapers front page recipe protest
En Turquie, médias et Internet à nouveau censurés
ÉTATS-UNIS • Facebook « est Charlie » mais censure des images du Prophète | Courrier international
Turquie : censure, autocensure et pressions après la publication de la caricature de Mahomet
En Turquie Internet de nouveau censuré : Une pierre deux coups | KEDISTAN
Charlie Hebdo: la censure à l’oeuvre en Turquie | Fédération européenne des journalistes
Crédits images :
Reporters without borders – Freedom of Tweets Erdogan
Rt.com
Zamanfrance.fr
Nouvelhay.com
 

Politique

Quand le monde se lève pour Charlie

L’onde de choc
Au lendemain des attaques perpétrées contre Charlie Hebdo, journal hebdomadaire satirique, la France est en état de choc. « Le 11 septembre français » titre Le Monde, ou encore « La liberté assassinée » pour Le Figaro.  « Horreur », « carnage », « boucherie » reviennent constamment dans la presse. Mais si la France est la première touchée par cet attentat, c’est un hommage unanime que les rédactions du monde entier ont tenu à rendre aux victimes de l’attentat et à la liberté d’expression.
C’est ainsi que douze journaux Québécois ont publié en Une la caricature de Mahomet de Cabu, publiée pour la première fois le 8 février 2006. Nombreux sont les journaux qui firent le choix de publier plusieurs des caricatures ayant créé la polémique, rendant ainsi hommage à leurs auteurs. Le New Yorker rend pour sa part un hommage symbolique à Charlie en publiant sa Une sous forme de dessin, mettant en scène une Tour Eiffel flottant dans un nuage rouge de sang et dont le sommet se transforme en crayon. Une belle façon de laisser entendre que le crayon qui se dresse ici fièrement vers le ciel triomphera toujours sur la barbarie.
Le crayon, outil de travail du dessinateur de presse, apparaît d’ailleurs dans de nombreuses Unes telles que celles du journal norvégien Bergens Tidende ou du journal belge DeMorgen. Souvent présenté comme l’unique arme du dessinateur, le crayon devient un véritable symbole de dénonciation du rapport de force inégal qui s’est instauré ce jour là entre journalistes et terroristes.

Bon nombre de quotidiens ont également réagi en titrant leurs Unes en français. C’est notamment le cas du journal danois Information qui titre sa Une « Nous sommes tous Charlie Hebdo », du Berliner Morgenpost allemand qui titre un sobre mais parlant « Je suis Charlie » ou encore The Sun qui titre un puissant « Je suis 4 million ».
Au total, ce sont plus de 70 Unes de presse mondiales qui seront publiées à la suite de ces attaques.

Le soutien face à l’horreur
Nombreux sont également les journaux qui, au-delà de leurs Unes, ont tenu à apporter leur soutien dans leurs pages. Le site Algérie Focus exprime ainsi sa consternation et sa solidarité envers Charb, Cabu, Tignous ou encore Wolinski et souligne qu’ils sont « morts de rire », avant de rappeler que les journalistes de Charlie Hebdo n’ont jamais hésité à heurter ou à fâcher pour s’exprimer librement.  Le quotidien algérien El Watan invite lui à ne pas céder à l’amalgame et à la stigmatisation des communautés musulmanes. Le magazine marocain Tel Quel publie quant à lui l’interview réalisée en 2012 avec Charb dans lequel le caricaturiste affirmait préférer « mourir debout que de vivre à genoux ». Du côté de l’Asie, un chroniqueur du South China Morning Post affirme que les discours racistes ou incitant à la haine doivent être condamnés.
Suite aux tragiques événements, une marche républicaine est organisée le dimanche suivant les attentats. Elle devient la manifestation la plus importante depuis la libération de la capitale à la fin de l’occupation nazie, et le quotidien russe Moskovski Komsomolets rappelle que c’est seulement la deuxième fois dans l’histoire de la France moderne qu’un président de la République participe à une manifestation. De son côté, l’Allemagne indique dans son quotidien économique Handelsblatt qu’en manifestant par millions, les Français « ont écrit l’Histoire ». On retiendra également cette image très forte d’Angela Merkel, les yeux fermés et penchée sur l’épaule de François Hollande dans un instant de compassion profonde « qui montre ce que l’Allemagne ressent quand la France pleure ».
Au-delà des réactions de la presse, le soutien envers la France s’est également manifesté au travers des nombreux rassemblements qui se sont déroulés à travers le monde, accompagnés parfois du chant de la Marseillaise à San Francisco et Madrid notamment.

La plume plus forte que l’arme
Au-delà du soutien manifeste des populations du monde, c’est toute la profession des dessinateurs de presse qui est en deuil. Parce que ces hommages se passent de mots, nous vous laissons observer vous-même l’étendue du soutien des dessinateurs du monde :

La censure face à la peur ?
A la suite des attentats perpétrés contre Charlie Hebdo, le journaliste Simon Jenkins écrit dans The Guardian « C’est le moment pour que les éditeurs et rédacteurs en chef de publications grand public à travers le monde honorent les journalistes assassinés de Charlie Hebdo en refusant de s’autocensurer ». Cependant, force est de constater que plusieurs organes de presse anglo-saxons ont fait le choix de ne pas diffuser les caricatures de Mahomet.  Le Telegraph ainsi que le New York Daily News ont ainsi décidé de flouter le dessin. Ces décisions ont suscité de vives réactions chez les internautes qui décrivent comme « lâches » ces organes de presse. Le Telegraph et le New York Daily News ne sont pas des cas isolés, puisque même le New York Times et le Wall Street Journal se sont abstenus de publier les caricatures en préférant des images dénuées de toute référence religieuse. Du côté de la télévision, CNN ainsi que toutes les grandes chaînes américaines ont également refusé de diffuser les caricatures. Paradoxalement, certains de ces journaux anglo-saxons qui se refusaient à diffuser les caricatures jugées trop controversées ont opéré le choix éditorial de mettre en image l’acte terroriste en Une, tels que le Courier Mail, le Daily Telegraph ou encore le Herald Sun.
« Ils ont tiré, mais qui a armé les tireurs ? »
Si la majeure partie des journalistes apporte soutien et hommages à tous ceux touchés par ces attaques, la Russie s’est montrée quant à elle beaucoup plus critique à l’encontre de la France. Un parti pris adopté par le site d’actualités Vzgliad qui considère que la France fait preuve de laxisme, en précisant que les « français ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes ». Le rassemblement républicain du 11 janvier est également moqué, qualifié d’élan « naïf » et « pathétique ». Le journaliste Mikhaïl Boudaraguine précise que « le président français est coupable d’avoir donné naissance à l’Etat islamique et il en porte la responsabilité ». Un point de vue délicat à assumer en cette période de deuil et d’hommages.
L’assassinat des caricaturistes de Charlie Hebdo dans leurs locaux provoque ainsi une véritable onde de choc dans le monde entier. Entre indignation, hommages et tristesse, le monde est bouleversé et la presse ne manque pas de consacrer de nombreuses pages à ces événements tragiques à l’origine d’un véritable écho médiatique mondial.
Pauline Flamant
Sources :
Courrier International, n°1263 du 15 au 21 janvier 2015
Lefigaro.fr
Vanityfair.fr
Divertissonsnous.com
Lemonde.fr
tempsreel.nouvelobs.com
Courrierinternational.com
Crédits images :
The New Yorker
DeMorgen
Bergens Tidende
Information
Berliner Morgenpost
The Sun
Thibault Camus/AP/SIPA
Reuters Fabrizio Bensch
AP Photo DPA Stephanie Pilick
AFP Peter Macdiarmid
AFP Photo Peter Parks
AFP Photo Marco Bertorello
AFP Photo Armend Nimani
AFP Photo Daniel Mihailescu
AP Photo Leo Correa
Ernesto Benavides
AFP Photo Don Emmert
Afp Photo Marc Braibant
Liniers
Ruben
 

Société

#OPCHARLIEHEBDO : Quand l'expédition punitive se conjugue au temps des réseaux

« La liberté d’expression et d’opinion est une chose non négociable, s’attaquer à elle, c’est s’attaquer à la démocratie. Attendez vous à une réaction massive et frontale de notre part car le combat pour la défense de ces libertés est la base même de notre mouvement. »
Voici la réaction du mouvement Anonymous suite à l’attentat terroriste perpétré dans les locaux du journal satyrique Charlie Hebdo, le 7 janvier. Le tweet, posté via un compte baptisé @OpCharlieHebdo, renvoyait vers une version plus longue du message, hébergée sur pastebin. Le format de 140 caractères du petit oiseau bleu paraît quelque peu étriqué pour le message des hackers les plus célèbres du net. Dans un premier temps, le mouvement présente ses condoléances aux familles des victimes et condamne la tuerie des frères Kouachi, qualifiant leur acte « d’assaut inhumain. » Ils se déclarent « écoeurés, choqués » et estiment qu’il est de leur devoir de réagir. S’ensuit leur formule légendaire :
« Nous sommes légion.
Nous n’oublierons pas.
Nous ne pardonnerons pas.
Redoutez-nous!  »
Ce message a été massivement retweeté. Il vise, implicitement, l’ensemble de la communauté djihadiste présente en ligne : sites d’organisations, comptes sur les réseaux sociaux notamment. Il constitue une véritable déclaration de guerre, c’est bel et bien un affrontement entre deux mondes, entre deux cultures latéralement différentes. L’étendue de bits et d’octets qui peuplent internet se travestit sans problème en terrain de guerre. Le mythe d’un média « worldwide » s’effrite. Force est de constater que ces pratiques enracinent encore plus profondément Internet et ses usages dans des logiques territoriales, d’opposition binaire entre le monde qui est occidental, et celui qui ne l’est pas.
Quel mode opératoire pour une expédition punitive virtuelle ?
Deux jours après l’attentat terroriste, les hacktivistes du collectif Anonymous ont mis leur menace à exécution. Plusieurs milliers de sites internet, des comptes facebook, twitter relatifs à la mouvance djihadistes ont été bloqués. Ils publient une vidéo sur le channel Youtube belge du collectif qui a été depuis supprimée. Elle est toutefois visible sur le site du telegraph. Les extraits s’adressent à Al-Qaida et aux membres de l’Etat islamique, en Syrie et en Irak : « Nous allons surveiller toutes vos activités sur le Net, nous fermerons vos comptes sur tous les réseaux sociaux. Vous n’imposerez pas votre charia dans nos démocraties.»

Le quartier général des membres du collectif se distille sur des centaines de canaux de chats IRC (un des protocoles de communication utilisables sur Internet) baptisés « Anonops ». La participation nécessite une connexion VPN (Virtual Private Network), ainsi que le navigateur Tor (The onion router) pour garantir l’anonymat des échanges.

Les hackers listent les cibles sur un document partagé en annexe. Les adresses des sites internet et réseaux sociaux d’organisations et de sociétés désignés par le collectif comme appartenant aux djihadistes sont identifiées et des attaques sont lancées (défacements ou attaques de déni de service la plupart du temps.) Selon un des hackers francophones, Sonic, quelques heures seulement après le début de l’opération #OpCharlieHebdo, les activistes islamistes ont contre-attaqué avec «une telle maîtrise et une telle rapidité qui prouvent que nous combattons des professionnels».
Une opération au succès mitigé
Face à cette stratégie d’attaque (et de communication, il faut le dire) bien ficelée, les experts en sécurité informatique restent dubitatifs. Dans la presse française, c’est la voix du blogueur Bluetouff, alias Olivier Laurelli qui s’est fait entendre via l’AFP. Selon lui, “Les Anonymous ont une organisation très transversale. Tout le monde peut se proclamer Anonymous.” A cela il ajoute : “C’est pas en lançant des dénis de service que l’on va régler quoi que ce soit.” L’expert remet en question l’utilité des actions menées par le collectif de hackers. S’agit-il de marquer les esprits de manière ponctuelle ou d’endiguer durablement le fléau djihadiste ?
Une autre ombre subsiste sur le beau tableau des Anonymous. “A partir du moment où on attaque les réseaux où les jihadistes communiquent entre eux, on interfère dans le travail des enquêteurs ”, a prévenu Olivier Laurelli. En publiant sur pastebin l’identité de terroristes présumés et en attaquant leurs sites, le collectif ralentirait le travail des policiers et rendrait disponible des informations dangereuses aux yeux des internautes civils, ou même d’autres djihadistes. C’est donc une prise de parole en demi-teinte de la part du collectif. Alors qu’ils œuvrent pour délivrer un message univoque et fédérateur, leurs actions révèlent en fait des intentions parfois mal coordonnées. Ils souhaitent faire avancer le combat contre le terrorisme mais entravent l’appareil d’état. Le discours mériterait de s’éclaircir s’il veut gagner en crédibilité.
La faute ne leur revient pas entièrement, dans la mesure où Internet est un média polyphonique par nature. Les comptes s’auto-proclamant « Anonymous » pullulent sur la toile, sur l’ensemble des réseaux sociaux. Le site web opcharliehebdo.com n’avait aucun lien avec le collectif, à l’origine de la supercherie, une agence de marketing spécialisée dans le « viral », rantic.com. Il est donc compliqué d’accéder à une information centralisée, et surtout, compliqué de croire à l’utopie communautaire qui anime ce mouvement, même en étant profondément attaché aux valeurs fondatrices d’internet. Rien ne nous garantit que certains des hackers faisant partie du mouvement Anonymous ont un passé de grey hat, voire de black hat.
Des hackers éthiques, mais pas trop.
Enfin, il reste un doute que seul le temps pourra éclaircir. Si l’on s’attarde sur le message publié sur twitter et pastebin, les éléments de langage propres aux messages du collectif Anonymous sont sensiblement identiques à ceux des gouvernements occidentaux : liberté d’expression et démocratie reviennent systématiquement dans leur discours. Le collectif s’est donc fait entendre de manière profondément consensuelle en réaction à l’attentat, mais le sera-t-il quand les gouvernements français et européens auront à renfoncer leurs dispositifs sécuritaires en réponse à la menace terroriste ?
Si l’on prend le projet de loi antiterroriste datant de septembre 2014, qualifié de liberticide par ses détracteurs, il est permis d’en douter. Le texte de loi prévoyait de renforcer les sanctions à l’encontre des initiateurs d’«attaques informatiques», qui seraient à présent jugés sous le régime de la bande organisée. Des peines de gardes à vue plus longues sont prévues, ainsi que des méthodes d’enquête plus poussées et des peines plus lourdes. De trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende, les peines iraient désormais jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 500.000 euros d’amende. La compatibilité entre l’idéologie libertarienne du mouvement et la politique sécuritaire de l’état semble assez faible.
Comme dit plus haut, le mouvement Anonymous épouse parfaitement l’idée de « l’utopie communautaire ». Ce terme évoqué par Patrice Flichy dans l’Imaginaire d’Internet décrit la culture des hackers qui refusent l’informatique centralisée, et voient dans Internet « un dispositif à mettre entre les mains de tous, capable de bâtir non seulement de nouveaux collèges invisibles, mais aussi une nouvelle société » (p.86).
Ils sont profondément habités par une idéologie qu’on peut qualifier de cyber-libertarienne. Leurs combats: défense de la vie privée, de la cryptographie, de l’accès libre à l’information. Ils incarnent avant tout une forme de « contre-démocratie » car ils n’hésitent pas à contourner la loi pour arriver à leurs fins, et se méfient du rôle de l’État en tant que régulateur. Ils se font justice eux-même. En somme, le collectif Anonymous incarne un mythe supplémentaire dans l’imaginaire d’internet, une communauté qui incarne l’esprit de partage, de société civile idéale.
Karina Issaouni
Sources:
Telegraph.co.uk
Patrice Flichy, L’imaginaire d’Internet, 2001, éditions La Découverte.
Letemps.ch
20minutes.fr
Nouvel obs.com
Pastebin
Crédits images
ibtimes.co.uk
wegecon.de/
letemps.ch

Politique

Le Triduum pascal de Sarkozy

 
Sarkozy a-t-il envie de revenir ou le fera-t-il par devoir ? Sera-t-il le dernier recours pour redresser la France, ou finira-t-il de l’achever ? Les convictions de chacun répondront à ces questions et l’histoire jugera ces réponses. Mais quelque soit l’avenir ou le non-avenir politique de Nicolas Sarkozy, il est intéressant d’observer la manière dont le récit de son retour se met en place… Un récit quasi « christique » si on en croit la dernière Une de Charlie Hebdo. Une caricature qui fait écho à l’entrée des chrétiens dans le « Triduum pascal » dès ce jeudi. Risquons-nous à pousser l’analogie de Charlie Hebdo jusqu’au bout, et regardons d’un peu plus près le « Triduum » de Nicolas Sarkozy.
Jour 1 : le dernier repas ou le discours de la mutualité
Pour les chrétiens, le premier jour du Triduum pascal est la célébration de “l’ultime repas du Christ avec ses disciples, où il leur annonce le don qu’il va faire de sa vie, librement et par amour.”[1] Jésus, lors de son dernier repas, lave les pieds de ses disciples et nous montre par ce geste l’image d’un Dieu au service de son peuple [2]. Nous pouvons donc distinguer trois messages-clés de ce passage de la vie du Christ : le don de soi, le service des autres et l’amour.
Le discours de Nicolas Sarkozy le soir de sa défaite se construit lui aussi autour de ces trois axes majeurs. D’abord le don de soi :  « je me suis engagé totalement, pleinement. » [3] Ensuite le service : « cela fait dix ans que chaque seconde, je vis pour les responsabilités gouvernementales au plus haut niveau. » Et à ce moment, il redevient un « français parmi les français. » Enfin, l’amour. L’amour pour la France : « j’ai l’amour de notre pays inscrit au plus profond de mon cœur. » et l’amour pour les français : « vous êtes la France éternelle, je vous aime ! »
Concernant son avenir politique, il nous livre un mystérieux message : « Une autre époque s’ouvre. Dans cette nouvelle époque, je resterais l’un des votre. […] Mais ma place ne pourra plus être la même. » Alors que Jésus, en son temps, expliquait à son apôtre Pierre : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. » (Jean, 13).
Ainsi, en 10 minutes de discours, Nicolas Sarkozy a posé les bases sur lesquelles pourront s’appuyer le récit de son retour…
Jour 2 : la passion du Christ ou l’acharnement politico-mediatico-judiciaire
Le deuxième jour est celui de la passion du Christ… L’humiliation publique et la souffrance physique de Dieu fait homme, jusqu’au sacrifice ultime : la crucifixion. « Dans ce geste radical d’humilité, qui renverse la vision païenne d’un dieu dominateur, les chrétiens reçoivent la révélation d’un Dieu qui n’est qu’amour. » [4]
Nicolas Sarkozy renverse aussi son image. Avant sa défaite, et de plus en plus aujourd’hui, il se présentait comme une « victime » : « Et puis, regardez comment j’ai été traité ! » [5] Victime de l’acharnement de ses adversaires politiques qui ont surfé sur la vague du « tout sauf Sarko ». Victime de l’acharnement médiatique « sans précédent » pour un président de la République. Victime aujourd’hui d’un acharnement judiciaire à travers sa mise en examen, une « accusation infamante, insultante » [6] selon Henri Guaino. Nicolas Sarkozy déclare lui-même qu’il fait  « face à l’épreuve d’une mise en examen injuste et infondée. » [7]
L’analogie entre le récit christique et le récit sarkozien se poursuit. Jésus a été crucifié alors que son juge Ponce Pilate ne voyait lui-même aucun élément justifiant une quelconque condamnation. Il n’y a alors qu’un pas à franchir pour expliquer que la seule motivation du peuple de France à choisir François Hollande était le rejet de Nicolas Sarkozy, de la même manière que la foule a préféré libérer Barabas à la place de Jésus. Non par sympathie pour ce criminel, mais par rejet de Jésus. Nombreux sont les supporters de Nicolas Sarkozy et les analystes politiques qui ont déjà franchi ce pas [8] et qui décrivent l’accession de François Hollande comme un « accident de l’histoire ».
Jour 3 : la résurrection d’entre les morts ou la reconquête
Le dernier jour du Triduum pascal « est un jour de silence et de recueillement, un jour d’attente », juste avant la célébration de Pâques : « la résurrection de Jésus, son « passage » de la mort à la vie. » [9]
Nicolas Sarkozy entretient méthodiquement la présence médiatique de son absence et s’attache à conforter le récit christique de sa reconquête : le nouveau président accueilli comme un Roi en 2007 (l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem) ; le rejet virulent d’un homme jusqu’à l’humiliation publique (la passion du Christ) ; ses amis qui, soit le renieront (plus de trois fois), soit témoigneront de ses bienfaits jusqu’au bout (les apôtres)…
La partie la plus importante de cette histoire reste à écrire : celle de la reconquête, celle de la victoire de la vie sur la mort, l’histoire de la résurrection, de l’homme descendu au plus bas pour remonter au plus haut et promettre la vie éternelle à chacun. Une histoire qui passionne déjà les journalistes qui sont impatients d’en écrire la fin. Mais l’élément le plus central de l’histoire du Christ est surement l’élément que Nicolas Sarkozy aura le plus de mal à obtenir : la Foi. Les français, au moment venu, auront-il encore foi en lui ?

Pierre-François Jan
[1] : http://www.croire.com/Definitions/Fetes-religieuses/Semaine-sainte/Qu-est-ce-que-le-Triduum-pascal
[2] : http://viechretienne.catholique.org/meditation/10077-le-lavement-des-pieds
[3] : Discours de Nicolas Sarkozy à la Mutualité – 6 mai 2012
[4] : http://www.croire.com/Definitions/Fetes-religieuses/Semaine-sainte/Qu-est-ce-que-le-Triduum-pascal
[5] : http://www.atlantico.fr/rdvpresse/sarkozy-dans-valeurs-actuelles-qu-dit-exactement-marcela-iacub-au-tribunal-nouvel-obs-accusee-levez-revelations-mag-liaison-avec-659669.html#hCKEG3pyZWvrk6pP.99
[6] : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/03/25/01016-20130325ARTFIG00460-henri-guaino-le-juge-gentil-salit-la-france.php
[7] : Communiqué de Nicolas Sarkozy sur sa page Facebook, le 25 mars 2013
[8] : “Cette dimension de vote de «rejet» est sensible, 55 % des électeurs de François Hollande disent qu’ils sont allés voter en sa faveur pour «barrer la route à Nicolas Sarkozy»”
[9] : http://www.croire.com/Definitions/Fetes-religieuses/Semaine-sainte/Qu-est-ce-que-le-Triduum-pascal

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Politique

Demain à la Une

 
Le journal satirique Charlie Hebdo a récemment publié son dernier numéro, aussi sulfureux que les précédents. Après s’être attaqué aux religions juive et musulmane, c’est au tour du christianisme. En effet, les Unes de presse sont de plus en plus chocs et agressives et l’exemple de Charlie Hebdo n’est plus un cas isolé. On constate, dans les unes de la presse française, une recrudescence des sujets chocs et des titres accrocheurs, le tout sur un parfum de scandale : le Figaro, le Point, Marianne ou encore le Nouvel Observateur… Tous ces journaux ont un point commun : l’utilisation du scandale et une agressivité latente des titres proposés. On se souvient du désormais célèbre « Casse-toi riche con » de Libération.
Le scandale serait-il devenu le nouvel opium du peuple ?
 
En effet, ce besoin de se montrer, voire d’exister puise ses sources dans la crise que vit actuellement la presse. La baisse du nombre de lecteurs oblige la presse à redoubler d’efficacité au niveau éditorial. Choisir un sujet polémique et  faire une Une « trash » est aujourd’hui devenu banal, que cela soit dans la presse quotidienne ou dans les magazines. Certains en ont même fait leur marque de fabrique. Charlie Hebdo fait encore et toujours parler de lui grâce à ses caricatures qui font polémique. De son côté, le magazine les Inrockuptibles traite l’information de façon décalée et  rock’n’roll, en assumant ainsi ce côté sulfureux. Le scandale fait couler beaucoup d’encre, notamment du côté des journalistes « bien-pensants », des philosophes ou mêmes des associations, qui s’insurgent, attaquent et ne font qu’alimenter la polémique.
Malgré les critiques, il semblerait que la recette fonctionne puisque ces titres accrocheurs tendent à maintenir la presse à flot. En effet, selon l’OJD les Inrocks se sont vendus  à 55 000 exemplaires par mois en 2011. Quant à Libération, le quotidien enregistre une forte progression de ses ventes la même année (5,3%).  « Casse toi riche con » s’est écoulé à 56 000 exemplaires, et le numéro de Charlie Hebdo caricaturant le Prophète musulman était épuisé en kiosque quelques heures après sa parution. L’audace et le scandale font donc bien recette.
En somme, l’audace, et l’agressivité des Unes françaises ne seraient qu’un moyen comme un autre d’attirer un lectorat de plus en plus friand des sujets polémiques. Les articles sont toujours des articles de fond, qui traitent de tous les aspects du sujet en donnant la parole aux avocats et aux détracteurs, comme en témoigne l’article du Point, du 1er novembre, qui titre « Cet islam qui gêne ».
Mais au-delà de cela, on peut également se demander si cette ligne éditoriale n’est pas simplement une volonté pour la presse de rassurer ses lecteurs sur son rôle de contre-pouvoir. En effet, dans un monde où Internet et les réseaux sociaux se proposent comme les médias de la libre parole, de la transparence et de la liberté, le rôle de la presse est mis à mal. On ne pense plus le journaliste comme garant de la liberté d’expression, de l’éthique et de la vérité, mais comme des hommes et femmes embourgeoisés dans leur rôle confortable auprès des personnes de pouvoir.
Cependant, on le voit, celui qui fut auparavant appelé le Quatrième pouvoir insiste, persiste, montrant ainsi qu’il a encore et toujours sa place dans un monde où Internet voudrait la loi.
Enfin, les opposants de ces Unes sont eux-mêmes pris au piège dans leurs contradictions puisque la polémique rend les sujets attrayants.  Ces mêmes personnes s’intéressent à la polémique et lisent ces articles.
La presse est désormais devenue adepte du célèbre adage : « Qu’on en parle en bien ou en mal, le principal c’est qu’on en parle ».
Reste à ne pas tomber dans le piège des bruits de couloirs et des rumeurs qui pourrait entacher le métier de journaliste. Affaire à suivre…
 
Laetitia Aïred
 
Sources

http://www.liberation.fr/medias/2012/09/19/les-caricatures-de-charlie-hebdo-suscitent-des-reactions-embarrassees_847323
http://lci.tf1.fr/politique/liberation-assume-sa-une-choc-sur-arnault-7512682.html
http://electronlibre.info/archives/spip.php?page=article&id_article=01245
http://www.ozap.com/actu/en-2011-les-inrockuptibles-est-le-magazine-d-actualite-qui-a-le-plus-progresse/439201
http://www.ozap.com/actu/les-ventes-du-quotidien-liberation-ont-explose-en-2011/439145
 

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